Jeux de Nains

Chapitre 10 : Au Bal Masqué, Ohé ohé.

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 09:16

Elles marchaient dans les rues pavées. Lenka en profita pour jeter un oeil à ses comparses. Il y avait Mliwyn, grande, belle, rousse ; une autre jeune femme plus petite, plus boulotte, entre deux âges mais au visage souriant, avenant, et de longs cheveux bruns, et la dernière était très jeune, à peine pubère, son corps aux formes arrondies rehaussé par une jolie robe couleur crème, en contraste avec sa chevelure châtain. Elles avaient l'air gentilles, toutes les trois, mais Lenka se doutait que Mliwyn ne l'était que quand elle désirait quelque chose ; cette proposition de l'aider cachait quelque chose. Essayait-elle de bien se faire voir auprès des autres ?

« Hé bien Lenka, tu es heureuse de participer à ce bal masqué ? » demanda Mliwyn en ne se retournant même pas.

Les deux autres eurent un gloussement, et Lenka rougit. Bal masqué, masque ; voulait-elle dire par là qu'elle devrait être heureuse de participer à une fête où elle avait le visage caché ? Mais ces propos étaient bien voilés, et elle ne pouvait pas répondre aussi vivement que ce qu'elle aurait souhaité sans paraître offensante. Elle était rusée, trop peut-être.

« Que cherches-tu, une robe ? Une jupe ? Je suis sûre qu'on trouvera des vêtements qui devraient te changer des tiens. A ta taille, bien sûr. »

Encore des piques. Des vêtements qui changeront des siens ? Mais elle n'avait jamais mis de jupe, de robe. Elle ne savait pas marcher autrement qu'avec des bottes sans talons. Faire sa coquette, ce n'était pas son truc. Se salir, cela ne la dérangeait pas, au contraire. Elle n'avait pas besoin de faire sa fille. Et quand bien même elle était plus forte physiquement qu'une humaine, c'était sa nature. Elle était une naine, capable de porter de lourds marteaux pour fendre une tête. Elle en était fière, et il n'y avait aucune honte à cela. Alors pourquoi ses joues rosissaient-elle à ces méchancetés ? Lenka soupira et regarda autour d'elle ; des étals étaient montés pour le marché, et vendaient des tissus, des robes déjà faites, des accessoires. Tout cela était inutile.

« Pourquoi tu n'essayerais pas celle-là ? » demanda la brunette, en montrant du doigt une espèce de torchon sale, avec des trous, que vendait une pauvre femme et qui avait du lui appartenir des années durant. Les trois femmes éclatèrent de rire, puis s'éloignèrent. Lenka les laissa la distancer puis regarda par elle-même. Elles n'avaient pas tord sur un point : acheter de nouveaux vêtements ferait peut-être son affaire. Elle pourrait peut-être en profiter pour acheter des petits cadeaux à chacun des nains, et aussi au magicien et au hobbit ? Elle farfouilla un peu, puis tomba sur une échoppe qui vendait du tissu et du cuir, ainsi que des fourrures. Elle acheta une gigantesque fourrure d'ours blanc pour Dwalin, un nouveau capuchon pour Fili, ainsi qu'une ceinture de cuir pour Bombur, dont la sienne n'était plus à sa taille car il avait maigri durant le voyage. A un autre étal, elle trouva une petite trousse à onguents pour Gandalf, des épices du coin pour Bilbo, de la graisse excellente pour nettoyer les armes pour Bofur, Bifur et Balin. Pour Oin, Dori et Ori ce sera une petite bouteille d'un alcool de la région, réputé capable de réveiller une vache à l'agonie. Pour Nori, elle trouva une veste couleur de terre aux agréments en or, pour Gloin une petite hachette finement réalisé, pour Kili une nouvelle cotte de maille. Restait le pire, Thorin. Elle voulait quelque chose de bien, mais qui égala le reste des cadeaux, pour éviter que certains se trouvent jaloux - ou plutôt pour éviter qu'ils ne voient en Thorin son préféré. Elle soupira et continua de faire le marché, heureuse d'être seule dans la foule éparpillée. Un homme qui tenait une brasserie lui proposa une bière, la naine accepta et ils se mirent à discuter un peu.

