Le Royaume d'Orodreth
CHAPITRE 14
Dès les premiers rayons du soleil, les elfes et les hommes se mirent en place aux portes de la montagne. Sur le dos de leurs montures, les seigneurs avançaient en tête des rangs. Le dragon passa au-dessus d'eux pour aller se poser sur les restes d'une gigantesque statue proche de l'entrée. A peine les seigneurs furent-ils arrivés devant la barricade, qu'un jet de treize flèches dirigé vers le sol les accueillit.
— Faites un pas de plus et nos flèches vous transperceront.
Aela réagit immédiatement à cette menace en poussant un puissant hurlement. Pris de peur, les nains se cachèrent derrière leur mur, à l’exception de Thorin qui défiait l'animal du regard. Le reptile et le nain restèrent de longues minutes ainsi, l'un braquant son arc et l'autre dévoilant ses crocs.
— Aela ! Ça suffit, la calma Mina.
La dragonne ferma sa mâchoire et se décontracta. Le roi nain garda son arc bandé et se retourna vers les elfes.
— Contrairement à votre accueil, notre visite est purement pacifique, commença Thranduil.
— Ce n'est pas ce que je ressens en voyant votre armée et ce dragon ! répliqua l’archer.
— Sachez que nous avons accepté et apprécié votre présent, reprit l'elfe.
Thorin fronça les sourcils. Il ne leur avait rien offert et ne comprenait pas où l'elfe voulait en venir.
— De quoi parlez-vous ?
Thranduil et Bard tournèrent la tête vers la reine elfe se trouvant entre eux. Sous sa cape, elle saisit l'Arkenstone qu'elle exhiba bien haut pour que tous les nains la voient. La surprise fut grande parmi les habitants de la montagne qui restèrent interloqués. Un long silence s'installa dans la vallée jusqu'à ce que Mina range la pierre et que les membres de la compagnie réagissent enfin.
— Vous êtes des voleurs ! s’écria l'un d'eux.
— Ça ne peut être la vraie pierre ! s'exclama le roi.
L'Arkenstone est toujours ici, quelque part. Vous essayez de nous duper ! Vous nous croyez idiots mais...Thorin cessa soudainement de parler et se tourna lentement. De là où ils se trouvaient, le trio de seigneurs ne pouvait voir ce qui se passait. Mais grâce à leur ouïe fine, les elfes entendaient très bien la conversation. Écu-de-chêne était en train de discuter avec Bilbon… Les deux elfes échangèrent un rapide regard, s'interrogeant sur la façon dont le hobbit avait pu rejoindre Erebor sans être vu. La conversation devint houleuse et le roi témoignait de son énervement contre le semi-homme en vociférant. Soudainement, tous virent Thorin saisir le hobbit par le col et l'approcher dangereusement du garde-fou. Ses compagnons s’interposèrent pour l'empêcher de jeter leur ami par-dessus le mur.
— Aela, récupère le hobbit ! ordonna Mina, qui jugea bon d’intervenir avec que ça ne dégénère.
La dragonne quitta son rocher et se dressa sur ses pattes arrière pour prendre appui sur le haut du mur. Les nains reculèrent prudemment, leurs armes tendues. Aela resta calme et invita le hobbit à monter sur son dos. Lorsqu'il fut positionné entre ses ailes, elle se détourna pour faire descendre Bilbon au niveau des Seigneurs.
— Je ne veux plus jamais vous voir ! s'écria Thorin à l'attention de celui qu'il avait chassé.
— Votre père aurait honte de vous Thorin. Un tel comportement n’est pas digne d’un roi sous la montagne ! proclama Gandalf en amplifiant sa voix grâce à sa magie.
Le seigneur nain ne répondit pas, aveuglé par l'or et le pouvoir. Et de son balcon, il observait l'armée présente à sa porte d'un regard méprisant.
— Alors que décidez-vous ? reprit Bard. Allez-vous coopérer en échange de votre pierre ?
Le petit roi orienta son regard vers la colline se trouvant à l'Est. Il ne lâchait pas l'horizon des yeux, comme s'il attendait quelque chose. Sur le seuil d'Erebor, l'homme et les elfes s'impatientaient.
— Que décidez-vous ? insista le mortel.
Sans le regarder, le nain lui répondit après un long silence.
— Je choisis de me battre !
Cette réponse fut rapidement suivie par l'arrivée des troupes des Monts de fer, dirigées par le seigneur Dáin, le cousin de Thorin. La compagnie d'Erebor manifesta bruyamment sa joie de voir débarquer cette aide inespérée.
