Elanor

Chapitre 3 : CHAPITRE 2 - Des voisins pas comme les autres...

4454 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 02:35

 

CHAPITRE 2 – Des voisins pas comme les autres

 

                Aujourd'hui, c'était samedi.

                Le samedi je ne travaillais pas. La veille, j’avais consulté ce site que Claire Chazal nous avait donné aux informations, et dans ma ville, plusieurs logements avaient été attribués pour héberger les nouveaux arrivants. Il y en avait un qui était situé à peine à vingt mètres de ma maison !

                C’était une grande bâtisse de deux étages, avec plusieurs balcons… Je n’y étais jamais allée, on racontait que c’était une maison de rêve, très spacieuse. Les nouveaux locataires seraient très heureux d’y vivre selon moi, même si cela ne remplacerait pas, malheureusement, leurs anciennes résidences… 

                J’ouvris mon four et sortis mes brioches fourrées à la confiture de fraise... Une recette que ma mère tenait de la sienne. L’odeur était en train d’embaumer toute la maison. Ces brioches faisaient toujours un tabac car elles étaient très moelleuses.

—Mais il valait mieux ne pas connaître la quantité de beurre qu’il y avait dedans ! Murmurai-je.

                En appliquant soigneusement mon glaçage sur mes briochettes, je songeais à la répartition des hébergements entre les différentes races, en espérant que les personnes chargées de s’en occuper aient eu l’intelligence de ne pas les mélanger entre elle. Dans le cas contraire, cela risquait de virer au cauchemar pour les nouveaux locataires… et pour le voisinage par la même occasion !

                Après ces quelques préoccupations, j’avais déposé mes petites douceurs une par une dans un grand panier en osier… J’avais préparé deux fournées (donc deux paniers), en croisant les doigts pour que cela soit suffisant…

                J’allais peut-être rencontrer des elfes.

                Margaux passait la plupart de son temps à se vanter d’avoir vu et adressé la parole à des elfes, elle ne cessait pas un seul instant de  me parler de son Legolas… À l’entendre, c’était le grand amour de sa vie. Cette femme changeait d’homme comme de chemise ! Elle avait déjà oublié ce Kili qu’elle trouvait si mignon… D’un autre côté, elle ne devait pas lui plaire car à plusieurs reprises, il l’avait totalement ignorée.

                Mais pendant combien de temps allait-elle aguicher ce pauvre Legolas ? Quel drôle de nom d’ailleurs ! D’après mon experte en créatures surnaturelles, Legolas voulait dire feuille verte

                Dès ma future première rencontre avec cet immortel, il faudrait que je lui demande de façon correcte si c’était la bonne traduction… Tout de même, feuille verte ?!

                Etait-il petit comme les autres conquêtes de mon amie ? Mais, pourquoi un elfe voudrait-il perdre son temps avec une mortelle ?

                Oh la la, trop de questions ! Je me rapprochai de ma glace pour me pomponner une dernière fois, m’assurer que ma tenue était correcte… Mes cheveux étaient maintenus par une barrette avec trois papillons et je portais une robe à bustier noire avec de grosses fleurs rouges qui m’arrivait à hauteur du genou. Le temps étant assez venteux et pluvieux en Bretagne, il fallait en profiter lorsque la température devenait plus douce. J’avais attrapé mes deux paniers au bras et j’étais partie à la rencontre de mes nouveaux voisins.

                A peine sortie de ma maison, j’entendis un vacarme assourdissant. Pourtant, le quartier était plutôt calme étant donné que la plupart des habitants n’étaient que des personnes âgées. Je parcourus les quelques mètres qui me séparaient de ces nouveaux résidents… Plus je me rapprochais de leur maison, plus le bruit s’intensifiait. Oh mon Dieu, mais c’était eux qui faisaient tout ce raffut ? Ce n’était pas de cette manière là qu’ils allaient se faire tolérer par le voisinage !

                Je pris mon courage à deux mains et frappai à leur porte. Un instant, je souris intérieurement en espérant qu’ils ne soient pas aussi excentriques que moi… Mais rien ne se passa. Je refrappai donc une seconde fois et la porte s’ouvrit, mais il n’y avait personne.

—On ne baissera pas le son, nous sommes chez nous.

                Mais qui avait parlé ? Aussitôt, je repensai à ma rencontre avec Fili et Kili et je baissai la tête : c’était un nain. Il n’avait pas l’air amical, il portait un bonnet… Par cette chaleur suffocante, il portait un bonnet ! Il avait arrangé ses cheveux en deux nattes, et son visage était orné d’une longue moustache noire. Non mais je devais être en train de rêver, c’était une écharpe qu’il avait autour du cou ?