« Première fois que j'vois une naine, pour sûr ! »

Lenka eut un petit rire. Il lui vanta sa bière, mais la naine refusa de lui en acheter une chope de plus. Elle voulait quelque chose d'autre pour Thorin ; elle s'en alla et sourit une dernière fois au brasseur. Comme quoi tous les humains n'étaient pas en guerre contre les nains. Elle continua puis se retrouva devant un bijoutier. Elle regarda, par curiosité, et quelque chose attira son oeil. Un collier d'argent et d'or martelé, monté sur une chaîne à petits maillons résistants. Le pendentif était un écu simple, sans gravure dessus. Lenka appela le bijoutier, qui travaillait derrière une tenture de cuir.

« Est-ce que vous gravez des choses sur vos bijoux ? »

« Bien sûr, m'oiselle. Vous voulez quelque chose ?  »

Lenka lui sourit, montra le bijou et lui expliqua ce qu'elle désirait. L'homme réfléchit puis hocha la tête.

« Faudra revenir tout à l'heure par contre. Le temps que je finisse quelques commandes et que je fasse la vôtre. Milieu d'après-midi, ça vous va ? Bien ! A tout à l'heure ! »

Lenka lui fit signe de la main et s'éloigna, pour tomber sur les trois pimbêches et leurs achats. Elles s'étaient fait faire une robe chacune, dans les tons de leurs cheveux et Lenka devait avouer qu'elles étaient magnifiques, ces robes. Mliwyn s'approcha d'elle, venimeuse.

« Allons viens, nous allons te faire faire une robe. Mais pas dans la couleur de tes cheveux ; tu ne veux pas une robe qui ait la couleur de la pisse de cheval quand même ? »

Rires. Lenka eut un sourire qui ressemblait plus à un rictus, mais les suivit quand même jusqu'à l'étal de la couturière. La femme était âgé, et regarda arriver les trois femmes avec un regard désapprobateur. Quand elle vit Lenka, la surprise se peignit sur son visage puis un sourire aimable.

« Que puis-je pour vous ? » demanda t-elle à la naine - et uniquement à la naine, cela se voyait dans sa posture, ses mouvements : elle ignorait les trois autres.

« Une robe, Mère Aiguille ! C'est la femme dont on t'a parlé tout à l'heure. Alors fait lui la robe qu'on t'a commandé. Elle paiera pour nous toutes. »

Et Mliwyn s'éloigna, certaine d'être exécutée. La vieille femme soupira et entraîna Lenka derrière l'étal dans une tente où se faisaient les essayages et la confection.

« Je suppose qu'elle ne vous avait pas dit qu'elle a une ardoise longue comme le bras, ici ? Et que vous ne saviez pas non plus pour la robe ... »

Lenka observa la vieille femme au visage buriné, aux rides nombreuses et a l'air gentil. Elle lui sourit ; elle n'avait pas l'air riche et elle se ferait un plaisir de payer ce qu'elle lui devait, avec une commission même.

« Je vous payerais avec plaisir, mais je me refuse à payer pour cette fille, je suis navrée. Quelle robe a t-elle commandé pour moi ? »

Mère Aiguille lui montra et Lenka eut un hoquet : la robe était hideuse. Couleur de terre cuite, on l'aurait dite faite d'excréments. Des dentelles et des rubans un peu partout la surchargeait, et surtout elle n'aurait jamais été à sa taille. Lenka secoua la tête. Jamais elle ne mettrait ça !

« Voudriez-vous regarder un peu ce que j'ai là ? Je suis sûre qu'on peut lui faire une petite surprise à laquelle elle ne s'attendra pas. »

Lenka la regarda et sourit de nouveau ; faire une autre tunique ? Cela la surprendrait. Oui, c'était une bonne idée ! La vieille femme se mit à la conseiller, et Lenka lui donna les idées qu'elle se faisait d'une tenue de soirée naine. Elles furent enfin d'accord sur une tenue, et la vieille femme se mit à la confectionner avec les tissus divers, avec l'aide de Lenka.

