Recueil OS
Tout était calme et silencieux. Et un épais brouillard se propageait sur la colline, donnant une atmosphère étrange au lieu. C'était comme si le temps était suspendu, comme si plus rien n'avançait. Le soleil était en train de décliner, offrant au ciel une magnifique pluie d'étoiles qui promettait merveille et éblouissement. Tout était propice au repos et à la sérénité.
Et pourtant, un esprit, une âme en peine, ne se laisser charmer par l'apaisement que dégageait cet endroit.
Sa colère qui bouillait en lui et les puissantes pulsations de son cœur faisaient contraste face à ce silence reposant.
Et pourtant pour lui, c'était comme si rien de cela n'existait.
Les battements frénétiques de son organe vital résonnaient dans sa tête, comme indiquant les secondes qui défilaient, comme indiquant le temps qui s'écoulait, seule chose qu'il ne pouvait contrôler.
Petit à petit, autour de l'inconnu, une plaque de glace se forma doucement, stoppant la vie de chaque végétal sur son passage. Les herbes, les fleurs et les arbres, s'endormirent aussitôt, ne supportant un choque thermique si puissant.
Puis le gel s'approcha dangereusement du sommet de la colline où d'importantes masses rocheuses surplombaient l'horizon.
Il y en avait trois précisément, deux étant très proches l'une de l'autre et l'une plus petite à l'écart. Et une écriture d'un dialecte ancien semblait être inscrite dessus. La glace ne toucha les deux plus grandes, ne s'occupant uniquement que de la moins imposante du trio. Tout fut alors recouvert et le gris de la pierre disparut pour laisser refléter un bleu glacial, qui détonnait avec l'obscurité désormais omniprésente.
L'inconnu, tremblant de tout son être, s'approcha doucement de la pierre gelée et posa sa main sur l'écriture manuscrite, inscrite dans la roche.
Et alors, un sanglot s'échappa de sa gorge brisant le silence environnant.
Le jeune homme s'effondra et tomba à genoux, face à la pierre tombale, le visage baigné de larmes.
Et la glace disparut, redonnant immédiatement vie à la colline.
Les épaules secouées par les sanglots, les mains tremblantes, les joues rosies par la colère et le chagrin, l'étranger faisait peine à voir. Il donnait l'impression d'être trop jeune, pas assez mature pour pouvoir supporter la perte d'un être cher. Il faisait à peine dans la vingtaine, peu être moins, les yeux bleus aussi éclatants que ceux de la glace créée précédemment et les cheveux étrangement blancs, tout laissait croire que ce jeune homme venait à peine de rentrer dans l'âge adulte.
Ce qui contredisait cette théorie néanmoins, était la grande maturité que l'on pouvait lire dans son regard, provoquée par les années vécues.
Car l'homme était tout simplement Jack Frost, l'esprit de l'hiver et de l'amusement, un être immortel, un gardien au service des enfants.
D'ordinaire, le jeune homme était plein de vie, un poil farceur, mais toujours l’œil rieur et profitant de sa vie sans fin. Devoir vivre pour toujours à rire et à faire des farces avec des enfants le réjouissait auparavant. C'était une bénédiction de l'Homme de la Lune, son créateur.
Et pourtant, désormais, l'éternité était devenue un véritable fardeau pour l'esprit de l'amusement. Et tout cela ne provenait que d'une seule chose, que d'une seule rencontre.
« Oh Elsa... » Soupira-t-il tristement, le cœur déchiré par la séparation.
C'était une rencontre banale, qui avait pourtant chamboulé toutes les certitudes du gardien. Un croisement de regard, qui avait promis la tendresse, la passion, l'envie, le désir et l'amour. Tant de choses inconnues pour le jeune homme !
Et tout était bien au début, tout était neuf et excitant, et promettait de nouvelles découvertes si étranges mais follement passionnantes pour le gardien. Ils étaient alors naïfs et amoureux et personne ne voulut se préoccuper du temps qui touchait l'un mais pas l'autre. C'était une chose qu'ils ne préféreraient pas voir, de peur que cela brise la magie.
Et pourtant, plusieurs années plus tard, la magie disparut avec Elsa, emportée par la maladie.
Jamais l'esprit de l'amusement ne fut si malheureux et sa peine creusa en lui un trou si béant dans sa poitrine qu'il quitta le pays pendant plusieurs années.