—Non je ne viens pas pour ça, lui répondis-je gentiment.

—On n’a pas d’argent non plus !

Cette rencontre commençait plutôt bien.

—Non, non, je venais seulement pour vous souhaitez la bienvenue. Je vous avais préparé des brioches avec de la confiture de fraise faite maison…

—Entrez, il fallait le dire plus tôt ! me répondit-il en m’adressant un large sourire.  

                Il m’attrapa par la taille et me conduisit à l’intérieur. L’endroit me sembla immense par rapport à la maison où je vivais. Ils avaient déjà refait toute la décoration. Plusieurs mannequins occupaient le long couloir, tous revêtus d’une armure (probablement naine). Des armes (des haches, des épées et des marteaux de guerres) étaient accrochées aux murs… Si j’étais un cambrioleur, j’éviterais de voler ces nains…   

                Il se mit à parler à ses amis dans une langue qui m’était inconnue tout en brandissant un de mes deux paniers…

—Il n’y en aura jamais assez ! Je ne pensais pas que vous seriez si nombreux ! m’exclamai-je.

                Un autre nain arriva sur ma droite. Il était roux et une tresse très épaisse faisait le tour de son cou. C’était un nain, disons… bien portant. Il me regardait en me souriant, moi et mon panier de brioches. Je le lui tendis pour qu’il puisse se servir et les goûter…

—Comme c’est aimable à vous… Bombur, pour vous servir !

                Il s’inclina comme les deux frères que j’avais aperçus en début de semaine. Mais pourquoi diable ces nains me proposaient-ils tous leurs services ? Son attention se reporta de nouveau sur mon panier, que je lui retendis, l’encourageant à se servir. Mais ce n’était pas une brioche qu’il avait prise, c’était le panier complet ! Je suis restée bouche bée à le regarder bêtement, lui, qui piochait dans mes petites gourmandises et en ayant l’air de s’en régaler.

                Le premier nain qui m’avait accueillie revint me voir et me dirigea vers une chaise vide, tout en m’adressant un clin d’œil pour mes brioches qu’il dévorait lui aussi à pleines dents. Il s’appelait Bofur. Un autre nain me donna une pinte de bière. Embarrassée, je ne parvins pas à refuser l’alcool qu’il venait de mettre sous mon nez. Je buvais très rarement… à vrai dire, jamais. La seule fois où j’avais bu, c’était une flute de champagne pour mes vingt ans ! Lorsque je sortais en boîte avec les gens de ma classe, je faisais semblant de boire…  J’avais ma technique, mais là je ne pouvais pas.

—C’est gentil, mais ça ira, lui dis-je en lui rendant sa bière.

—Celle-ci elle ne nous coûtera pas cher en bière : il faut la garder ! rigola Bofur.

—Aller, lâche-toi, on ne va pas te juger ! me dit un autre qui revint à la charge avec sa pinte.

                Ils étaient très nombreux et riaient de bon cœur. J’étais une inconnue, mais je me sentais bien aux côtés de cette joyeuse assemblée. J’avais eu un premier accueil particulier, froid, mais il s’avérait que Bofur était un nain sympathique, ils l’étaient tous en fait.

                Je regardais Bifur en train de concocter ce qu’il appelait sa petite poudre miracle. Dedans, il mettait une plante faiblement hallucinogène. Juste la quantité nécessaire pour planer en gardant ses esprits !

                Un autre nain se rapprocha de moi avec une pinte de bière dans chaque main. Il s’appelait Ori. Des cheveux châtain clair, coupés au bol avec plusieurs tresses et une barbe un peu trop longue à mon goût. Il m’avait posé plusieurs questions, sur ma vie en général : ma famille, mes centres d’intérêts, mon travail... Je lui avais expliqué que j’étais étudiante, que je travaillais à mi-temps dans une école pour étudier les sciences, et que le reste de mon temps je travaillais dans une pharmacie. J’ai dû lui expliquer ce qu’était qu’une pharmacie, car il ne connaissait pas ce terme. Il semblait ravi que je m’intéresse aux sciences… Il disait à tout le monde que je savais fabriquer des médicaments, soigner des gens et que j’étais intelligente… Ori, si tu savais à quel point tu es si loin de la réalité… Je suis tout, sauf quelqu’un d’intelligent…  

                Après ces quelques pensées désagréables, je bus d’une traite le restant de ma pinte et j’aperçus deux visages familiers.

