My Beautiful Beast (LevixEren)
Chapitre 7 : Two Beasts in the Forest (part 1)
5970 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour il y a plus de 8 ans
My Beautiful Beast
Chapitre 8: Two Beasts in the forest (part 2)
Ils étaient deux.
Un homme, très grand et un petit garçon. C’était la première fois de sa vie que Mikasa rencontrait un autre enfant de son âge. Accroché à la chemise de son père tandis qu’elle observait discrètement les deux intrus, elle s’attarda plus longuement sur le garçon. Il portait un épais manteau vert kaki et une écharpe rouge carmin autour du cou. Ses cheveux étaient d’une couleur chocolat chaleureuse et ses yeux teintés d’un époustouflant bleu-vert. Mikasa n’avait jamais rien vu de pareil. Sa mère avait les yeux bleu-gris, mais Mikasa avait hérité des yeux noirs d’encre de son père. De plus, sa longue chevelure noire de jais était aussi luisante et lisse que celle de l’homme qui accompagnait le garçon.
Maintenant qu’elle y regardait de plus près l’homme ressemblait beaucoup à sa mère.
Le petit garçon louchait sur leur ragoût, il avait limite de la bave aux lèvres. Il était complètement imperméable à la tension qui rendait l’air irrespirable dans la pièce. Comme son père n’avait toujours pas dégainé la hache qu’il tenait à portée de main, dans un coin de la cuisine, Mikasa en était venu à la conclusion que ces deux-là étaient plus ou moins des invités. C’était la première fois qu’ils recevaient de la visite, est-ce que c’était vraiment censé être aussi pesant ?
L’homme brisa le silence : « Salut Mana. Ça fait un bail. » Mikasa n’aimait pas cet homme. Bien qu’il ressemble beaucoup à sa mère, il la mettait très visiblement mal à l’aise. Et Mikasa n’avait jamais vu sa mère perdre son calme, jamais. Même lorsqu’une maman grizzly avait bien failli les décapiter toutes les deux l’année dernière alors qu’elles parcouraient la forêt à la recherche de champignons, sa mère avait réussi à rester parfaitement sereine. Mikasa sentit son père se tendre vers l’avant, nerveux : « Chérie…qui est-ce ? » Elle baissa les yeux et répondit, d’une petite voix : « Kenta…
- C’est Kenny maintenant. Une sorte de baptême tu sais… » Elle releva la tête mais ne croisa toujours pas le regard de son époux : « C’est mon petit frère. » Un lourd silence. Son père acquiesça comme si ça expliquait tout. Mikasa détailla un peu plus l’homme. Il portait un drôle de chapeau de cow-boy noir, des rangers militaires, une veste en cuir noir et rien d’autre pour le couvrir. Ça aussi, il l’avait en commun avec sa mère. Sa mère n’avait jamais froid, même quand les vitres de la maison se recouvraient de verglas, elle continuait de porter le même manteau fin.
Alors, cet homme était son oncle ? L’idée d’avoir encore de la famille, quelque part dans le monde extérieur lui fit extrêmement bizarre. Mikasa avait longtemps cru que le monde se résumait à eux trois…
Kenny poussa un gros soupire : « Ecoutez, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Je ne suis pas venu ici pour une stupide histoire de vengeance ou va savoir quelle autre raison qui a pu germer dans ta tête de sale traîtresse, Mana. Non merci. J’ai déjà fait mon petit chemin de vie et je m’en fou comme de mon premier poignard de ce que t’as bien pu faire de la tienne. » Comme pour appuyer ses dires, l’homme avait posé la main sur la tête du petit garçon. Mikasa remarqua alors que l’enfant la fixait. Peut-être depuis déjà un bon moment. Elle sentit le rouge lui monter aux joues et se dissimula le visage derrière son père.
