Parmi mon peuple

Chapitre 14 : Le château perdu de l'Anduin

9627 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 05/02/2017 12:23

La nuit passée sur le Carrock à l’abri du danger avait permis à la troupe de se reposer après tant de péripéties. Ils avaient en outre dormi plus que de raison et le réveil fut difficile pour Amerys qui remarqua qu’elle avait lamentablement bavé sur sa manche. D’ailleurs quand elle s’essuya discrètement elle vit que Kili se moquait d’elle en l’imitant.

           Après avoir grignoté, la compagnie prit conscience que la descente du Carrock allait être redoutablement dangereuse, c’est de cette façon que la demi-naine contempla le contre bas verdoyant et vertigineux avant de prendre du recul. C’était haut. C’était très haut. Bien plus haut qu’elle ne l’aurait pensé à première vue…

           L’escalier étroit et creusé à même le roc tournait en colimaçon autour du gracieux pic à travers des marches disproportionnées et parfois trop hautes. Une vraie partie de plaisir. Si bien qu’Amerys était effrayée par la hauteur et les dangers du chemin. S’agrippant fortement aux parois elle tenta de se tenir le plus loin possible du vide. Les nains étaient au contraire forts admiratifs de ce titan rocheux et vénéraient presque sa stature immense. Gandalf et Thorïn, comme à leur habitude, ouvraient le chemin, suivis de près par Dwalin, Kili, Fili, elle-même puis Bilbon et le reste de la troupe. Le hobbit était autant, si ce n’est plus, effrayé qu’elle par le vide immense qui s’étendait sous leurs pieds, mais de par sa petite taille et sa carrure plus frêle il pouvait se tenir assez loin du précipice. La naine se retourna et lui offrit un sourire d’encouragement que ce dernier accueillit avec bienveillance. Soudain une brise légère se leva et elle frissonna. Machinalement elle tendit le bras en arrière pour attraper sa cape et la ramener contre elle, cependant elle avait oublié que son vêtement était tombé dans le ravin des Monts Brumeux et sa main battit en conséquence maladroitement dans le vide… Elle pesta en son fort intérieur car le froid viendrait très vite et sans son habit bien chaud elle risquerait de geler.

─ Vous avez perdu votre cape dans les montagnes ? questionna Bilbon.

─ En effet, elle va me manquer d’ailleurs, surtout la nuit car elle me tenait bien chaud. Mais si je ne l’avais pas perdue intentionnellement je serais morte à l’heure qu’il est.

─ Je comprends mais peut-être aurez-vous l’occasion d’en trouver une bientôt.

─ Sans vous offusquer Bilbon, intervint Fili qui avait écouté d’une oreille attentive, Amerys n’aura aucune occasion de retrouver un tel vêtement car notre route ne nous le permettra probablement pas.

           Le jeune nain tourna alors la tête, faisant virevolter ses deux petites tresses blondes qui ornaient son visage tandis que ses doux yeux scrutèrent d’abord la demi-naine avant de se poser sur le hobbit et de reprendre :

─ Le chemin que nous allons emprunter à travers le Rhovanion ne dessert aucun village ou cité ni quoi que ce soit abritant humains ou nains, rien avant Esgaroth. Hormis la demeure sylvestre du roi elfe Trandhuil au cœur de Vert Bois, que nous préfèrerons éviter si cela est possible. Amerys n’aura donc aucune occasion de trouver une nouvelle cape.

           La jeune naine qui pensait croiser de la vie humaine sur le chemin fut fort dépitée, de même que Bilbon pour qui une escale dans une auberge et un bon lit pour s’octroyer un peu de repos aurait été bienvenue. Ils échangèrent alors tous deux un regard déçu.

           Amerys haussa les épaules et continua à mettre un pied devant l’autre, résignée. Plus loin une marche éminemment trop haute pour la descendre correctement leur fit obstacle, surtout pour leur petite taille à tous, excepté Gandalf qui n’eut pas trop de difficultés à la surpasser. Ainsi tous la descendirent avec prudence pour ne pas glisser ou tomber et risquer de dire bonjour à la terre ferme plusieurs mètres plus bas. Quand vint le tour d’Amerys, Fili encercla sa taille de ses mains et l’aida à sauter en amortissant le petit bond grâce à sa force de guerrier. Comme toujours à son contact elle rougit plus que de raison et comme toujours quand il la regardait le monde autour disparaissait.

           Une fois la marche surmontée Fili n’hésita pas une seconde à aider Bilbon de la même façon tandis que les autres nains de la file réussirent à se débrouiller, à l’exception de Bombur qui dû recevoir un bon coup de main de la part de Dori et de son frère Bofur. Au bout d’une heure ils réussirent l’exploit d’arriver au pied du Carrock, tous indemnes. Amerys qui avait vu la terre ferme se rapprocher de minutes en minutes jubila à la dernière marche enjambée.

─ Ne trainons pas trop, insista Gandalf alors que la troupe ralentissait l’allure. Les orques ne tarderont pas à se remettre à notre poursuite. Il nous faut atteindre l’autre rive de l’Anduin.

─ Vous avez raison, approuva le chef de la compagnie. Dépêchons-nous, nous avons encore du chemin.

 

           Ils marchèrent ainsi à travers les bois et les plaines toute la journée, guidés par leur chef et le magicien. Fili avait en revanche eu raison sur un point, ils n’avaient croisé aucune âme qui vive. Pas une seule habitation dans ces terres sauvages dépeuplées mais non moins splendides tant les plateaux herbeux s’étendaient à perte de vue avant de rejoindre des sous-bois verts denses. Seulement leur troupe et la nature environnante… probablement bientôt une sympathique bande d’orques qui tenterait encore de les tuer, comme toujours. La récente confrontation avec l’Orque Pâle avait mis la compagnie plus sur ses gardes qu’à l’accoutumée et Amerys avait remarqué que Thorïn regardait tout d’un œil furtif, toujours aux aguets. Cet ennemi était redoutable et reviendrait très vite réclamer son dû. Le chemin n’était donc plus sûr et ne le serait pas tant que ces orques ne seraient pas tous morts. Ce qui était inquiétant au vu de la force qu’ils avaient démontrée la veille. Ils étaient cruels, sans pitié, hargneux et féroces, l’orque pâle à la stature impressionnante l’avait d’ailleurs bien démontré en dégageant une puissance incroyable. Elle espérait simplement que personne ne serait blessé à l’avenir et que tous seraient épargnés même si elle savait bien au fond d'elle que les dangers futures pourrait emporter un ou plusieurs êtres chers.