—Hey, Fili, Kili ! criai-je.

                Un beau sourire apparut sur le visage du blondinet, il paraissait heureux de me revoir, et son frère aussi. Je ne pensais pas un jour recroiser leur chemin à eux deux ! Ils prirent tout deux une chaise et s’installèrent à côté de moi, poussant Ori.

                Vexé, le petit nain à la coupe au bol partit, et Kili courut nous chercher trois autres pintes de bière ! Et une troisième ! Je ne tiendrais jamais la nuit…. heureusement que je ne travaillais pas le lendemain.

                J’expliquai à Fili que je ne vivais qu’à quelques mètres de chez eux, qu’il serait facile de se voir plus souvent s’il en avait envie et qu’ils étaient tous les bienvenus à tout moment.

                Ouh la, premier vertige… Mais qu’est-ce que c’était ce picotement désagréable le long de ma gorge ?

                Fili me tendit sa pipe et sans réfléchir je la pris et je la portai à mes lèvres. J’étais consciente de ce que je faisais, mais je n’arrivais pas à m’arrêter. J’inspirai une bonne bouffée, ce qui me fit tousser et il en rigola de bon cœur. Je le regardai à mon tour, avec mon sourire d’ivrogne… Mon sourire d’ivrogne… Arrête, est-ce que tu te rends compte de l’image que tu leur donnes de toi ? Arrête !

                J’avais de nouveau un vertige mais cette fois-ci il était accompagné de sueurs froides, avec une irrésistible envie de me frapper la tête contre un mur. Le picotement dans ma gorge revenait.

                Je vais vomir.   

—Où sont les toilettes ?

                Ça arrive.

—Tout au fond du couloir, m’indiqua Fili d’un geste de main.

                Contrairement à moi, il avait l’air d’être sobre, malgré les nombreuses pintes qu’il avait bues. J’étais à peu près sûre qu’il en avait consommé trois fois plus que moi. Peu importait, d’une rapidité hors norme je me levai de ma chaise et je pris mes jambes à mon cou. Où étaient ces WC ? Ça monte, ça va sortir…

                A temps ! J’avais pensé à fermer la porte derrière moi pour éviter de faire mauvaise impression. Quelle horreur, ce goût acide et répugnant que j’avais le long de ma gorge. Et ces vertiges…

                Je me rapprochai du petit lavabo à proximité des WC et je me regardai dans la glace. J’avais l’impression d’être verte, je voyais trouble, et j’avais chaud. Il fallait que je sorte… Non, de l’eau, j’avais besoin d’eau. Je m’aspergeai le visage et je me rinçai la bouche… Mais ce n’était pas suffisant, il me fallait plus.

                Je sortis de cet endroit et je me traînai péniblement jusqu’à la terrasse de dehors. Il y avait de la fumée, du bruit, et beaucoup plus de monde dans la maison que lorsque j’étais arrivée plus tôt dans la journée. Impossible de lire l’heure, sur cette petite pendule accrochée à même pas deux mètres de moi. Je continuai en quête d’air frais. Parcourir ce couloir me sembla durer une éternité, mais j’avais réussi à atteindre l’extérieur, il y avait moins de monde et l’air était plus respirable... et un transat !

                Parfait. Je m’allongeai et m’endormis.

- Quelques heures plus tard - 

 

                Qui avait allumé la lumière ? Et c’était quoi ce bruit horrible ? Où étais-je ?

                Il s’agissait d’une petite pièce qui n’était meublée que d’un lit et d’une table de nuit avec une petite horloge… Voilà d’où provenait ce bruit si désagréable. Aucune décoration aux murs. Les draps sentaient bon le propre, mais je ne pouvais pas en dire autant pour moi. Je pris mon courage à deux mains pour me redresser et sortir du lit. Au sol, un tapis de fourrure, aussi doux que les poils de mon cochon d’Inde. 

                Je m’avançai vers l’unique porte qui menait vers la sortie, c’était une porte coulissante, style japonais. Je passai discrètement ma tête pour m’assurer que j’étais seule. Une porte identique se dressait juste en face de moi, mais fermée. Quelqu’un devait probablement y être en train de dormir… 

                Sur ma droite, une porte en verre qui menait vers le toit et sur ma gauche, un escalier qui menait à l’étage inférieur avec une petite porte en bois blanc traditionnel. J’hésitai un instant et je finis par l’ouvrir.

