L'automne d'une vie

Chapitre 18 : XVII- Dix-septième

1869 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 21/04/2019 16:52

Il pleuvait. Elle entendait la pluie taper violemment contre les carreaux.

Elle posa sa tête sur ses genoux et observa longuement les gouttes couler le long du verre.

Elle décida de sortir et alla s'asseoir au sommet d'un escalier abrité.

Hier, elle avait agi comme une idiote. Certes, Eren la dégoûtait énormément, elle avait une envie oppressante de fuir quand elle le voyait, mais ce n'était pas une raison pour le montrer. Heureusement que le principal concerné ne s'en était pas rendu compte.

Elle s'en voulait tant. Elle aurait voulu ne pas être autant perturbée par Eren, elle aurait voulu accepter son côté Titan…

Mais non. Elle était si faible. Elle en était incapable.

Elle se leva lentement. Essuya les débuts de larmes dans ses yeux. Et s'avança sous la pluie battante.

Aki ferma les yeux, et écarta les bras. Elle aimait tant la pluie.

Une main l'agrippa par la taille et la ramena sous l'abri tandis qu'elle se débattait violemment. Elle finit par mettre un coup de coude dans le nez de son agresseur qui la lâcha en pestant.

-Oh putain, gamine, t'y es pas allée de main morte !

-Caporal ? Mais…

-Putain, et je saigne du nez maintenant.

-Attendez, je dois avoir un mouchoir quelque part…

Elle fouilla un peu en essayant de comprendre la situation.

Elle lui tendit le tissu blanc.

-Euhhh, basculez la tête en arrière, et pressez le mouchoir contre votre nez…

Il obéit sans protester, ce qui surprit grandement la blonde.

-Mais qu'est-ce que tu foutais sous la pluie comme ça ? Tu vas attraper la crève !

-D-d-désolée…

-Non mais je m'en fous de tes excuses, c'est pour toi que je dis ça…

Elle préféra changer de sujet.

-Je…. Suis désolée pour votre nez, Caporal.

-Je vais pas en mourir. Par contre tu m'as foutu un des ces coups… L'entrainement t'as pas mal servi apparement.

-Oui ! Bon, j'aurais toujours du mal à vaincre quelqu'un au corps à corps mais je suis déjà bien plus forte qu'avant.

-Super. J'ai pas gaspillé mon temps pour rien.

Le saignement de nez du brun ne semblait pas vouloir s'arrêter.

-T'aurais pas un autre mouchoir Aki ?

Elle n'avait tellement pas l'habitude qu'il l'appelle par son nom, qu'elle sursauta.

-Hein ? Euh… Non, je n'en ai pas.

-Putain. Je crois que j'en ai dans la poche de mon manteau mais ça va être difficile…

Il désigna ses deux mains: l'une pleine de sang et l'autre tenant le mouchoir.

-Tu peux chercher, gamine ?

-Pas de problème.

Elle fouilla un peu dans la poche du brun avant d'en sortir un paquet de mouchoirs, de l'ouvrir et d'en tendre un au brun.

-Merci. Garde-le près de toi, on en aura sûrement encore besoin.

-D'accord.

Elle avait froid. Vraiment froid. En même temps c'était de sa faute, quelle idée de sortir sous la pluie sans manteau.

-Tu as froid ?

-Euh…

-Que tu me répondes oui ou non, je sais déjà que oui. T'as même pas pensé à prendre un manteau ?

-Non.

Il poussa un soupir exaspéré.

-Prends le mien.

-V-vous êtes sûr ? Vous allez geler !

-Ouais, sûr. Je t'aurais bien proposé de le partager mais vu que tu…

Il s'interrompit et la fixa.

-Aki.

-O-oui ?

-Tu as vécu un truc, dans ton enfance, qui a engendré cette peur ?

Rien que s'en souvenir lui donnait envie de vomir.

En voyant qu'elle se mordait les lèvres, Levi renonça:

-C'est bon si tu veux pas me le dire. Tu fais comme tu veux.

Il marqua une pause pour jeter un coup d'oeil à la blonde et continua:

-C'est juste que… Ça pourrait t'aider d'en parler.