Cela faisait cinquante ans désormais que la jeune femme avait disparu de sa vie et pas un jour ne passa sans que Jack ne ressentît cette immense douleur dans chaque membre de son corps. Son être comme un manque criait, hurlait à la mort du besoin de la revoir encore une fois. Et ne supportant ce tourment plus longtemps il avait alors décidé de la voir, de voir ou elle reposait désormais.
En repensant à ses moments avec elle, sa tristesse s'approfondit et des nouvelles larmes apparurent sur son visage si enfantin. Voir la pierre tombale, avec son nom, rendait la réalité beaucoup trop difficile à supporter.
« Oh Elsa. Si seulement tu savais. »
Il imagina alors ses rires, son sourire, ses yeux étincelants par la joie. Il est vrai que le temps avait marqué son visage et pourtant... Et pourtant ses yeux étaient restés les mêmes. Étincelants de mille feux et toujours pleins de tendresse envers lui. Le poing de Jack s'échappa pour finir sur la pierre de la jeune femme. Les images d'elle si réelles étaient trop dures à accepter encore. C'était trop tôt.
Et il avait peur que l'éternité ne suffise pas à atténuer sa souffrance.
« Si tu savais à quel point la vie d'un humain est courte. » Murmura-t-il en étouffant un sanglot.
Et, alors que le gardien pleurait la perte de sa bien-aimée, les yeux fermés, à genoux devant sa tombe, d'étranges lueurs commencèrent à apparaître dans le ciel. Comme une déchirure dans l'espace, des lignes bleues et roses parcoururent la nuit, mettant fin à l'obscurité si étouffante. Elles envahirent toute la voie céleste, ne laissant plus aucune lumière aux étoiles.
L'hiver venait de débuter sur Arendelle et les premières aurores boréales naissaient, en emportant la si connue et mystérieuse magie avec elles.
Et alors que le feu d'artifice naturel continuait son chemin vers le nord, une légère lueur bleue se détacha pour tomber aux côtés de Jack Frost. Cette petite particule, qui ressemblait fort à un flocon s'élargit pour former une masse plus grande mais toujours indistincte.
Puis une main délicate se posa sur l'épaule du gardien, mettant fin au sanglot qu'il avait laissé échapper à nouveau.
Il se retourna, surprit par le fait qu'une personne puisse être ici à cette heure et il hoqueta de stupeur face à spectacle qui s'offrait à lui.
Elsa, entourée d'une aura bleu ciel, se trouvait là, devant lui, souriant à pleines dents. Quelques larmes s'échappèrent de ses yeux et se mirent étrangement à scintiller. Et avec ce halo l'entourant Jack crut être face à un ange.
Il ne dit rien un instant, pensant que tout cela était encore la faute de son esprit qui lui jouait des tours à nouveau.
La disparue se rappr ocha alors et posa ses mains tendrement sur le visage de Jack, en prenant son menton en coupe.
« E... Elsa ? » Osa demande Jack à voix haute.
La jeune femme en guise de réponse lui sourit doucement et de nouvelles larmes coulèrent de ses yeux d'un bleu puissant, qui avaient toujours émerveillé le gardien.
L'esprit de l'hiver se leva alors brusquement et enlaça précipitamment la femme, tout en poussant un cri de bonheur. Elsa lâcha un petit rire, face à l'empressement de Jack. Puis ce dernier se détacha et prit le visage de la jeune femme entre ses mains, observant le moindres de ses traits, pour s'assurer que tout cela était réel. Il n'osait la lâcher, de peur qu'elle ne s'envole.
« Tu es comme lorsque je t'ai rencontré. » Remarqua-t-il.
La disparue, ferma les yeux un instant, profitant du contact de son amant, de sa peau sur la sienne. De ce toucher si particulier, qui malgré sa froideur dégageait en elle, une puissante chaleur, parcourant la moindre parcelle de son corps.
« Comment cela est-il possible ? » Demanda alors Jack, qui pensait que cela était encore dû à son esprit.
La jeune femme lança alors un regard vers le ciel et le gardien aperçut enfin les aurores boréales. Derrière se cachait la lune, comme timide et voulant laisser de l’intimité à nos deux êtres de glace.
« C'est grâce à un ami à toi. » Lui avoua-t-elle en adressant un clin d’œil à l'astre céleste.
Puis comme une réponse, et comme un avertissement envers la jeune blonde, une légère bourrasque lui fit perdre l'équilibre. Le gardien, paniqué, resserra son emprise sur elle.
« Mais je n'ai pas beaucoup de temps. » Avoua-t-elle, la voix désormais brisée.
