L'Exécuteur
Le mardi arriva rapidement. Eren était à fond dans son travail, et avec tous les blessés qui survenaient à chaque coin de rue il était débordé. Après tout il était dans un hôpital, par ailleurs le plus grand et réputé de la région, donc ça aurait été compliqué de s'ennuyer ferme. Mais il aimait ça, être actif. Enfin vous avez dû le remarquer. Son second « boulot » nocturne lui prenait beaucoup de son énergie, et principalement celle du sommeil. Au niveau du corps il était, et bien… en pleine forme. Santé parfaite. Bien que parfois avec les muscles quelque peu endoloris.
Ce soir, donc, il se rendait à la boîte. Seul.
Jean avait été rapidement emmené aux urgences, et il se rétablissait progressivement. Il ne remettrait de toute façon pas les pieds à Titania de sitôt. Eren était passé le voir deux fois à l'hôpital – pas celui où il travaillait – et il avait été rapidement rassuré. La seule chose à laquelle Jean n'avait pratiquement pas cessé de parler avait été à propos de ses examens, qu'il allait moins bien réussir à cause du temps de révision en moins. Il était studieux, qui l'eut cru ?
Le brun était actuellement dans son petit chez lui. Ayant terminé le travail à dix-huit heures, il était rentré se préparer avant de se rendre à Titania. Il habitait un appartement pas très grand, mais confortable. Il se sentait à l'aise parmi son bazar chaleureux, avec ses quelques bougies disposées un peu partout, diffusant un parfum doux et agréable. Tout cela dans une ambiance assez cosy. Il était affalé dans son petit canapé couleur taupe, la joue à moitié enfoncée dans le coussin, et le bras pendant lâchement jusque sur le tapis. Ce fut lorsqu'il commença à baver sur le coton qu'il se réveilla, sentant son menton étrangement humide.
« … Meeerde… » grogna-t-il en soupirant.
S'endormir n'avait pas été son attention. Il se redressa les yeux mi-clos et chercha son téléphone en tâtonnant sur le canapé. Quand il le trouva enfin, coincé sous une de ses fesses, il le leva devant son visage et l'alluma. Vingt heures trente. Bon. Ça pouvait aller, mais il devait tout de même se grouiller. Il marcha ensuite en vacillant jusqu'à la salle de bain afin de prendre une petite douche. L'eau tiède, presque froide, ne tarda pas à le réveiller, et il s'empressa de se laver avant de s'enrouler les épaules dans une épaisse serviette blanche. Il se frotta ensuite vigoureusement le crâne afin de se sécher les cheveux. A peu près quoi. Le brun se dirigea vers la cuisine et sortit deux Pasta Box de son frigo. Il avait faim.
Trois minutes après il était de nouveau enfoncé dans son canapé, fourchette en main. C'était pratique ces cochonneries qui cuisaient aussi rapidement. Une fois qu'il eut terminé, il se brossa les dents, puis se planta devant le miroir de l'armoire de sa chambre. Qu'allait-il bien pouvoir revêtir pour cette dangereuse soirée ? En fait, il s'en foutait un peu, non ? Il allait de toute manière entrer par la fenêtre, donc pas besoin de se mettre classe. Il enfila un jean noir doté d'un large trou au genou, ainsi qu'un du même côté, plus petit, au niveau du milieu de la cuisse. Il farfouilla dans son placard, dans le peu de vêtement qu'il avait, puis en sortit un tee-shirt noir à manche longue, tout simple. Le col était rond et distendu, laissant découvrir une bonne partie de sa clavicule, et baillait un peu vers l'avant. N'y prenant pas plus d'attention que ça, il sortit sans un regard en arrière et termina sa préparation : ses bonnes vieilles Timberland, qui lui avaient coûtées assez cher, mais c'était des chaussures solides, et il en était très satisfait. Sa petite doudoune légère bleu marine sur le dos, il partit, sans prendre la peine d'emporter son téléphone portable. A moins que ça soit surtout qu'il l'ait oublié. Ça lui arrivait souvent. Après tout, si le moindre danger survenait, n'était-il pas logiquement capable de le surmonter ? Normalement, en effet, mais rien n'était certain à cent pour cent, et il savait qu'il commettait une erreur en laissant ainsi son téléphone chez lui.
C'était ça la première bourde à ne pas faire, surtout dans son cas, puisqu'il était l'Exécuteur. Croire qu'une chose était certaine, sans aucune autre alternative. Et il le savait ça, Eren. Il était sans arrêt sur ses gardes, toujours à tout vérifier. Ne pas penser à pendre son portable était une sorte de manie inchangeable, un oubli habituel. Il espérait simplement que les quelques fois où il le laissait, donc assez souvent, ça ne lui retomberait pas dessus.
