Le Royaume d'Orodreth
CHAPITRE 7
Au petit matin, Fangorn alla se mouiller les pattes dans la rivière avant de rejoindre sa maîtresse pour qu'elle le reselle. Ses armes ramassées, elle enfourcha sa monture qu’elle fit avancer au pas. Marcher dans la prairie était beaucoup plus reposant que la route de la veille en pleine montagne.
La journée passa rapidement et Mina s'accorda une pause au bord d'un petit cours d'eau. Dans la forêt bordant la vallée, elle entendait depuis quelques heures des aboiements de wargs et des voix d'orcs, bien plus perceptibles que ceux qu'elle avait entendu dans la nuit. Ils se rapprochaient, donc elle restait sur ses gardes, son arc à la main. Fangorn buvait avec les antérieures dans l'eau. Il plongea son museau et secoua la tête pour s'arroser l'encolure. L’elfe s'écarta de justesse pour éviter la douche, mais elle souriait en regardant son cheval faire. Alors qu'elle était en admiration, elle perçut des bruits de pas provenant de derrière elle. Ayant déjà de quoi se défendre, elle tint sa flèche fermement encochée. Lorsque les pas furent très proches, elle se retourna vivement pour se retrouver face à un vieil homme barbu muni d’un bâton, d’un long manteau gris et d’un chapeau pointu, usés par les années. Il venait de sauter sur les abords de la rivière.
Elle le connaissait depuis longtemps, ils échangèrent pourtant un regard surpris, aucun ne s'attendant à rencontrer l'autre en ces lieux. S’il avait été seul, elle aurait déjà baissé son arc, mais comme l’avait prévenue Galadriel, le magicien était accompagné de nombreux nains à l'air renfrogné. Leurs visages reflétaient non seulement une grande méfiance vis-à-vis d’elle, mais aussi une certaine angoisse.
— Gandalf, ne traînons pas ici ! déclara un nain avec une longue barbe et des cheveux blancs.
— Oui Balin, nous allons continuer…
— Que fuyez-vous, Mithrandir ? questionna Mina en baissant finalement son arc.
Gandalf lança un regard par-dessus son épaule et rencontra les visages inquiets des nains.
— Reine Mina, pouvez-vous nous venir en aide ?
Elle sentait le vieux magicien soucieux et resserra instinctivement sa prise sur la bride.
— Que puis-je faire ?
— Prenez le hobbit et galopez jusqu'à la grande maison se trouvant au bout de la vallée, de l'autre côté de ces arbres, répondit-il en désignant le bosquet sur la rive opposée.
Ledit hobbit sortit de derrière le magicien et salua la reine d'un signe de main et avec d’un large sourire. L'elfe dévisagea le semi-homme. C'était tellement rare d'en voir loin de la Comté ! Elle constata surtout qu'il n'était pas vraiment vêtu pour une expédition. Sa veste bordeaux et son petit gilet aux boutons dorés, boutonnée sur une fine chemise blanche donnaient plutôt l'impression qu'il se rendait à une fête mêlant bonnes boissons et chants, comme seuls les hobbits savaient en organiser.
— Je vais vous rendre service Mithrandir, mais vous vous doutez que j'aurai quelques questions.
— Cela va de soi, acquiesça-t-il. Maintenant allez-y et attendez-nous dans la maison.
Mina se mit en selle et Gandalf chargea derrière elle un Bilbon qui ne savait pas trop quoi faire de ses mains. Un faible coup sur les flancs et Fangorn traversa la rivière, provoquant de grosses gerbes d’eau, avant de disparaître derrière les arbres.
— Une elfe ! s'exclama Thorin. Vous mêlez une elfe à nos affaires... On ne peut pas lui faire confiance !
— Au contraire, elle nous aide actuellement, corrigea Gandalf en s'engageant dans l'eau pour traverser.
Les nains lui emboîtèrent le pas et Thorin courut pour rattraper le vieil homme et poursuivre leur conversation.
— Je ne suis pas idiot ! reprit-il. Je sais parfaitement qui est cette femme elfe.
Gandalf lança un regard en coin au seigneur nain, puis un rugissement assourdissant s'éleva de derrière eux.
— Nous discuterons plus tard, pour le moment courons ! conseilla le magicien.
Il joignit le geste à la parole et commença à courir, rapidement imité par tous les nains. Le petit bois fut rapidement dépassé. Une fois dans la prairie jaunie par le soleil, à la grande surprise de tous, Bombur se montra le plus rapide que tous, malgré son embonpoint. Lui qui se trouvait en dernière position, remonta toute la compagnie de nains jusqu'à arriver au niveau du vieil homme. Devant eux, à plusieurs mètres, s'élevait le mur d’enceinte et l'arche d'entrée de la maison dans laquelle Gandalf avait envoyé l’elfe et qu'ils allaient tous occuper pour la nuit. Principalement pour échapper à leur poursuivant.