***

Lenka sortit de là avec un paquet sombre, entouré d'un ruban. Mère Aiguille la salua chaleureusement et elles se séparèrent. Lenka était heureuse ; elle avait passé presque toute la matinée au marché, la plupart de son temps dans cette tente, mais elle avait beaucoup parlé pendant qu'elle essayait sa tunique. Elle lui allait comme un gant, et la vieille femme avait exprimé son admiration devant la naine. Lenka était ravie ; rougissante, elle s'imaginait faire cet effet au bal de ce soir. Elle retourna vers l'auberge et croisa les trois pimbêches.

« Ca y est, tu as ta robe ? » demanda avec malice Mliwyn.

« J'ai ma tenue, oui. »

Elles rentrèrent dans l'auberge et trouvèrent le groupe en train de faire des plans sur une carte de la région. Gandalf entourait certains endroits qui se révélèrent être des points d'eau potable. Thorin était assis dans un fauteuil près du feu, torse nu, l'épaule bandée, la peau luisante de chaleur. Bilbo et Bombur étaient à côté, en train de parler cuisine, ce qui n'avait pas l'ait d'enchanter le roi nain. Il jeta un coup d'oeil aux arrivantes et détourna le regard aussitôt. Il ne savait que penser de tout cela, mais il commençait à imaginer que Lenka le détournait de sa quête. Il n'était pas là pour jouer aux dons juan. Il était là pour récupérer sa montagne, son or, sa maison. Il était venu pour entreprendre une quête. Lenka ne changeait rien à cela.

« Alors, ces achats ? » demanda Gandal avec un petit sourire amusé.

« Vous allez être surpris ! » déclara Mliwyn en riant.

« Oh que oui » répliqua Lenka, et elle se mit à rire elle aussi.

Le groupe retira les plans de la table et fût servi le repas. Ragoût, pain, légumes bouillis. C'était nutritif mais pas exceptionnellement bon. Bilbo et Bombur se remirent à parler épices, se bagarrant verbalement sur celles à mettre dans un ragoût pour lui donner du goût. Lenka cacha un sourire triomphant derrière sa main - elle avait hâte d'être ce soir !

« Voulez-vous reprendre votre entraînement cet après-midi ? »

Lenka mit quelques secondes à comprendre que la question lui était adressée. Elle rougit, repensa à ce matin. Voulait-il continuer là où ils s'étaient arrêtés ?

« Kili a aussi besoin d'un bon coup de mains, et deux débutants pourront mieux apprendre l'un de l'autre. »

Apparemment non. Il avait invité d'autres nains qui avaient besoin de faire de l'exercice, et après la digestion, ils emplirent la cour et firent même peur aux poules. Kili et Lenka se mirent à se battre à l'épée, tandis que Bilbo apprenait le tir à l'arc. Les autres nains s'entraînaient à la hache, au marteau, ou digéraient juste un peu plus au soleil. Lenka commençait à avoir des fourmis dans les mains quand elle remarqua la lumière qui baissait. Combien de temps s'étaient-ils entraînés ?

« J'ai une couse rapide à faire ! Je reviens ! »

Elle lança son arme à Thorin, qui surveillait de près leur combat à elle et Kili, leur donnant des conseil. Il rattrapa l'épée et se présenta comme nouveau combattant.

« Lenka en robe, ça va être amusant, non ? » fit le jeune nain à son oncle, avec un large sourire.

Thorin resta immobile ; il n'y avait pas pensé. Lenka en robe ! Quelle couleur lui irait le mieux ? Du vert, un vert aussi profond que celui de ses yeux. Y aurait-il un corset pour mettre en valeur son opulente ...

« Touché. T'es mort. » fit Kili avec un ton amusé, quoi qu'un peu surpris.