Mana se força à demander : « Alors, si tu n’es pas là pour te venger, qu’est-ce que tu veux, Kenny ? » L’homme pencha légèrement la tête sur le côté et une étrange lueur s’alluma dans ses yeux avant qu’il ne réplique : « Tu ne vas pas me demander comment va Gena ? » Un autre silence. Encore plus lourd. Sa mère serra les poings, elle avait l’air d’être sur le point de pleurer, ou alors de lui briser la vaisselle sur la tête, une sorte d’état intermédiaire entre les deux : « Comment va Ge…
- Elle est morte. Comme une chienne. Dans un vieil appartement tout pourri au milieu de ses propres déjections. Elle était malade Mana. Son cerveau pourrissait littéralement. Elle a laissé un fils derrière elle… » Le regard, soudain embué de larmes de Mana s’était tout à coup posé sur le garçon. Kenny laissa échapper un rire amer : « Non, pas celui-ci. Je t’assure que si tu le voyais, le sien, tu saurais exactement de qui il tient…Celui-là, je ne fais que l’emprunter. » Son père s’était levé d’un bond pour aller se poster derrière sa mère et lui tenir les épaules comme s’il l’empêchait de s’effondrer. Mikasa s’était figée sur place, choquée, la main qui tenait la chemise de son père encore suspendue dans les airs. Si c’était à ça que ressemblait un oncle, elle n’en voulait pas du tout. Pourquoi était-il aussi méchant avec sa mère ?
Son père aboya : « Ca suffit maintenant, allez droit au but, que faites-vous ici ? » Kenny était en train de basculer ses appuis d’un pied sur l’autre. Il rappela à Mikasa la maman grizzly, prête à leur bondir dessus pour protéger ses petits. Cet homme n’était clairement ni gentil ni aussi attentionné que ce à quoi elle se serait attendu de la part d’un membre de la famille. Il déclara : « Bien. Un direct, j’aime ça. Et toi aussi on dirait, pas vrai grande sœur ? » Le titre avait sonné comme une insulte. L’homme continua : « Puisque vous avez pris la peine de si bien vous terrer dans les montagnes, je suppose que vous savez parfaitement que vous êtes recherchés par pas mal de personnes… » Mana blanchit et se leva d’un bond : « C’est pour ça que t’es là, Kenny ? Parce que nous sommes l’un des tes fichus contrats ?! » Il rit. Un rire sans joie qui n’atteignit par son regard de glace : « Non. Comme je t’ai dit, j’ai déjà fait un sacré bout de chemin depuis. Je ne remplis plus ce genre de contrat. Mon nouvel employeur fait partie de la police. » Le visage de sa mère se décomposa sous l’effet de la surprise.
Kenny esquissa un rictus : « Quand je te disais que de l’eau avait coulé sous les ponts... Bien, trêve de blabla. Il faut que vous sachiez que si je suis là, c’est que d’autres ne tarderont sûrement pas à vous retrouver eux aussi… » Mana jeta un coup d’œil effaré en direction de Mikasa. La fillette eut tout à coup envie de se faire toute petite. Sa mère supplia : « Non Kenny, pas ici… » Son père prit les choses en main : « Ecoutez. Restez pour le déjeuner, Mana fait le meilleur lapin du monde. Pendant qu’elle finit de tout préparer, nous allons chercher un peu plus de bois, vous et moi… » Kenny prit un instant avant d’acquiescer : « Je meurs littéralement d’envie d’aller me perdre dans les bois avec un total inconnu, armé d’une hache. Ca me rappelle mon premier voyage en dehors d’Heaven, j’avais huit ans et…
- Kenta ! » Il la foudroya du regard : « C’est Kenny pour toi. » Ils se jaugèrent du regard. Puis il sourit à pleine dents : «Eh bien, Mana, est-ce que je peux savoir ce que tu comptes faire au juste de ce couteau de cuisine ? » Sa mère ouvrit de grands yeux, elle-même surprise de trouver ce couteau serré dans son poing. Elle le lâcha sur la table comme s’il lui avait brûlé la main. Kenny prit un air enjoué : « Heureux de constater qu’une Ackermann restera toujours une Ackermann. Venez donc, cher beau-frère, allons chercher du bon bois. Eren, reste gentil avec tata Mana, d’accord ? » Le garçon, jusque-là si silencieux qu’il était facile d’oublier son existence, lui répondit d’un sourire désarmant : « On va manger du lapin ! Je n’ai jamais goûté de lapin ! » Kenny lui tapota doucement la tête et Mikasa eut l’impression de voir deux hommes complètement différents.
