Étrangère
-Je me disais bien que c'était toi ! me dit-il en touchant mes cheveux.
Je restai sous le choc. Ce petit garçon que j'avais connu était maintenant devenu un homme. Quel âge ça lui faisait d'ailleurs, 20 ans ? Malgré cette révélation, je ne voulais pas qu'il me touche. Je n'arrivais pas à croire que ce garçon était Samuel. Non, ce n'était pas mon frère. Je refusais d'accepter cette vérité. Il était face à sa sœur qui était ligotée et pourtant il était clairement entrain de s'amuser de la situation. Je n'étais pas encore sûre de qui étaient réellement nos malfaiteurs mais si c'était bel et bien la police militaire, alors qu'est ce que mon frère foutait avec eux ? Tout à l'heure, il avait facilement avoué que grâce à lui ils avaient eu moins de difficulté à nous trouver. Oubliant ce que j'avais dans la bouche, j'essayai de parler. Sans grand succès, je ne pouvais donc que me contenter de le dévisager.
-Gamin tiens toi tranquille, le prévint l'autre homme. Les gars, venez avec moi deux minutes.
Mon frère en profita pour prendre une chaise et la mettre en face de moi. Il me scruta de haut en bas pendant plusieurs secondes. Je sentais du dégout dans son regard. Je ne comprenais même pas pourquoi il se dressait contre moi. Qu'est ce que j'avais fait pour qu'il me déteste à ce point dès notre enfance ? J'avais tant de questions à lui poser et pourtant il me regardait comme une vulgaire étrangère.
-Quand je pense qu'avec maman on fêtait ta mort à la maison, elle va être déçue.
Je ressentis comme une légère douleur dans la poitrine. Il venait de me sortir ça le plus naturellement possible en posant son menton sur sa main. Même si ces personnes n'étaient rien pour moi, ça faisait toujours quelque chose d'entendre ces paroles sortir tout droit de la bouche de sa propre famille. Fêter ma mort ? Il n'y avait pas de quoi s'en réjouir. La source de leur haine restait encore un mystère pour moi. Il se retourna lentement lorsqu'il réalisa que Eren était entrain de marmonner quelque chose. L'entendre dire de telles choses devait sûrement le mettre en rogne.
-Oh.., s'étonna t-il en se dirigeant vers le brun. C'est ton petit ami ?
Je ne pris même pas la peine de lui répondre non de la tête. À présent derrière lui, il sortit un couteau de sa poche. Arborant un sourire sadique, il le balada autour de son cou. Il n'oserait pas. Si Eren avait été ramener ici ce n'était pas pour qu'il se fasse simplement égorger. Je commençai à douter lorsque le brun cria légèrement de douleur. J'essayai de gigoter mais le simple fait que ma chaise bougeait à peine le faisait ricaner. Il stoppa son petit manège lorsque l'homme de tout à l'heure entra à nouveau. Il lui chuchota quelques mots avant que mon frère ne reprenne son sérieux. D'un coup sec, il tordit la nuque d'Eren. À la fois horrifiée et inquiète, je le voyais maintenant se rapprocher de moi. Il n'avait cas profité de mon incapacité à me défendre, je savais maintenant à qui j'avais à faire. Quelques secondes plus tard, je sombrai dans un lourd sommeil.
Lorsque mes yeux rencontrèrent à nouveau la lumière, mes paupières se plissèrent automatique. J'aurai pu devenir sourde avec tout le bruit qui m'entourait. Attachée à un poteau, j'étais immédiatement soulagée de voir Eren à mes côtés complètement éveillé. Seulement son regard était dur, remplis de haine. Autour nous se trouvaient des sortes de bancs avec un tas de personnes qui nous fixait comme si nous étions de vulgaires animaux. Bizarrement, un côté était plus bondé que l'autre. Fermement verrouillées, j'avais beau essayé de briser les chaines qui me retenaient rien ne bougea. Je repensai alors à mon frère. Curieuse, je le cherchai à travers la salle. Je remarquai que certains d'entre eux avaient la veste de la police militaire tandis que d'autres portaient de simples vêtements. Après quelques minutes d'enquête, je finis par trouver Samuel un peu plus en hauteur. Impassible, il me fixait intensément. À quoi pouvait-il bien penser ?
-Hm hm, dit tout à coup un homme à la balustrade. Vous êtes enfin réveillés.