Thorin détourna la lame et s'éloigna, sous les cris de Kili qui s'excusait. Balin, qui observait, perché sur de la paille, eut un large sourire ; il suffisait d'évoquer Lenka pour mettre leur roi dans tous ses états. Décidément, combien de temps mettraient-ils à s'en rendre compte, tous ? Déjà, Gandalf devait le deviner, ainsi que Bifur, Dori et Dwalin. Les autres y pensaient peut-être, mais pas encore sérieusement. Il repensait à Kili et à Lenka ; le jeune nain était-il amoureux d'elle, lui aussi ? Il avait l'air de tenir à elle, tout comme Bilbo, mais pas d'en être amoureux. Peut-être pas au point de leur roi. Thorin semblait farouchement épris de la naine, bien qu'ils semblent se chamailler tout le temps.

Lenka se mit à courir ; le milieu de l'après-midi arrivait déjà ! Ses muscles lui faisaient mal ; elle n'avait pas l'habitude de manier l'épée et les muscles qui servaient à se servir d'un arc n'étaient pas les même. Elle arriva chez le bijoutier qui l'observa rentrer avec surprise. Essouflée, elle reprit son souffle et lui sourit, attendant qu'il lui présente le bijou.

« Pourquoi revenir ? Il ne vous convient pas ? »

« Si, bien sûr. Mais j'en ai besoin pour ce soir. »

« Mais je l'ai déjà donné à votre amie. Mliwyn. Elle est passée en disant que vous l'aviez envoyée chercher ce que vous aviez commandé, vu que vous étiez occupée. »

Il avait l'air perdu, et au visage que fit la naine, il comprit qu'il avait eu tord. Elle soupira, le paya, et en retournant à l'auberge, elle chercha un moyen de récupérer le cadeau de Thorin. Quand elle pénétra dans l'auberge, il y avait des airs de fêtes : des rubans, des couronnes de fleurs bariolées étaient installées sur les montants de bois des portes. Des banderoles aux couleurs vives pendaient du plafond, et des bougies odorantes entourée de tulle coloré donnaient au lieu une ambiance douce. Lenka chercha des yeux la chanteuse, qui répétait un numéro sur scène.

« Rends-moi ce collier » grogna la naine en montant sur scène, grondante comme un animal en furie.

« De quoi tu parles, la moche ? » fit la rousse avec un large sourire.

Les autres danseuses et le gérant de l'auberge les observaient ; elle ne pouvait pas la frapper. Mais la naine prit la chanteuse par le col et la souleva de terre sans effort ; dans ses grands yeux bordés de longs cils apparut la peur.

« Tu me rends ce que tu m'as pris ! » continua t-elle tout bas, menaçante.

« Crève, tu vas passer pour quoi, là, en me menaçant, hmm ? Thorin est à moi. Je vais tous te les prendre. Ils seront à moi. Je vivrais comme une reine. Dégage avant que ne te traîne dans la boue. »

Lenka la reposa tandis que Bombur et Bifur approchaient, alertés par les cris de l'aubergiste qui demandait à la naine de lâcher Mliwyn. Lenka poussa un cri de rage et monta jusqu'à sa chambre où attendaient sa tenue dans son paquet, et ses petits cadeaux. Elle n'avait plus rien pour Thorin. Mliwyn le lui offrirait ; cela le toucherait. Il en serait heureux. Mais elle voulait que ce soit elle qui lui offre ! C'était injuste !

Elle claqua la porte de sa chambre et frappa les montants de son lit. Pourquoi ses amis la laissaient-ils faire ? Elle soupira et vit par la fenêtre le soleil se coucher doucement à l'horizon. Du bruit en bas montra que des gens arrivaient pour le bal. Une femme de chambre monta et toqua pour lui apporter un masque ; un magnifique loup de bois aux couleurs peintes, en argent et bleu. Lenka eut un pauvre sourire ; au moins les couleurs étaient superbes et allaient avec sa tenue bleue très pâle, bleue plus foncé et gris.