 

           Le soir venu ils campèrent dans les sous-bois, à l’abri près de grands arbres et fourrés qui leur apportaient un peu de protection et de confort. Le feu crépitant les réchauffa après cette longue journée et Amerys décida de s’octroyer un moment avec Balïn pour l’apprentissage du khuzdul. Si de premier abord Thorïn trouva cela fort suspect, il comprit bien vite que la jeune demi-naine était sincère dans sa démarche et l’encouragea alors, passant même un moment avec elle à lui expliquer certains petits détails. La jeune apprentie fut touchée que ce grand nain lui accorde de son temps et elle profita de cet instant en se remémorant soudainement leur première et étrange confrontation il y a de cela plusieurs semaines déjà.

─ Que vous arrive-t-il ? questionna-t-il alors surpris. Vous semblez troublée.

           La demi-naine étira un sourire rêveur intensifié par l’ombre de la flamme dansante sur son visage.

─ Je repensais simplement à ce jour où nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Nous étions loin de devenir de bons amis… Et aujourd’hui j’ai votre sincère attention et un respect que je n’aurais jamais imaginé avoir. Je trouve cela cocasse.

           D’abord de marbre, le guerrier lui rendit bien vite un sourire amusé et sembla ressasser à son tour un souvenir passé mais cependant bien plus lointain que leur récente rencontre.

─ Figurez-vous que ma première rencontre avec votre tante Lerï fut fort désastreuse également, cela doit être de famille.

           La jeune femme soudainement intéressée insista d’un regard pour que Thorïn lui raconte cette rencontre soi-disant désastreuse, tant que ce dernier ne put résister à l’envie de parler une nouvelle fois de sa bien-aimée.

─ J’étais bien jeune à l’époque et de temps en temps j’aimais travailler à la forge, j’y retrouvais votre père avec qui j’avais une bonne entente, je peux même dire en toute honnêteté que nous étions amis. Nous pouvions parler aussi bien sérieusement que se lancer de bonnes boutades. Il fournissait toujours un travail de qualité, avait le souci du détail, que j’ai bien évidemment retrouvé dans votre épée et votre collier. Puis il me parlait souvent de sa jeune sœur mais je ne l’avais encore jamais rencontrée. Peut-être l’avais-je déjà croisée dans les salles d’Erebor mais je n’avais jamais fait le lien auparavant. Puis un jour de dur labeur une jeune et belle naine apparut dans les forges chuintantes entre les coups de marteaux sur l'enclume et les vapeurs d'eau et de métaux bouillis. Ses longs cheveux cuivrés tressés et ornés de perles d’or virevoltaient de droite à gauche tandis que les cliquetis de ses bijoux se mêlaient aux coups de marteaux et de burins dans une harmonie scintillante. Elle avançait d’un pas déterminé en tenant son élégante robe d’un bleu de geai et affichait un sourire malin illuminé par des yeux ni vert ni marron brillant de joie. Elle se glissa alors tout près nous, se mettant entre votre père et moi, puis voulant surprendre son grand frère lui cria un joyeux anniversaire à plein poumon dans une jovialité inégalée. Daraïn étonné en fit tomber son burin qu’inopinément je rattrapais avant qu’il n’écrase le pied de sa sœur. Mais alors que je m’étais baissé pour rattraper le lourd outil j’avais malencontreusement appuyé sur la lame qui chauffait dans le feu, soulevant alors une braise qui vint s’écraser sur la joue de Lerï. Au contact de ce charbon ardent et brûlant elle s’écria et s’écarta brusquement sous la douleur, repoussant le charbon qui avait brûlé sa joue rosée. A ce moment je me suis senti coupable car si je n’avais pas maladroitement soulevé l’arme la braise n’aurait pas volé et elle n’aurait pas été blessée.

           Il fit une pause dans son récit, prenant le soin de scruter la demi-naine comme pour y dénicher quelque chose sur son visage, puis reprit la parole :

─ Elle m’a alors lancé un regard noir, si noir et si loin des yeux brillants qu’elle avait arborés quelques secondes avant l’accident. Je me suis subséquemment approché en m’excusant, j’ai tendu la main pour tenter de contempler sa brûlure mais elle l’avait repoussée violemment d’un geste tandis que son autre main avait caché le mal qui venait d’être fait. Je laissais alors Daraïn s’occuper de sa jeune sœur alors que je restais en retrait, bien évidemment gêné par la situation. Jusqu’à ce que je vois furtivement sa brûlure. Une tâche rouge ornait par ma faute sa joue gauche et je sus instantanément qu’elle laisserait une trace qui ne s’estomperait jamais. Je m’en suis voulu et j’eus un pincement au cœur en la voyant pleurer et dire à son frère qu’elle était défigurée. Défigurée à cause de moi. Le mot était bien fort car même avec une brûlure elle restait si belle. Daraïn lui intima malgré tout de garder un respect envers le prince d’Erebor mais elle s’en fichait et n’éprouvait que du dédain pour moi et ce que je lui avais fait, prince ou pas. Les jours qui suivirent j’ai tenté de prendre contact avec elle pour lui apporter derechef mes excuses, cependant elle m’évitait encore et toujours et ne voulait nullement me voir. J’ai patiemment insisté jusqu’au moment où me présentant un jour devant le pas de sa porte elle m’ouvrit timidement, prenant le soin de cacher la brûlure avec sa longue chevelure de feu. Elle accepta mes excuses et à mon plus grand étonnement s’excusa à son tour. Elle avait compris que si je n’avais pas rattrapé le burin de Daraïn elle aurait pu perdre l’usage de son pied, ce qui aurait été plus grave que la blessure sur sa joue. Finalement cette conversation s’avéra fort agréable. Nous avons, avec le temps, appris à nous connaître et de fil en aiguille nous nous appréciâmes plus que de raison…

 

           Amerys avait attentivement écouté le récit de Thorïn et imaginant la scène ne put s’empêcher de laisser échapper un petit rire. Cette première rencontre avait effectivement été peu anodine ; elle n'aurait pu imaginer un guerrier quelque peu maladroit dans sa jeunesse. Voilà donc comment l’amour entre sa tante et l’héritier du trône de la Montagne Solitaire était né. Dans la braise incandescente des forges d’Erebor. Elle trouva cette histoire fort plaisante et remercia le nain d’avoir partagé un souvenir qui concernait sa parente. Ce dernier avait d’ailleurs pris soin de parler tout bas pour ne pas que les autres membres de la compagnie n’aient à l’entendre.