Son père et Kenny partirent. Sans la hache. Mikasa pensa un instant à leur rappeler qu’ils l’avaient oubliée, mais, elle comprit bien vite qu’ils s’étaient davantage éloignés pour parler entre hommes que pour couper du bois.
Eren (puisqu’il s’agissait visiblement du prénom du petit garçon) se dandinait sur place : « Tata Mana, tu veux de l’aide pour le lapin ? Levi m’a appris à éplucher les pommes de terre… » Sa mère le gratifia d’un sourire tremblant : « Non merci, Eren. C’est gentil mais les lapins, ce n’est pas comme les pommes de terre. Aide plutôt Mikasa à mettre la table… » Eren acquiesça et tourna la tête vers elle. Mikasa eut l’impression de tomber dans la ligne de mire d’un serpent. Il lui sourit : « Mikasa ? » Elle frissonna. Et comme un robot, se dirigea vers le tiroir où ils rangeaient la vaisselle. Elle grimpa sur son petit escabeau, se hissa sur la pointe des pieds puis saisit une pile d’assiettes qu’elle passa au garçon qui attendait sagement, les bras tendus vers elle.
Ils étaient en train de terminer de mettre le couvert quand un gros fracas attira leur attention. Sa mère venait de renverser une marmite. Mikasa vit sa silhouette tremblante, appuyée contre les rebords de l’évier comme si elle s’en servait pour tenir debout. Elle l’entendit distinctement gémir : « Gena…oh, Gena…je suis tellement désolée… » Mikasa voulut s’approcher, elle se sentait elle sur le point de pleurer, par empathie. Elle détestait chaque minute un peu plus cet horrible oncle Kenny. Mais Eren lui saisit le poignet et nia de la tête. Il dodelina doucement et demanda d’une voix ingénue : « Tata Mana, est-ce qu’il te manque quelque chose pour cuisiner le lapin ? » Sa mère cessa de trembler et renifla discrètement sans leur faire face. Puis elle déclara: « Oui, un peu de romarin… » Mikasa voulut protester et dire qu’elle en avait ramené plein de sa cueillette précédente mais Eren resserra sa prise sur son poignet. Sa mère s’essuyait visiblement les yeux : « Mikasa, montre donc à Eren où se trouve le romarin. Vous serez des amours tous les deux… » Mikasa, les yeux embués de larmes acquiesça : « Oui… on y va. »
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Mikasa avait à peine sécher ses larmes lorsqu’ils pénétrèrent tous les deux dans la serre.
Derrière elle, Eren, silencieux observait partout avec le nez en l’air. Il s’exclama : « C’est super cool ici ! » Mikasa n’y tenait plus. Dans le fond, tout était de leur faute. A peine trente minutes plus tôt, ils étaient tous les trois heureux et paisibles. Et maintenant ? Sa mère pleurait seule dans la cuisine et son père avait disparu. Elle lui lança un regard mauvais : « Tout est de ta faute ! » Eren ne répondit rien et elle se sentit l’âme de l’invectiver un peu plus : « Retournez chez vous ! Je me fiche de savoir que c’est mon oncle ! Kenny est méchant ! » Eren fronça un sourcil : « Hum. Oui. C’est vrai qu’il n’avait jamais été aussi méchant avant aujourd’hui. C’est peut-être parce que ta maman a été méchante la première…» Mikasa tombait des nuées : « Quoi ? » Sa mère était la personne la plus douce du monde. Elle aurait été incapable de faire le moindre mal à une mouche. Mikasa cracha : « Tu dis n’importe quoi ! » Eren haussa les épaules : « Kenny n’est pas méchant. Il était en colère. Je ne l’avais jamais vu aussi en colère, mais, ça lui passera. Hey, c’est quoi ça ? » Il lui désignait nonchalamment une plan de thym.