-J-je ne sais pas. Je préfère ne pas m'en souvenir.

-Ça me va. Mais si un jour tu veux en parler, je suis là. Enfin pas forcément moi, mais aussi Eren, ou Erwin. Évite quatz'yeux par contre.

-Je…

-Ah, mais commence pas à pleurer putain !

À sa grande surprise, la blonde émit un petit rire.

-On doit avoir l'air malin, l'un qui saigne du nez et l'autre qui pleure, trempée…

-Effectivement. C'est pas courant comme situation.

-Caporal…

-Ouais ?

Elle cligna plusieurs fois des yeux pour chasser les larmes et le regarda.

-Vous pouvez me parler de vous ?

Sa demande le laissa abasourdi.

-Quoi ?

La jeune fille aux yeux bleus s'empourpra.

-Je-je veux dire, vous me connaissez déjà bien alors que je ne sais rien de vous..

-Je te connais bien ? Pas vraiment, Aki. Je ne sais pas ce que tu as vécu à Shiganshina. Je sais que tu as un frère, c'est tout. Je connais une des tes peurs. Et quoi de plus ?

Il avait raison. La blonde avait l'impression qu'il la connaissait bien alors qu'en fait, non.

-Mais moi ? Qu'est-ce que je sais de vous ? Que vous êtes un génie. Mais tout le monde le sait. Que vous buvez du café tout le temps. Que vous dormez 2 ou 3 heures par nuit. Et c'est tout !

-Mais c'est ce que j'essaye de te dire ! On ne se connaît qu'en surface !

-Je sais. C'est pour ça que je veux que ça change.

-Et qu'est-ce qui te fais croire que tu en as le droit ?

Elle avait compris.

Il la mettait à l'épreuve pour voir à quelle point elle était décidée à percer sa carapace.

-Je le veux, c'est tout. Ce n'est pas une question de droit ou quoi que ce soit.

Elle le fixait de ses prunelles bleues.

-T'es têtue, hein ?

-Je ne lâcherai pas l'affaire.

Et ça l'arrangeait. Ça faisait tellement longtemps qu'il n'avait pas parlé de lui. Que quelqu'un ne s'était pas sincèrement intéressé à lui.

-Okay, okay. Tu peux me poser autant de questions que tu veux, mais je ne suis pas obligé d'y répondre.

Elle n'en revenait pas. Il avait dit oui !

-D'accord. Quelle est votre date de naissance?

-Le 25 décembre.

-Le jour de Noël ?

-Noël ?

-C'est une ancienne fête.

-Ah. Et toi ? Tu es née quand ?

Elle ne s'attendait tellement pas à ce qu'il lui retourne la question qu'il lui fallut quelques secondes pour répondre.

-Euh… le 1er janvier.

-Pile le jour de la nouvelle année, hein.

-Oui.

-Okay, je peux te poser une question en retour ?

-B-bien sûr…

-Tu dors bien, la nuit ?

-E-euh..

-Je veux la vérité.

-Pas vraiment, non.

-Tu fais des cauchemars ?

-Ça fait deux questions, Caporal.

-Oh tu vas pas faire chier.

-J'en fais.

Elle commençait vraiment à geler.

-Aki, sérieusement, viens au moins contre moi… y'a deux couches de vêtements, ça devrait le faire non ?

-Je… pense.

Elle se força à se rapprocher du brun et se colla à son manteau. Même de l'extérieur, il embaumait le café. Et il était toujours doux. Il lui tenait chaud, ne serait-ce que d'un côté.

-Voilà. C'est déjà mieux, non ?

-Oui. Merci, Caporal.

Son ventre faisait des noeuds, et elle avait un goût de bile dans la bouche.

-Parle-moi de tes cauchemars.

-Hum… Je rêve de ma famille.

-Ta famille ?

-Oui. À Shiganshina…

Elle laissa sa phrase en suspens mais il sut aussitôt ce qu'elle voulait dire.

-Ils sont tous… ?

-Oui. Tous. Mon père, ma mère et mon frère. Dévorés par les Titans.

