La communauté du sud
Avec la mort de cette femelle vampire et tous les autres cadavres de suceurs de sang retrouvés ces derniers jours à Bon Temps, Eric et Bill n’étaient pas en sécurité ; mais je ne m’inquiétais pas pour eux, ils étaient fort de leurs âges respectifs et de leur expérience. Nous étions toujours cher Eric. Assis en triangle sur la grande table de marbre accordée au ton ancien et luxueux de la demeure, cherchant comment procéder pour la suite.
- Il faut que le carnage cesse, osa finalement Bill, l’air songeur et fermé comme à son habitude.
- Excellente idée, Bill ! Rétorqua Eric ironiquement. Et tu comptes t’y prendre comment exactement ?
Face au silence de Bill, je ne pu m’empêcher de lever le regard au ciel, encore une fois spectatrice malgré moi de leurs chamailleries habituelles.
Après quelques minutes de silence je suggérai :
- Commençons par enquêter au Fangtasia.
Eric vissa son regard bleu acier sur moi, comme vexé par ce que sous-entendait ma phrase.
- Tu ne crois quand même pas que ce traître fréquente Mon bar !
Le ton hautain qu’il venait d’employer renforçait la fierté qu’il éprouvait pour son affaire. Rien détonnant connaissant le Viking.
Bill aquiesca d’un mouvement de tête. J’en fus surprise mais cela me réconforta dans mon idée.
- Ecoute, Eric, tu sais comme nous que la majorité des vamp’ fréquente ton bar que ce soit ici ou a Shreveport. Et quelle meilleure place pour traquer ses proies ?
Pour une fois, à croire que j’aurais dû la marquer d’une pierre blanche, Le Viking ne su que répondre à mes paroles. Il grogna, vaincu. Sans plus attendre, j’allai attraper ma veste, suspendue au porte manteau de l’entrée, et leur fit signe d’y aller. Ils s’exécutèrent tous les deux, et je devais admettre que si tant de catastrophes n’avaient pas accablées ma petite tête à ce moment là, j’aurais savouré le fait de jouer les petites meneuses.
A l’entrée du Fangtasia, Pam incarnait le physionomiste à merveille, détaillant chaque client de haut en bas comme un ogre affamé et pervers dévisagerait de jeunes enfants bien dodus.
Nous passâmes par la porte de derrière pour éviter la foule, ce qui nous permit d’atteindre directement le bureau du Sherif Northman. En entrant, une vision des plus glauques s’offrit à nous : deux vampires, une femme et un homme s’adonnaient au plaisir de la chair et du sang sur un pauvre homme apparemment consentant mais complètement pommé. Les yeux dans le vague, il s’occupait des parties génitales du vampire, laissant sa compagne se nourrir dans son cou. Je déglutis aussitôt. J’avais déjà assisté à ce genre de situation et cela ne m’empêchait pas d’éprouvait toujours autant de dégoût.
Lorsque les trois personnes se rendirent enfin compte de notre présence, leurs yeux se figèrent automatiquement sur Eric, et je crus lire dans leurs pupilles la honte et la peur mélangées.
Le Shérif laissa alors ses crocs sortir, instinctivement.
- Dehors ! Gronda-t-il. J’en tremblai moi aussi tant la voix qu’il venait d’utiliser contenait sa colère.
Sans hésiter, le trio s’exécuta pour nous laisser le champ libre.
Eric finit par rentrer ses canines impressionnantes et rejoignit son fauteuil, ou devrais-je dire, son trône.
Bill et moi, nous assîmes en face, de l’autre côté du gigantesque bureau.
- Sookie, tu vas aller au bar, rejoindre Carl, notre nouveau barman, Pam l’a avertit de ta visite. De là tu essaieras d’entendre les pensées des humains qui fréquentent le bar. Tu commanderas quelque chose à boire, histoire de passer plus inaperçue. Bill et Moi allons rencontrer chacun de son côté nos connaissances, ainsi que leurs connaissances. On se retrouve ici dans une heure pour faire le point.
Et ben dis donc, il fallait croire que je l’avais souvent sous-estimé, il pouvait avoir une sacrée imagination pour préparer les choses aussi vite. Ou bien, et plus certainement s’agissait-il de l’habitude qu’il avait à tout diriger en tant que Shérif de la cinquième zone et homme d’affaire manipulateur. Quoi qu’il en fut, Bill et moi acquiesçâmes comme de sages disciples et tous trois nous quittâmes la pièce pour rejoindre la salle destinée à la clientèle. Sur un fond de musique gothique, humain perdus et vampires se déhanchaient sensuellement.
Je me rappelai mes ordres et rejoignit directement le bar.