           Soudain, Bofur quelque peu agité insista pour que l’on chante des chansons autour du feu. Le nain qui adorait la musique joyeuse et les chansons entrainantes invita ses compères à proposer quelques notes musicales pour égayer la soirée.

─ Non pas toi Ori tu attirerais les orques de toute la Terre du Milieu si tu commençais ne serait-ce qu’à fredonner un air.

           Le jeune et frêle nain déçu se recroquevilla en croisant les bras sur sa poitrine avec un air buté et vexé, ce qui fit rire l’assemblée.

─ Bilbon ?! continua alors Bofur fier de prendre de court le hobbit.

─ Sans façon Bofur mais je vous remercie. Mais peut-être que Thorïn pourrait nous offrir une chanson, il est très doué et a une belle voix comme j’ai pu le constater à Cul-de-Sac.

           Dès lors sur la proposition de Bilbon, tous approuvèrent et insistèrent pour que leur chef chantonne un petit air propre aux nains. D’ailleurs ce dernier ne refusa pas l’idée et accompagné de quelques-uns de ses amis entonna un air musical bien vite suivis de paroles :

 

 

Dans ma belle demeure

Où une frêle lueur

Illumine l’obscurité

Un nain scrute son labeur

Un bel objet de valeur

Aux reflets diamantés

 

Dans ma belle demeure

Où l’écho des cœurs

Éveille les chants enchantés

D’une voix caverneuse

Une naine rend heureuse

Ce royaume bien caché

 

Ô ma belle montagne enneigée

Sous cette couche de pureté

Gît bien profond de beaux saphirs

Des rubis des gemmes à l’infini

 

A tous ces nains forts et fiers

Forgerons ou érudits

Soufflant la braise et le fer

Sculptant le songe et l’esprit

 

A tous ces nains bons et loyaux

Négociants ou preux guerriers

Marchandant parures et beaux métaux

Brisant murs et boucliers

 

Ô ma belle montagne ensoleillée

Tu vis pour nous protéger

Notre amour incandescent

Fait vivre ta beauté

 

Ohohohoh belle montagne tant aimée

Ohohohoh fière demeure enchantée

 

 

           Amerys fut doucement bercée par cette magnifique chanson, c’est comme si elle y était. Elle ressentait non seulement toute la puissance des paroles mais aussi la fierté des nains pour leur vie sous les monts enneigés. Qu’elle aurait aimé y être en cet instant… Elle s’imaginait fort bien parcourant les galeries souterraines à la pâle lueur des candélabres pour aller se perdre dans la chaleur des forges. Entendre les cœurs des cavernes, les chants des nains se répercutant en écho dans les immenses salles voutées. L’éclat des pierres précieuses et de l’or ruisselant de lumière. Le cliquetis des marteaux et des pioches tapant l’acier et le fer dans une cacophonie symphonique. Thorïn l’avait si magnifiquement chantée grâce à sa voix profonde et enchanteresse. Non tel la magie des elfes mais comme l’enchantement des nains. Le chant de la montagne aussi vivante que la terre elle-même. Un chant puissant et fier qui honorait leur demeure, leur foyer tant chéri. Même la nature semblait s’être tue momentanément pour apprécier les louanges faites à ce peuple et leur montagne.

           La jeune femme ne se retint alors pas de complimenter Thorïn sur ses qualités vocales et la chanson jusqu’à ce que Bufor lance à la dérobée :

─ C’est à votre tour Amerys !

─ Moi… ? Oh non sans façon, je ne connais pas beaucoup de chansons, feinta-t-elle en rougissant.

─ Vous n’en connaissez pas beaucoup mais vous en connaissez quand même… railla Kili. A moins que Gandalf souhaite nous faire part d’une vieille chanson de son cru ?

Le magicien leva le sourcil, la mine perplexe.

─ Devrais-je me sentir offensé de devoir chanter une « vieille » chanson ? demanda-t-il alors entre deux inspirations de sa pipe à tabac.

─ Non, ce n’est pas ce que je voulais dire, pas parce que vous êtes vieux, enfin vieux, vous n’êtes plus tout jeune, je ne sais même pas quel âge vous avez…

            Fili lui donna alors un coup de coude pour faire taire sa maladresse et lui chuchota quelque chose d’inaudible pour la jeune demi-naine ; ce qui eut le don de faire rire leur proche entourage et qui soulagea Amerys par la même occasion car tous semblèrent oublier qu’elle devait chanter à son tour.

─ Dans ce cas-là Amerys va pousser la chansonnette ! rit Bofur, revenant à la charge. Vous êtes la seule voix féminine, ça nous changera !

─ Euh et bien…

           La troupe l’encouragea alors tandis que devenue sourde elle cherchait dans sa tête une chanson dont elle n'aurait pas à rougir après avoir entendue celle de Thorïn. Bien évidemment elle aimait de temps en temps jouer de sa voix quand elle était seule ou avec ses parents mais jamais elle n’avait chanté devant autant de monde… Soudain une comptine lui vint en tête, un air que lui avait chanté plusieurs fois sa mère, alors habitée par le souvenir de cette dernière elle trouva la force pour libérer ses cordes vocales:

 

 

Il était une fois la légende d’Alwena

Jeune femme aux cheveux de blé

Si belle si cruelle en vérité

Que le monde la rejeta

 

Un jour au bord de la mer

Fatiguée de ses maléfices

Elle goûta à l’eau amère

Et pria dans le supplice

 

Ô créateur délivre moi de ce malaise

Reprends ce que tu m’as donné

Ou j’irai me jeter de la falaise

Me noyer dans l’eau glacée

 