Mikasa n’arrivait tout simplement pas à saisir ce drôle de garçon. Ses reproches lui glissaient dessus comme sur de l’eau. Il avait l’air de vivre dans un autre monde. Il la mettait mal à l’aise. Alors elle lui tourna le dos et alla se recroqueviller dans un coin de la serre. Puisque sa mère avait juste besoin d’un peu de temps pour se calmer, ils allaient attendre ici avant de revenir à la maison pour déjeuner. Et ensuite, Mikasa espérait qu’elle ne reverrait plus jamais ces deux intrus.
Il s’écoula au moins quinze minutes avant qu’ils ne se décident à revenir vers la maison.
Comme sa mère semblait plutôt secouée, Mikasa n’avait cessé d’ajouter cinq minutes à chaque fois pour être sûre de ne pas avoir à la voir pleurer. Mais au final, Eren, qui avait fait le tour de la serre, avait fini par s’impatienter et crier famine jusqu’à ce qu’elle n’en puisse plus de l’entendre se plaindre. Lorsqu’ils furent proches de la maison, ils entendirent un grand fracas. Sans perdre une minute, Mikasa se précipita vers la porte grande ouverte. Cette fois-ci on n’aurait pas dit un oubli, on aurait plutôt dit qu’elle avait été enfoncée. Son cœur cessa de battre pour la seconde fois de la journée. Eren lui emboita le pas.
Ils arrivèrent sur le pas de la porte et se figèrent de stupeur.
Là, devant eux, un homme inconnu était en train de tenir la tête ensanglantée de sa mère. Vu leur position dans la cuisine, il devait l’avoir frappée en plein visage, contre la table. Mikasa hurla : « MAMAN ! » A sa vue, Mana parut reprendre vie. Elle se débattit et l’homme lui arracha une pleine main de cheveux alors qu’elle s’extrayait de sa poigne: « Non ! Partez ! Fuyez ! » Elle se redressa et se jeta de tout son long contre son agresseur en hurlant : « Rejoignez Kenta ! Vite ! Partez ! » L’homme essayait tant bien que mal de se débarrasser d’elle, il la frappait avec force à la tête avec le manche du grand couteau qu’il tenait dans sa main droite.
Mikasa effarée fit mine de s’approcher pour lui porter secours. L’homme repoussa Mana d’un geste brusque alors qu’elle luttait contre l’inconscience. Il se redressa, rouge de colère : « Sœur Mana, vous avez vécu dans le péché on dirait…vous avez eu une fille ? » Mikasa fut pétrifiée de peur alors que l’homme posait sur elle son regard brillant. Mana s’était redressé sans faire de bruit. Les jambes tremblantes, elle saisit l’un des couteaux posés sur la table avant de foncer sur l’homme en hurlant. Un hurlement terrifiant, presque bestial, qui lui venait du fond des tripes. Elle parvint à le poignarder dans les flans.
Mikasa poussa un cri de terreur.
L’homme jura et tout à coup, il brandit le long couteau avant de le lui enfoncer dans la gorge. Le hurlement de Mikasa changea d’intensité alors que Mana posait sur elle un regard incrédule. Un mince jet de sang chaud aspergea son visage alors que la lumière quittait rapidement le regard perplexe que lui lançait sa mère : « NOOOOOOON ! Maman ! » L’homme se débarrassa du corps d’un brusque geste du bras. Mana s’effondra, face contre terre alors qu’une flaque de sang commençait à se former sur le parquet. Mikasa tomba à genoux.
Son cœur avait cessé de battre. Ses poumons de fonctionner. Sa vision s’était obscurcie. Elle hurlait sans s’entendre.
L’homme jura : « Merde ! C’est de ta faute salope ! » La silhouette d’un second homme était apparu dans l’encadrement de la porte d’entrée. Il grogna : « Frère Hantson, je croyais vous avoir dit que nous avions besoin d’eux en vie…
- Elle m’a attaqué ! Je saigne ! Qu’est-ce que j’étais censé faire d’autre ?» Son interlocuteur poussa un soupire résigné : « Bien. Espérons que Frère Girez aura plus de chance que nous et qu’il capturera l’époux en vie… » Il posa ensuite son regard terne sur les deux enfants. Eren, qui se retrouvait mystérieusement près de la table à manger, s’était recroquevillé. Quand le regard de l’homme se posa sur lui, il se mit à trembler des larmes plein les yeux. L’homme arqua un sourcil : « Des enfants ? » Frère Hantson ôta le couteau que lui avait planté Mana en grognant : « Je crois que la fille est à elle…
- Et le garçon ?