Mais comme une surprise n'arrive jamais seule, le sol se mit à trembler fortement, jusqu’à ce que d'énormes gerbes de terre et de cailloux jaillissent plusieurs centaines de mètres derrière les troupes d'elfes. Le nuage de poussière se dissipa lentement, dévoilant les responsables de tout ceci, trois immenses créatures aux mâchoires destructrices vivant sous terre.
— Ce sont des grands mange-terre, déclara le magicien.
— Que font-ils par ici ? s’enquit Bard.
Le son rauque d’un cor se fit entendre.
— Ils ont creusé un raccourci pour les orcs ! comprit Gandalf.
Les seigneurs pensaient avoir le temps de négocier avec les nains avant que les orcs n'arrivent, mais c'était raté. Ils se retrouvaient maintenant face aux problèmes que Mithrandir avait tenté de leur éviter. Les mange-terre s’étaient retirés et bientôt, des orcs ne tardèrent pas à sortir des trous creusés par les bêtes.
— Aela ! Tue-les.
Obéissant à sa reine et ravie de pouvoir massacrer des orcs, la dragonne décolla et fonça sur les troupes des ténèbres. Quand elle s'approcha du premier trou et l’inonda de feu, transformant le tunnel en tombeau, une odeur nauséabonde de chairs grillées envahit rapidement la vallée. L'armée de Dáin partit au front pour former une seule ligne protégée par des boucliers et des lances. Les elfes et les quelques villageois restèrent en retrait sur le pas d'Erebor. Au loin, Aela continuait d'incendier les orcs qui ripostaient avec leurs flèches ridicules. Certains d’entre eux avaient tout de même réussi à contourner le dragon et poursuivaient leur avancée vers la montagne.
— Bard, vous devriez vous replier sur Dale, déclara Thranduil.
L'homme se tourna vers les villageois, il pouvait lire la peur et l’inquiétude sur leurs visages.
— Que comptez-vous faire ? demanda-t-il à l’attention des seigneurs elfes.
Le roi consulta brièvement la reine du regard et c'est elle qui répondit :
— Nous allons nous battre.
L’elfe acquiesça et s'avança pour donner ses ordres à ses soldats, pendant que Bard, les autres volontaires, le magicien et Bilbon, coururent vers Dale.
Mina s’avança au galop en avant des nains. Au même moment, Aela effectua un vol à ras du sol et traça une ligne de feu pour barrer le passage aux orcs. D’une main, la reine se fit un plaisir de transformer cette ligne en un mur de flammes infranchissable. Cette diversion permettait aux elfes de se mettre en place. Les horreurs du Mordor pouvaient aisément en faire le tour, mais au lieu de cela, les troupes patientèrent. La dragonne avait rejoint sa maîtresse et attendait de nouveaux ordres.
Non loin de là, au sommet d'une tour, tous remarquèrent un orc blanc qui communiquait ses ordres grâce à une construction artisanale. Il activa sa machine et le son d’un cor se fit à nouveau entendre. Aussitôt, des grognements de trolls masquèrent les cris des orcs. Les immenses créatures chargèrent en direction du barrage de feu et commencèrent à creuser pour étouffer les flammes. Dès qu’un passage fut libéré, un troll grogna en direction de ses adversaires. Immédiatement, Mina fit voler des boules de feu sur lui. Il fut ralentit, mais cela ne l’arrêta pas et il continua de creuser.
Aela lui fonça alors dessus et le lacéra avec ses crocs. Des dizaines d’orcs se jetèrent sur elle pour essayer de la tuer mais leurs armes s’abîmaient contre ses écailles. Comme ils s’accrochaient, la dragonne s’envola en tournoyant pour les faire tomber.
Le mur de flammes faiblissant, Dáin autorisa alors ses guerriers à charger. Sur la tour, l’ordre d’attaquer fut également communiqué et les troupes ennemies s’élancèrent. La première rencontre des deux armées fut très violente et se fit dans un fracas de métal et de cris. Des directives continuaient d’être transmises, Aela prit alors l’initiative de détruire la tour. Son rugissement vibra entre les montagnes puis elle fonça sur la structure. Les créatures eurent tout juste le temps de s'échapper avant que l'animal ne défonce la tour en son centre. Le son des blocs de pierre qui s’effondraient ne sembla pas inquiéter les orcs qui continuèrent de progresser.