Son portrait me disait vaguement quelque chose mais je ne savais qui c'était. Il demanda alors à la foule de se calmer avant de se présenter. Rod Reiss. Cet homme ne pouvait être autre que le père d'Historia. Il se lança ensuite dans un monologue que je n'écoutai pas. Trop occupée à observer ce qui m'entourait, j'essayai de trouver un moyen ou une occasion de nous sortir de là. Même si je doutais que nous allions rester là très longtemps, je réfléchis mentalement à un plan. S'il n'y avait pas cette chose qui bloquait ma mâchoire, je me serai transformée depuis longtemps. L'homme regagna mon attention lorsqu'il nous expliqua que quelqu'un allait venir témoigner. Sous nos yeux ébahis, une petite blonde entra dans la pièce. Sous le choc, je la regardai se déplacer jusqu'à son père. Une soudaine colère me submergea. Qu'est ce qu'elle foutait ici ? Nous lançant quelques regards indiscrets, elle ne perdait pas vraiment son temps. Elle se plaça alors un peu plus loin devant nous, accoudée à une barre. On se serait cru dans un vrai procès.
-Nous allons vous poser des questions par lesquelles vous répondrez en hochant la tête, nous éclaircit-il.
S'il voulait nous faire passer un interrogatoire, je ne voyais même pas pourquoi il perdait son temps à rassembler des gens. N'ayant pas vraiment le choix, nous attendions sa première question. Bien évidemment, elle portait sur le bataillon d'exploration. Est ce qu'il comptait cesser leur rébellion ? Est ce qu'un jour ou l'autre il accepterait d'arrêter toutes activités en dehors du mur en sacrifiant des centaines de soldats ? Nous répondions négativement à ces questions. Ce qui me faisait bouillonner dans tout ça c'était que je ne comprenais pas le but de la présence d'Historia. Surtout qu'elle n'était même pas attachée. Elle aurait bien pu trouver une solution avant de venir ici ou de voler une arme. Devais-je me mettre dans la tête qu'elle était du côté ennemi maintenant ?
-On ne devrait même pas demander leur avis, cria un homme dans la foule visiblement énervé. Qu'on les tue !
-Il a raison ! enchérit un autre. Nous n'avons pas besoin d'espèce de leur genre, ce sont des traîtres !
-Mais avec leur pouvoir de titan nous pourrons nous retourner contre le bataillon, dit soudainement une femme de l'autre côté.
-Nous gagnerons à coup sûr, intervint son voisin.
Je venais de comprendre. Ces gens étaient réunis pour décider de notre sort. Du côté droit, les gens qui voulaient nous éradiquer complètement. À gauche, ceux qui voulaient nous utiliser. Que ce soit l'un des deux, je refusais d'accepter ça. Mais quelque chose me disait que leur avis n'allait pas vraiment changer celui de ce Rod Reiss. Il nous regardait de haut et je n'aimais pas du tout ça. La blonde, toujours silencieuse, ne faisait que balancer son regard de chaque côté. Son cœur devait certainement être entrain de faire de même. Je ne savais pas ce que son père lui avait raconté mais elle ne devait surtout pas le croire. Enfin, celui-ci demanda l'avis de mon frangin. Bizarrement, c'était le seul qui comptait pour moi. Nonchalant, il lui répondit que tout ça lui importait peu et que par conséquent, il n'avait pas d'avis. J'étais tout de même un peu déçue. Je me consolai en me disant que c'était toujours moins pire que de l'entendre dire qu'il voulait encore une fois me voir morte.
-Eren, l'interpella Rod une dernière fois. Serais-tu prêt à nous prêter ton pouvoir pour contrôler les titans ?
Je suppose qu'il attendait qu'Eren hoche la tête. Soudain, je réalisai le sens de sa phrase. Perplexe, je me la répétai mentalement plusieurs fois. N'était-il pas au courant ? Eren me regarda nerveusement du côté. Nous ne pouvions pas parler de toute façon, autant écouter ce qu'il avait à nous dire jusqu'à la fin. Eren hocha la tête positivement. Par la suite, il nous dévoila que Eren était sa priorité. En d'autres termes, il n'avait pas réellement besoin de moi et que mon sort ne reposait plus entre ses mains. Rod était entrain de plonger dans un mensonge sans se rendre compte qu'il se trompait totalement de personne. Je ne savais pas par contre si c'était une bonne ou une mauvaise nouvelle pour nous. S'il tentait quelque chose avec Eren sous prétexte qu'il avait le pouvoir de contrôler les titans, alors son expérience échouerait. Nous possédions enfin quelques cartes en mains. Soudain, Historia leva le bras.
