Une soirée extraordinaire

Quelques heures plus tard, après un voyage difficile...

 "Bougre d'oiseau! Tu m'as fait mal! s'époumona Muta lorsqu'il mit pied à terre.

-Ce n'est pas ma faute, tu es plus lourd qu'une armée de souris! répondit Toto avec sa répartie habituelle.

-Et toi, tu es... s'énerva-t-il encore, vexé.

-Arrêtez, je vous prie..."

Baron les stoppa dans leur "conversation", si l'on pouvait appeler ça ainsi.

"Nous sommes conviés à un bal, les amis! Un peu de tenue!

-C'est pas toi qui dois te supporter cet oiseau de malheur... grogna Muta en serrant les poings.

-Je t'ai déjà dit de ne plus m'appeler ainsi! cracha Toto.

-Les garçons... intervint Haru, mais ils ne firent pas attention à elle.

-Te mêle pas de ça, fillette, maugréa Muta.

-Mais...

-Je te l'ai déjà dit!

-Muta, voyons... murmura Baron en les séparant à nouveau. Haru voulait juste vous signifier que Natoru venait nous chercher.

-Bonsoir! cria Natoru. Le roi Loon et la reine Blanche vous attendent!

-Bonsoir, Natoru, répondit poliment Haru."

D'un vague mouvement de la main, elle désigna Toto, qui se chamaillait toujours avec Muta.

"Je vous présente Toto.

- Ne vous inquiétez pas, je ne fais que passer, précisa l'oiseau.

- Et ça se sent toujours obligé de s'excuser! pouffa Muta. Si j'étais toi, je profiterais à fond de cette soirée! Et j'ai comme l'impression que les rations de pâtisseries seront doubles...

- Et vous ne vous trompez pas, Monsieur ! sourit Natoru. Notre reine a même réussi à récupérer la recette de ses biscuits au poisson fétiches, ceux que le roi Loon lui avait ramenés de voyage ! Ils sont délicieux!

- Ils étaient aussi les gâteaux préférés d'Haru, lorsqu'elle était enfant... se souvint Baron. En tout cas, je suis heureux d'apprendre que nos jeunes mariés se portent bien. J'espère seulement que Blanche n'est pas trop bouleversée par tous ces changements.

- Nous ferions mieux d'y aller, je crois que nous nous faisons attendre... murmura Haru en prenant la main gantée de son ami."

Ce geste lui avait paru si naturel, maintenant qu'elle était devenue un chat! De surcroît, Baron n'avait pas eu l'air de s'y opposer, serrant davantage sa petite patte crème dans la sienne alors qu'Haru et lui dévalaient la pente ensablée tels deux adolescents. Son esprit était d'ailleurs en pleine ébullition: il savait qu'Haru avait été amoureuse de lui lors de leur aventure au royaume, mais l'était-elle encore aujourd'hui? "Ce mouvement," pensa-t-il, "était beaucoup trop frénétique pour être naturel. Est-ce l'empressement, l'excitation de retrouver ses amis qui l'a poussée à m'entraîner ainsi, ou m'aime-t-elle toujours?" Il n'eut cependant pas le temps de répondre à cette question, car Muta hurla derrière lui:

"Alors, Baron? Tu sens ta jeunesse fleurir à nouveau? Ne cours pas si vite, tu vas te faire mal, vieille branche!"

L'intéressé s'arrêta et lâcha la patte d'Haru, qui s'écroula de fatigue dans l'herbe à chat. Elle observa longuement le palais, détaillant les moindres fenêtres, tout en suivant la conversation que menaient Baron et Muta:

"Tu as une touche, mon vieux! rit le gros chat en lui tapotant l'épaule.

- Je n'ai pas de touche, Muta, répondit-il, exaspéré.

- Elle rosit de plaisir à chaque fois que tes yeux se posent sur elle.

- Muta, arrête!"

Puis, marquant une pause, il cria:

"Haru? Haru, où es-tu?

- Je suis là!"

A une dizaine de mètres, Haru se roulait joyeusement dans l'herbe, ayant décidé d'esquiver cette discussion qu'elle trouvait gênante. Elle, amoureuse de Baron? Elle, qui, apparemment, rosissait de plaisir lorsqu'il la regardait? Muta avait peut-être raison en disant cela, finalement...

"Nous partons, Haru!

- J'arrive!"

Elle oublia toute cette histoire lorsqu'elle passa les portes de la salle de bal. Voir Blanche, drapée avec goût à la table du banquet et serrée contre son mari, remplit son coeur d'une émotion qu'elle ne put longtemps contenir.

"Blanche! Roi Loon!"