Derrière le comptoir, le « p’tit nouveau » était bien là. Je me demandai alors s’il savait à quel point le job de barman au Fangtasia était un des plus périlleux et des plus instables. En quelques mois, ses prédécesseurs avaient tous été tués… Quoi qu’il en fût, ce n’était certainement pas à moi de l’en avertir.
- Mademoiselle Stackhouse je présume…
Sa voix suave me fit sortir de mes pensées. Le bel apollon a la longue tignasse d’ébène se tenait face à moi, un sourire poli sur le visage. J’acquiesçai de la tête, lui rendant son sourire.
- Monsieur Northman m’a prévenu de votre visite. Que puis-je vous servir ?
- Un Gin tonic, s’il vous plaît.
Alors qu’il s’exécuta, j’observai autour de moi. Il y avait un nombre incalculable d’humain ce soir dans le bar. Probablement à la recherche de sensations fortes, de perdition… je les soupçonnais tous de ne pas réellement se rendre compte à quel point leur présence ici les mettait en danger.
Carl m’apporta ma boisson et je l’en remerciai du regard.
Les flux de pensées venaient à moi, dans tous les sens. « Quel conne, c’était à mon tour de me taper un vamp’ ce soir… » « Si je le laisse me mordre, je vais devenir un vampire moi aussi ??? » « Si j’en bois un de plus, je vais vomir… » « Faut que j’arrive à m’en procurer ce soir où je pète un plomb ! »
Aïe aïe aïe… je crus déceler le fond de cette dernière pensée… Je me concentrai dessus…
« y’a pas un seul foutu vampire qui se ferait payer pour me filer du V ?! »
Touché. Bien que je ne me trouvais pas là pour traquer un accro au V, je ne pouvais pas non plus rester sans rien faire. Je me concentrais un peu plus pour trouver l’origine de cette pensée. Coulé. Un jeune ado gothique le visage en sueur se tenait à quelques mètres derrière moi. J’aurais bien pu aller en parler à Eric, mais je doute fort qu’il se soit montré suffisamment indulgent pour lui laisser la vie. En résumé, encore un job pour moi…
Je me dirigeai vers lui, l’ai confiante et autoritaire. Arrivée à son niveau je lâchai sèchement :
- Tu ferais mieux de fuir tant qu’il est temps, s’ils découvrent ce que tu cherches ici, tu ne sortiras pas vivant du Fangtasia, crois-moi.
L’adolescent se figea aussitôt, le regard glacé accroché au mien. Il essaya de rétorquer mais aucun mot ne sembla vouloir sortir de sa bouche.
- Pars maintenant où je serai obligée de les avertir de ce que tu trafiques.
Sans perdre de temps, il se dirigea vers la sortie. Je ne me sentais pas vraiment fière de laisser courir dans la nature ce genre d’individu, mais on fait tous des erreurs à cet âge là, et mourir n’est pas une solution. Je soupirai puis revint m’asseoir sur le tabouret, face à Carl. Je sirotai une gorgeai de mon Gin Tonic lorsqu’un nouveau flux de pensée vint à moi. Plus dur encore, plus sadique, il semblait provenir d’une personne très en colère, emplie de haine.
« Tu vas le payer cher, crois moi. Tu mérites de crever comme une sâle ordure! »
Si ça, ça n’avait pas le mérite d’être clair. Peut-être que ça n’avait rien avoir avec ce que nous cherchions ce soir, mais en tout cas, ça avait tout l’air d’une urgence. Je me concentrai pour déterminer l’origine de telles pensées lorsque mon regard s’arrêta net sur un homme. Il me tournait le dos, a quelques pas, sur la piste de danse. Un quadragénaire au crâne dégarni, portant un costume gris terne. Il avait l’apparence d’un huissier ou d’un avocat. Rien de très gai en somme.
« Tu vas regretter ce que tu as fait, crois-moi ! »
Il avançait lentement vers la porte de sortie. Je posai aussitôt mon verre pour le suivre, tout en gardant la distance nécessaire afin de ne pas me faire repérée par l’individu en question.
Je passai la porte à mon tour, mais une fois à l’extérieur, plus rien. Plus de pensées sordides. Plus de détraqué en vue. Pas même un client qui traînait devant la porte. C’était le désert total, et obscur.
C’est alors que je sentis une main agripper violemment mon poignet pour me jeter à terre. J’eus à peine le temps de pousser un cri de douleur lorsque je vins frapper le bitume de mon dos, que mon agresseur se jetait sur moi, m’étranglant de ses deux mains d’hommes. C’était lui, le même homme chauve que je suivais quelques minutes plus tôt. Et de toute évidence, il m’attendait avec ferveur. Son visage emplit de fureur et de folie fus la dernière vision que j’eus avant de sombrer dans le néant.