-Vous avez tord père, le contredit-elle monotone. C'est Hana qui possède ce pouvoir.
Mon espoir de tout à l'heure était entrain de s'envoler. Je la dévisageai sévèrement. Soutenant mon regard, je me demandais ce qu'il pouvait bien lui passer par la tête. Se mettre tout à coup du côté de l'ennemi, avait-elle oublié ce que lui avait fais son père ? En parlant de lui, il semblait encore plus choqué que n'importe qui dans cette salle. Sa fille continua de lui donner des explications jusqu'à ce que celui-ci fut totalement convaincu. Je n'y croyais pas, elle venait de tout lui déballer. Affichant un air sévère sur le visage, Rod Reiss ordonna à ses hommes de nous enfermer immédiatement.
Amenés de force dans une cellule, j'avais l'impression de me retrouver dans les cachots du bataillon. Ils nous jetèrent violemment dans l'une d'elle avant de nous attacher toujours à ce même poteau. Seulement cette fois-ci, nous nous retrouvions dos à dos. Après ça, la pièce devint aussitôt silencieuse qu'à notre arrivée. Chacun perdu dans nos pensées, nous étions certainement entrain de chercher de notre côté un moyen de sortir de là. Je scrutai autour de nous. Aucune échappatoire, aucun outil qui pourrait nous aider. Seulement une petite fenêtre tout en haut du mur. Je craignais de devoir trouver une autre solution. De toute évidence, nous ne pouvions pas communiquer. Il fallait d'abord que nous trouvions un moyen d'enlever ce tissu de notre bouche. Il était certain que je ne pouvais pas m'en défaire moi-même. Peut être que Eren ?Prise d'une illumination, je tordis mon cou en arrière. J'arrivais parfaitement à voir Eren dans cette position. J'essayai de marmonner quelques mots mais rien de très compréhensible sortit de ma bouche. Arquant un sourcil, Eren se demandait probablement ce que j'essayais de lui faire comprendre. Haussant mon épaule la plus proche de lui, je la levai pour qu'il fasse le rapprochement avec mon tissu. Ses yeux s'écarquillent légèrement. Rapprochant sa bouche vers ma joue, ses dents frôlèrent ma peau avant d'atteindre mon tissu. Il essaya plusieurs fois de le tirer en arrière sans grand succès. Au bout de plusieurs essais, je me retrouvai enfin la bouche libre. Automatiquement, j'essayai de claquer mes dents. Une substance visqueuse entourait toute ma dentition. Je grognai, ils avaient tout prévu. Je devais cependant m'estimer heureuse d'enfin pouvoir parler. Quelques instants plus tard, Eren se retrouva dans la même situation que moi.
-Est ce que tu penses qu'on peut décrocher ce poteau ? me demanda t-il directement.
-C'est une bonne idée, lui indiquais-je, mais je ne pense pas que ce soit possible.
Mieux vaut essayer que de ne rien tenter. Nous nous embarquions alors dans un combat contre l'impossible. Malgré nos efforts surhumains, le poteau ne bougea pas d'un poil. Eren tapa du pied. Je pensais peut être qu'au contraire être à deux nous handicapait. Il y avait d'autres cellules autour de nous. Après maintes réflexions, j'optai de partager mes idées avec Eren. Il m'écouta attentivement sans broncher. Un instant plus tard, nous passions à l'action.
-Vite ! cria aussi fort que pouvait Eren. Dépêche-toi, ils vont venir !
-C'est bon ! lui répondis-je sur le même ton. J'y suis presque !
Tandis que nous faisions semblant de nous échapper, nous tapions simultanément nos chaînes et nos menottes sur le sol. Je pensais que les attirer ici en leur faisant croire que nous étions entrain de nous évader pouvait les inciter à vouloir nous séparer. Comme espéré, quelqu'un descendit les marches. J'étais cependant déçue d'apercevoir mon frère. Nonchalant, il marchait comme si avancer était un calvaire. Ça allait être plus compliqué que prévu. Samuel était loin d'être stupide.
-Oh les gars qu'est ce que vous êtes entrain de foutre ? nous demanda t-il ennuyé.