Sur leurs montures, les seigneurs enchaînaient les coups d'épées. Sans les ordres de leur chef, les orcs s'éparpillaient et tout n'était que désordre. L'orc blanc ne tarda pourtant pas à refaire son apparition sur le dos d'un warg anormalement gros. Il beugla quelque chose dans sa langue et immédiatement les troupes se séparèrent : une partie resta sur place et une grande quantité d’entre eux se dirigea vers Dale, dont des trolls. Au milieu du combat, Mina remarqua sa dragonne au sol en train de combattre trois trolls et plusieurs dizaines d’orcs. Elle enchaînait les coups de queue mais les monstres étaient résistants. Ils tentaient de lui saisir les ailes et de la déstabiliser pour la faire basculer. L'elfe devait aider son fidèle animal.Elle lança Fangorn au galop, sa main cramponnée sur le manche de son épée. Lorsqu'elle arriva au niveau du lieu du combat, elle trancha d'un coup sec les tendons d'un troll qui tomba à genoux et permit à Aela de l'égorger. En se retournant, elle planta sa queue dans la poitrine d'un autre puis elle se rua violemment sur le dernier pour l'étriper. Quant aux orcs restants, ils furent balayés d’un coup de tête.
Malgré leurs efforts, la ville de Dale fut envahie et les orcs exprimaient leur folie dévastatrice et meurtrière dans les rues. La dragonne décolla et continua de brûler les ennemis isolés, ne voulant surtout blesser ni nains ni elfes.
Mina continuait de galoper dans la cohue, fendant l'air de sa lame. Ils étaient tous de bons combattants, mais les défenseurs étaient quand même en train de se faire déborder.
Elle trancha une tête puis aperçut Thranduil lui faire signe, comprenant que ses soldats et lui se repliaient vers Dale. Profitant de son inattention, un troll la chargea et les percuta violemment, Fangorn et elle. Le roi elfe, assista de loin à la scène, impuissant. Il ordonna à ses gardes de quitter la vallée pendant qu'il lançait son cerf à travers les combattants pour rejoindre sa belle. Sous le choc, la reine d'Orodreth avait été éjectée de cheval pour atterrir lourdement au milieu de cadavres. Encore sonnée, elle récupéra son épée et se releva pour observer autour d'elle. Le troll qui l'avait renversée se précipita vers elle, armé d'une lourde massue cloutée, il essaya de la tuer en enchaînant maladroitement les coups. A plusieurs reprises, elle évita ses attaques, mais il était difficile de se déplacer avec tous les corps sans vie qui jonchaient le sol. A un moment, elle trébucha et le troll revint sur elle, mais au dernier moment, il fut happé par Aela. Sa lourde arme tomba non loin de la reine qui se releva aussitôt pour voir sa dragonne lâcher le troll qui s'écrasa lourdement sur des rochers.
L’elfe chercha partout autour d'elle jusqu'à ce qu'elle aperçoive Fangorn, allongé sur le flanc. Elle le rejoignit et se jeta près de lui, mais pour l’étalon, c'était trop tard : il était mort. Ses côtes avaient été enfoncées et une plaie béante et sanguinolente au ventre dévoilait ses organes.
— Non ! Fangorn ! Non ! laissa-t-elle échapper en une longue plainte désespérée.
Mina s'effondra en larmes sur son encolure en lui caressant la crinière. Lui qui l'avait si bien menée depuis ces derniers jours, périr ainsi ce n'était pas juste ! Elle ne pouvait que culpabiliser de sa perte, car avec lui s'éteignait la lignée de son premier cheval et cela lui brisait le cœur.
Des pas se firent entendre, mais elle ne réagit pas, accablée par le chagrin. Ce n'est seulement que lorsqu'elle sentit une main sur son épaule qu'elle se retourna vivement, son épée prête à frapper. En découvrant Thranduil, elle baissa sa lame et se retourna vers son cheval pour lui caresser la tête.
— Je suis désolée Fangorn, pleura-t-elle doucement.
— Mina, nous devons partir !
Ce n'est pas qu'elle ne l'entendait pas, mais sa peine était trop grande. Le roi l'attrapa alors par les épaules et la força à se relever. D'autres ennemis assoiffés de sang approchaient dangereusement. Elle se résigna et suivit le roi, il remonta en selle et aida Mina à prendre place derrière lui. Le cerf fit demi-tour et s'élança vers la ville.
Comme le pont menant à Dale était peuplé d'orcs, l'animal baissa la tête et tout en courant, balaya de sa ramure les créatures qui tentaient de leur barrer la route. Les seigneurs jouaient de leurs épées pour repousser les autres. Ils approchaient de l'arche d'entrée, mais lorsqu’ils passèrent dessous, une corde se tendit devant eux, en provoquant leur chute. Les elfes roulèrent sur les pavés et se réceptionnèrent avec agilité. Le cervidé n'eut malheureusement pas le temps de se relever que des orcs se ruèrent sur lui pour le tuer sauvagement.
