L'elfe Noire et la Communauté de l'Anneau
Le temps semblait s’être figé devant la scène surréaliste qui se jouait à cet instant même dans le bureau du seigneur Elrond. Ce dernier était debout près de son bureau, Mithrandir à ses côtés. Aucun des deux ne laissaient filtrer une quelconque émotion, bien qu’un œil aiguisé comme celui d’un elfe aurait pu aisément deviner la lueur de crainte qui brillait dans les yeux du vieil homme. En face d’eux se trouvaient l’elfe blond et la quatrième personne. Cette dernière restait de marbre face au regard flamboyant de l’elfe et à la lame aiguisée de l’épée pointée sur sa gorge. Elle soutenait sans broncher la rage qu’elle voyait dans les yeux bleus de son assaillant. Finalement, au bout de quelques minutes, ce dernier prit la parole
« -Faut-il que vous soyez fou, Mithrandir, pour avoir osé laisser une elfe Noire rentrer dans la vallée d’Imladris !
-Reposez votre lame, seigneur Glorfindel. Nous ne craignons rien.
-Mithrandir a raison, mon ami. Laissez donc notre invitée s’asseoir. Il me semble qu’elle a une histoire à nous raconter. »
A contrecœur, Glorfindel laissa retomber son arme. Il retourna auprès de son seigneur, ne lâchant pas l’autre elfe du regard.
« -Et que fait une elfe noire si loin des frontières de son peuple ?
-Mon peuple n’a pas de frontière seigneur Glorfindel. »
L’usage parfait de l’elfique par l’inconnue sembla étonner les deux elfes de Fondcombe, alors que le second avait sciemment utilisé la langue commune. Insensible à cet étonnement, l’elfe noire s’assit sur la chaise que lui présentait galamment Mithrandir. Elle décroisa les pans de sa cape, avant de la dégrafer et de la poser sur ses genoux, dévoilant au passage une tenue elfique particulièrement ouvragée. La tunique, parfaitement ajustée au buste du personnage, était d’un bleu si sombre qu’il aurait presque pu passer pour noir. Un pantalon crème et de grandes bottes venaient compléter cette tenue. Glorfindel remarqua alors qu’elle ne semblait pas porter d’arme, ce qui l’étonna encore plus. Les elfes Noirs étaient réputés pour être des guerriers qui ne se séparaient jamais de leurs armes.
« -Mes armes sont sur mon cheval, seigneur Glorfindel. Mithrandir a jugé préférable que je me présente à vous désarmée. Il pensait que cela plaiderait en ma faveur.
-Mithrandir a bien jugé mon enfant. Il me semble que vous avez une requête à nous expliquer. J’avoue ne pas comprendre pourquoi une Noldor souhaite se joindre à la future possible communauté de l’anneau.
-Vous devez être un des rares à appeler mon peuple par son vrai nom, seigneur Elrond. Je vous en remercie. Je comprends parfaitement votre étonnement ainsi que la suspicion du seigneur Glorfindel. Je vais tenter de vous expliquer aux mieux mes motivations. Je suppose qu’il est inutile de vous rappeler à quel peuple j’appartiens. Toutefois, j’estime ne pas pouvoir être tenue pour responsable des crimes qu’on commit mes ancêtres. Et jusqu’à présent, j’avais plus ou moins respecté les conditions imposées à mon peuple. Seulement, la Terre du Milieu est aujourd’hui à nouveau en danger et les Noldors en sont aussi en partie responsables. En tant que princesse d’Organda, il est de mon devoir de tenter de sauver mon peuple.
-En partie responsables ? En quoi les elfes Noirs sont-ils à nouveau mêlés au carnage qui se prépare ?
-Les Orcs, seigneur Glorfindel. Les Orcs sont des croisements issus de mon peuple et d’autres races. Malheureusement, ils ont un minimum de sang elfique dans leurs veines. Le profond ressentiment de certains Noldors envers les autres peuples les a poussés à refaire les erreurs qu’ils avaient déjà commises dans le passé. Aujourd’hui, mon peuple est en train de disparaître, purement et simplement.
-Disparaître ? Je ne pensais pas la situation si critique.
-Elle l’est Mithrandir. Les elfes sombrent dans la folie et le mal, l’appel de la mer se faisant de plus en plus fort pour certains, sans avoir la possibilité de partir pour Valinor. Certains choisissent alors la mort, d’autres se tournent vers le désir de vengeance et donc le mal. Aujourd’hui il ne reste plus beaucoup de Noldors neutres ou prêts à se ranger aux côtés des autres elfes et des Hommes.
-Mais vous l’êtes….
-Oui seigneur Elrond. Je le suis. J’ai quitté mon peuple il y a plusieurs décennies. Depuis j’arpente la Terre du Milieu, le plus souvent seule, parfois avec des Rôdeurs. Cela me permettait d’envoyer des nouvelles à mon frère, le prince des Noldors. C’est lui qui m’a prévenu que Mithrandir était à ma recherche. Mithrandir m’a expliqué votre désir de créer un groupe pour détruire l’anneau et je me suis proposée. J’ai autant de raisons que vous, voire plus, de vouloir que cet anneau disparaisse de la Terre du Milieu. Il est à l’origine de la destruction de mon peuple. J’estime que cela suffit pour me porter volontaire. »
Un long silence suivit cette conversation. Mithrandir paraissait satisfait, Glorfindel semblait moins enclin à la rage et Elrond réfléchissait. Au bout de quelques minutes, durant lesquelles la tension était montée d’un cran, le seigneur des lieux prit la parole :
« -Je vous crois, dame Eliana. Votre motivation est juste et noble. Vous pouvez séjourner à Fondcombe le temps qu’il faudra à la communauté de l’anneau pour se former. Toutefois, j’aimerais que vous gardiez votre cape et votre capuche lorsque vous vous trouvez en public. Tous les elfes n’attendront pas l’accord de leur seigneur, comme le seigneur Glorfindel, si quelque chose leur déplaît.
-Cela ne me dérange pas. Je sais quelles réactions peuvent susciter mon visage et ma peau. S’il faut les garder cachés pour maintenir la paix dans votre royaume, alors je le ferai. Et je vous remercie pour votre hospitalité.
-Après tout, dame Eliana, vous avez raison. Vous ne pouvez pas être jugée uniquement à travers les actions de vos ancêtres. »