Un Peuple Oublié

Ils marchaient à la queue leu leu depuis un bon moment déjà, escaladant de nombreux escaliers, en redescendant certains, lorsqu'ils arrivèrent dans une immense salle.

-Risquons nous à faire un peu de lumière

Le bâton de Gandalf s'illumina soudain, et ils purent enfin voir ce qui les entourait. La salle était gigantesque, même avec des yeux d'elfe, Naé ne pouvait discerner les parois qui la délimitait. D'énormes piliers gravés joignaient le sol au plafond, de façon incroyablement symétrique et ordonnée. Il en ressortait une force incroyable, majestueuse, qui faisait autrefois la force et la fierté des habitants de ces mines. Tous s'émerveillèrent devant la beauté de cette salle. Les nains avaient dû faire preuve d'une habilité hors du commun pour parvenir à un tel résultat. Et personne ne s'était attendu à ce que ces petits hommes, rustres comme ils étaient, ne fassent preuve d'autant de finesse et de raffinement dans leurs sculptures.

-Pour sur que c'est artistique, y'a pas d'erreur ! S'extasia Sam

Soudain, Gimli poussa un cri, et courut vers une petite pièce jointive, au milieu de laquelle se trouvait un tombeau. Tous le rejoignirent, tandis que Gandalf lut avec tristesse l'inscription qui y était gravée.

-Ici git Balin, fils de Fundin, seigneur de la Moria. Il est mort, c'est ce que je craignais

Le nain pleurait à présent la perte de son parent, et les autres gênés, en détournèrent le regard, avec peine.

-Il faut avancer, murmura Legolas. Ne pas s'attarder ici.

Découvrant un livre dans les bras d'un cadavre, le magicien le prit, et commença à en lire les derniers passages.

-Ils ont prit le pont et la deuxième salle. Nous avons barricader les portes, mais cela ne les retiendra pas très longtemps. Le sol tremble, les tambours viennent des profondeurs. Nous ne pouvons plus sortir. Une ombre s'avance dans le noir. Nous ne pouvons plus sortir. Ils arrivent...

Un bruit monstrueusement cacophonique se fit entendre, tandis que tous se tournèrent vers Pippin, quand ils virent avec horreur le squelette en armure basculer à son tour dans le puits. Sa chute sembla résonner dans les entrailles du monde, et aucun d'eux n'osa respirer, attendant avec frayeur le moindre signe d'ennemis.

Quelques secondes passèrent, le silence s'allongea. Chacun finit par reprendre son souffle, soulagé.

-Crétin de Touque ! Jetez vous dedans la prochaine fois cela nous débarrassera de votre stupidité.

Soudain, un tambour se fit entendre. Puis plusieurs, à intervalles de plus en plus rapprochés.

Ils se regardèrent, comme pour être sur que tout le monde avait bien entendu la même chose, puis passèrent à l'action. Boromir se précipita pour fermer la porte, et manqua de se faire transpercer, Legolas lui jetait des haches pour la bloquer, afin de les ralentir, mais c'était peine perdue.

-Ils ont un troll des cavernes.

-Reculez ! Dit Aragorn aux hobbits, restez près de Gandalf !

Gimli était monté sur le tombeau et la rage se lisait sur son visage.

-Qu'ils approchent, il y a encore un nain dans la Moria qui respire !

Alors que les orcs plantaient leurs armes dans le bois de la porte pour la défoncer, Naé envoya une flèche dans la tête d'un gobelin, en même temps que son geste fut imité par Legolas.

Le monstre s'effondra, perforé dans les deux yeux. Le prince lui sourit pour la première fois avec un air amusé.

Les gobelins entrèrent d'un coup, et en un éclair l'elleth remit son arc sur son dos, dégainant ses lames, attendant la collision. Le premier à sa portée fut décapité d'un trait, alors qu'elle se focalisait déjà sur le second. Essayant de garder un œil sur ce qui l'entourait, elle commença la danse meurtrière qu'elle connaissait si bien, faisant de ses lames, des extensions de son corps. Un bref coup d'œil en arrière lui confirma que ses compagnons s'en sortaient bien. Meme les hobbits avaient du sang sur leurs lames. Elle se rapprocha d'eux, en empalant un énième monstre avec son bras droit.

Le troll des cavernes entra alors dans la salle. Elle devait anticiper ses mouvements au même titre que ceux du monstre, car le moindre faux pas, et il écraserait n'importe lequel de ses compagnons. Étrangement, comme appelé par la noirceur de l'anneau, il se dirigea tout de suite vers Frodon. Naé trancha un orc en deux avant de se précipiter à sa rescousse. 

Elle bondit, et glissa entre les jambes du troll lui assénant un coup d'épées derrière les genoux. Il tomba à terre en hurlant, mais se reprit bien vite, essayant de la rattraper tandis qu'elle l'esquivait aisément. Il était bien trop lourd pour être assez rapide. Merry et Pippin lui jetèrent des pierres pour attirer son attention, sans grand résultat. Le monstre se concentra sur le porteur de l'anneau, alors que d'autres orcs arrivaient vers l'elleth. Un coup de massue et le hobbit fut isolé des autres, le faisant tomber à terre.