Les deux elfes maintenant encerclés, accroupis dans la fine couche de neige, se regardèrent, leurs mains droites crispées sur leurs épées. Des orcs s'approchaient derrière eux. Thranduil tendit son autre main à Mina qui la saisit sans hésiter. D’un mouvement synchronisé, ils se relevèrent promptement et chacun s'attaqua aux orcs se trouvant dans le dos de l'autre. Ils enchaînaient les coups avec difficulté, car les orcs étant protégés, ils devaient donc viser les faiblesses dans leurs armures.
Des soldats elfes arrivèrent enfin pour leur prêter main forte. Pour aider les hommes, les elfes royaux s'enfoncèrent un peu plus à pieds dans la ville où ils furent soudainement séparés par un groupe d'orcs. Chacun courait de son côté pour accéder à la place principale.
Sur sa route, Mina rencontra Mithrandir et Bilbon, alors que ceux-ci menaient également un combat acharné contre l'ennemi. Une trompe grave résonna dans la vallée, attirant l'attention de tous. — Ah ! Écu-de-chêne se réveille enfin ! constata l'elfe brune.
Gandalf monta sur une passerelle pour voir ce qu'il se passait, suivi par l’elfe et le hobbit. Bilbon se hissa sur le muret pour pouvoir avoir un point de vue. Tandis que la dragonne à l’affût volait toujours dans le ciel, repérant ses futures victimes, ils virent brusquement la barricade de la montagne exploser et rapidement la compagnie de treize nains investit la vallée pour se mêler au combat.
— Mieux vaut tard que jamais !... soupira le magicien.
Monté sur le dos de grands boucs, Thorin et trois de ses compagnons fendirent les lignes de défense ennemies et prirent la direction du Nord, vers Ravenhill.
— Mais que font-ils ? demanda Bilbon.
— Thorin cherche Azog, répondit Mithrandir.
— Il compte l'affronter seul ! s’exclama l'elfe.
— C'est son combat. Comme vous avec Smaug, Thorin tient à en finir lui même avec Azog.
La reine acquiesça, elle était bien placée pour comprendre cela. Ce petit moment de répit ne dura pas. De nouvelles hordes d'orcs réinvestissaient les rues.
— Faites attention à vous Mithrandir, ainsi que vous Maître Hobbit.
L'elfe rejoignit un groupe de gardes de Mirkwood aux prises avec les soldats du Mal.Les orcs s'étant séparés, ils se retrouvèrent en infériorité numérique face aux elfes. Ceux-ci eurent rapidement le dessus mais leurs pertes étaient tout de même importantes. Mina rangea son épée et s'agenouilla près d'un elfe grièvement blessé. Il avait une plaie profonde au thorax et des filets de sang s'échappaient d’entre ses lèvres.
— Ma Dame... articula-t-il d'une voix étranglée.
— Doucement... ça va aller. Vous vous êtes bien battu...
— J'ai... pe... peur...
Elle le savait condamné donc elle lui prit les mains et se voulut rassurante, parlant d’une voix douce et ayant des gestes délicats. L'elfe toussa, s'étrangla et rendit son dernier souffle de vie. Tout en lui fermant les yeux, elle détourna le regard, attristée de cette perte, car chaque vie perdue était un gâchis. Thranduil arriva derrière elle, son regard voyageant sur les corps d'elfes jonchant le sol. Il devait épargner son peuple. Il enjamba les corps sans vie pour arriver près de la reine. Elle tourna légèrement la tête et reconnut ses bottes.
— Il est mort, dit-elle dans un murmure.
Le roi acquiesça puis elle leva les yeux vers lui pour découvrir qu’ils avaient tous deux le cœur lourd. Il lui tendit une main qu’elle accepta pour l’aider à se relever. Dans le feu de l’action, elle n’avait pas prêté attention nombreux corps d’elfes et d’humains qui tapissaient les rues, mais à présent, elle était d’accord avec Thranduil lorsqu’il lui disait que cela devait cesser... Hélant un capitaine de sa garde, le roi lui ordonna de sonner la retraite des troupes elfique et le son aigu du clairon se répercuta bientôt contre les murs de la cité.
Le claquement des sabots d'un cheval sur les pavés attira leur attention. Ils découvrirent Legolas et Tauriel, sur le dos de l'animal qui en descendirent aussitôt pour s'approcher du magicien.
— D’autres orcs arrivent du Nord en grand nombre, annonça l’héritier.
Le vieil homme vit les soldats elfes se réunir autour de leur roi. Il quitta le prince et la capitaine des gardes pour s'approcher de lui.