Au même moment dans la maison, Mina attachait Fangorn à un poteau près d'une vache Highlands puis revint près de la porte où le hobbit se trouvait déjà guettant l'arrivée de ses amis. Elle l'observa attentivement : il semblait vraiment être inquiet pour les nains et le magicien. Il remarqua son regard insistant et prit la parole.
— Qu'est-ce qu'il y a ? J'ai... j'ai quelque chose sur le visage ? s’inquiéta-t-il en se frottant les joues.
— Comment vous appelez-vous ? questionna-t-elle.
— Bilbon... Bilbon Sacquet.
— Alors Bilbon, je me demande ce que Gandalf a bien pu vous dire pour que vous quittiez la Comté.
— J'avais envie d'aventures... et aussi je voulais me rendre utile. Aider les nains dans leur quête m'a semblé idéal.
— C'est très noble de votre part, mais...
Un fort grognement la coupa dans sa phrase et attira son attention vers l'extérieur de la maison. Bilbon plaça une main en visière au-dessus de ses yeux pour voir les nains et Gandalf courir dans l'herbe sèche, poursuivis par un gigantesque ours noir. Le hobbit jeta un coup d'œil à l'elfe qui ne réagissait pas.
— Vous n'allez pas les aider ? s'étonna-t-il.
— Je ne tiens pas spécialement à me faire déchiqueter par un ours géant, répondit-elle. Et ne vous en faites pas, ils vont s'en sortir, ajouta-t-elle confiante.
L'animal sauvage courait bien plus vite qu'eux mais rapidement et grace à l'avance qu'ils avaient prise, ils déboulèrent dans la maison à une vitesse folle, finissant leur cavalcade sur un tas de foin, situé juste devant l'entrée. L’elfe et le magicien s’empressèrent de verrouiller la porte. Derrière celle-ci, l'ours poussa un grognement de mécontentement et cogna deux fois contre le mur avant de se résoudre à s'éloigner.
Les nains se relevèrent difficilement et le premier à retrouver une contenance fut Thorin qui regarda par la serrure où se trouvait la bête. Ce fut finalement un nain chauve légèrement plus grand que les autres qui posa la question que tous avaient en tête.
— A qui appartient cette maison ?
Gandalf se tourna vers celui qui avait parlé pour de répondre.
— Le propriétaire de cette maison n'est autre que la bête qui se trouve dehors.
— Excusez-moi ? tiqua le hobbit.
— Il s'appelle Beorn et c'est un changeur de peau, expliqua le magicien. Il nous aidera à traverser ses terres sans avoir à craindre Azog et ses sbires... Enfin, je l'espère...
— Pourquoi dites-vous cela, Gandalf ? demanda Balin.
— Il n'aime pas beaucoup les nains, avoua le vieil homme avec une grimace.
— S’il était le seul... soupira l'elfe.
Tous les visages se tournèrent vers elle, ils avaient presque oublié sa présence. Ne voulant pas perdre la face devant un elfe, Thorin brandit son épée et menaça la reine, immédiatement imité par ses compagnons. Elle se retrouva avec treize épées de nains sous le nez, un hobbit déconcerté et un magicien confus. La situation ne l’impressionna pas du tout.
— Ce n'est pas étonnant que peu de personnes vous apprécient, fit-elle remarquer.
— Je sais parfaitement qui vous êtes, reprit Thorin d'un ton menaçant.
— Moi pas. Qui est-ce ? demanda l'un des plus jeunes.
— Vous avez devant vous la reine d'Orodreth, déclara Gandalf. Et je serais vous, je baisserais mes armes.
— Orodreth... murmura Bilbon.
— Oui Maître Hobbit, le Royaume d'Orodreth, plus communément connu sous le nom de Terre de Feu ou Royaume des Dragons, répondit Balin.
Toujours sous la menace des armes, Mina gardait le silence et les laissait parler. Le dernier nom énuméré par le nain disait quelque chose à Bilbon, il voyait maintenant de qui il s'agissait.
— C'est donc vous l'éleveuse de dragons, déclara-t-il d'un ton admiratif.
La reine elfe hocha la tête en conservant une expression impassible.
— Excepté que maintenant son royaume n'est plus. Il a été ravagé par le même dragon qui nous a chassés de notre montagne, annonça Thorin d'un air mauvais. Nous, nous allons récupérer notre royaume une fois qu'on se sera débarrassé de Smaug, mais qu'adviendra-t-il de vous ? Que sera le Royaume des dragons sans dragons ?.... Rien ! termina-t-il avec un sourire narquois.
Piquée au vif, Mina sortit son épée en une fraction de seconde, désarma Thorin avec et en plaça la pointe juste sous son menton.Bien que dans une situation délicate, le seigneur nain souriait toujours, parce qu’il savait qu'il avait blessé l'elfe et en était assez fier.
— Vous ignorez de quoi vous parlez, Thorin Ecu-de-Chêne... siffla-t-elle à voix basse.
— Doucement, doucement, les calma Gandalf. Reine Mina, je vous en prie, rangez votre épée, la pria-t-il poliment. Et il en va de même pour vous, compléta-t-il à l’attention des nains.
