La mort de Clochette
Rajah
"Vous êtes deux de mes meilleurs guerriers, je ne peux me permettre de vous renvoyez. Mais si vos enfanteries ne cessent pas rapidement, je vais me voir dans l'obligation de sévir."
Abu et Iago baissèrent la tête. Si le premier était petit et frêle, il était particulièrement agile. Le second était plus large, plus costaud, mais également plus maladroit. Ces deux-là étaient aussi complémentaires qu'antipathiques.
"Vous êtes probablement au courant des agissements qui troublent la capitale, n'est-ce pas ? (ils me firent oui de la tête) Je ne vous apprends rien en vous disant que nous ne sommes pas les seules victimes. De ce fait, le Sultan m'a chargé de me rendre dans les villes voisines et d'enquêter sur l'origine de ces meurtres. Nous pensons à une secte agissant dans tout le pays, la source ne sera donc pas facile à déceler.
- Où voulez-vous donc en venir ?, lâcha Abu.
- J'aimerai que vous vous joigniez à l'expédition. Nous ne serons pas nombreux, juste suffisamment pour se déplacer en toute sécurité.
- Combien de temps cela va-t-il durer ?
- Quelques semaines, ou quelques mois.
- Je ne peux pas me permettre de quitter aussi longtemps la capitale, se contraria Iago.
- Vous n'avez pas le choix, c'est un ordre. Nous partons demain au coucher du soleil ; nous voyagerons de nuit. Compris ?
- Compris, firent-ils en même temps.
- Disposez."
Ils quittèrent tout deux la pièce en traînant des pieds, penauds de ce qui leur semblaient être une sanction.
Je jetais un coup d'œil dehors : la nuit avait déjà submergé les environs. Je mis un peu d'ordre sur mon bureau, rassemblant et rangeant quelques papiers administratifs. J'éteignis l'unique lampe à huile illuminant les lieux, puis sortis en fermant la porte à clé.
Un silence profond planait sur cette partie de la demeure. Mes pas seuls brisaient cette paix sonore.
Quelques minutes plus tard, j'arrivais devant une chute de tissus colorés. Je la dégageais et entrais avec suspicion dans les appartements de Jasmine. L'immensité de sa chambre m'avait toujours impressionné. L'étendue des tapisseries ornant les murs, les tapis colorant le sol, son imposant lit constitué de tout les plus beaux tissus d'Arabie, la richesse entière de cette pièce. La princesse était assise à sa coiffeuse, se fixant dans le miroir.
Je me raclais légèrement la gorge pour manifester ma présence. La magnifique femme se tourna alors vers moi, le visage souriant. Elle se leva, jetant ses sublimes cheveux noirs en arrière. Elle retira tous ses bracelets, rajusta son bustier.
"Je ne pensais pas que tu viendrais après ces nouvelles."
Elle déposa sa main sur ma joue. Je l’attrapai délicatement par la hanche pour la ramener vers moi.
"Jasmine. Je pars demain au crépuscule."
Son visage, un instant plus tôt tendre, se décomposa.
"Où ça ?
- Partout, à travers le pays.
- Longtemps ?, s'inquiéta-t-elle.
- Longtemps."
Elle recula.
"Ça ne sera pas dangereux ?
- Je n'en sais pas plus que toi."
Elle se détourna de moi, s'assis sur son lit. Je pris place à côté d'elle, la prenant dans mes bras. Je venais de gâcher toute notre soirée, idiot que je fais.
"Tu peux pas me laisser ici seule, chuchota-t-elle.
- Je sais bien, j'engagerai quelqu'un pour le surveiller.
- Le surveiller ne servira à rien..."
Elle se mit à pleurer au creux de mon coup. J'étais si impuissant.
"Jas', calme-toi. Je préférerais de voir souriante et que l'on profite de notre dernière nuit ensemble."
La belle m'ignora d'abord, puis releva la tête, se forçant à afficher un visage heureux.
"Ce ne sera pas facile mon ange, mais je te jure que je rentrerais le plus rapidement possible."
Sur cette promesse, elle m'embrassa. Je m'allongeais sur le dos, elle monta à califourchon sur moi, glissant ses doigts sous mon uniforme. Alors que je déposais un baiser tendre sur son épaule, puis un autre sur sa clavicule, elle se releva d'un coup.