- Aucune idée…ils étaient ensemble… » L’homme près de la porte hocha mollement de la tête : « J’ai vu une sorte de serre aménagée en faisant le tour du périmètre. Ils devaient se cacher là-dedans… Bien. Puisque la volonté d’Atlas les a menés à nous, ainsi soit-il. Nous nous servirons d’eux pour convaincre Frère Ackermann de nous parler en toute civilité…Hantson, garde-les. Je vais voir si personne d’autre ne se cache dans la serre. » Hantson jura entre ses dents mais acquiesça.
Tout ce que pouvait voir Mikasa alors que l’assassin la soulevait du sol sans ménagement, c’était le sang. Et ce visage imbécile, sans vie, qui la regardait comme s’il venait tout juste d’être surpris. Sa mère. Sa douce mère était morte.
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Il les avait installés dans un coin de la pièce et s’occupait de piller la salle de bain à la recherche d’une trousse de secours.
Mikasa avait ramené ses jambes contre sa poitrine et avait entouré ses genoux de ses bras. De là où ils se tenaient tous les deux, elle pouvait voir la chevelure noire corbeau de sa mère. Qui ne bougeait plus. Des larmes silencieuses lui roulaient le long des joues alors qu’elle tentait en vain de se convaincre que tout ça n’était qu’un cauchemar. A ses côtés, Eren trépignait. Il se pencha vers elle : « Mikasa…Mikasa, est-ce que tu m’entends ? » Elle ne savait même pas pourquoi elle venait d’acquiescer. Il soupira : « Bien. J’aurais besoin de ton aide… » Elle ne réagit pas. Il continua : « Il va me falloir ton aide pour qu’on se débarrasse de ce type. » Mikasa lui lança un regard effaré. Mais qu’est-ce qu’il racontait ? Est-ce qu’il avait perdu l’esprit ? Sa mère venait de mourir, tué par cet homme et lui il parlait nonchalamment de s’en débarrasser ?
Ca n’avait pas de sens. D’ailleurs plus rien n’avait de sens. Peut-être que si elle ne bougeait pas, ils finiraient par la tuer sans la faire souffrir. Et alors, elle pourrait rejoindre sa mère…
Eren la gifla de toutes ses forces. Elle vit trente-six milles chandelles et sa tête alla cogner contre le mur. Elle lui lança un regard complètement perdu en se redressant. Il avait l’air d’un fou. Ses pupilles vertes étaient dilatées et son souffle court, mais le pire, c’était qu’il souriait : « Tu as senti, ça ? Bien. Ça veut dire que tu es en vie. Accroche-toi à la douleur, le monde est cruel. Les vilains sont partout et tant qu’on ne se bat pas, ils reviennent encore et encore…mais à nous deux, on peut l’avoir… »
Elle n’avait même pas l’air de comprendre ce qu’il disait. Mais le temps pressait. Le second homme était parti vers la serre, il n’avait pas l’air pressé et il prendrait surement le temps de bien la fouiller. Mikasa et lui disposaient donc d’un court laps de temps pour s’enfuir et rejoindre Kenny. Mais s’ils voulaient avoir une chance, il ne fallait surtout pas qu’ils loupent leur coup. Hantson revint de la salle de bain en grommelant, torse nu, le flan couvert de bandages. Eren bloqua sa respiration pour paraître à bout de souffle, puis tout à coup, il se mit à pleurer de toutes ses forces. Stupéfaite, Mikasa regarda les larmes rouler le long de son visage alors qu’il faisait mine de vouloir les stopper à l’aide de sa manche. Aussi pris au dépourvu que Mikasa, l’homme approcha : « Hey ! Petit, qu’est-ce qu’il te prend ?!