— Seigneur, il faut aller secourir les nains à Ravenhill : des orcs approchent du Nord.
— Non ! répondit aussitôt l'elfe. Mon peuple a suffisamment subi de pertes. Je ne sacrifierai plus aucun des miens.
Le seigneur de Mirkwood commençait à s'éloigner, Mithrandir se tourna alors vers Mina. Elle n'eut pas besoin qu'il parle pour le comprendre, son regard suppliant en disait long.
— Laissez-moi le temps de rejoindre Aela, déclara-t-elle.
Le magicien la remercia chaleureusement.
— Je viens avec vous ! s'exclama le hobbit.
La reine se concerta avec le vieil homme qui accrocha le regard du Hobbit.
— Je n'attends pas votre approbation Gandalf, j'irai que vous le vouliez ou non ! précisa le semi-homme sous l’œil dubitatif du magicien.
— Il semblerait qu'il ait prit sa décision, ajouta l'elfe. Bilbon, je vous laisse me suivre.
Thranduil qui avait tout entendu revint près d'elle.
— Mina ! C'est trop dangereux.
— Ne vous en faites pas, Aela sera avec moi.
Sans lui laisser le temps de répliquer, elle lui donna un rapide baiser et partit, suivie par le hobbit. A l’exception du prince, la plupart ignorait les sentiments mutuels qu’éprouvaient les deux elfes, aussi ce baiser inattendu ne manqua-t-il pas de les prendre tous de court...
Assisté par Tauriel, Thranduil continua de rassembler ses gardes qui avaient survécu.
Pour rejoindre la vallée, Gandalf emprunta le cheval avec lequel Legolas et la capitaine étaient arrivés.
L’elfe et le hobbit entrèrent dans un bâtiment à l'écart et montèrent au sommet. Jadis cette habitation avait été détruite par Smaug. Le toit avait été arraché, ce qui permit à Mina et Bilbon d'être à découvert. La reine vit Aela plus bas dans la vallée puis elle baissa les yeux sur le semi-homme.
— Vous êtes sûr de vous, Maître Hobbit ? Vous pouvez encore changer d'avis.
— Non ! Je veux aider mes amis, répondit-il déterminé.
— Bien ! Le moins que l'ont puisse dire, c'est que vous ne manquez pas de motivation.
Le hobbit fit un large sourire pendant que Mina appelait sa dragonne. Cette dernière arriva rapidement et se posa à portée d’eux.
— Emmène-nous à Ravenhill ! ordonna sa reine après avoir pris place.
Lorsque le dragon s'envola, le hobbit se cramponna à la ceinture de la reine. Aela effectua un vol de reconnaissance autour de Ravenhill et Mina quatre nains qui se trouvaient sur une étendue glacée. Thorin leva machinalement les yeux lorsque l'ombre du dragon passa sur lui. Cela lui rappelait de bien mauvais souvenirs. Avant de l'avertir d'un futur danger, Mina demanda à Aela de prendre de l'altitude parce qu’elle cherchait à repérer précisément de quel côté allaient arriver les renforts promis par Legolas. Bilbon se tenait toujours aussi fermement à l'elfe et le fait de prendre de la hauteur ne l'enchantait pas vraiment. Il avait la frousse mais ne l'aurait pas avoué, foi de hobbit !
— Là regardez ! s'écria-t-il pour que l'elfe l'entende.
Une petite armée menée par deux cavaliers wargs, avançait en direction des ruines de Ravenhill.
— Je dirais qu'ils sont une cinquantaine.
— Il faut prévenir Thorin !
— Tu as entendu Aela ? Dépose-nous !
— Tout de suite !
L'animal piqua vers le sol, et ce coup-ci, le hobbit n’hésita plus à enlacer fermement l'elfe. Se plaquant contre son dos tout en fermant les yeux. La dragonne atterrit près de Thorin qui durcit son regard lorsque l'elfe posa pied à terre.
— Que faites-vous là ?
— Je suis venue vous aider, des...
— Nous n'avons pas besoin de vous ! Partez ! la coupa-t-il.
— Thorin, ça suffit ! s'énerva-t-il le hobbit.
Le fait d'entendre Bilbon hausser le ton surprit fortement tous les autres nains.
— Une cinquantaine d'orcs arrivent du Nord ! continua-t-il.
— La reine Mina ne veut que vous aider. Alors pour une fois ravalez votre fierté et écoutez-la !
Tous restaient bouche bée et regardaient fixement le hobbit. Thorin avait la mâchoire crispée.
— J'ai fini ! précisa-t-il sentant trop de regards pesant sur sa personne.