 Aragorn se jeta sur le troll mais fut renvoyé de l'autre coté de la pièce, où il s'écrasa contre un mur, avec fracas. Une lance embrocha alors Frodon, et tous crurent que c'était la fin. Cette vision leur donna à tous la rage nécessaire pour reprendre le dessus. Naé se débarrassa des deux gêneurs qui s'étaient jetés sur elle en leur enfilant ses lames sous le menton, de sorte à les voir ressortir par le vertex, avant qu'ils ne tombent à ses pieds. Elle s'élança sur le troll, alors que l'elfe le criblait de flèches. Elle atterrit sur son bras, d'où elle put facilement grimper sur ses épaules. Elle planta alors violemment ses épées dans son crane, les tournant sur elles même. Quand le géant s'effondra, elle sauta gracieusement à terre.

Aragorn se précipita auprès de Frodon, quand celui ci se mit à tousser avec difficulté.

-Il est vivant ! S'écria Sam

-Vous devriez être mort ! Cette lance transpercerait un sanglier !

Le hobbit déboutonna le haut de son habit, leur laissant voir une chemise étincelante, qu'il avait caché jusque là.

-Du mithril. Vous êtes très surprenant monsieur Sacquet ! S'étonna Gimli.

Soudain d'autres bruits montèrent des profondeurs, signifiant que le combat ne faisait que commencer. De nouveaux ennemis seraient bientôt là.

-Au pont de Khazad-Dûm ! Leur ordonna Gandalf

Alors que la compagnie sortait en courant, et traversait la gigantesque salle, des gobelins arrivèrent de tous cotés, du sol au plafond. Ils furent bientôt totalement encerclés par des milliers de répugnantes créatures. L'elleth sortit ses lames encore tachées de sang, s'apprêtant à se battre, quand elle sentit ce frisson familier sur sa nuque.

Quelque chose d'autre arrivait.

Les gobelins se mirent à gémir, comme s'ils avaient soudainement peur, avant de repartirent de là où ils étaient venus. L'incompréhension gagnait la troupe, quand ils entendirent alors un écho de flamme et de cris.

-Quel est ce nouveau maléfice ?

Gandalf se concentra pendant que tous restaient immobiles, un instant.

-Un balrog de Morgoth !

-Un démon de l'ancien monde ? S'écria Naé.

-Cet adversaire est plus fort que vous. Courez !

Ils se remirent à courir, aussi vite qu'il leur était possible. Lorsqu'ils sortirent de la pièce, Boromir serait tombé dans le vide si Legolas ne l'avait pas retenu. Le reste du chemin s'était effondré. Gandalf les conduisit sur le coté, ou un autre passage se dessinait.

Tous continuaient de courir, sautant, s'essoufflant, grimpant, s'empêchant de réfléchir ou de regarder derrière eux. La peur au ventre, l'adrénaline leur donnait alors une énergie dont ils se pensaient tous incapables.

Après plusieurs centaines de mètres, une partie du pont devant eux s'était effondrée. Pas assez pour les immobiliser mais suffisamment pour les retarder.

L'elfe s'élança de l'autre coté sans difficulté, Gandalf à sa suite. Boromir tint Merry et Pippin, avant qu'ils ne sautent ensemble. Un autre morceau s'effondra, creusant un peu plus le gouffre qui les séparait. Aragorn allait lancer Gimli, lorsque celui ci l'arrêta.

-Personne ne lancera un nain !

Mais lorsque ses pieds atteignirent de justesse l'autre coté, le poids de son corps le fit basculer dans le vide, et Legolas, prit de réflexe, le retint par la barbe.

-Pas la barbe !

Mais l'elfe le hissait déjà sur la passerelle. Un autre morceau craqua, et il y avait bien 8mètres de vide, qui les séparait à présent. Naé sentit la partie du pont sur laquelle elle se tenait craquer petit à petit sous ses pieds. Dans un réflexe, elle souleva Frodon par les épaules, et le jeta de l'autre coté de toutes ses forces, où il atterrit dans les bras de l'elfe. Puis, elle regarda Aragorn qui lui fit un signe entendu. Ils s'attrapèrent le bras, et s'élancèrent aussi violemment qu'ils le pouvaient, en fermant les yeux. Alors qu'elle ne sentait plus le sol sous ses pieds, elle fut rattrapée dans son élan par deux mains puissantes, entourant ses hanches. Elle eut à peine eu le temps de reconnaître Legolas, qu'il la lâcha brutalement, et se retourna pour continuer sa course. Aragorn lui adressa un mouvement de tête, signe que tout allait bien et qu'il fallait continuer.