Alwena son pouvoir fut retiré

Une nouvelle vie s’ouvrit enfin

Loin de son destin damné

Elle entendit chanter l’écho lointain

 

Le souffle de la liberté naquit

L’amour vint alors la combler

Un bel homme qui de ses yeux gris

Lui apporta bonheur et prospérité

 

Jusqu’au jour où le malheur vint promptement

D’une blessure l’être aimé se mourrait

Alwena libérée de son enchantement

Fut incapable de le sauver

 

On lui avait pris ce qu’elle avait

Pour avoir rendu un don offert

Un grand pouvoir inespéré

Qui aurait pu sauver un être cher

 

Rends-moi ce que tu m’as pris

Implora-t-elle sur la falaise

Et le regard plein de mépris

Défia la vie et ses foutaises

 

Son pouvoir se refusa à elle

Banni à jamais de ses rêves

Alwena comprit alors son erreur

Un poignard en plein cœur

 

On raconte que ce jour là

De la falaise elle sauta

Accueillie alors par l’océan

Elle mit fin à ses tourments

 

 

           Amerys termina la chanson dans un souffle, totalement sous l’emprise de la légende d’Alwena qu’elle n’avait pas chanté depuis longtemps. Elle reprit soudainement ses esprits et remarqua que toute la compagnie la dévisageait sans un mot, sans un sourire ou une once de joie.

─ Je sais bien que c’est une chanson triste mais ma mère me la chantait parfois quand j’étais plus jeune, alors j’ai voulu la chanter en souvenir d’elle, expliqua la jeune femme de manière à se justifier, quelque peu gênée par le silence ambiant.

           Mais alors que les visages des nains, de Gandalf et de Bilbon étaient comme figés Thorïn esquissa un sourire avant d’ajouter

─ Eh bien jeune demoiselle, vous avez une bien jolie voix. Une voix douce et fort agréable. Qui l’aurait cru, vous êtes décidément pleine de surprises.

─ Vous trouvez ? s’étonna de surcroît la demi-naine qui faisait les yeux ronds.

─ C’est certain, approuva soudainement Fili. J’étais… transporté. Je ne voyais plus les flammes ici face à moi mais cette Alwena suppliant le ciel sur cette falaise et votre belle voix contant cette triste histoire.

─ En effet, rajouta Bilbon. C’est vrai qu’elle est bien triste mais je suis d’accord vous chantez drôlement bien Amerys.

 

           Quelque peu rougissante des compliments que ses amis venaient de lui offrir elle les apprécia néanmoins sans retenue, pas peu fière de l’effet qu’elle avait prodigué. La soirée avait pris une tournure inattendue et conviviale malgré le danger tout proche, cela leur permit d’oublier l’espace d’un instant les tracas quotidiens. De même Amerys se dévoila un peu plus pour son plus grand plaisir et celui des nains de la compagnie. Mais alors qu’elle échangeait un regard complice avec Fili elle fut prise d’un grand frisson. Il faisait un peu frais et avec la fatigue accumulée cette dernière commença à trembler un peu. Elle se frotta d’autant plus qu’il était temps de dormir.

           Le jeune guerrier blond lui apporta alors sans attendre une couverture chaude pour la nuit puis s’installa à ses côtés, de là elle s’endormit pour la première fois près de lui, se sentant plus protégée que jamais, tandis que de son côté Dwalïn prenait le premier tour de garde. 

           Les jours qui virent se ressemblèrent et ce n’est qu’au bout du quatrième jour qu’ils atteignirent enfin la rivière de l’Anduin. Amerys observa le grand cours d’eau et son tumultueux courant qui s’agitait dans un brouhaha assourdissant. Malheureusement il était impossible de la traverser, ainsi Gandalf proposa de la remonter jusqu’à ce qu’un pont se présente à eux. Selon lui et son vieux souvenir il y en avait un à seulement quelques heures de marche, plus au Nord. Sur ces conseils avisés la compagnie remonta alors la rivière pendant plusieurs heures.

           Sur le chemin la voyageuse ressortit alors le pendentif trouvé dans les Monts Brumeux pour l’observer à nouveau. Aussi étrange que cela pouvait paraître le saphir se mit à luire intensément d’une lumière bleutée.

─ Votre collier ne brillait pas autant la dernière fois, remarqua Bilbon qui marchait à ses côtés.

─ En effet, je ne comprends pas, comment cela se peut-il ? Croyez-vous que ce sont les rayons du soleil qui l’éclairent ?

─ Puis-je le regarder de plus près ? demanda alors le hobbit dont le collier avait attisé la curiosité.

 

           Amerys, que cela ne dérangeait pas, tendit à Bilbon le pendentif, qui une fois posé dans le creux de sa main, cessa immédiatement de briller. Tous deux se regardèrent étonnés de ce changement subit. Dès lors Bilbon reposa dans les mains de la demi-naine le bijou, qui se remit à luir aussi intensément qu’avant son passage dans les mains de son ami. Ils se l’échangèrent encore plusieurs fois pour vérifier qu’ils n’hallucinaient pas mais le schéma se reproduisait systématiquement. Par conséquent ils tentèrent de le mettre entre les mains de quelques nains, dont Fili, Kili et Balïn mais rien n’y faisait le bijou reperdait son éclat lumineux à chaque contact avec eux. Amerys était la seule à recevoir sa brillance et trouvait cela plus qu’étrange.

─ Je ne comprends pas, cela ne me paraît pas normal, conclut dubitativement la jeune femme.

           C’est alors que Gandalf s’approcha d’elle et demanda à réexaminer le bijou. Une fois dans ses mains le collier perdit pour la énième fois sa lueur. Il grogna, essayant de comprendre ce mystère tout en continuant de marcher. Il retendit le pendentif à Amerys et il s’illumina encore plus fort.

─ Votre pendentif est sans nul doute un artefact. Mais un artefact dont j’ignorais totalement l’existence, ainsi que ses pouvoirs. Il n’y en a peu dans les Terres du Milieu, en tout cas peu qui sont connus. Celui-là en est un parfait exemple visiblement.

─ Vous voulez dire que ce bijou possède des pouvoirs ? s’étonna la demi-naine.