— Je ne me mêlerai pas de votre combat contre Azog, je veux simplement vous empêcher de vous faire lâchement attaquer par derrière.
C'est alors que le cri d'Azog résonna entre les murs. Il était si proche que cela accéléra la décision du nain.
— C'est d'accord... occupez-vous des orcs.
Cela dit, elle hocha la tête puis remonta sur sa bête qui la déposa plus loin. Elle se posta sur un ancien pont et laissa Aela régler leur compte aux orcs. La reine fut rejointe par les trois nains accompagnant Thorin. Deux jeunes, dont l’un qui était celui qui avait sympathisé avec Fangorn pendant leur halte chez Beorn et un autre plus grand et dégarni.
— Comment vous appelez-vous ? interrogea-t-elle en regardant les plus jeunes.
— Je suis Fili.
— Et moi Kili.
— Nous sommes frères, ajoutèrent-ils en cœur.
Elle acquiesça et regarda ensuite le nain chauve et tatoué.
— Moi c'est Dwalin et j'aime pas parler.
Si les deux frères se montraient plutôt amicaux, il n'en était pas de même pour le dernier qui l'avait à peine regardée.
— Il préfère se battre, ajouta Kili.
— Et boire, précisa son frère.
— Oh ça va ! Taisez-vous donc ! gronda Dwalin.
Les frères gloussèrent avant de se reconcentrer.Aela faisait ce qu'elle avait à faire. Pour le moment, c'était calme du côté de Ravenhill, mais quelque chose leur disait que ça n’allait pas durer.
Une dizaine de minutes plus tard, Aela avait terminé de faire le ménage. N’ayant laissé aucune échappatoire aux orcs, elle revint près de sa reine. Celle-ci avait quitté le pont et était attentive. Sa vigilance était tournée vers les ruines, elle entendait quelque chose.
— Aela, enflamme ce tas de bois je te prie, j'ai un mauvais pressentiment.
La dragonne lança un petit jet de flammes en direction du bois que lui avait indiqué l'elfe.
— Souhaitez-vous que je reste?
— Reste en vol au dessus des ruines, je t'appellerai au besoin.
Le dragon obéit et l'elfe retourna à sa concentration. Elle s'approcha de ce qu'il restait d'une tour, le feu crépitait à côté d'elle. Des pas bien distincts se faisaient entendre dans cette tour et même une respiration plutôt proche. Alors qu'elle essayait d’évaluer le nombre d’individus qui approchaient, le mur commença à s'effondrer. Elle eut juste le temps de s'écarter, qu'un autre orc blanc sauta d'entre les pierres : il s’agissait de Bolg, le fils d’Azog. Il frappa immédiatement avec une large épée en direction de l'elfe qui se baissa. En une fraction de secondes, elle dirigea sa main vers les flammes qu'elle envoya sur son assaillant. Alors qu'il se roulait dans la neige pour étouffer le feu, d'autres orcs sautèrent du hors du trou. Elle saisit son épée et tua celui qui était le plus proche d'elle avant de fuir en direction d'escaliers qui menaient à l'étage inférieur. Deux orcs la suivirent et les autres se ruèrent sur les trois nains.
L’elfe courait et sautait des marches pour prendre de l'avance. Elle arriva sur un pont mais dut s'arrêter car une partie s'était effondrée et elle ne pouvait donc pas poursuivre sa fuite. Lorsqu'elle se retourna pour rebrousser chemin, c'était trop tard, ses poursuivants lui barraient la route. En position de défense, tous se toisaient, attendant de voir lequel allait bouger. Ce furent finalement les créatures sombres qui passèrent les premières à l’attaque. Mina trancha l'estomac du premier et fit une pirouette à la suite de laquelle elle enfonça son épée dans le crâne du suivant. Les corps s'effondrèrent puis elle récupéra sa lame. Mais ce n'était pas fini, d'autres orcs arrivaient, elle les entendait. Donc elle emprunta un couloir pour trouver un autre passage. Alors qu'elle arrivait sur une terrasse partiellement détruite, l'orc blanc sauta juste devant elle.