Elle se prépara enfin. Elle prit un long bain dans la bassine de bois près du feu, se lava les cheveux avec la mousse de fleurs que donnait l'établissement, retira la crasse et la sueur de l'après-midi, puis prit son temps pour détendre ses muscles douloureux. Quand elle eut finit, elle brossa sa crinière blonde. Quand elle eut finit de retirer les noeuds, ils étaient presque secs. Elle se fit une longue tresse dans le dos, et laissa des mèches pendre près de son visage. Un coup d'oeil au petit miroir montra qu'elle était loin d'être belle, mais au moins elle semblait présentable de visage. Elle sortit enfin sa tenue et l'enfila. Un coup d'oeil au miroir et elle sourit, l'oeil pétillant. L'effet était encore plus fort avec sa tresse et dans la lumière pâle du crépuscule. Elle espérait faire son petit effet sur ses amis et sur les pimbêches, si elles s'attendaient à ça !

L'heure était arrivée. Elle enfila son masque et s'étira une dernière fois les épaules pour que la tenue tomba bien. Puis elles sortit et descendit l'escalier. Le groupe des nains était installé à leur table habituelle ; tous avaient mit leurs plus belles affaires. Il n'y avait que Thorin qui avait mit une couleur bleue foncée, qui s'accordait avec les nuances de ses yeux, et Bilbo qui s'était paré d'un vert couleur de forêt, très joli. Les autres étaient dans des tons sombres, du noir au terre en passant par du noisette. Kili avait gardé son capuchon couleur de ciel et Kili avait détaché ses cheveux. Ils s'étaient tous fait beau, leurs barbes taillées de frais, leurs cheveux démêlés encore humides. Lenka pénétra dans la salle, puis s'approcha d'eux. Thorin vit un mouvement et l'observa. Il sentit son coeur s'arrêter une petite seconde.

Ce n'était pas une femme qu'il avait en face de lui, mais une naine. Une guerrière, fière, forte. Lenka avait le visage caché par son masque, qui reprenait les couleurs d'une tenue superbe, coupée pour une naine. Un pantalon de toile gris foncé orné de fourrures plus claire formant des motifs, était rentré dans des bottines de cuir bleu sombre, qui découpait ses jambes et les faisaient paraître plus fines. Lenka portait une chemise bleue pâle bordée de fourrure blanche au col et aux manches, et un corset par dessus d'un bleu royal, gravé de dessins de glands. Ses avant-bras nus - elle avait remonté les manches de sa chemise - montraient des bracelets d'os et d'ivoire, de jade et d'or, d'argent et de cuivre. Ses oreilles étaient ornées de boucles d'oreille en os, ses cheveux étaient retenus en tresse par un noeud de cuir qui pendant dans son dos. Elle ressemblait à une guerrière, et elle n'aurait pas été plus belle dans une robe. Thorin reprit son souffle, avec le coeur battant, il avait la gorge sèche, le souffle court.

Les nains observaient avec plaisir la naine joliment habillée. Il n'y avait pas que Thorin qu'elle avait fait un grand effet, mais si c'est sur lui qu'elle avait fait la plus grande impression. Bilbo leva les pouces, un grand sourire au visage, et Kili détourna le sien, les joues rouges, intimidé par son aura sauvage. Elle ressemblait à une louve en chasse, à une carnassière. Farouche, déterminée. Elle s'assit finalement près d'eux et remarqua Mliwyn toute proche ; elle l'observait de grands yeux et elle allait dire quelque chose, se moquer sûrement, quand Thorin, la voix basse, rauque d'émotion, murmura :

« Tu es superbe. »

Lenka sourit devant ce compliment flatteur, et rougit - cela ne se voyait pas grâce au masque. Mliwyn mâchonna ses mots puis s'approcha dans sa robe d'un roux aussi flamboyant que sa crinière ; elle venait chercher elle aussi des compliments. Les nains lui en donnèrent, par politesse, mais Thorin n'avait d'yeux que pour Lenka. Il la dévorait du regard, et elle se sentit embarrassée par ce regard. Certes, la tenue lui allait bien, mais pourquoi cette soif dans son regard ? Elle regarda autour d'elle ; les gens qui étaient là étaient habillés de beaux atours, tous de couleur vive. Des danseuses et des chanteuses étaient sur scène, formant un spectacle pour les danseurs.