Il la sentit se blottir un peu plus contre lui, quémandant un peu de chaleur.

-Et vous ? Votre famille ?

-Ma mère était une pute. Elle est morte dans les bas-fond quand j'étais encore enfant.

-Oh. Je suis désolée…

-C'est pas comme si tu y étais pour quelque chose.

-Je sais, mais…C'est horrible.

-Je sais.

Il échangèrent un regard. La blonde affichait un air peiné tandis que le brun n'avait aucune expression.

-Vous saignez toujours du nez ?

-Non. Ça s'est arrêté.

-Oh. On peut rentrer alors ?

-Non. On reste ici.

C'était un ordre.

Après tout, il n'étaient pas si mal installés.

-Est-ce que vous avez peur de quelque chose ?

-Ouais. Je crois que j'ai peur de mourir. Et de voir des gens que j'aime mourir.

-De mourir ?

-Oui. C'est pour ça que je me bats de toute mes forces.

-Je vois…

-Et toi ? Tu as peur d'autre chose que des contacts physiques ?

-Oui. Je suis très claustrophobe.

-Ah ouais ?

-Oui.

Il détailla la blonde du regard. Elle avait un très beau visage. C'était bête de le gâcher avec une expression aussi sérieuse.

Est-ce qu'elle avait toujours eu ces taches de rousseur ?

-Hé, tu ne t'attaches plus les cheveux ?

Elle rougit.

-Non…

-Ça te va bien.

-M-m-merci !

Elle lui sourit, les joues rouges.

Et voilà. Elle souriait. C'était pas si compliqué.

-Caporal…

-Ouais ?

-Vous voulez toujours savoir ce qu'il m'est arrivé quand j'étais plus jeune ?

-Oui.

-Je vais vous le dire, alors.

-Ne te force pas si t'as pas envie.

-Je vous fais confiance.

Elle inspira un grand coup tandis que le brun la fixait.

-J'avais 11 ans. Un jour que j'étais seule en ville -Je ne me souviens plus pourquoi, j'ai été acculée contre un mur et…

Elle fit un pause pour inspirer et expirer lentement. Elle n'avait vraiment pas l'air bien. Ce souvenir lui évoquait un dégoût encore plus profond que les Titans. Ce qui était difficile. Elle continua difficilement.

-I-il m'a touchée.

Le brun eut envie d'hurler.

-Est-ce que… Il est allé plus loin ?

-Non. Je n'avais quasiment plus rien sur le dos quand j'ai réussi à m'enfuir.

-Aki…

-C'est bon, Caporal. J'ai eu de la chance de ne pas avoir été violée. J'y ai échappé juste à temps, mais j'y ai échappé.

-Comment j'aurais pu savoir que ça t'étais arrivé ? Et moi je t'ai touchée un bon nombre de fois, sans même penser à toi…

-Caporal… Je suis désolée. Je n'aurais pas dû vous en parler.

-Si! Tu as bien fait. Je sais pourquoi tu en as tellement peur, et c'est parfaitement normal. Je ne te toucherais plus. Pas sans ta permission.

-Il faudra bien que je vainque cette phobie un jour. J'y arriverai.

-T'as l'air bien décidée.

-Je le suis. Je ne vais pas laisser ma vie se faire détruire par un homme que je ne connais même pas.

-T'as raison. Y'a vraiment des gens cons…

-J'ai répondu à votre question, Caporal. Vous voulez bien répondre à la mienne ?

-Ouais. Enfin, ça dépend de ce que c'est.

-Comment êtes-vous entré dans le bataillon d'exploration ?

Il réfléchit un moment.

-C'est trop tôt pour que je t'en parle. Je n'en ai jamais vraiment parlé à quelqu'un.

-Comme vous voulez.

-Mais je t'en parlerai un jour. Quand je te connaitrais mieux.

-C'est une promesse ?

-J'ai pas pour habitude de les tenir quand j'en fais, mais peut-être que je peux faire une exception pour la gamine que tu es.

-Alors, promis ?

-Promis.

Elle lui sourit, et le brun se fit violence pour ne pas lui sourire en retour.

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