Tout son côté droit était calciné et encore fumant. Il n'attendit pas plus longtemps et se jeta sur l’elfe. Mina se lança sur le côté pour l’éviter et l’épée de l’orc frappa un pan de mur. Elle se releva rapidement, tenant toujours sa lame à la main. Une nouvelle attaque fut contrée, elle prit appui contre un rocher pour sauter et l'atteindre au visage. Le coup porté ne provoqua qu'une modeste entaille qui ne sembla même pas lui faire mal. Comment allait-elle pouvoir se débarrasser de lui ?Il leva à nouveau son arme mais il n'eut pas le temps de faire un geste de plus qu'il reçut une flèche dans l'épaule. L’elfe regarda dans la direction d'où elle venait et vit Legolas en lancer une seconde. Bolg l’évita puis arracha celle qu’il avait plantée dans l’épaule. Il regarda le sang qui coulait de sa pointe avant de le lécher du bout de la langue. La reine profita de cet instant pour tenter quelque chose. Elle se précipita sur lui et lui enfonça son épée dans le ventre jusqu'à la garde. Sous la douleur, il poussa un hurlement et tomba à genoux. Mina retira sa lame elfique et poussa l'orc du pied pour qu'il tombe dans le vide. Alors que le corps basculait déjà, elle se retourna mais l’orc n’avait pas dit son dernier mot : lui saisissant la cheville, il l’entraînait dans sa chute.
Par réflexe, elle lâcha son arme pour se rattraper au bord. Bolg était très lourd et elle avait du mal à se tenir. Le rebord était rendu glissant par la neige. Elle tentait de le faire lâcher en lui donnant des coups de pieds, mais à chacun de ses mouvements, elle glissait davantage. En prenant appui sur elle, l’orc réussit à s’agripper à la paroi. Il se hissa avec difficulté et parvint à remonter sur le bord. Malgré sa plaie sanguinolente, il ne semblait pas être affaibli. Lentement, il ramassa l’épée elfique puis se plaça au dessus de la reine.
— As-tu une dernière volonté ? demanda-t-il.
Mina trouva un faible caillou sur lequel s’appuyer et observa rapidement autour d’elle, cherchant un moyen d’échapper à la mort.
— Je souhaiterais… récupérer mon épée ! répondit-elle.
La créature rit à gorge déployée, car c’était bien étrange comme dernière volonté. Trop occupé avec la reine, il n’entendit pas que quelqu’un s’approchait derrière lui. Ce n’est que lorsqu’une épée le traversa qu’il s’en rendit compte. Il lâcha l’épée de la reine et porta ses deux mains à sa poitrine en grimaçant. La lame se retira et d’un coup sec s’abattit sur son cou. La tête de Bolg roula sur le pavé avant de chuter. Derrière lui, Legolas poussa son corps décapité dans le vide.
Aussitôt fait, il jeta son épée pour aider la reine à remonter en sureté.
— Merci Legolas.
— C'est normal, vous n'avez pas à me remercier. Venez, allons rejoindre les nains.
Les deux elfes récupérèrent leurs armes respectives puis se mirent en chemin.
Ils rejoignirent Fili, Kili et Dwalin qui étaient aux prises avec quelques partisans d'Azog. Les elfes leur donnèrent un coup de main avant de descendre jusque là où ils avaient laissé Thorin et le hobbit. A cet endroit, il n'y avait qu'un corps, à moitié immergé sous la glace : celui d'Azog, le profanateur et son sang tachait la surface gelée. C'est Kili qui trouva ses amis en retrait derrière un mur.
— Ils sont ici ! s’époumona Kili.
Les elfes et les deux autres nains se précipitèrent pour découvrir Bilbon, penché au dessus de Thorin.
— Que s'est-il passé ? demanda précipitamment Dwalin.
— Ils... Ils sont... La glace a cédé et ils sont tombés. Azog est ressorti le premier, puis Thorin a jailli de l'eau et l’a transpercé de son épée. Il était à bout de forces donc je l'ai traîné jusque-là, mais il a perdu connaissance, expliqua le hobbit.
— Vous permettez ? dit Mina.
— Que voulez-vous faire ? questionna Dwalin avec méfiance.
— Laisse-la l'examiner ! s'exclama Fili.
Le nain chauve émit un grognement de protestation mais accepta. Il se poussa pour permettre à la reine de s'approcher. A genoux près du roi, elle palpa son cou à la recherche d'un pouls. Ne sentant rien, elle posa une oreille sur son torse mouillé. Tous l'observaient en silence attendant son verdict.
— Il n'est pas mort, mais il a besoin d'être rapidement réchauffé, sinon il mourra là, annonça-t-elle.
Elle scruta le ciel neigeux mais distingua son dragon qui passait au dessus des nuages. Elle se mit à l’appeler d’une voix forte et Aela arriva aussitôt pour se mettre à ses ordres. Elle envoya les nains chercher du bois et dès qu’ils eurent réuni un petit tas suffisant près de leur roi, elle commanda au dragon de l’enflammer.Comme il y avait du monde autour du petit foyer, l'animal s'approcha et alluma le feu avec douceur.
