Coeur perdu

Elizabeth s’empara du livre et se retourna. Elle commençait le chemin en sens inverse quand elle trébucha sur la sacoche de Jack. Un paquet de feuilles noué par une ficelle glissa à terre. Elizabeth s’apprêtait à le remettre dans la sacoche quand elle lut à la lumière de sa bougie un titre qui l’interpella « Quand le cœur appelle » par Elizabeth Thatcher.

La curiosité prit le pas sur la bonne conscience, Elizabeth s’empara également du manuscrit et alla se réinstaller dans son lit.

Assise en tailleur dans son lit, Elizabeth regardait les deux objets qu’elle avait posés devant elle. Elle ne savait pas par lequel commencer. Elle savait qu’elle allait lire les deux mais elle savait que le premier serait important. Lire le bouquin comme lui avait proposé Jack serait peut être plus judicieux puisque lui-même lui avait donné cette option. Mais le manuscrit avait ce goût d’interdit qui tentait Elizabeth.

Elizabeth dut rester un bon quart d’heure face à ce dilemme quand elle se décida enfin.

Dès les premiers mots elle savait qu’elle avait bien choisi.

Décidément Jack lui avait permis d’avoir beaucoup de souvenirs depuis son arrivée mais elle se rendait compte au fil de sa lecture qu’il était encore plus surprenant.

Les noms n’avaient pas changé ; dans les pages on parlait de Jack et d’lizabeth, le mountie et la maîtresse d’école.

D’après l’histoire, Elizabeth appartenait à une riche famille, elle avait deux sœurs et elle avait décidé un jour de partir dans l’ouest pour accomplir son rêve d’être institutrice.

Jack avait un frêre, il était orphelin de père et sa mère avait été institutrice.

Tous deux aimaient passionnément leur travail et ils savaient qu’ils étaient fait pour ce travail.

Ce n’est que par un coup du destin ou plutôt à cause d’un père un peu « inquiet » pour sa fille qu’Elizabeth et Jack se sont rencontrés.

Elizabeth reposa sa lecture sur ses genoux car elle se vit en conflit avec Jack. Elle était dans sa salle de classe… Non, non, non elle était dans un saloon et Jack et elle-même se disputait à propos de sa présence à lui dans cette ville pour protéger une fille de riche.

 En poursuivant sa lecture, Elizabeth se retrouvait à détailler exactement la scène à laquelle elle venait de penser. C’était au détail près. Il semblerait que Jack et elle n’avait pas toujours était en bon terme. Non mais il croyait qu’elle allait se laisser faire par un jeune mountie qui regrettait de ne pas pouvoir vivre la grande aventure.

Plus les pages défilaient et plus les souvenirs d’Elizabeth prenaient forme. Elle revivait chaque scène et pouvait même dans sa tête revivre les dialogues entre elle et Jack. Elle avait vécu beaucoup de choses à Hope Valley et Jack n’était jamais loin.

Elle reposa une nouvelle fois le livre sur ses genoux, se pencha légèrement en arrière pour regarder au-delà du paravent et voir la silhouette de Jack endormi près de la cheminée. Il ne restait que quelques braises et l’air commençait à être froid. Sans plus se poser de questions, Elizabeth se leva à nouveau et prit une couverture de plus pliée au bout se son lit. Sur la pointe des pieds et seulement à la lueur des braises elle s’approcha de Jack et étendit la couverture. Immédiatement il parut se détendre comme si la chaleur supplémentaire lui avait fait du bien.

Elizabeth le regarda un moment endormi et brusquement se détourna pour regagner la chaleur de son lit.

Jack faisait naître des sentiments contradictoires. Elle était heureuse mais triste, rassurée mais elle avait aussi peur…

Emmitouflée sous les couvertures Elizabeth continua la lecture de sa vie.

D’après l’ouvrage, une très forte amitié s’était installée entre elle et Jack. Entre les lignes Elizabeth devinait autre chose mais elle n’osait pas y mettre un nom. Cela ne semblait pas être possible sinon elle s’en serait rappelée obligatoirement. 

Un jour Jack invita Elizabeth à un dîner romantique et lui dit qu’à partir de ce jour il lui faisait la cour ; mais peu de temps après il avait eu à partir par ordre de sa hiérarchie. Quand il était revenu Elizabeth avait fait la connaissance de son ex-fiancé Rosemary. Tout cela n’avait fait qu’étouffé leurs sentiments.

Elizabeth était prête à repartir pour enseigner dans une prestigieuse école mais il y avait eu ce moment.

« Jack m’avait invité à faire une promenade. Il portait sous le bras un grand cadre emballé dans du papier. Nous avons commencé à parler des présidents. C’était tout à fait Jack d’arriver à ses fins en passant par un chemin de traverse. Il voulait me faire comprendre que les hommes avaient besoin des femmes. Jack m’offrit son cadeau. C’était un dessin de nous deux fait à partir d’une photo que nous avions fait ensemble. La reproduction était parfaite, elle nous représentait lors d’une sortie ensemble. C’est à ce moment là qu’il me dit qu’il ne voulait pas que je parte et que c’était MOI. C’est aussi à ce moment là que mon cœur a parlé et que j’ai agi. « Je ne pars pas » Lentement nos lèvres se sont scellés. Je sais maintenant que ce que j’éprouve pour Jack c’est bien plus que de l’amitié»

Elizabeth mit sa lecture en suspens. La main sur sa bouche elle ferma les yeux et se remémora cet instant magique.

C’était cela, Jack et elle ressentait de l’amour l’un envers l’autre.

A ce moment là Elizabeth détacha sa main de ses lèvres, la retourna et regarda son annulaire. Quand elle avait été trouvée, elle avait une bague à son doigt.

Fébrilement, Elizabeth tourna les pages du manuscrit. Un évènement majeur venait de lui revenir et elle le cherchait. Elle était sure que c’était à l’église, en soirée, peut être même la nuit car elle voyait des lumières, des bougies par centaine. Des larmes commençaient à rouler le long de ses joues. Ce n’était pas possible, comment cela avait il pu arriver, comment avait elle pu oublier.

Elle arrivait presque à la fin quand elle trouva ce qu’elle cherchait. Jamais elle n’avait lu aussi vite.

Ce n’était plus quelques larmes qui coulaient le long de ses joues. Elizabeth n’arrivait plus à s’arrêter de pleurer. Voilà pourquoi il était parti à sa recherche et pourquoi il se trouvait là en ce moment.