Son regard s'attarda sur nos bouches. Il venait de remarquer que nous n'avions plus rien. Arborant un sourire étrange, il passa sa main dans ses cheveux. Il avança vers nous avant de se poser devant notre cellule.
-On dirait que les ruses c'est de famille, soupira t-il. Et comme je suis ton frère, je sais très bien que tu essayes juste d'attirer l'attention.
Je fronçai immédiatement les sourcils. Deviner tout de suite ce que je manigançais, il était vraiment perspicace. Une seconde personne arriva par les escaliers. C'était le père d'Historia. À peine à notre hauteur, il demanda à mon frère de nous séparer pour plus tard. Les choses allaient être encore plus faciles que prévu. Samuel n'eut pas le temps de broncher puisque Rod était déjà remonté. Blasé, il ouvrit la porte de la cellule avant de détacher mes menottes.
-De toute façon avec ta tête de voyou tu ne mérites pas ma sœur, attaqua t-il Eren, même pour le peu de temps qu'il te reste à vivre.
Après cette étrange scène, il m'amena dans la cellule d'en face. Il me tenait à peine et pourtant je pouvais sentir qu'il gardait une énorme force dans son bras. N'ayant pas d'autre poteau dans celle-ci, il se contenta de me laisser ainsi avec les poignets attachés. Même ainsi, je ne voyais aucune échappatoire possible. Il referma la porte derrière lui en prenant bien soin de récupérer les clés. Moi qui pensait qu'il aurait pu être assez bête pour les oublier. Avant de partir, il se retourna vers moi.
-Tu n'as montré aucune résistance, j'en déduis donc que tu voulais te faire déplacer. Mais fait attention, me prévint-il en faisant sauter ses sourcils, il y a un tueur dans le coin.
Je le regardai s'éloigner souriant. Décidément, mon frère n'était pas une personne qu'on pouvait facilement amadouer. Je m'estimais tout de même heureuse qu'il n'avait pas refusé les ordres de Rod. Ayant les poignets emprisonnés derrière le dos, je ne perdis pas de temps pour faire passer mes jambes entre eux. Je décidai ensuite tout de même de vérifier la ténacité des barreaux. Ils étaient intacts et ne bouger pas d'un poil. C'était limite mais j'arrivais tout de même à passer mes bras à travers. N'ayant pas d'autres choix que d'attendre, je m'assis au fond de ma cellule en espérant que quelqu'un finisse par pointer le bout de son nez.
Peut être que deux ou trois heures se déroulèrent avant qu'une nouvelle occasion ne se présente. Un homme tenant un plateau était entrain de venir. Je regardai une dernière fois Eren pour m'assurer qu'il n'avait pas abandonné mon plan. Faisant mine de m'ennuyer, je patientai que le nouvel arrivant s'approche d'avantage. À première vue, il n'avait pas l'air plus intelligent qu'un autre. Lorsqu'il glissa finalement notre repas sous les barreaux, Eren commença à jouer la comédie.
-Et comment je suis sensé manger ? râla t-il.
Ne faisant pas trop attention à sa remarque, il détacha un seul des bras d'Eren. Il était entrain de nous faciliter la tâche. Lorsque l'homme sortit de sa cellule, nous nous échangions un bref regard. Eren reprit aussitôt ses plaintes.
-Il faut vraiment que j'aille aux toilettes, insista t-il.
-Tu n'as cas te pisser dessus, lui répondit l'homme sans pitié.
Eren se releva brusquement. Frôlant à peine les barreaux de sa cellule, l'homme recula par réflexe. J'en profitai pour me lever puis de l'attraper. Instantanément, je lui brisai la nuque. J'usai de toutes mes forces pour le trainer jusqu'à moi. Je cherchai rapidement ses clés. Comme tout bon gardien, il les gardait attachées à son pantalon. Une fois en possession, je me dépêchai d'ouvrir ma porte puis celle d'Eren. Par chance, les clés de nos menottes étaient aussi sur ce trousseau. Lui faisant plusieurs signes de mains, je l'incitai à rapidement se bouger vers la petite fenêtre. Il me proposa d'y aller en première. Je refusai catégoriquement car je trouvais que ce n'était pas une bonne idée. Si je montais avant lui j'aurai du mal à le soulever. D'un final accord commun, Eren posa son pied sur mes mains avant de se hisser à travers la fenêtre. Tandis qu'il était toujours entrain de s'y faufiler, j'entendis des pas venir dans notre direction.