« Vu que nous fêtons le roi Thorin, ce soir, je voudrais vous offrir quelques petites choses. »

Lenka sortit ses petits paquets, et offrit à chacun ses cadeaux. Ils furent ravis de cette intention, et elle récolta nombres de sourires heureux. Bilbo sentait déjà les épices, imaginant des recettes à base de crin-de-poussière ou de Flutorn. Les autres observaient leur cadeau, comparant avec les autres, chacun décidant que le sien était mieux. Puis elle se tourna vers Thorin, avec l'envie de pleurer ; il l'observait toujours, moins assoiffé, plus doux. Il se repaissait littéralement de sa vue, appréciant la coupe du vêtement, son corset qui mettait en valeur sa poitrine. Il sentait la douce chaleur que sa vue faisait naître en lui.

Mliwyn lui tapota l'épaule et lui tendit un paquet grossier. Elle sourit d'un air triomphant.

« Moi aussi j'ai un cadeau pour toi, mon roi. Cette fête est en ton honneur, c'est à toi qu'il faut faire des présents. »

Thorin, interrogateur, ouvrit le paquet et ses yeux brillèrent de convoitise. Il sortit délicatement le bijou d'or et d'argent, au pendentif en forme d'écu gravé d'un gland, l'emblème du chêne. C'était plus qu'un bijou. Il se tourna vers Mliwyn, confondu. Etait-elle plus qu'il ne l'avait imaginé, ou bien, comme son instinct lui disait, il y avait anguille sous roche ? Ses doigts touchaient le métal délicat, et un frisson le parcourut. Ce bijou était magnifiquement ouvragé.

« Il te plaît ? » minauda Mliwyn, en posant sur l'épaule de Thorin une main possessive.

« Oui » fit-il, un peu ému.

Il ne savait plus vraiment où donner de la tête. Il aurait aimé faire le tri dans ce qu'il pensait, ce qu'il ressentait, mais la musique, le parfum de Mliwyn, la présence de Lenka, tout cela le mettait mal à l'aise. Cela ne s'arrangea pas quand Mliwyn lui demanda une danse. Son masque était en forme de renard, orange, noir, blanc. Ils se levèrent, et Thorin se sentit outragé. Il arrivait à la poitrine de la demoiselle, et c'était absolument ridicule ! Il se rassit, refusant de danser. Pour ne pas froisser la demoiselle, qui semblait trembler de rage et de colère, Gandalf lui proposa la danse. Habillé d'une robe argentée qui s'alliait à ses cheveux, il faisait encore plus magicien que d'habitude. La danse ne dura pas longtemps, et la chanteuse s'excusa d'un mal de tête. Elle lança un regard noir à Lenka qui souriait, heureuse que les humains soient plus grands que ceux de sa race. La fête bat son plein, et certains nains n'ont pas la gêne de leur roi : quand des danseuses ou de simples femmes du village viennent leur demander une danse, ils acceptent. Fili va même inviter une jolie demoiselle, pas très grande, qui éclate de rire pendant qu'ils s'enlacent, amusée de le voir lui arriver le nez dans la poitrine, ce qui n'a pas l'air de déplaire au blond. Kili se laisse entraîner par une jeune femme, lui aussi, et bientôt la plupart des nains sont en train de virevolter. Thorin les observe, la mine sombre ; il se demande comment ils peuvent s'amuser face à des gens plus grands. Les nains ont toujours été plus chatouilleux que les autres races sur la taille. Il soupire et se retourne pour regarder Lenka qui rit aux éclats avec Bilbo et Balin. Il rougit, se contente de la regarder de dos. Ses cheveux sont encore humides, leur tressage commence à se défaire. Il a envie de défaire ce lien, les voir se balancer dans son dos, libres.

Il prends une décision. Amenant une bouteille de bon vin, il s'avance vers eux, à l'autre bout de la table, prends la place de Bombur et s'asseoit à côté de Bilbo.

« Je me joins à vous » fait-il, un peu gêné.

« Faites donc, mon roi. »

« Le cadeau de Mliwyn vous a plu, alors ? » demande Lenka avec avidité.