Comme aucun ne faisait mine d’obtempérer, le magicien riva des yeux insistants et fâchés sur ses compagnons de route.Ces derniers se ravisèrent et Mina suivit le mouvement en glissant son arme dans son fourreau.
— Installez-vous pour la nuit, ici vous ne risquez rien, précisa le magicien avant de se diriger vers le fond de la pièce où se trouvait une grande table en bois.
Mina le suivit, laissant les nains prendre place au milieu les animaux de Beorn : vaches, chèvres, chevaux de trait et moutons.
— Dame Galadriel m'avait prévenue de votre passage à Fondcombe, mais j'avoue que je m'attendais à vous rencontrer bien plus loin, confessa-t-elle.
— Nous avons été retardés par des gobelins puis un groupe de wargs nous a pris en chasse, donc nous avons dû effectuer quelques détours, expliqua Gandalf.
— J'ai croisé des cadavres d'orcs et de wargs sur la crête, je suppose que vous n’y êtes pas étranger ?
— Ce sont leurs congénères qui nous suivent, menés par Azog le Profanateur.
— Mithrandir, vous avez un vrai don pour vous attirer des ennuis ! se moqua gentiment l'elfe.
— Je suis bien d'accord, approuva-t-il avec un mince sourire.
Fouillant dans un placard, il trouva un beau morceau de pain, du jambon et du fromage qui conviendraient parfaitement comme repas ; Beorn ne lui tiendrait sûrement pas rigueur de s’être servi.
— Allez-vous passer la nuit avec nous ? se renseigna-t-il tout en déposant les victuailles sur la table en bois.
— Je n'ai pas trop le choix, vous avez énervé l'ours, répondit-elle. Et si en plus vous avez des wargs qui vous traquent, je risque fort de les croiser. Mon cheval est rapide mais je ne tiens pas à perdre du temps avec eux.
Elle déposa ses armes dans un coin de ce qui était la cuisine, sous le regard du magicien qui se rappela soudainement de l'état de la reine elfe après la chute de son royaume. Il voulait en savoir plus.
— Quand vous êtes-vous réveillée ?
Mina se tourna vers lui mais avant de répondre, elle jeta un coup d'œil vers les nains qui étaient en train de se délester de leurs armes et se mettre à l'aise petit à petit pour dormir. Les voyant occupés, sans lui prêter la moindre attention, elle répondit donc à son interlocuteur curieux.
— Il y a trois jours...
— Et puis-je savoir ce que vous faites sur ces terres ?
— Après mon réveil, j'ai également découvert ce qu'était devenue Orodreth... Je veux faire renaître mon royaume mais pour cela, je dois d'abord tuer la cause de ce cauchemar, exposa-t-elle.
— Vous voulez éliminer Smaug ! s'étonna le magicien.
— Il le faut... Ce dragon n'a jamais été et ne sera jamais sous contrôle. Il n’y a pas d’autre façon de stopper sa folie meurtrière et dévastatrice, argumenta-t-elle.
— C'est très noble de votre part mais comment comptez-vous vous y prendre ?
— Cela j'en déciderai lorsque je serai face à lui.
— Vous allez traverser Mirkwood?
— Oui c'est plus rapide, répondit-elle en portant une main sur son épaule qui recommençait à la faire souffrir.
Gandalf la vit grimacer en se massant et il fronça les sourcils. Sa nature compatissante le poussa à questionner l'elfe.
— Que vous arrive-t-il ?
— Une conséquence de la fureur de Smaug, répondit-elle vaguement.
Le vieil homme acquiesça pour inciter l’elfe à poursuivre la conversation.
— Je vais m'occuper de mon cheval et je resterai à l'écart de vos amis, ajouta-t-elle.
— Ce ne sont pas de mauvais bougres, précisa Gandalf.
— Non, ils nourrissent juste une rancune éternelle envers les elfes, conclut-elle en s'éloignant.
Elle récupéra ses armes et descendit les trois petites marches qui menaient à l’étable de la maison.
Lorsqu'elle arriva près de l’endroit où elle avait attaché son cheval, elle constata qu'un jeune nain brun était en train de lui parler tout en le caressant. Apparemment, il ne l'avait pas entendue approcher alors elle l'écouta quelques minutes. Il était en train de complimenter l'animal sur sa stature et élaborait un menu gourmand à base de foin et un nombre exagéré de carottes et de pommes. Avec un tel festin Fangorn aurait du mal à galoper le lendemain ! Pour signaler sa présence, elle se racla doucement la gorge. Le jeune nain sursauta et se retourna subitement. Mal à l'aise, il baissa les yeux pour éviter le regard perçant de l'elfe. Il rejoignit ses camarades après avoir donné une dernière caresse au cheval. Ce n'était pas qu'elle ait spécialement voulu l'impressionner, mais Mina était contente de son effet. Elle retira la selle du dos de son cheval et la déposa sur un tas de paille, avant de le conduire dans la stalle située tout au fond de l’étable.
OldGirl, toujours pareil... merci pour ton aide.