-Hé ! s'alarma immédiatement la personne.
Eren me tendit son bras pour m'attraper. Je me servis du mur comme appui pour me faciliter la tâche. Un énorme poids s'écrasa sur mes jambes. Le type, il était entrain de me tirer vers le bas. Eren essaya tant bien que mal de me soulever mais je voyais très bien que tout ça ne rimait à rien. Si ça continuait ainsi, nous allions tous les deux nous faire capturer à nouveau. Je lançai un dernier regard avant de lâcher Eren. Je lui criai aussitôt de partir et d'aller chercher du secours. Peu de temps après, d'autres personnes arrivèrent pour me maîtriser. Malgré mes performances en matières de combats, je ne pouvais rien faire face à la force de tous ces hommes.
-Ça suffit ! hurla Rod en voyant la scène. Il est grand temps que je te fasse ouvrir les yeux.
Face à une magnifique maison, Rod m'avait traîné jusqu'ici avec la chaine qui reliée celle de mes poignets. Deux grands hommes baraqués me gardaient à l'œil. J'observai de loin ce lieu qui me disait quelque chose mais que pourtant je n'avais jamais vu. Un instant plus tard, il tira sur la chaîne pour que j'avance. Celle qui attachait mes chevilles me donnait à peine l'espace nécessaire pour marcher. J'avais vraiment l'impression d'être un animal.
-Ça ne m'étonnerait pas que tu reconnaisses cet endroit, m'indiqua t-il.
Qu'est ce qu'il voulait dire ? J'aurai aimé lui demander mais à nouveau ma bouche était scellée. Je montai silencieuse les marches qui menaient à la porte d'entrée. Lorsqu'il l'ouvra enfin, j'eus vraiment l'impression d'avoir déjà toquer à cette porte. Je m'enfonçai dans ce couloir lugubre qui ne me présageait rien de bon. Un miroir était accroché. Je me sentis vraiment mal quand j'aperçus mon visage dans la glace.
-Un soir, un homme vint nous déranger ma famille et moi en toquant à notre porte.
Cette maison était donc la sienne. Il continua son récit tout en m'amenant où bon lui semblait. Il me raconta que ce jour-là il pleuvait à torrent. Trempé jusqu'aux os, mon père leur expliqua qu'il n'avait pas d'endroit où dormir. La famille Reiss étant de braves gens, ils acceptèrent de le laisser entrer. Tandis que nous passions dans le salon, c'était comme si mon cerveau imaginer pour moi. Je voyais mon père rigoler et se régaler en mangeant près d'un feu.
-Lorsque nous lui demandions son nom, il prétendit s'appeler Grisha Jeager.
Mon cœur tambourina contre ma poitrine. J'espérais qu'il m'explique enfin pourquoi il avait voulu cacher son identité en prenant celle du père d'Eren. Au lieu de ça, il m'amena dans une autre pièce. Je supposais alors que tout ça restait un mystère pour moi tout comme pour lui. Dans la cuisine, j'eus la vision de mon père entrain de discuter avec une femme. Plutôt proches, ils semblaient se partager quelques confidences à une heure, qu'indiquait l'horloge au dessus d'eux, plus que tardive. J'effleurai un meuble puis un tiroir. J'eus immédiatement le flash d'en sortir un couteau. Je sursautai légèrement, personne ne manqua cette réaction de ma part. Mine triste, Rod m'incita à le suivre à l'étage. Plus j'entendais le grincement des marches sous mes pieds et plus je commençais à avoir des frissons. J'entrai dans une première chambre. Lit complètement défait et affaires déchirées, je sentais que quelque chose d'effroyable était arrivée dans cette pièce. Il y avait quelques trous dans le matelas. Hésitante, je glissai mes doigts sur eux. Comme transportée à une autre époque, je me voyais poignarder violemment à plusieurs reprises un jeune garçon. Horrifiée, je tombai en arrière. Le fait d'avoir pu vivre cette scène à la première personne faisait trembler mon corps tout entier.
-Je perdis mes cinq enfants cette nuit là. Ma femme ne m'avait pas rejoins au lit, je m'étais endormi sans elle. Je suppose qu'il l'avait tué même avant ça.