Des pas résonnaient dans le couloir.
Alarmée, elle se retira de mon étreinte brutalement, courut jusqu'au seuil du balcon. Je compris immédiatement et me ruais dehors. Une fois qu'elle eut refermé d'un coup sec les draps, je m'assis sur le côté, inspirant profondément.
La voix d'Aladdin se faisait entendre de l'autre côté des murs, rouspéta auprès Jasmine à propos de l'un de ses conseillers. J'en déduis que cet entretien durerait longtemps et me levais jusqu'au bord du balcon. D'ici, je pouvais contempler la beauté de la ville. Une lune étincelante couvrait les maisons d'une lumière douce. Les rues étaient désertes, l'horizon ne présentant qu'un infini désert de sable. Il était difficile d'imaginer les massacres qui se dérouler en cette même ville.
Pourtant, lorsque je levais les yeux vers le ciel, mon ventre se noua. Une odeur nauséabonde, une odeur de mort remplit mes narines. Je saisis mon sabre, inquiet. Mais ce parfum se dissipa aussi instantanément qu'il apparut et laissa place à d'étranges et sombres nuages. Ils dégageaient une grande nocivité sous laquelle je me sentais écrasé. Les battements de mon cœur s’accélèrent à mesure que les nuages semblaient se rapprocher ; une fanfare tambourinait dans mon crâne, me mettant un genoux à terre.
La menace commença à s'éloigner et mon corps se détendit.
J'avais alors la certitude que les dieux nous présageaient un bien sombre avenir.
Elsa
Le hurlement déchirant d'Anna me secoua. Je suis d'abord restée interdite, incapable de faire le moindre geste. Je perçus les réactions sonores horrifiées de la population, ce qui m'incita à me retourner lentement vers un inconcevable spectacle.
Une pluie de sang s'écoulait sur Anna et Kristoff. Cette épaisse flopée ne semblait vouloir s'arrêter, provoquant alors des sanglots chez ma sœur que son marié prenait dans ses bras, lui-même stupéfait.
"Mais qu'est-ce que.."
Puis soudainement, une nouvelle vague, plus puissante, s'abattit sur eux, cette fois s'ajoutant au sang des sortes de.. d'entrailles. Des membres de corps humains tombaient littéralement du ciel. Mains, pieds, intestins, têtes chutaient grossièrement, touchant également la foule la plus proche du palais. Anna cria de nouveau, mais de plus en plus aigu.
Personne ne bougea durant quelques secondes, pas même les mariés que le choc avait pétrifié sur place.
Olag réagit enfin et se précipita vers le balcon ; mais les portes se fermèrent en une volée, brisant toutes les vitres. Mais du verre fut projeté en direction de l'extérieur, et avant même que je n'imagine le pire, Kristoff me lança un regard entendu, pris Anna par la taille et sauta du balcon.
Mon cœur manqua un battement, mon crâne devient lourd. Avant même que je reprenne conscience de la réalité, mes gants entiers s'étaient glacés, coinçant mes mains dedans. Un bruit sourd retentit dans la cour. Il avait cessé de pleuvoir. Je me mis à courir dans les escaliers, précédée par Olaf, bousculant tous les invités, restés dans le palais, intrigués par les cris. Je me jetais dehors sous les regards estomaqués des habitants de la capitale.
"Ils vont bien ? Ils vont bien ?"
Personne ne me répondait et je continuais ma course folle vers le bas du balcon.
"Appelez des médecins", hurlais-je à l'attention des gardes les plus proches.
Un cercle s'était constitué autour de quelques personnes ; la foule avait rattrapé les mariés, mais probablement pas sans blessures. Anna était visiblement évanouie, Kristoff se redressait, tremblant, remerciant ceux les ayant réceptés, eux-même sonnés. Je m'agenouillais près de lui, le visage baigné de larmes.
"Je suis tellement désolée, j'aurais dû vous retenir ou ralentir votre chute, j'ai été..
- Tu n'y es pour rien Elsa. Ce n'est pas grave."
Le visage du blond était fermé. Et lorsqu'il releva les yeux au ciel, il fut complètement hébété. Je suivis son regard. Une heure plus tôt, un ciel bleu et paisible baignait Arendelle de lumière. Un nuage noir, désormais, dominant le château de sa grandeur, nous menaçait. Une étrange malfaisance se dégageait.