« Oui, bien sûr, il est magnifique. »

« Je suis contente, alors. Vous méritiez un joli cadeau, pour cette fête en votre honneur. »

Sa voix se casse un instant, et Bilbo pose une main sur son épaule. Elle leur a tout expliqué, à ce vieux nain qui semble lire en elle et à son ami. Ils ont compris, ils savent ce qu'elle a perdu de ne pas avoir offert ce cadeau. Ils devinent l'attachement réciproque entre la naine et le roi ; Bilbo sourit, devinant également leurs sentiments. Il n'aimait pas Lenka de cette manière, bien qu'il tienne à elle d'une manière forte. Le contact avec sa main rassure la naine, qui reprends courage ; peu importe qui a offert ce cadeau, ce qui compte c'est qu'il le porte, qu'il lui plaise non ?

« Balin, venez une minute avec moi, je voudrais vous montrer une épice et ... »

Le hobbit et le nain se levèrent et s'éloignèrent, laissant sans beaucoup de délicatesse Thorin et Lenka seuls. La naine eut envie de s'en aller ; les sanglots qu'elle retenait dans sa gorge se firent moins forts mais elle regrettait quand même de ne pas avoir offert ce bijou elle-même. Une main vint effleurer une de ses mèches de cheveux. Elle leva le regard, les narines palpitantes, le coeur au bord des lèvres. Thorin lui caressa le visage, puis soupira.

« Ce cadeau est de toi, en fait, hein ? »

Lenka resta immobile, comme si le fait de ne pas bouger pouvait changer quelque chose, comme si, en ne bougeant pas, le danger s'écarterait. Comment expliquer à cet homme que la femme qui était là en voulait à sa fortune, à son titre ?

« Mliwyn n'est intéressée que par le pouvoir. Même si elle a de beaux atours, ils ne me rendent pas aveugles. »

Ha ! Bon, il n'y aura pas à avoir de discussions embarrassantes. Thorin approcha un peu sa chaise de celle de Lenka qui regarda autour, gênée qu'on pusse les voir. Mais personne ne faisait attention - tout le monde faisait attention à ne pas faire attention, en fait. Leurs genoux se touchaient. Thorin leva les yeux vers elle ; ils brillaient d'une lueur qu'elle n'avait pas encore vu dans ces yeux aux couleurs changeantes.

« C'est toi depuis le début qui désirait me faire plaisir. Ton cadeau me plaît. Tout comme ta tenue ; tu es si belle. Tu es une naine, et plutôt que de tenter de copier la mode humaine et leurs robes, tu t'es habillée comme telle, sauvage, farouche, impitoyable. »

C'était la première fois qu'il parlait aussi longtemps pour lui dire des gentillesses. Lenka eut un rire fêlé, pas très sûre que ce soit son roi qui parlait ; il avait bu beaucoup de vin, n'était-il pas plutôt sous l'influence de l'alcool ?

« Il n'y a pas que tes cadeaux ou ta tenue qui me plaisent, tu sais. Tu me plais aussi. »

Lenka se sentait bizarrement détachée, comme si cette scène n'avait pas lieu. Ce n'était pas possible. Thorin s'approcha, et elle cru un instant qu'il allait l'embrasser, devant tout le monde. Elle se demandait encore si elle voulait lui rendre son baiser ou le repousser quand il se détourna pour parler dans son oreille, la faisant frissonner de son haleine chaude :

« Viens avec moi. »

Il lui prit la main et la fit se lever. Puis il se mit à marcher vers l'escalier. Lenka regardait tout autour d'elle, interdite, rouge pivoine, le coeur battant la chamade, le corps tremblant. Que faisait Thorin, exactement ? A quoi jouait-il ? Elle était certaine que l'alcool parlait. Mais quand elle décida de l'arrêter avant qu'il ne soit trop tard, elle remarqua qu'elle ne pouvait pas.

Elle le désirait. Si fort ! Elle trouva en elle cette boule de désir, dure, incroyablement dure ; Thorin avait toujours exercé sur elle une espèce d'attirance, mais elle ne voulait pas se laisser aller à cette aura. Elle ne pouvait plus, à présent, la repousser ; se déversait en elle ce besoin impérieux de lui. Elle le suivit, se moquant de ce que pouvaient voir les autres.

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