— Prenez tous un morceau de bois et placez vous autour de lui, conseilla-t-elle.
Ils obéirent sans rechigner, même Legolas participa, puis Mina reprit la parole.
— Bilbon, restez près du feu, vous êtes tout aussi mouillé. Avec ce froid, vous risquez d'attraper la mort.
— Je veux aider.
— Vous avez déjà beaucoup fait... Installez-vous et profitez de la chaleur. Ont s'occupe de lui.
Le ton de l'elfe était doux et rassurant, alors le hobbit céda et s'assit près des flammes. La reine plongea ses mains dans celles-ci, ce qui provoqua parmi les êtres qui l'entouraient une exclamation générale.
— Ne vous en faites pas, elle ne risque rien, les rassura la dragonne.
L'elfe sortit ses mains des flammes et les déposa sur le corps du petit roi pour essayer de faire augmenter sa température plus vite. Aela alla se placer de l'autre côté et étendit une de ses grandes ailes au-dessus de tous, créant ainsi une protection contre la neige qui tombait mais qui conservait aussi la chaleur. Les minutes défilaient et l'expression des nains trahissait leur désespoir. La reine plongeait régulièrement ses mains dans le feu pour continuer sa manœuvre. Au bout d'un moment, le roi commença à bouger et il ouvrit délicatement les yeux. Les nains ne purent réprimer un cri de joie en voyant leur souverain bien vivant et réveillé. Thorin était confus et il essaya quand même de se lever. Ce furent ses amis qui l'en empêchèrent. Le roi vivant, les elfes et le dragon s'éloignèrent.
Chacun des nains et le Hobbit racontèrent à leur tour ce qui s'était passé, histoire qu'il remette de l'ordre dans ses souvenirs. Legolas et la reine s'approchèrent de ce qui restait d'une balustrade pour voir que dans la vallée, les orcs avaient été mis en échec. Ils restèrent de longues minutes à leur observation, jusqu’à ce qu’une voix grave venant de derrière eux s’adresse à la reine.
— Reine Mina ?
En se retournant, elle découvrit Thorin suivi par ses fidèles compagnons.
— Je crois que... que je vous dois la vie... Merci.
Ça pouvait être mieux mais venant du Roi sous la Montagne, c'était déjà un très grand effort.
— Vous n'avez pas à me remercier personnellement, nous avons tous contribué à votre rétablissement.
Le nain acquiesça. Il était heureux que l'elfe ne l'ait pas laissé mourir, mais il lui faudrait du temps avant qu'il n'arrive à montrer plus de gratitude.
— Je suppose que vous allez regagner la montagne, reprit-elle. Un petit vol à dos de dragon vous tenterait-t-il ?
— Je vous suis reconnaissant de nous avoir aidés mais c'est encore un peu tôt pour cela, refusa-t-il en observant l'animal du coin de l'œil.
— Nous on veut bien ! se manifestèrent les deux frères en faisant un pas en avant.
Leur oncle les foudroya du regard alors ils reculèrent simultanément et Fili trébucha.
— En fait... tout bien réfléchi, on a des choses à faire... mentit Kili.
— Oui... ce sera pour une autre fois, ajouta Fili en se relevant.
Mina sourit doucement, le regard du roi nain pour ses neveux ne lui avait pas échappé. Elle se tourna ensuite vers le semi-homme.
— Et vous Bilbon? Souhaitez-vous que je vous dépose ?
— Oh non non non ! s'empressa-t-il de refuser en secouant les mains. Une fois suffit amplement.
L'elfe se souvenait parfaitement de la façon apeurée dont il l'avait tenue donc elle n'insista pas.
— Mais c’est gentil à vous de proposer, ajouta-t-il avec un large sourire.
D'un signe de tête, elle les salua et la petite partie de la compagnie se dirigea vers des escaliers pour quitter cet endroit.
— Legolas ? Vous montez ?
Le prince ne put s'empêcher de sourire face à cette proposition. Ses souvenirs d'enfance lui revenaient en mémoire. Il n'arrivait même pas à compter le nombre de fois qu'il s'était retrouvé sur le dos d'un des dragons d'Orodreth étant enfant.
— Avec joie !
— Dans ce cas, allons-y !
Les deux elfes prirent place sur la dragonne qui s'élança en sautant du bord.
Avant de rejoindre Dale, elle effectua un vol de contrôle au dessus de la vallée. Des nains en armure parcouraient le champ de bataille à la recherche de possibles survivants. Les seuls orcs présents étaient réduits à l'état de cadavre donc l'animal alla déposer les elfes à l'entrée de la ville.