Parvenu dehors, il marcha cinq petites minutes jusqu'à la bouche de métro pour trois petits arrêts, puis monta dans un bus. Un de ceux qui passaient par la zone sécurisée. Il avait une bonne douzaine d'arrêts devant lui, et le brun appuya sa tête contre la vitre, regardant défiler la ville plongée dans la nuit. L'infirmier n'habitait pas particulièrement loin du centre-ville, mais en ce qui concernait la zone sécurisée il mettait un peu plus de temps.
Il devait être un peu moins de vingt-deux heures trente quand il arriva à la hauteur de la boîte. Une fois encore il y avait la queue pour accéder à l'entrée, mais elle s'était considérablement réduite. En effet nous étions en semaine, qui plus est un mardi, donc pas les jours de sorties des étudiants. Il retint un soupir de soulagement. Il se sentit mal à l'aise lorsqu'il y avait trop de monde qui se mouvait autour de lui. Il était l'Exécuteur. Il se devait d'être prudent, de considérer toutes les issues possibles, formuler sans arrêt des hypothèses sur les dangers pouvant survenir à tout moment. Il était sur le qui-vive, toujours. Au départ, lors du commencement de son métier nocturne, ça avait été très difficile de supporter les foules, le moindre endroit un peu trop surpeuplé. Il avait été à la limite de la paranoïa. Il était maintenant plus zen, habitué, et bien qu'il continue de faire attention à ce qui l'entourait il savait que les dangers ne l'attendaient pas à chaque pas qu'il faisait.
Face au mur où se trouvait la fenêtre des toilettes, il regarda autour de lui. Personne, encore. Ça n'était pas très étonnant, il s'agissait d'une impasse. Une porte qu'on ne pouvait ouvrir de l'intérieur se trouvait quelques mètres sur le côté, puis des poubelles. Il n'y avait aucun risque. Normalement. Encore une fois il se craqua les doigts, puis massa rapidement ses épaules et escalada le mur. Il s'accrocha au rebord de la fenêtre, puis il entendit un bruit. Quelqu'un occupait les toilettes, et était en ce moment-même en train de pisser. Le brun se raidit. Il était dans une position très inconfortable, soutenant le poids de son corps à l'aide des seuls muscles de ses bras. Il n'était pas particulièrement habitué à ce genre d'endurance, mais son corps était si souvent mis à rude épreuve qu'il tiendrait sans problème. Une fois l'individu sortie il soupira tout de même de soulagement et entra, vérifiant bien qu'il n'y avait personne pour le voir. Purée ça avait duré longtemps pour seulement pisser.
« Une nana à coup sûr. » grommela-t-il.
Il sortit de la cabine, sous le regard surpris de quelqu'un ne se souvenant pas l'avoir vu entrer, se lavant les mains trois mètres sur le côté. Mais l'infirmier n'en avait cure, parce qu'il s'agissait d'un simple client sans intérêt, et qui plus est sentant un brin l'alcool. La personne n'existait pas à ses yeux. Aucun danger potentiel. Mais il enregistra tout de même rapidement les traits de son visage, au cas où il aurait besoin de le reconnaître pour une quelconque raison. Vous voyez bien comment cela fonctionne. Toujours faire attention à tout, et c'était devenu comme un mécanisme avec le temps. Après tout prudence est mère de sûreté. Le brun poussa la porte, donnant sur la salle principale, celle du bas. Sans prendre vraiment garde aux personnes excitées qui se mouvaient déjà avec ardeur sur la piste, il visa directement l'étage des yeux, et, plus particulièrement, la table où il s'était assis la dernière fois. Il ne pouvait cependant pas distinguer la deuxième, qui était juste derrière. En tout cas la première n'était pas occupée, ce qui était assez étrange compte tenu du fait que toutes les autres étaient prises, et certaines personnes semblaient même devoir rester debout. Eren fronça les sourcils et grimpa les escaliers avec la lenteur d'un félin venant de se débusquer une proie.
Ce soir il devrait se rapprocher d'un des patrons de la boîte Titania. Ce Levi. Ça ne lui était encore jamais arrivé d'utiliser le personnage d'Eren Jaeger pour parvenir à ses fins, ou tout du moins pas de manière si privée, marquée. Car c'était un jeu dangereux. Inspirant profondément, il redressa les épaules pour se donner de la contenance, et entra au second étage. Il ne se rendit pas directement à son but, et alla commander un grand verre de bière, épiant la table visée du coin de l'œil. Levi était là, lisant le journal d'une main et tenant un café de l'autre, comme si de rien n'était parmi cette population euphorique. Il semblait ne pas avoir sa place ici, appartenir à un monde différent. A moins qu'au contraire, il soit parfaitement là où il devait être.
