Jeux de Nains

Chapitre 1 : Rencontre

Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 07:20

« Êtes-vous sûr de ce que vous avancez, maître magicien ? » demanda Thorin d'un air affligé.

Gandalf hocha la tête, doucement mais avec fermeté. La blessure du Prince Nain à l'épaule était profonde, et il avait de multiples contusions sur son corps. Encore heureux qu'il fût trapu et musclé de nature, car aucun os n'était cassé. Thorin soupira d'un air excédé mais détourna le regard, autorisant alors Gandalf à soigner sa blessure comme il l'entendait. Le vieux magicien posa alors sur la plaie aux bords pâles un cataplasme de plantes qui étaient censée abosber l'infection qui débutait.

« Il vaut mieux pour vous avoir une plaie propre. Elle sera moins douloureuse, et se refermera plus vite. »

Thorin grogna. Pour lui, cette blessure n'était rien qui vaille tant de peine. Mais le magicien avait absolument insisté. Alors il s'était laissé faire ; Gandalf était un mage et ses réflexions l'avaient menées à cette conclusion : en tant que magicien, il savait ce qui était bon pour eux tous. Relevant son regard d'acier, dur et froid, Thorin observa ses compagnons nains et leur membre hobbit : Bilbon l'avait sauvé de l'attaque de l'Orc pâle. Si il ne s'était pas lancé courageusement au combat, Thoriin aurait eu la tête salement tranchée par la lame d'un de ces saletés d'Orcs.

« Comment Azog le Profanateur a t-il pu survivre ? Lors de la bataille contre les orcs, après que le dragon n'ait attaqué la cité naine, je lui ai tranché le bras après qu'il ait fait de même avec la tête de mon grand-père. »

La haine viscérale de Thorin pour sa némésis se ressentait dans ses paroles rageuses. Mais il y avait un fond d'incompréhension : il était certain depuis toutes ces années que cet ennemi-là était mort.

« Les orcs ont emmené son corps mutilé dans les grottes. Mais, loin d'y mourir comme vous le pensiez, il a survécu et a ressassé sa rage contre la lignée dont vous êtes issue. Il n'y a pire ennemi que celui que l'on a mutilé, Thorin. Vous auriez dû vous douter qu'un ennemi aussi redoutable que cet Orc pâle montant un Warg blanc ne se laisserait pas tuer simplement à cause d'une main tranchée. »

Gandalf avait essayé de ne pas mettre de reproche dans sa voix, mais le tord était fait : Thorin aurait dû rester sur ses gardes. Il était appelé à être le Roi des Nains, et il n'avait pas le droit de sous-estimer ses ennemis comme il l'avait fait. Le nain hocha la tête ; il prenait le reproche avec dignité. Il avait mérité cela ; il aurait effectivement dû faire attention. Gandalf retira finalement, au bout de quelques minutes, le cataplame et banda soigneusement l'épaule gonflée et rouge. Alors que Thorin remettait ses vêtements, Gandalf se tourna lui aussi vers la troupe : occupée à ramasser du bois et à faire cuir un gibier que le jeune Ori, habile à la fronde, avait tué. La bête, un peu plus grande qu'un sanglier, à l''allure de cerf aux cornes droites et pointues comme des dagues, avait des pattes terminées par des doigts, ressemblant à des pattes de poules. Mais qu'importait la bête ; ils avaient de la viande ! Thorin et Gandalf s'approchèrent pour les aider. Gandalf alluma une flammèche au bout de ses doigts et fit s'enflammer les branches sèches. Le feu crépita un instant, et en quelques minutes une bonne flambée grésillait devant eux. Bofur, le nain aux cheveux coiffés en trois cornes à droite, à gauche et sur le sommet de sa tête, empala la viande sur une branche, réussit à tailler deux bouts de bois pour former des fourches et le tour était joué : le feu vint lécher la graisse qui crépita en émétant une odeur de grillade. C'était divin, et les nains avaient hâte de manger. Bilbo, lui, farfouillait dans son sac de voyage. Il repoussa une mèche de cheveux, collée par un peu de sang et de suie, et sortit enfin ce qu'il cherchait : des gâteaux de voyage, capables de résister à la tempête, nourissants et plutôt bons. L'équivalent hobbit du pain de voyage elfique. En plus calorique. Il y avait dans le paquet de toile cirée plusieurs gâteaux. Ils s'assirent tous sur des pierres, se réchauffant près du feu, et mangèrent. Ils étaient tous épuisés, mais le vieux Balin à la barbe blanche, conseiller du Prince Thorin, fit un peu de musique en tapant sur une souche de bois sèche ; les nains entamèrent un chant grave, qui tonnait dans le coeur du hobbit comme un orage. Ce soir là, ils s'endormirent avec un espoir : du haut de leur rocher, ils voyaient Erebor, au loin. Leur quête avançait.