─ Maintenant je n’en ai plus le moindre doute mais je n’ai pas encore éclairci le mystère de son éclat uniquement à votre contact même si j’en ai une vague idée.

─ Pourquoi donc le pouvoir s’exercerait-il uniquement à mon contact selon votre théorie ? insista-t-elle impatiente de connaître la réponse du mage.

           Gandalf continua de marcher en s’appuyant machinalement sur son bâton, sa longue robe grise frottant le sol.

─ Probablement que le bijou n’exerce son pouvoir qu’au contact d’une personne de sexe féminin. Plutôt rare mais pas impossible, tout dépend de l’enchantement qu’il a subi. Ce qui me fait penser que c’est probablement un artefact elfe. Le cadavre à qui vous l’avez dérobé ne devait certainement pas être son premier porteur. Aujourd’hui il est venu à vous et a décidé de vous accorder son pouvoir, donc à vous maintenant de le découvrir et en faire bon usage Amerys.

 

           Il haussa un sourcil et lui porta un regard prévenant. La demi-naine pour qui cette révélation était étrange comprit qu’il ne fallait pas utiliser les artefacts de n’importe quelle manière. Elle en eut presque peur sur le moment mais était prête à découvrir l’énigme qui entourait le joli bijou. Soudain un nain haussa la voix:

─ Le pont ! s’exclama Ori semble-t-il heureux de sa découverte.

─ Et pas qu’un pont… rajouta Thorïn. Une forteresse…

 

           En effet, un château à l’allure de forteresse se dressait fièrement sur un grand ilot de terre au milieu de la rivière, séparant alors le cours d’eau en deux, avant de les laisser se rejoindre plus loin en une seule et même ligne avant de passer sous un grand pont de bois. Bâti en pierres grises il semblait brut et solide. Quelques tours se dressaient en pointe, dont la plus haute culminait sur l’aile droite. Le tout était entouré d’une muraille protectrice trop haute pour être escaladée, même par d’ambitieux soldats. Le château était cependant uniquement accessible par le biais d’un chemin qui apparaissait au milieu du pont.

─ Je ne me rappelle pas avoir déjà vu cette demeure ici, fit remarquer Gandalf perplexe. Il n’y avait rien sur cet ilot la dernière fois que je suis venu. Comment est-ce possible…?

           Soudain le magicien dont l’œil vif s’illumina, trottina vers Amerys et saisit alors son pendentif. La brillance du collier disparut immédiatement entre les mains de l’istari emportant en conséquence le château avec lui.

─ Le château à disparu ! s’exclama alors Kili en pointant l’ilot maintenant désert.

─ Quelle sorcellerie est-ce là ? questionna Thorïn méfiant.

           Amerys qui n’était pas sûre de comprendre les agissements du mage était cependant impressionnée par la soudaine disparition du château à leurs yeux. C’est alors que Gandalf lui intima l’ordre de reprendre l’artefact. En plus de s’illuminer de retour dans un bleu intense, la demeure grise réapparut instantanément sur l’ilot à la surprise de toute la compagnie.

─ Je crois que nous avons trouvé plus vite que nous le pensions le pouvoir de votre artefact Amerys, déclara Gandalf.

           Le magicien retira alors son chapeau pour le dépoussiérer avant de reprendre en fixant la forteresse :

─ Il semblerait que le pendentif au contact d’une femme permette de révéler à ses yeux et ceux des autres aux alentours ce qui est normalement caché et invisible. Ce château est sous l’emprise d’un enchantement… Un sort de dissimulation datant probablement des anciens âges, lorsque les hommes peuplaient encore le Rhovanion. Voilà pourquoi je ne l’ai jamais vu, expliqua avec souplesse le gris presque déçu de s’être fourvoyé tout ce temps.

 ─ Un château enchanté n’augure rien de bon, mit en garde alors Thorïn. S’il était invisible c’est qu’il doit y avoir une raison. Je ne tenterais pas de m’y introduire, nous ferions mieux de passer notre chemin.

           Mais tandis que le chef de guerre mettait un pied devant l’autre sans attendre son reste il dut expressément faire halte sous l’intervention inopinée du semi-homme.

─  Que se passerait-il si nous étions dans le château, que l’artefact était dans son enceinte, serions-nous visibles de nos ennemis ? questionna alors Bilbon plein de bon sens Serions-nous protégés par le sort de dissimulation ?

           Gandalf le félicita pour sa perspicacité et ses questions finement intelligentes et lui affirma qu’il était fort probable qu’une fois dans la demeure ils soient invisibles de tous, même avec l’artefact dans son enceinte, qui de tout manière ne fonctionnait qu’au contact d’Amerys. 

─ Pensez-vous que cette forteresse soit habitée ? demanda à son tour la demi-naine.

─ Cela me semble tout bonnement impossible, ces pierres sont très vieilles, il est d’ailleurs étrange qu’un sort de dissimulation la protège depuis tout ce temps… Il doit être puissant.

           Gandalf parut alors hautement intrigué, l’apparition de cette forteresse l’avait déstabilisé et depuis le début il semblait chercher dans ses pensées le moindre souvenir lié à ce mystère.

─ Peut-être pourrions-nous aller voir de plus près ? proposa le hobbit décidément bien curieux.

─ Je ne sais pas si c’est une bonne idée, intervint Dwalin. Thorïn a raison, un château enchanté n’augure rien de bon. Nous pourrions peut-être nous retrouver piégés ou que sais-je encore. Cela pourrait remettre en cause notre honorable quête. Je ne tiens pas à prendre de risques inutiles.

─ Ou nous pourrions trouver un abri et nous octroyer une nuit de repos sans risque de croiser des orques qui veulent nous passer au fil du rasoir, répliqua Gloïn en désaccord avec son confrère.

 

           L’idée de s’introduire dans la demeure divisa dès lors immédiatement la compagnie. Une petite majorité était tentée d’aller voir le château de plus près mais le reste restait campé sur sa position en affirmant tout comme Thorïn et Dwalïn qu’il était dangereux de mettre un pied dans un lieu rempli de magie. Il est vrai que les nains n’aimaient guère les enchantements hormis celles de leurs runes de protection et leur méfiance était justifiée car on ne savait jamais à quoi s’attendre avec la magie. Cependant Amerys devait bien avouer qu’elle était tout comme Bilbon, très curieuse d’en découvrir plus sur cette résidence dissimulée, elle avait envie d’en percer les secrets et comprendre le mystère qui l’entourait. Seul Gandalf ne s’était pas encore prononcé, le magicien restait observer la demeure d’un œil scrutateur, essayant de voir probablement quelque chose d’invisible à leurs yeux. Un détail que seul un istari pouvait éventuellement voir.