- Pi…pipiiiiiii ! Je veux, fai…faire pipi ! Ne me tuez pas s’il vous plait ! » Hantson gronda : « La ferme ! Je ne vais pas te buter parce que tu veux aller aux chiottes ! Vas-y ! » Eren renifla bruyamment : « Peu…peux pas ! » Hantson haussa un sourcil : « Ah ! Pourquoi ça ?
- J’ai, j’ai mal à la cheville… » L’homme marmonna quelques injures puis il s’accroupit pour mieux voir l’endroit que lui désignait l’enfant de sa petite main tremblante. Ce fut à cet instant qu’Eren fit glisser de sa manche le couteau qu’il avait dû subtiliser sur la table du salon avant que le second homme ne surgisse derrière eux. Et sans perdre une seconde il le lui planta dans l’œil de toutes ses forces.
Hantson poussa un terrible cri de douleur alors qu’il s’effondrait en arrière. Son long coutelas glissa sur le sol alors qu’il portait les mains à son visage.
Eren hurla : « Vas-y Mikasa ! Prends-le ! Vite ! Bats-toi ! » Mais Mikasa était pétrifiée. Plus rien n’avait de sens. Rien du tout. Pourquoi est-ce que ce garçon se battait avec autant d’énergie ? Est-ce qu’il ne se rendait pas compte que tout ça, c’était absurde ? A quoi bon lutter ? Sa joue meurtrie l’élança. Ca faisait mal. Atrocement mal. « Mikasa ! » L’homme à l’œil crevé attrapa soudain le bras d’Eren et l’envoya valser à travers la pièce. Les yeux de Mikasa se posèrent sur le coutelas. Puis sur la chevelure de sa mère et sur cette mare de sang poisseux qui salissait la cuisine. Près d’une heure plus tôt, ils étaient heureux. En vie.
« Tu es très forte ma petite Mikasa. Je t’ai appelée comme ça pour que tu ais la force d’endurer et d’entreprendre, pour que tu saches saisir le monde entre tes mains et le plier à ta volonté. Pour que tu sois bien plus forte que moi, que tu n’abandonnes jamais rien derrière. Pour que tu vives une vie pleine et sans regret… »
Elle explosa de rire. En elle, il eut comme un déclic. Toutes les cellules de son sang gelèrent. Elle ne ressentit absolument plus rien d’autre que cette douleur sourde à l’endroit où Eren l’avait giflé. La douleur de la vie. La douleur qui prouvait qu’elle était en vie. Elle s’était jetée sur le coutelas, sans cesser de rire. Tout lui paraissait clair. Son corps n’avait jamais été aussi léger. Ses mains si assurées que lorsqu’elle saisit le long couteau. C’était un peu comme s’il avait été façonné pour elle. Elle effectua un virage soudain à 90 degrés et bondit sur l’homme encore à demi- avachi. L’impact le coucha au sol. Mikasa avança les genoux pour bloquer sa tête entre ses cuisses Elle serra si fort les jambes qu’elle lui coupa la respiration, lui écrasant les côtés du cou. Elle savait où appuyer et comment. Son corps se mouvait de lui-même alors que son fou rire redoublait d’intensité.
Le monde était cruel. Il fallait se battre.
Elle le poignarda à la gorge. Encore en encore. Le sang giclait de partout alors que l’homme sous elle tressautait. Elle enfonçait la lame pour une sixième ou septième fois quand un bruit attira son attention. Elle tourna les yeux vers la porte qui menait de la chambre de ses parents (où ils se trouvaient) à la cuisine. Le second homme, effaré, était en train de l’observer. Il ne paraissait pas vouloir en croire ses yeux. Mikasa hoqueta alors que son rire mourrait doucement. L’homme eut à peine le temps de comprendre ce qu’il se passait qu’un hurlement détourna son attention de la fillette couverte de sang.
Eren était en train de lui foncer dessus.