Leur réveil, le lendemain matin, se fit plutôt brutalement. Le soleil s'était levé depuis peu, et les oiseaux chantonnaient dans les bois environnants quand un cri leur parvint :

« Ils me tiennent ! Ils me tiennent ! »

C'était Bilbo, se chamaillant avec sa couette. Drapé dedans, s'étant entortillé pendant la nuit à tel point qu'il ne pouvait presque plus bouger, il faisait à présent un cauchemar et criait à tue-tête. Dwalin, le nain au crâne rasé couvert de tatouages, le secoua sans douceur pour le réveiller. Bilbo ouvrit les yeux, le souffle court.

« Tu as fait un cauchemar, mon gars. »

« C'était ... »

« Les orcs ? » fit d'un ton compatissant le magicien, assit sur une pierre près des braises, en exhalant une bouffée de fumée odorante.

« C'était les aigles ! Ils voulaient me manger ! Ils me tenaient dans leurs grosses serres toutes dures, et leur bec ... »

Bilbo eut un frisson. Alors, le groupe entier éclata de rire. Ils avaient manqué de peu la mort auprès des Orcs et de leurs Wargs, et le petit Bilbo avait eu peur de leurs sauveurs, ces Aigles géants ! Thorin garda un sourire plaqué au visage, lorsque tout le monde se leva. Sacré Bilbo ! Il avait été finalement fidèle, alors qu'il avait douté de lui. Il l'avait cru parti, sauvé loin, mais il était revenu pour eux. C'était un véritable ami, et le nain s'en était voulu d'avoir douté de son amitié.

Ils levèrent le camp et repartirent d'un bon pas dans la lande caillouteuse, où l'herbe qui poussait, d'un vert pâle ou jaune, était rude et piquante comme des épines. Ils suivirent un sentier pendant la moitié de la journée, jusqu'à ce qu'au détour d'un tournant, derrière un rocher, ils aperçoivent plus haut, près d'une petit forêt, une fermette. Les nains ne voulurent pas s'y aventurer, mais Gandalf insista, au grand plaisir de Bilbo : peut-être allaient-ils pouvoir dormir au chaud, dans une grange, avec un repas digne de ce nom ? Bilbo regrettait son fauteuil, ses livres, son petit feu douillet. Bien sûr, l'aventure qu'il vivait était palpitante, et il s'était fait des amis en or. Mais il ne cracherait pas contre l'hospitalité d'un fermier.

Ils avancèrent donc jusqu'à la ferme. Petite mais longue, elle formait un carré de maisons avec au milieu une cour où des poules picoraient, et une seule entrée permettait d'accéder à ladite cour. Ils firent résonner un carillon, et un homme sortit d'un grange, un sac de grain à la main. Il haussa les sourcils devant le groupe étrange qu'il avait sous les yeux, et les nains purent voir la peur dans ses yeux.

« N'ayez pas peur, mon bon ami. Nous sommes des voyageurs qui demandons l'hospitalité. »

L'homme se gratta le menton, pensif. Il avait l'air d'un brave homme ; le grain qu'il tenait dans la main tomba sur le sol, et les poules se jetèrent dessus pour le dévorer de leurs becs acérés. Il s'approcha d'eux puis sortit un sifflet où il souffla : un son strident en sortit. Puis il lança un regard perdu aux nains et à Gandalf.

« Je m'appelle Sandor. Je suis fermier ici. Je vis avec ma fille. Et, pour tout vous dire, elle a sa part de responsabilités ici. Alors vous allez devoir en parler avec elle. »

Gandalf hocha la tête. Le fermier les invita à entrer dans la cour, et ils déposèrent leurs sacs dans un coin. Bilbo, Bifur à la barbe poivre et sel, et Fili le blond aidèrent l'homme à sortir des chaises, des tables et des coussins pour s'asseoir, et l'homme eut l'amabilité de leur servir un peu de vin épicé. L'après-midi étant déjà bien avancé, le début de soirée s'annonça avec le ciel assombri.

« Si vous ne pouvez nous abriter pour la nuit, nous ferions mieux de repartir. Nous avons encore une longue route et ... » commença Thorin en se levant du coussin confortable où il avait posé ses fesses.

« Attendez ! La voilà ! »

Et il pointa du doigt le sentier menant à sa maison. Une forme se détacha des ombres naissantes, et une femme apparut. La surprise se peignit sur les traits de tout le monde, sauf du fermier qui sourit à sa fille. La demoiselle en question leur lança un regard dur, et elle s'exclama alors que Thorin lui même s'écriai :

« Vous êtes qui ? »

« Mais c'est une naine ! »

La femme qui se tenait devant eux mesurait à peine un mètre ; elle était musclée, et portait de longues tresses couleur de noisette, attachés dans son dos. Elle portait des vêtements de chasse, d'un vert émeraude qui rappelait celui de ses yeux durs. Fronçant les sourcils, elle fit naître des rides sur son visage halé. C'était bel et bien une naine.

Laisser un commentaire ?