─ Gandalf… commença alors Thorïn voyant que le Gris ne réagissait pas. Avez-vous détecté un mauvais maléfice ou une raison de ne pas nous y rendre ? Nous attendons votre décision…

─ Je ne vois pour le moment pas d’objection pour nous approcher de plus près, finit par dire le vieil homme pressé par la méfiance du chef de la compagnie. A vrai dire je suis moi-même curieux de voir ça d’un peu plus près pour tenter de percer le mystère qui se présente à nos yeux.

           Thorïn fut fort déçu mais n’osa contester le magicien en qui il avait confiance néanmoins il mit sérieusement en garde ce dernier :

─ Si nous rencontrons des problèmes, j’espère que vous assumerez la faute de votre décision Gandalf.

           Le mage, sur ces paroles, tira la grimace et sans perdre de temps invita la troupe à le suivre expressément sur le ponton menant vers l’étrange demeure soudainement apparue. L’ambiance était calme, perdue sur son ilot celle-ci était protégée de toute attaque et seul le pont pouvait permettre d’y accéder, s’il devait un jour venir à s’effondrer il faudrait rejoindre la rive à la nage.

           Amerys s’interrogea sur ce qu’ils allaient trouver une fois à l’intérieur et espérait que Dwalïn avait tort et que cela n’était pas un piège. Fili avait par ailleurs fièrement soutenu son oncle quant à l’opinion qu’il se faisait sur le château et avait voté pour ne pas y aller. Maintenant qu’il traversait le pont il faisait la moue et ne cessait de scruter chaque détail de la forteresse, comme s’il pouvait y découvrir le moindre danger à travers les pierres. Sa main tenait fermement le pommeau de son épée, prête à dégainer l’arme si une menace venait à se présenter.

 

           Le pont levis était abaissé et la herse levée, donnant accès à l’intérieur de la forteresse. La jeune femme se demandait si les habitants étaient partis précipitamment en oubliant de fermer pour protéger l’accès ou si cela était intentionnel, peut-être un abandon… alors pourquoi protéger entièrement le château avec un sort de dissimulation ?

           Quand ils franchirent la muraille le temps semblait s’être arrêté, suspendu dans un calme infini. Derrière les murs de pierre se trouvait malgré l’étroitesse de l’espace une vaste cours vide. Uniquement pavé de terre et de poussière le sol était cependant parsemé des feuilles mortes tombées du châtaigner qui était enraciné à deux pas. Face à eux se tenait fièrement une large et haute porte en bois, filigranée de dorures sur des décors en relief et dont les poignées épaisses représentaient des béliers. L’enceinte s’élevait haut vers le ciel et les plus grandes tours semblaient dominer le monde. Amerys observa la fenêtre de la tourelle de gauche et discerna alors un étrange visage à travers la vitre floue. Un frisson parcourut son corps mais lorsque qu’elle rejeta un coup d’œil il n’y avait plus aucune trace de présence humaine ou de visage. Secouant son esprit perturbé elle prit conscience qu’elle avait probablement dû rêver ou simplement mal voir, ainsi elle n’osa en parler à personne.

           Après inspection, Gandalf poussa ainsi prudemment la porte dont les murs répétèrent le grincement sinistre. Un vent chuintant s’engouffra dans l’antre poussant alors les feuilles dansantes d’automne qui se glissèrent à l’intérieur dans un frétillement. Plongée dans la pénombre la pièce était extrêmement silencieuse et dès lors le magicien laissa échapper de son bâton une lumière qui éclaira les alentours. Aucun nain n’osa élever la voix, trop précautionneux. L’istari ferma alors les yeux un instant, semblant ressentir une quelconque menace avant de déclarer :

─ Il n’y a personne ici, soyez rassurés mes amis. Nous ne craignons rien.

           Grâce à un autre enchantement Gandalf alluma tous les lustres et candélabres de l’étrange demeure, laissant dévoiler chaque détail du château à travers une ambiance chaleureuse.

           Amerys écarquilla les yeux sur ce qui se profilait sous ses yeux. Les pièces et les meubles de la demeure étaient totalement intacts, comme si le temps n’avait jamais eu d’emprise. Pas de poussière, pas de toiles d’araignée… On aurait pu croire que le château abritait une vie quotidienne accompagnée d’un entretien régulier. C’était farfelu au plus haut point. Ils étaient directement arrivés dans la grande salle de vie où les candélabres renvoyaient une douce lumière sur les murs tendus de toiles rouge, bleu et or.. Les colonnades brutes soutenaient un plafond légèrement vouté, habilement décoré de personnages en relief. De longues tables ornaient la salle qui résonnait de leur petits pas de troupe et la demi-naine s’imagina les festifs banquets qui avaient pu y être menés auparavant.

─ Ce château est des plus étranges Gandalf, déclara alors Thorïn tandis qu’il admirait les sculptures du plafond. Comment cela ce peut-il que tout soit en ordre après tous ces âges ? Le château devrait tomber en ruines.

─ Oui… relaya Dwalïn. Pas de poussière, le bois est intact, tout est impeccable. Ce château est de mon avis certainement bien plus enchanté que nous le croyons.

Gandalf se mordit la lèvre.

─ Il se pourrait qu’en plus d’un sort de dissimulation, ai été lancé un sort pour arrêter le temps et l’usure, gardant à jamais les murs et le mobilier éternel, expliqua le sage. Il semblerait que quelqu’un ait voulu protéger et garder à jamais ce château. Je me demande ce que sont devenus les propriétaires de la demeure… Voilà une énigme des plus intéressantes.