Le garçon saignait de la tête et l’homme comprit avec un train de retard qu’il ne comptait pas l’attaquer. Eren lui glissa entre les jambes. Il se dirigeait visiblement vers la sortie. L’homme jura entre ses dents et se tourna pour le poursuivre. Erreur fatale. Le coutelas, encore chaud du sang de son complice, s’enfonça dans sa nuque comme dans du beurre. Il tomba en avant, poussé par l’impact du corps de Mikasa contre son dos. Plusieurs des doigts de la fillette se brisèrent sous le choc. Elle tenait mal son arme et tout l’impact s’était répercuté dans sa main. Mais ce fut sans hésiter qu’elle poignarda la gorge de l’homme, encore à deux reprises avant qu’une main, tout aussi ensanglantée que la sienne ne vienne retenir son bras. La voix d’Eren lui parut sortir tout droit d’un rêve. Caressante et calme : « Il est mort… » Elle laissa la lame plantée dans sa nuque et ses bras retombèrent le long de son corps.
Elle aurait voulu ressentir quelque chose là. Tout de suite. Autre chose que cet immense vide.
Eren lui attrapa la main et l’attira à sa suite hors de la maison. Dehors, il avait recommencé à neiger. Même si elle n’avait pas de manteau, Mikasa ne ressentit pas la morsure glaciale du froid. L’idée qu’elle ressemblait un peu plus à sa mère aurait dû l’émouvoir mais, elle était bien trop fatiguée pour ça. Soudain, un contact, chaud, autour de son cou. Eren venait de lui passer son écharpe rouge, recouvrant presque tout le bas de son visage. Mikasa releva un regard incrédule dans sa direction. Il lui tenait toujours la main aussi fermement mais il avait le nez levé en l’air : « Le monde est cruel…mais, qu’est-ce qu’il est beau… » Elle leva elle aussi le nez en l’air. Son regard se perdit dans les tourbillons virevoltant de flocons. C’était magnifique. Il y avait du blanc absolument partout. Le ciel, les flocons…Elle resserra la main posée dans la sienne aussi fort que possible.
Elle avait survécu.
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Kenny avait tué leur assaillant avant même que l’homme ait eu le temps de comprendre ce qu’il lui arrivait.
De toute façon avant l’arrivée de cet homme, sa discussion avec son beau-frère tournait en rond. Tout ce qu’il répétait en boucle, c’était que Mana et lui avaient décidé de ne plus jamais rien avoir à faire avec Atlas et ses sous-groupes. De près comme de loin. Donc ils ne voulaient pas aider la police, ni personne d’autre à obtenir la moindre information à leurs sujets. Tout ce qu’il voulait Mana et lui, c’était juste disparaître, qu’on les laisse tranquille. Puis il l’avait supplié de les laisser réunir quelques affaires avant de prendre la poudre d’escampette. En mémoire ce qu’ils avaient partagés Mana et lui, des liens du sang. Son beau-frère avait même la ferme conviction que Kenny était incapable d’haïr sa soeur au point où il le montrait. Qu’il était surtout en colère mais qu’il devait penser au fait que Mana était tout ce qu’il lui restait et que Mikasa, sa nièce, avait encore besoin de sa mère. Mikasa était innocente et devait avoir droit de mener une vie simple et paisible. Ce à quoi Kenny lui avait rétorqué que s’ils tenaient tous les deux tant que ça à ce que Mikasa vive une vie de douceur et de pureté, ils auraient dû y penser bien avant d’être assez con pour se fourrer dans une secte de psychopathes.
Durant toute cette discussion, Kenny n’avait cessé de regretter d’avoir mis sa carrière de psychopathe au placard. Au moins, si Mana et sa famille avaient été des cibles, il n’aurait pas eu à entendre ce ramassis de conneries. Il lui aurait suffi de leur coller une balle entre les deux yeux (oui, parce qu’il évitait de tuer les membres de sa famille à l’arme blanche. Ça avait un côté un peu trop personnel. Vous savez, l’éthique, tout ça…)
Puis l’homme les avait attaqués et après l’avoir abattu, ils s’étaient tous les deux rués au secours de Mana et des enfants. Kenny n’avait jamais couru aussi vite de sa vie. La perspective de trouver Eren raide mort lui donnait des frissons pour plusieurs raisons. Il était certain que Levi dédierait le reste de sa vie à tenter de tuer. Enfin si Carla ne parvenait pas à lui faire ravaler ses propres couilles et l’éventrer avant. Quand ils arrivèrent sur les lieux, les deux enfants se tenaient par la main, assis dans la neige, juste devant la porte d’entrée.