Les gobelins finirent par les repérer, et pour ne rien arranger, ils les criblaient à présent de flèches. Mais ils visaient si mal que pas une seule ne les effleurèrent. Les deux elfes prirent leur arc, et contre attaquèrent dès qu'ils le purent. Ils continuèrent ensuite à courir, jusqu'à traverser le pont de Khazad-Dûm à la queue leu leu. Gandalf fermait la marche, et soudain, alors que chacun avait déjà atteint l'autre coté, le magicien s'arreta.

-Gandalf! hurla Frodon dès qu'il le vit.

Mais il était trop tard. Le monstre était déjà là.

-Vous ne passerez pas.

Le balrog se dressa devant lui, tandis qu'une odeur de cadavres carbonisés leur monta aux narines. Naé se concentra pour ravaler un haut le coeur.

-Je suis un serviteur du feu sacré, détenteur de la flamme d'Anor. Le feu sombre ne vous servira à rien, flamme d'Udûn. Repartez dans l'ombre !

Le haut de son bâton s'illumina, formant comme une bulle protectrice autours du magicien, alors que le monstre dressait son épée gigantesque, qui était inoffensive face aux sorts de Gandalf.

Une explosion de lumière éblouit le reste de la troupe.

-Vous ne passerez pas !

Mais le balrog n'eut que faire de ses paroles, et, un pied devant l'autre, s'engagea sur le pont, très étroit. Trop étroit ! Tous purent entendre la pierre céder, la roche se briser sous son poids. Le pont s'écroula devant le magicien, entraînant la créature dans un gouffre sans fond.

Chacun reprit sa respiration, trop heureux de voir le magicien toujours debout.

Un bruit sifflant leur parvint alors, et avant qu'ils eurent le temps de l'identifier, le fouet enflammé du titan s'enroula autours de la cheville de Gandalf, le tirant dans le néant.

Il se retint au pont comme il le put, grimaçant sous l'effort cela lui demandait. Naé se précipita alors vers lui, dans l'espoir de réussir à le retenir, mais, tandis qu'elle sentit des morceaux de roche céder sous ses pas, les paroles du vieil homme la stoppèrent.

-Fuyez pauvres fous !

Désespérée, elle le vit se laisser tomber dans le vide, et entendit Frodon hurler. Mais ils ne pouvaient se permettre de le pleurer maintenant. Pas alors que des flèches volaient partout autour d'eux. Sortant sa lame, l'elleth en brisa une qui l'aurait touchée, puis repartit vers ses compagnons, en courant. Elle souleva Sam, en l'entraînant vers l'extérieur des mines, qui était proche. Lorsqu'elle sentit enfin l'air frais envahir ses poumons, elle sentit son corps la lâcher.

Son ouïe la lâcha progressivement, tandis que la seule chose qu'elle entendait étaient les battements trop rapides de son cœur.

Sa vue se brouilla, comme si un épais nuage de brouillard s'immisçait peu à peu, jusqu'à ce qu'elle en perde l'équilibre.

Elle tomba sur le sol, assise, et plongea ses doigts dans la terre, comme pour se prouver qu'elle était bien réelle.

Elle essaya de se concentrer sur son souffle. Inspirant, longuement, puis expirant.

Le moindre geste était impossible.

Alors, doucement, fermant les yeux, elle se remémora les paroles d'un chant qu'elle connaissait bien.

« Ú i vethed nâ i onnad

Si boe ú-dhanna.

Ae ú-esteli , esteliach nad.

Ú i vethed nâ i onnad.

Nâ boe ú i,

Estelio han, estelio han, estelio,

Estelio han, estelio meleth

Esteliach nad, estelio han »

Doucement, très doucement, sa crise de panique se calma. Elle retrouva l'ouïe, puis la vue, et tenta même de se relever. Avec beaucoup d'effort. Trop d'efforts. Mais elle n'avait pas d'autre choix.

Gandalf avait toujours fait parti de sa vie. Encore quelqu'un qui lui était arraché sans qu'elle ne puisse rien faire. Aucune de ses capacités n'avait pu changer quoi que ce soit. Encore une fois. Etait-ce seulement possible ? Une vague de désespoir menaçait de l'engloutir, puis, la voix d'Aragorn la sortie de sa torpeur.

-Legolas, Naé, relevez les !

-Accordez leur un moment par pitié ! Dit Boromir, se laissant dépasser par ses emotions.

-Dès la tombée de la nuit les collines grouillent d'orcs ! Il nous faut atteindre les bois de la Lothlorien. Allons, Boromir, Legolas, Naé, Gimli, relevons les !

Décidément, Aragorn la surprenait une nouvelle fois, qualité rare, chez un Homme. Obéissant, elle s'approcha de Sam, qui, la tête dans les mains, semblait pleurer en silence.

-Venez avec moi, Sam Gamegi, nous prendrons le temps de pleurer notre ami, quand cela ne menacera pas nos vies.

Il releva les yeux, et elle y vit alors une détermination incroyable, il attrapa sa main, et se remit debout. Bientôt, ils courraient tous vers la forêt.