En état de choc, je me relevai maladroitement. La visite des autres chambres se transforma en cauchemar. Poignarder, étrangler ou battu à mort, tous avait succombé sous d'atroces souffrances. Je secouai vivement la tête de droite à gauche. Non, il m'avait certainement donné quelque chose pour me faire voir n'importe quoi. Pourquoi mon père aurait massacré une famille entière sans aucune raison ? La dernière pièce que nous visitions était la salle de bains. Je voyais les éclairs de cette nuit se déchainer à travers le miroir. Mon père en larmes, il essayait de nettoyer son visage et ses vêtements tachetés de sang avec l'eau du robinet. La porte s'ouvrit tout en grinçant. Une jeune fille à la couleur de cheveux brune était entrain de le fixer. Sans plus attendre, il lui sauta dessus. Tandis que je descendais à nouveau les escaliers, j'entendais les cris étouffés que poussait cette fille tout en se faisant traîner jusqu'en bas. Ouvrant une large porte, Rod me laissa vue sur un gigantesque jardin. Arbres, fleurs et verdure, on aurait pu se croire au paradis. Cette vision se transforma rapidement à son opposé. L'orage et les arbres qui menaçaient de tomber sous la pression du vent mais aussi mon père qui jeta cette pauvre fille dans l'herbe mouillée. Il se mordit la main avant de la dévorer sans scrupule. Se retournant soudainement vers moi, Rod posa ses mains sur mes épaules. J'avais l'impression de vivre une scène familière. Non ce n'était pas une impression. Je ressentais, sentais et entendais comme si j'y étais vraiment. J'avais mal à la tête, ma vision était à moitié brouillée par une fumée blanche. Un cheval puis un soldat apparurent dans mon champ de vision. Dans ses bras, une petite fille. La personne que je contrôlais leva sa main vers nous avant d'indiquer sa poche de veste. Le soldat me déposa avant de sortir une seringue de ce vêtement. Il me l'injecta sous mes ordres. Quelques instants plus tard, un titan aux cheveux roses me sauta dessus. J'haletai effrayée en sortant de cette vision.
-Qu'est ce que..
-Certainement la mort de ton père, m'indiqua Rod.
Il m'expliqua qu'après la mort de sa dernière fille Frieda, il était descendu de sa chambre pour comprendre ce qui se passait. La moitié du corps de sa progéniture tenait encore entre les dents ensanglantées de mon père. Ce jour-là, mon père avait volé le pouvoir de l'axe, celui qui permettait de contrôler les titans. Je laissai une bonne partie de l'histoire du côté quand je repensai à sa mort. Je l'avais dévoré. Et cet homme, qui c'était ? Il me disait vaguement quelque chose. Mais là n'était pas le problème. Je ne voulais pas y croire, je ne voulais pas accepter que mon père était un meurtrier.
-"Désolé de vous avoir importuné" étaient ces derniers mots avant de me laisser sans voix devant l'atrocité qu'il venait de commettre.
Tétanisée, je tombai à genoux. Les deux gardes en profitèrent pour m'attraper par les bras. Avant que je ne puisse comprendre ce qu'il allait m'arriver, Rod m'écrasa violemment son poing dans la figure. Il recommença une deuxième, une troisième puis une dixième fois. Il me souleva par le col avant de me crier au visage qu'il comptait reprendre ce que mon père lui avait volé. Il écrasa ensuite son pied contre mon dos pour me jeter au sol. Je relevai difficilement la tête. Vision brouillée, je voyais une personne s'avançait au loin. Sourcils froncés et larmes aux yeux, elle me regardait méchamment. Historia ?
-Est ce que tu es prête ma chérie ? lui demanda tendrement son père.
Sans hésité, elle hocha la tête. Elle sortit une boîte de sa poche puis en retirer une seringue. Elle ressemblait étrangement à celle de mes souvenirs. Elle me dévisagea tout en relevant sa manche. Elle était entrain de commettre une grave erreur. Mon père était peut être une ordure pour ce qu'il avait fais mais en aucun cas je devais payer pour ses pêchés. Il avait certainement eu un choix à faire. Un choix dont je ne connaitrai malheureusement jamais les raisons. Malgré mon mental d'acier, mon corps ne me répondait plus. Je ne pouvais ni parler, ni bouger et ni me transformer. Est ce que j'allais réellement me faire dévorer par ma propre amie ? L'aiguille frôla sa peau lorsque quelqu'un nous interrompit.
-Je crois que vous m'avez oublié, cracha t-il ironiquement.