 

           Tous avancèrent petit à petit avec grand soin, admirant de ce fait l’immense voûte de la grande salle et se glissant entre les tablées en bois de chêne. Mais alors qu’Amerys posait son regard près de l’ouverture du fond qui devait mener aux cuisines ou sur un quelconque couloir elle vit la porte se refermer doucement comme si un courant d’air l’avait délicatement poussée. Elle se retourna instinctivement sur la grande porte d’entrée mais Dori l’avait refermée après lui. Comment alors la porte du fond avait pu bouger sans courant d’air… ? 

─ Quelque chose ne va pas Amerys ? demanda alors Fili intrigué par la moue perplexe de son amie.

─ Je… la porte… Non j’ai dû rêver… marmonna-t-elle entre ses dents plus à elle-même qu’à son compagnon de voyage.

─ La porte… ?

─ Non rien, Thorïn et Dwalïn ont raison ce château est étrange... mais je ne pense pas qu’il soit dangereux.

 

           Le jeune nain n’insista pas, bien d’accord avec le fait que cette demeure était mystérieuse, néanmoins il garda un œil protecteur sur elle.

           Malgré certaines réticences et une méfiance mesurée la troupe s’installa confortablement. Ceux ayant l’esprit moins aventureux restèrent dans la grande salle tandis que les curieux avaient déjà commencé à explorer les pièces de la bâtisse enchantée. Le premier à partir à l’aventure était sans surprise Bilbon qui ne tarda pas à emprunter la porte qui quelques instants avant c’était refermée toute seule. La jeune demi-naine intriguée par ce qu’elle avait vu auparavant lui emboîta le pas, suivie de près par Fili et Kili. Discrètement elle examina la porte, tentant de comprendre le pourquoi du comment mais rien ne lui révéla l’étrangeté qu’elle avait observé.

Cette dernière débouchait néanmoins sur un couloir sombre dont les murs éclairés de torches envoyaient

des ombres lugubres et peu rassurantes. Les murs de pierres semblaient les observer de loin tandis qu’ils avançaient avec prudence. Au bout du couloir, à gauche, se trouvaient les cuisines et à droite un escalier en colimaçon menait aux étages supérieurs de l’aile est. Les cuisines n’étant pas intéressantes le quatuor décida à l’unanimité d’explorer les étages. La magie des illuminations de Gandalf était fort bienvenue et la découverte du château en fut facilitée. A l’étage ils firent ainsi face à un long corridor parsemé d’un long et large tapis marron ornementé de dessins dorés. Quelques tentures pendaient ici et là près des portes menant probablement à des chambres, bureaux ou bibliothèques. Ils se séparèrent ensuite pour explorer les pièces. Ainsi Bilbon et Kili entrèrent dans celle de gauche tandis qu’Amerys et Fili explorèrent celle de droite.

           Cette dernière était légèrement illuminée par une étroite fenêtre et laissait découvrir un simple bureau avec quelques livres posés sur de petites étagères et quelques manuscrits roulés. Amerys y jeta un coup d’œil mais n’y découvrit rien de particulier hormis que les manuscrits regorgeaient de poèmes en langue humaine. Elle adressa alors un regard à Fili traduisant qu’elle n’avait rien trouvé d’important. Il lui rendit son hochement de tête.

           Ils s’aventurèrent peu après dans la deuxième salle pour y découvrir cette fois-ci une belle et spacieuse chambre. Sur le mur à gauche trônait un grand et soyeux lit à baldaquin orné de parures de lin et de soie. Un grand coffre prenait place à son pied devant l’étendu d’un tapis en pelisse d’animal. De l’autre côté trônait une grande et haute armoire en bois brut tandis que près de la grande fenêtre se trouvaient deux confortables fauteuils entourant une petite table ronde en fer forgé sur laquelle étaient posés un livre et une théière.

─ La chambre des seigneurs ? supposa Fili.

─ Je ne sais pas, difficile de savoir étant donné que nous n’avons pas tout visité. Mais la chambre d’une personne importante sûrement. Regardons dans l’armoire, proposa alors la demi-naine curieuse.

             L’armoire n’était pas fermée à clé et il lui suffit juste de tirer sur les poignées métalliques. C’est alors qu’un arc-en-ciel de couleur explosa à sa vue. L’armoire était effectivement remplie de robes aussi belles que colorées. Cousues dans de nobles tissus tel que le brocart, la popeline de coton, le lin, la satin et autres soieries, elles offraient une garde-robe aussi belle qu’impressionnante. Amerys fut bouche bée par ces vêtements de princesse et ne put s'empêcher de caresser les tissus. Certains corset étaient même parés de rubans et de perles brillantes. La confection de ces robes avait sans nul doute demandé un travail titanesque.

─ A priori nous voilà dans la chambre d’une noble dame, déclara dès lors le guerrier après avoir vaguement regardé les vêtements féminins. Je suis épaté de voir qu’il n’y a pas que la grande salle qui soit intacte. Admirez ces robes, elles ne sont même pas mangées par les mites c’est tout bonnement incroyable.

─ Gandalf suppose un sort particulier et je crois qu’il a raison. Un enchantement protège le château dans sa totalité, continua Amerys qui ne pouvait s’empêcher d’admirer les soieries avec envie et rêverie.

           Pendant que son amie avait le nez dans l’armoire, Fili de son côté tenta d’ouvrir le grand coffre brut au pied du lit. Mais même avec sa force il fut incapable de faire sauter l’ouverture. Elle était bouclée et la malle résistait à ses tentatives.

─ Fichtre ! cracha-t-il. Impossible d’ouvrir ce coffre, même avec un coup de hache.

─ Ce n’est pas grave, peut-être que c’est parce que nous ne devons pas y jeter un coup d’œil.

─ Oui, je m’étais simplement dit qu’il pouvait y avoir une cape de voyage pour vous dedans, cela vous aurait été fort utile à l’avenir.

           Attendrie, la jeune voyageuse remercia de l’attention que le jeune nain lui portait et curieuse elle s’approcha à son tour. La malle de simple manufacture impressionnait par sa taille, un loquet la fermait et elle fut surprise que Fili ne réussisse pas à le détruire avec sa hache. Elle essaya à son tour mais sans succès. Peut-être que le coffre était lui aussi enchanté après tout. Mais alors qu’elle se relevait, abandonnant l’idée de l'ouvrir elle entendit vaguement une voix susurrer : "Dans la théière"

Elle se releva brusquement, alertant de ce fait Fili qui n’avait pas hésité à sortir son épée, croyant à une possible menace.

