Un Peuple Oublié
Deux jours étaient passés, et la compagnie se rapprochait des mines. L'ambiance au sein du groupe était redevenue agréable, en même temps que l'atmosphère autour d'eux.
Ce chemin semblait beaucoup plus facile à Naé que l'intention de Gandalf de passer par le col, mais elle n'était pas là pour contester les décisions, ou même donner son avis. A dix, si chacun mettait son grain de sel, jamais ils ne parviendraient à se mettre d'accord.
Elle s'était complètement remise de sa malheureuse aventure, tandis que son corps retrouvait peu à peu, son équilibre.
Ils marchaient à la queue leu leu afin d'accéder à l'entrée des mines, et Gimli, qui marchait entre les deux elfes, était partit dans un monologue interminable vantant les mérites de son cousin Balin, Seigneur de la Moria. L'elleth, bien que pleine de bonnes intentions au début, avait finit par arrêter de l'écouter.
-Frodon, venez soutenir un vieil homme.
Celui ci se précipita au bras de Gandalf. Refusant d'écouter leur conversation, bien que son ouïe le lui permettait, Naé se concentra sur le nain, et en levant les yeux au ciel, sur son discours qui semblait ne jamais avoir de fin. Soudain, celui ci s'arrêta,
-Les murs de la Moria. Dit-il, comme fasciné.
-Les portes des nains sont invisibles lorsqu'elles sont closes. Et leurs propres maîtres ne peuvent les trouver ni les ouvrir quand le secret en est oublié.
-Pourquoi cela ne me surprend-il pas ?
Naé sourit en entendant la taquinerie de Legolas, pour une fois qu'elle ne lui était pas destinée. Un rayon de lune s'échappa alors des nuages, dévoilant la porte. Illuminée, elle était magnifique et majestueuse, réfléchissant la lumière par les traits fins qui la révélait.
Les hobbits restèrent un instant bouche bée.
-Voyons, reprit Gandalf, de l'Ithildin. Cela ne reflète que la lumière des étoiles et la lumière de la lune. Il est écrit « Les portes de Durin, Seigneur de la Moria, parlez ami et entrez. »
-Vous comprenez ce que cela veut dire ? Demanda Pipin
-C'est très simple. Si vous êtes un ami, vous donnez le mot de passe et les portes s'ouvriront.
Il essaya ensuite plusieurs formules, dans plusieurs langues différentes.
-Rien ne se passe...
-Autrefois, je connaissais les incantations dans toutes les langues des elfes, des hommes et des orcs.
-Alors qu'allez vous faire ?
-Cogner sur les portes avec votre tête Peregrin Touque et si cela ne les fracasse pas et qu'on me libère un peu de toutes vos questions idiotes, j'essayerai de trouver la formule d'ouverture.
Naé était debout, adossée au mur de la falaise, perdue dans ses pensée. Elle ne put s'empêcher de trouver le silence qui régnait ici des plus étranges. Ni chant d'oiseau, ni grillons, ni même la moindre vague à la surface de l'étang qui demeurait, figé, face à eux. Pippin, vexé par les paroles un peu rudes de Gandalf, lança une pierre en un essai de ricochet raté, puis une deuxième. Un frisson la parcourut, mais avant qu'elle n'eut le temps d'ouvrir la bouche, Aragorn s'était glissé près de Pipin, lui retenant le bras.
-Arrêtez avec ces pierres.
Son regard parcourut l'étang, tandis qu'il était à l’affût de la moindre chose qui lui semblerait suspecte. Lui aussi était plein de bon sens, et tout en lui criait à la méfiance.
-Oh ! Je n'y arrive pas, cela ne sert à rien...
Le magicien commençait à désespérer, lorsque Frodon s'approcha à son tour de la porte close.
-C'est une énigme « Parlez ami, et entrez. Quel est le mot elfique pour ami ?
-Mellon.
Dans un fracas, les portes se détachèrent du mur, puis commencèrent à s'ouvrir. Ce jeune hobbit était décidément bien étonnant. Bien qu'il demeurait la plupart du temps à l'écart, il était doté d'une grande intelligence, et de beaucoup de perspicacité.
La compagnie s'engouffra alors, un à un, de l'autre coté des portes.
L'obscurité était totale dans la mine, et leurs yeux mirent quelques secondes à s'habituer.
-Bientôt maître elfe, vous allez pouvoir apprécier l'hospitalité légendaire des nains. Un bon feu, une bière brassée, une belle pièce de viande, car ceci mon ami est la demeure de mon cousin Balin. Et ils appellent ça une mine ? Une mine ?
Les secondes passaient et ce furent les elfes qui purent apercevoir en premier les contours du couloir, puis, des masses sombres sur le sol. L'elleth ne comprit que trop tard, que celles ci n'étaient autre que des cadavres nains en pleine décomposition.
-Ce n'est pas une mine, c'est un tombeau.
Les mots de Boromir les firent tous reculer précipitamment, alors que Gimli, sous le choc, poussait des cris de colère et de tristesse. Legolas s'approcha d'un cadavre, y retirant une flèche, en examina la pointe, et en reconnut aussitôt la signature.
-Des gobelins !
Chacun en était venu à la même conclusion, mais le prince sortit son arc, comme par réflexe.
-Allons vers la trouée du Rohan, nous n'aurions pas dû venir ici. Allons, partons vite d'ici ! Aller ! Sortons !
L'inquiétude était palpable, tandis que tous reculèrent.