Les bras croisés et le regard dur, Samuel venait d'apparaître de nul part. Sans prévenir, il attrapa son pistolet puis le pointa en direction de Rod. Il lui explosa l'oreille. Je ne savais pas si il avait fais exprès de le manquer ou non mais si c'était le cas, il visait sacrément bien. Cependant, je ne comprenais pas le but de son intervention. Depuis le début je me demandais quelles étaient les intentions de mon frère, mais là j'étais encore plus perdue. De ce que je captais de la situation, c'était qu'à priori Rod lui aurait menti sur quelque chose. La moitié du visage à présent ensanglanté, il s'écroula au sol.
-C'était sensé être moi qui devait s'injecter cette foutue seringue, s'énerva Samuel. Vous connaissiez mes intentions, vous vous êtes servis de moi !
Quelques vides dans ma tête venaient de se remplir. Rod lui avait promis la seringue mais lui avais finalement menti. Mon frère était-il réellement prêt à se transformer pour devenir un titan à son tour ? Les deux gardes de tout à l'heure n'osaient plus bouger d'un pouce sous ses menaces. Et moi, j'étais toujours incapable de faire quoi que ce soit.
-Ta conne de mère ne t'a jamais appris à ne pas faire confiance à n'importe qui ? lui répondit Rod sèchement.
-Insulte la encore une fois et c'est plus ton oreille que je vais viser ! hurla mon frère.
Historia cria aussitôt de laisser son père tranquille. Il s'adressa à elle avec pitié, lui expliquant que son vieux voulait la transformer en monstre pour me dévorer. Elle déplaça son regard vers moi avant de froncer les sourcils. Elle lui répondit simplement que c'était la mission qu'on lui avait confié. Très confiante, elle répéta plusieurs fois qu'elle était prête à effacer tous les titans du monde.
-Et tu penses que pourquoi s'est-il soudain dit qu'il fallait qu'il se comporte en gentil papa avec toi ? Mais oui.. Parce qu'il avait besoin de toi ! lui éclaircit Samuel l'esprit ironiquement.
Il n'avait pas tord. La voir aussi déterminée me laissait soucieuse. J'étais partagée entre le fait d'admirer son courage et de bouillir de colère. Ce n'était pas en me bouffant que sa famille aller revenir ou même que les titans disparaitront. De plus, elle était entrain de faire confiance à un homme qui l'avait pourtant souhaité morte dès sa naissance. Reprenant son souffle, Rod s'adressa à mon frère.
-Tes ambitions personnelles ne se réaliseront pas. Trouve une autre raison de vivre..
Ils restèrent un instant à se fixer. Murmurant quelque chose que je n'entendis pas, Samuel se dirigea vers moi. Pointant son flingue sur les deux hommes, ils le laissèrent passer sous la panique. Tout en sortant ses clés pour déverrouiller ce qui retenait les muscles de ma bouche, il m'assura tout simplement que je pouvais me transformer et qu'il ne se mettrait pas en travers de mon chemin. Je pris une grande inspiration avant de cracher toute la salive qui était restée dans ma gorge. Son comportement me laissait perplexe. Quelques heure plus tôt, il était le garçon le plus déterminé à me tuer. Voilà maintenant qu'il me donnait une chance de m'en sortir. Même si j'étais encore consciente, j'avais du mal à garder les yeux ouverts. Le regard d'Historia changea légèrement d'aspect. Son père en profita aussitôt pour lui donner la seringue. Il lui dicta de se transformer tant que j'étais encore attachée. Mon frère quant à lui décida qu'il était temps pour lui de s'éloigner. Déterminée, la blonde ramena la seringue près de son bras.
-Je vais te dévorer si tu ne fait rien avant, me prévint-elle en voyant que je n'étais toujours pas transformée.
Si mon père n'avait pas agi de la sorte, si il n'avait pas tenté de désespérément voler un pouvoir qui ne lui appartenait pas, Historia serait en ce moment même entourée de toute sa famille. Alors je lui donnais une chance. Une chance de se rétracter avant que je n'atteigne une limite vers laquelle je ne pourrai plus reculer. Si au grand jamais elle choisissait de se transformer, alors je ferai de même. Qu'elle voie cette faveur comme un pardon de ma part. Et je voulais vraiment voir si elle allait maintenir cette décision de se dresser contre moi.
-Vite Historia ! l'incita son père.