─ Vous avez entendu ?

─ Entendu quoi ? lança-t-il perplexe. Que vous arrive-t-il ?

─ J’ai dû rêver… supposa alors Amerys qui depuis qu’elle était arrivée ici avait l’impression de devenir folle. Partons.

           Le jeune guerrier ne se fit pas prier et mit un pied devant l’autre suivit d’Amerys mais avant de sortir la voix retentit encore dans un murmure : "Théière"

           Poussée alors par une quelconque force elle rebroussa chemin et se dirigea vivement vers la théière posée sur la petite table ronde. Celle-ci en belle céramique blanche ornementée de décors fleuris reposait délicatement sur un napperon blanc. Elle souleva alors le couvercle tandis que Fili l’observait, intrigué. Au fond reposait alors une clé en fer forgé de grosse taille. Étonnée elle saisit de ses doigts l’objet et le montra à son ami non sans faire les yeux ronds.

─ Que… Comment saviez-vous qu’elle était dedans ? s’étonna Fili ahurit.

─ Une… une voix me l’a soufflée.

─ Une voix…? Je n’ai rien entendu…

           Amerys qui ne souhaitait pas s’étendre sur le sujet serra la clé dans sa main et se dirigea cette fois-ci vers le coffre. Elle s’accroupit alors doucement, peu sûre d’elle, observa la clé un moment avant de l’insérer dans la serrure et de tourner pour déverrouiller le loquet. Le verrou sauta dans un cliquetis métallique. Troublée elle souleva le couvercle pour y découvrir quelques vêtements et autres babioles tels que des livres et des bijoux. Fili l’imita et observa à son tour le contenu de la malle avec étonnement non sans une once de méfiance. Il saisit alors de sa grosse main un tissus rangé dans le fond pour l’en sortir. Quand il le déplia une cape apparue dès lors. C’était une belle et longue cape de couleur crème sertie d’une bande marron dans le bas et lorsque qu’Amerys toucha le tissus elle sentit une matière chaude et douce. Un fin sourire illumina son visage amusé.

─ Une cape… souffla Fili perturbé de plus belle.

           Ses yeux bleus semblaient analyser la situation sans en comprendre le sens. Son regard se posait tantôt sur Amerys et tantôt sur la cape, déconcerté.

─ Je ne comprends pas ce qu’il se passe Amerys, avoua-t-il sincèrement.

─ Je ne sais pas l’expliquer non plus Fili, j’en suis désolée. N’oublions pas que le château est enchanté… Nous désirions une cape et elle est venue à nous, je ne pense pas qu’il y ai quelque chose à craindre. Acceptons ce que nous avons trouvé.

 

           Le jeune nain se releva tout en gardant l'habit entre ses mains. Puis affichant cette fois-ci le sourire malicieux que la demi-naine connaissait tant, lui ordonna de se lever et se retourner. Amerys lui obéit sans broncher et ceci fait il apposa le vêtement sur les épaules de cette dernière qui prit le relais en faisant un nœud avec les lanières du devant pour la maintenir. Peu après Fili glissa sa main dans son cou pour en tirer délicatement ses cheveux et les rebasculer par-dessus le vêtement. Ce geste aussi doux qu’une caresse et qui avait touché sa nuque lui fit hérisser tous les poils de son corps et un sentiment étrange envahit son être. Le guerrier se rapprocha alors, à tel point qu’Amerys sentit son souffle chaud dans son cou, puis il caressa délicatement ses longs cheveux tressés. La jeune femme retint son souffle perturbée par ce geste intime. Pourtant, portée par ses sentiments elle pivota sur elle-même pour lui faire face. Leurs visages étaient dorénavant tout près et sans se poser de questions elle plongea son regard dans celui de son ami en prenant soin de saisir sa main et la serrer doucement. En retour, le nain troublé, effleura sa joue rosée de sa main libre. Malgré l’intensité de ce partage ce moment fut lamentablement brisé lorsque Kili apparut aussi brutalement que bruyamment à la porte, faisant alors sursauter la naine qui s’écarta instinctivement de son ami par pudeur.

─ Qu’avez-vous vous trouvé ?! lança-t-il tout guilleret mais néanmoins gêné d’avoir apparemment interrompu un moment particulier.

─ Une cape de voyage pour Amerys ! s’exclama alors son frère fier de leur trouvaille et faisant comme si de rien n’était.

           Bilbon qui se glissa dans l’entrebâillement pour voir le vêtement de plus près affirma que la cape était en laine bouillie de très bonne qualité et que la jeune naine n’aurait pas pu trouver mieux. Quand le hobbit demanda où est-ce qu’ils l’avaient trouvée Amerys n’osa révéler l’histoire dans son intégralité et passa directement par la case « dans le coffre ». Elle avait peur que Fili ne relate tout mais ce dernier comprit bien vite que son amie ne souhaitait pas partager ce menu détail avec leurs compères.

           De leur côté Kili et Bilbon n’avaient rien déniché, la demeure était en toute somme banale si on omettait la voix irréaliste qu'Amerys avait entendu dans un murmure. D’ailleurs, lorsqu’ils quittèrent la pièce, celle-ci bonne dernière prit le temps de se retourner et scruter la pièce avant de lancer un « merci » sans savoir qui elle avait à remercier pour l’avoir guidée jusqu’à cette cape.

       

    Après cette brève exploration le quatuor rejoignit d’emblée la troupe rassemblée dans la grande salle et c’est dans une belle convivialité qu’ils partagèrent un menu repas.

Au moment de dormir Amerys s'empressa de prendre d’assaut la chambre dans laquelle elle y avait trouvé le vêtement car elle désirait secrètement s’allonger sur un lit moelleux et chaud. Voulant garder un œil sur elle Fili l’accompagna ainsi que Kili, Gloïn et Oïn. Les autres se répartirent ainsi dans les autres chambres. Gentleman les nains laissèrent le lit à la jeune demi-aine qui égoïstement ne refusa pas, même si elle aurait aimé être plus près du guerrier blond. D’ailleurs un dernier regard complice à ce dernier et elle s’endormit comme une souche.


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