Du coin de l'œil, Naé vit d'un coup Frodon tomber à terre. Les autres hobbits se jetèrent sur lui, essayant de le retenir. L'elleth tourna la tête, et vit qu'une monstrueuse tentacule s'était accrochée à sa cheville, essayant de le tirer vers l'étang. Sam cria de détresse, appelant Grand Pas, tandis que l'elleth se jeta sur l'appendice, le tranchant d'un coup net avec ses lames aiguisées. Le monstre ramena son bras tranché jusque dans l'eau, laissant penser qu'il abandonnait, lorsqu'une dizaine d'autres sortirent brutalement de l'eau, se jetant sur eux. Elle découpa celles qui venaient vers elle, et vit Frodon se faire soulever de terre, entrainé par ce bras gigantesque, jusqu'au dessus de la bouche du monstre. Elle sortit son arc, en même temps que l'elfe, et décocha une flèche en plein dans l'oeil de la créature.
Prit de douleur, celui ci lacha le hobbit, qui tomba dans les bras d'Aragorn. La bête poussa un cri de rage, et se jeta sur eux, sortant complètement son corps de l'eau. Les hommes furent néanmoins plus rapides, et ils avaient eu le temps de tous se réfugier dans la mine, couverts par les flèches des elfes qui leur avaient donné un peu plus de temps que prévu. Le monstre se jeta sur les portes, tandis que sous son poids, les murs s'effondrèrent. Aucun retour n'était possible, Ils étaient donc condamnés à avancer dans les profondeurs de la mine.
-Nous n'avons plus le choix désormais, il nous faut affronter les ténèbres de la Moria. Soyez sur vos gardes. Il y a des êtres plus anciens et plus répugnants que les orcs dans les profondeurs du monde. Ne faites pas de bruit, il nous faudra quatre jours de marche pour atteindre l'autre coté. Esperons que notre présence passera inaperçue.
Naé sentit alors le souffle chaud de Legolas sur sa nuque.
-Essayez de ne pas vous écrouler de nouveau, ou ce pauvre Boromir méritera plus qu'un câlin la prochaine fois.
Elle était la seule à l'avoir entendu, et alors qu'elle s'apprêtait à lui refiler une bonne droite, il stoppa le poing dans son élan, juste avant que celui ci n'atteigne son visage. Il sourit de fierté, puis reprit sa marche, comme si de rien était.
Elle fulminait, s'apprêtant à se jeter sur lui, quand elle prit conscience que lui arracher les bijoux de famille ne les aiderait pas à passer inaperçu.
Tout le long de leur silencieux trajet, elle réfléchit à un moyen de se défouler contre sa sale tronche d'abruti.
Ils marchaient sans bruit depuis de longues heures, contournant les cadavres qui jonchaient certains endroits du sol. Gimli grommelait dans sa barbe en murmurant des paroles incompréhensibles dans sa langue natale, sans doute pour exprimer son désarroi et sa tristesse. L'elleth ressentait sa peine, il venait de perdre la moitié de son peuple, sauvagement décimé. Elle n'en laissa néanmoins rien paraître, adoptant cette facette inexpressive, dont seul les elfes avaient le secret. La puanteur des cadavres leur piquait les narines, mais personne n'y pouvait rien, il fallait avancer.
Il était impossible d'avoir la notion du temps dans un endroit comme celui ci, ainsi ils s’arrêtaient de temps en temps, pour permettre à la compagnie de se reposer. Au détour d'un passage, qui leur offrait plusieurs possibilités Naé entendit Gandalf marmonner « je ne me souviens pas de cet endroit ».
Alors que chacun faisait donc une pause pour donner au magicien le temps de réfléchir, elle s'approcha de l'être prétentieux et insupportable qui lui servait de compagnon.
-Quelque chose nous suit.
Il releva un sourcil, dédaigneux.
-J'en ai déjà fais part à Gandalf il y a plusieurs heures, souffla-t-il, comme lasse. Il s'agirait de Golum. Je sais que sa réputation nous appel à la méfiance, mais il semblerait qu'il soit inoffensif.
-Un peu comme vous, quoi.. bougonna-t-elle en s'éloignant. Elle sentit sa contrariété mais il ne la retint pas.
Elle se rapprocha de Gandalf, surprenant sa conversation avec Frodon. Elle comprit que celui ci avait également remarqué Golum.
-C'est l'anneau qui l'a mené jusqu'ici. Il ne se débarrassera jamais de sa dépendance de l'anneau. Il l'aime et il le hait, autant qu'il s'aime et qu'il se hait. La vie de Sméagol est une triste histoire. Oui, Sméagol, c'est ainsi qu'on l'appelait avant que l'anneau ne le trouve, et ne le conduise à la folie.
-Quelle pitié que Bilbon ne l'ait pas tué quand il en a eu l'occasion !
-De la pitié ? Mais c'est la pitié qui a retenu la main de votre oncle. Nombreux sont les vivants qui mériteraient la mort, et les morts qui mériteraient la vie. Pouvez vous leur rendre, Frodon ? Alors ne soyez pas trop prompt à discerner mort et jugement. Même les grands sages ne peuvent connaître toutes les fins. Mon coeur me dit que Golum a encore un rôle à jouer en bien ou en mal, avant que cette histoire ne se termine. De la pitié de Bilbon peut dependre le sort de beaucoup.
-Je voudrais que l'anneau ne soit jamais venu à moi. Que rien de tout ceci ne se soit passé.
-Comme tout ceux qui vivent des heures si sombres, mais ce n'est pas à eux de décider. Tout ce que nous devons décider c'est que faire du temps qui nous est imparti. Il y a d'autres forces à l'oeuvre dans ce monde à part la volonté du mal. Bilbon a été désigné porteur de l'anneau et dans ce cas, vous aussi avez été désigné pour le detenir. Et ca, c'est plutot encourageant... Oh, c'est par ici !
-Ca lui revient ! S'écria Mery avec soulagement.
-Pas du tout, mais l'air est moins nauséabond en bas. Dans le doute, Meriadoc, il faut toujours suivre son flair.