Nous nous fixions longuement. J'avais l'impression d'observer son regard depuis une éternité maintenant. Tout à coup, des cris se firent entendre. Suivirent ensuite des explosions puis des coups de feux. Quelqu'un fonça droit sur la blonde. Cape verte et manœuvre tridimensionnelle, c'était un soldat du bataillon. La seringue tomba au sol tandis que Rod aida la blonde à se relever. D'autres soldats apparurent poursuivis par la police militaire. Un énorme poids s'enleva de mes épaules. À travers ces multiples arbres et sapins, mes amis étaient entrain de continuer un combat qu'ils avaient certainement entrepris depuis un moment déjà. Mon cœur loupa un battement lorsque je croisai le regard de Livaï. Paniqué, il atterrit près de moi. Il m'adossa sur son genou tout en m'insultant d'idiote et d'écervelée. Moi aussi, j'étais contente de le retrouver.
-Jean, les clés ! cria t-il.
Le concerné maitrisa aussitôt Rod tandis que Eren apparut pour mettre à terre les deux gardes. J'étais rassurée de comprendre qu'il avait réussi à amener le bataillon jusqu'ici. Jean fouilla dans les poches du vieux avant de jeter le trousseau de clés à Livaï. Tandis qu'il détachait mes poignets et mes chevilles, le reste s'occupa des derniers soldats ennemis. Livaï m'aida à me relever avant de prendre la boîte noire qu'Hanji lui tendant. Le bilan de cette opération ? Aucune perte de notre côté. Et Historia ainsi que son père étaient encore en vie. Je ne cogitai plus que sur l'état d'une seule personne.
-On dirait que vous en avez oublié un, grogna Livaï en se déplaçant derrière un arbre.
En laissant brièvement vaguer mon regard sur le dit survivant, je reconnus immédiatement mon frère. Rampant en arrière vainement, il se tenait fermement l'épaule. En l'espace d'un instant, Livaï leva son épée au dessus de sa tête. Il était bien décidé à en terminer avec lui. Sans réfléchir, je me précipitai devant lui pour intervenir. Je lui demandai gentiment de baisser son arme. D'abord hésitant, il me dévisagea.
-C'est mon frère, lui expliquais-je.
Son regard se déplaça de lui à moi, comme s'il cherchait une quelconque similitude entre nous. Il décida tout de même de finalement m'écouter. Je lui expliquai rapidement tout depuis le début jusqu'au moment où il m'avait aidé. Même si je n'étais pas totalement en accord avec ce qu'il m'avait fais, il restait mon frère. Livaï soupira avant de ranger son épée. Soulagée, je le suivis. Soudainement, on me tira en arrière. Un bras entouré mon cou, j'arrivais à peine à respirer. Alarmé, Livaï sortit immédiatement son arme. Quelque chose se posa sur ma tempe. Mon frère que j'avais défendu jusqu'à présent était entrain de me coller un flingue sur la tête.
-Approche et je lui déglingue la cervelle, le menaça Samuel sèchement.
-Qu'est ce que tu veux ? lui répondit Livaï du tac au tac.
-La boîte, lui dit-il. Donne la moi !
Même après toute cette mascarade, il en avait encore après cette seringue. Il comptait faire quoi avec de toute façon ? Se transformer ? Si son but était de me bouffer il aurait du le faire bien avant.
-Tu n'as aucune chance face à nous, le prévint Livaï, même en titan.
À sa réponse, il resserra son étreinte autour de ma gorge. Index sur le détente de son pistolet, il était prêt à tirer. Fronçant nerveusement les sourcils, je voyais le visage de Livaï remplit d'inquiétude. Aucun de mes autres camarades n'osaient faire un mouvement, de peur que ma cervelle n'explose instantanément sous leur yeux. Samuel quant à lui continuait de mettre la pression à Livaï. Alors que moi, je le suppliai du regard de ne pas lui donner satisfaction. Je grognai légèrement lorsque Livaï déposa la boite à ses pieds. Il lui dicta de venir la chercher.
-Tu m'as pris pour ton clébard ou quoi ? rigola t-il.
-Ça serait plus à ce que je te comparerai en effet, lui affirma Livaï, plutôt qu'un frère..
L'énerver ne servait à rien. Ça lui donnait justement encore plus envie d'en finir avec moi. Voyant que Livaï ne réagissait pas, Sam me relâcha puis me poussa sur lui. Il pointa subitement son pistolet dans notre direction. Mon cœur rata un battement lorsqu'il appuya sur la détente.