Ils étaient couverts de sang et immobiles.
Kenny fit un rapide tour du périmètre avant d’entrer dans la maison. Il passa un instant à contempler le corps sans vie de Mana. Mais rien ne lui vint. Au final, ses deux sœurs avaient été trop faibles pour ce monde sans foi ni lois. Il lui ferma les yeux d’un geste avant d’examiner les deux autres corps. C’était une vraie boucherie. Du travail d’amateur. Les blessures avaient des angles bizarres. Il sortit et contempla un instant les deux enfants que le père de Mikasa serrait dans ses bras. L’homme lui lança un regard éperdu, plein de questions. Kenny agita la tête à la négative et ce fut tout. Il comprit. Mana n’avait pas survécu. Il se redressa et fonça à l’intérieur. Bientôt, un hurlement de douleur et de tristesse perça le silence mortuaire.
Kenny s’approcha des enfants à son tour. Il se planta face à eux. Aucun ne pleurait. Un drôle de frisson lui remonta le long de l’échine. Ces gamins lui rappelaient Levi. Il s’accroupit pour se trouver à leur hauteur et demanda : « Qui les a tués ? » Un silence. Puis Mikasa répondit, d’une voix morne : « Moi. Je leur ai planté le couteau dans la gorge. » Kenny acquiesça comme si elle venait d’annoncer qu’elle avait fait un joli dessin. Elle leva les yeux vers lui. Et bien qu’ils n’aient pas du tout la même couleur glacial que ceux de Kenny et Levi, il ne pouvait se tromper. C’était bien le regard d’une Ackermann. Kenny sourit : « Ce foutu sang est tenace, hein, petite nièce ? » Il lui posa la main sur la tête. Puis son regard glissa vers Eren et un tout autre type de frisson lui traversa tout le corps lorsqu’il rencontra le sourire le plus doux qu’il lui ait jamais été donné de voir, l’enfant déclara : « Tu vois Mikasa, tu n’es pas toute seule. Tu m’as moi, ton papa et oncle Kenny. Tout va bien se passer. »
Alors Kenny comprit. Eren n’était peut-être pas celui qui avait tué ces hommes. Cette fois-ci. Mais il ne faisait aucun doute qu’il aurait tout à fait pu le faire. Et lui, n’en aurait même pas été aussi profondément affecté que l’était Mikasa. Non. Eren resterait sans doute égal à lui-même. Déjà, là, alors qu’il était couvert de sang séché, il se comportait un peu comme s’il venait tout juste de passer une mauvaise journée des plus banales. Kenny se redressa. Dubitatif. Si les Ackermann étaient des montres, mi- anges de la mort, mi- humains.
Alors quel genre de démon se cachait derrière ces étincelantes pupilles émeraude ?
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Plutôt qu’à son père, Mikasa s’était accroché à Eren. Ils se tinrent la main pendant tout le trajet retour.
Ils se tenaient encore la main à leur arrivée dans les quartiers de Trost ce dimanche matin. Ainsi que pendant tout le temps où Kenny et le père de Mikasa expliquaient à Erwin Smith ce qu’il s’était passé. Ils ne se séparèrent pas non plus quand ils furent examinés et soignés par les médecins du Survey Corp. Il s’était créé comme un lien, étrange et puissant, entre les deux enfants. Lorsqu’il les retrouva, couchés l’un dans l’autre dans le lit d’hôpital d’Eren, les mains résolument jointes, Kenny eut l’impression de voir deux bêtes sauvages, cherchant une sorte de réconfort dans la présence de l’autre. Ils étaient rafistolés de partout, sales et étrangement sereins.
Ce jour-là, deux bêtes s’étaient rencontrées dans la forêt. Pour ne plus jamais se quitter.