Jack, désespéré par cette nouvelle rapprocha brusquement la reine vers lui et approcha sa bouche de son oreille.
« Alors je ne veux pas perdre une seule seconde. »
Puis il se recula avant de poser ses lèvres sur celles d'Elsa.
Tout était différent. Les lèvres de la jeune femme semblaient plus légères, plus aériennes, et même si le baiser était des plus passionnés, on eut dit comme une douce caresse. Sa bouche était désormais froide aussi et Jack ne ressentit plus ce feu dévorant qui l'incendiait à chacun de ses contacts. Et pourtant cela lui était égal. Il était avec elle, et plus rien n'importait. Il resserra son emprise, comme désirant vouloir l'ancrer dans son corps, afin qu'elle ne disparaisse plus jamais.
Durant ces baisers un goût salé se fit sentir et tous deux ignoraient de qui provenaient les larmes. Mais tout cela provoquait tant d'émotions, tant de chamboulement, que cela devait probablement provenir des deux êtres de glace.
Ils s’écartèrent, non pour retrouver leur souffle- cela était inutile désormais- mais pour s’admirer, chacun touchant le visage de l'autre, s'imprégnant des moindres traits.
« Tu m'as tellement manqué Elsa. » Murmura Jack.
Il ne voulait pas élever la voix, il ne voulait pas briser le rêve.
« Toi aussi Jack. » Lui répondit-elle d'un sourire triste.
Et alors, les aurores boréales commencèrent à disparaître lentement dans le ciel et le gardien remarqua que le bas de la robe d'Elsa aussi.
« Je ne veux pas te laisser. » Hurla-t-il alors soudain désespéré.
Il enlaça Elsa l’empêchant de faire le moindre mouvement. Sa respiration était erratique, incontrôlée, et les battements de son cœur s'affolaient. La jeune femme parvint à se dégager suffisamment pour pouvoir glisser sa main dans les cheveux de Jack et commença à les lui caresser doucement, pour le réconforter.
« Tu as les enfants, n'oublie pas. Tous les enfants du monde comptent sur toi.» Souffla-t-elle doucement à son oreille.
« Je m'en moque Elsa. Je m'en suis occupé pendant si longtemps. Je ne veux plus. » Répliqua-t-il la voix troublée par le désespoir qui le hantait désormais.
Le buste de la jeune femme était en train de s'estomper peu à peu.
« Courage Jack, tu as encore une longue vie devant toi. »
Le gardien secoua la tête violemment et quelques larmes s'envolèrent sur le sol.
« Je n'en veux pas. L'éternité n'est plus supportable sans toi. »
Ne sachant que dire à nouveau et voyant ses bars disparaître Elsa déposa une main sur la joue de son bien-aimé et lui offrit un sourire triste mais plein d'espoir.
« Tu seras bientôt avec toi, c'est promis. ».
L'esprit de l'hiver renforça le contact en posant sa joue contre la main douce de la jeune blonde.
« Comment le sais-tu ? » Demanda-t-il d'une voix triste.
Elsa en guise de réponse déposa un nouveau baiser sur ses lèvres et alors que son visage devenait de plus en plus flou, elle murmura.
« Je t'aime. »
Et elle disparut et ce fut de nouveau l'obscurité.
L'esprit de l'amusement, ne comprenant ce qu'il venait de se passer, déglutit péniblement et effleura ses propres lèvres.
« Je t'aime aussi » Murmura-t-il dans le vide.
Il adressa à nouveau un regard sur la pierre tombale de la disparue et son cœur se brisa à nouveau. Mais étrangement le gardien ressentit comme une nouvelle sensation en lui, qui ressemblait fortement à de l'espoir. Son cœur était certes déchiré, mais toutefois semblait capable de nouveau faire face à la vie. Car il savait qu'elle l'attendrait. Il savait qu'il la reverrait.
La pierre tombale, fut soudain éclairée par la leur de la lune et Jack se retourna pour lui offrir un sourire emplit de joie. La première fois en cinquante ans.
« Merci » Lui dit-il en hochant la tête.
Comme toujours, le silence faisait office de réponse de l'Homme de la Lune mais cela importait peu désormais le gardien. Il avait désormais un but, il savait pourquoi se battre et pourquoi vivre. Pas pour la retrouver chaque soir, mais pour l'avoir pour toujours à ses côtés lorsqu'il la rejoindra. Car oui Jack savait désormais qu'il allait la retrouver un jour ou l'autre. Peu importe le temps que cela prendra.
Après tout, l'éternité ne devait pas être aussi longue.