                Elle donnait sur une salle de bains : serviette, shampoing, savon, dentifrice, mais il n’y avait pas de brosse à dents. Et pas de verrou à cette porte non plus… « Est-ce que je prends le risque de me laver ? Et si on me surprend toute nue ? ». Je m’avançai vers la glace et je pus constater que j’avais une mine affreuse…  Mieux valait qu’on m’aperçoive toute nue plutôt que dans cet état-là ! Et cette odeur !

                Je baissai la fermeture Eclair de ma robe et je la laissai tomber par terre. J’ouvris la porte de  douche avant d’y entrer. De l’intérieur, j’inspectai une seconde fois la pièce, et à mon plus grand étonnement — non sérieusement, étais-je vraiment étonnée ? — Aucun rasoir… Ces nains en avaient pourtant bien besoin !

                Qu’importe, je tournai la petite manivelle de droite et aussitôt une eau froide en jaillit… Je ne pus retenir un cri de stupéfaction ! Tant pis pour le nain qui dormait juste à côté, mais c’était horrible car l’eau était littéralement glacée. D’un geste rapide, j’actionnai la manivelle de gauche dans tous les sens possibles, mais rien à faire… ils n’avaient pas branché l’eau chaude !

—Je ne vais pas non plus leur coûter cher en eau ! m’esclaffai-je tout en me dépêchant de me savonner.

                Je m’essuyai à la va-vite et remis mes habits avant de sortir de cet endroit. Je descendis les escaliers discrètement sur la pointe des pieds pour ne réveiller personne. Toutes les portes étaient fermées. Probablement leurs chambres.

                Au rez-de-chaussée, plusieurs nains étaient endormis par terre, sur les sofas et sur la longue table en bois du salon… Mais à ma plus grande surprise, ils avaient rangé les lieux après leur petite fête improvisée.

                Je pris garde de ne réveiller personne. J’ignorais où se trouvaient mes chaussures, mais c’était sans importance car je marcherais pieds nus les quelques mètres qui me séparaient de ma maison.

                Une main m’attrapa par la cheville et je sursautai de peur. Ce n’était que Fili. Pour m’éclipser discrètement, c’était mort maintenant ! Je m’installai à ses côtés tout en essayant de me remémorer la soirée d’hier… mais en vain ! Il s’était passé tant de choses, et je ne me souvenais de rien….

—Maudite poussière ! pestai-je d’un air agacé.

—Quoi ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Je pensais que tu aurais bien dormis dans cette chambre… C’est mon oncle qui se trouve dans la chambre voisine à la tienne, et crois-moi, il s’agit de l’unique nain au monde qui ne sache pas ronfler ! rigola-t-il tout en m’adressant un de ses sourires chaleureux.

—Oui, j’ai très bien dormi… Mais ma mémoire me joue des tours, si tu vois ce que j’essaie de te dire…

—En effet, tu t’es laissée tenter par la boisson et la poussière de Bifur ! Ne te sens pas gênée. Par moments, il n’y a rien de mieux pour le moral que de se laisser aller. Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression que tu n’es pas trop le genre de personne à aimer faire la fête ?

—Non, souriais-je. Ecoute, j’ai passé une très bonne soirée hier, mais je n’aime pas perdre le contrôle…

—Ne t’inquiète pas, la prochaine fois je veillerai à ce que tu n’en abuses plus ! Tu habites tout près d’ici, mais la chambre tout en haut où tu as dormi cette nuit est libre. Si tu en as envie, tu peux rester avec nous, cela ne nous dérange pas…

—Pourquoi me dis-tu cela ?

—Et bien, Ori m’a dit que tu vivais seule… que ta mère travaillait loin, et que tu n’avais pas de famille… Tu peux rester si tu veux, et je crois que Bombur ne sera pas contre après avoir goûté à tes gâteaux ! Et dire qu’il ne m’en a même pas laissé un !

—J’en referai la prochaine fois que je passerai vous voir, mais je pense qu’il est encore un peu tôt pour que je me mette à squatter chez vous ! lui répondis-je avec un sourire en coin. Je vais rentrer et dormir dans ma tanière… On se reverra bientôt, lui promis-je en lui déposant un baiser sur son front avant de me relever.

                Mon geste était osé, mais pour une raison que j’ignorais encore, j’avais éprouvé le besoin de l’embrasser, d’avoir un contact physique avec lui.

                J’étais partie sans me retourner car j’avais peur de croiser son regard…

 

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