Après avoir attendu cinq petites minutes avant de pouvoir commander puis recevoir son verre, il se dirigea vers le patron d'un pas décidé. C'était marrant à quel point les personnes laissaient un espace autour de Levi, comme s'il était dans sa bulle et que chacun savait qu'il ne devait le déranger, ou plutôt n'osait pas s'y risquer. Le brun se planta devant le noiraud, attendant obstinément que celui-ci daigne lever les yeux sur lui. Enfin les verres noirs et impénétrables de ses petites lunettes rondes plutôt, puisque ce soir également il semblait avoir décidé de les porter. Mais peu importe. En tout cas, le patron le fixa, entrouvrant la bouche, puis il la referma sans mot dire, comme le jaugeant. Eren commença un instant à craindre qu'il l'ait oublié, mais en voyant les plis de son nez se détendre il ne s'inquiéta pas outre mesure. Non, il le reconnaissait, il en était certain.
« Tiens donc, fit le noiraud d'une voix calme et particulièrement rauque, comme s'il n'avait pas parlé depuis longtemps.
- Bonjour, sourit le brun.
- Bonsoir, corrigea immédiatement l'autre en un automatisme.
- Ou bonjour pour ceux qui viennent passer la nuit ici, et commencent donc à peine leur journée, répliqua-t-il.
Le noiraud inclina la tête, comme admettant son propos. Mais il semblait désintéressé de la conversation, comme si la tournure immédiate qu'elle prenait le lassait déjà. Eren paniqua.
- Je peux ? demanda-t-il brusquement en indiquant la banquette de l'autre table.
- Je t'en prie gamin, répondit le patron en replongeant le nez dans sa lecture.
Et c'est là qu'Eren comprit. Il comprit que Levi, ce n'était pas une personne à prendre avec des pincettes, et qu'il fallait y aller franchement avec lui. Pour le brun ça n'allait pas être très ardu, et il se rasséréna. Il lui suffisait en quelque sorte d'être lui-même. Alors il s'installa confortablement sur la banquette, dos contre la baie vitrée et assis en tailleur, face à Levi. Ce dernier tiqua et fronça les sourcils.
- Eh morveux, commence pas à saloper la banquette.
Oups. Prenant un air faussement innocent, l'infirmier proposa, ou plutôt rétorqua :
- Oh, pardon. Je peux enlever mes chaussures dans ce cas ?
Le noiraud haussa un sourcil, surpris qu'il ose lui répondre.
- Ou bien simplement poser tes pieds par terre. A moins que tu ne tiennes tant que ça à avoir les pieds au même niveau que ton cul ?
- A vrai dire oui…
Eren baissa tristement les yeux. Au fond il disait la vérité. Il avait toujours aimé se mettre pleinement à son aise, les jambes près du corps. Il n'était pas fait pour être classe, comme la personne qui lui faisait face. Dans un costume similaire à celui de la dernière fois semblait-il.
- Je me suis lavé juste avant de partir ! ajouta-t-il. Et je porte des fringues propres.
Il comprit qu'il avait le feu vert en entendant Levi grommeler un vague « Ok. » en haussant les épaules. Le brun retira ses Timberland, la mine réjouie, se débattant quelques secondes avec ses lacets, puis il se replaça dans la même position, assis en tailleur. Le noiraud se pinça l'arête du nez.
- J'ai l'impression d'être avec un putain de gosse, soupira-t-il.
- C'est faux ! riposta immédiatement Eren. Je préfère juste le confort aux règles de bienséance.
Le patron de la boîte l'observa un court instant, puis un sourire en coin franchit la barrière de ses lèvres, comme s'il avait essayé en vain de le retenir.
- Et tu as raison, acquiesça-t-il presque solennellement.
Le plus jeune fut étonné qu'il capitule si vite, mais il ne le montra pas et changea de sujet :
- Pourquoi y a personne assis ici ?
Puis il lui jeta un regard moqueur et continua :
- Tu abuses de ton statut de propriétaire ?
- En quelque sorte, fit mystérieusement l'intéressé.
Puis il s'enfonça un peu plus dans le faux cuir rouge, et de la main, tapota le dossier à sa gauche, là où la banquette tournait, marquant l'angle. Eren reposa ses pieds sur le sol et glissa en direction de Levi, déchiffrant ce que ce dernier lui montrait. Il y avait là une plaque dorée, où était écrit gracieusement le mot « Propriétaire ».
- Woaaa, souffla le brun. La classe. Mais les clients risquent d'être effrayés non ?
- Tant mieux, grinça le noiraud. Comme ça on m'emmerde pas. Et puis sinon gamin, tu crois vraiment qu'ils y font gaffe ? Deux trois verres et ils voient pas plus loin que leur cul.
Eren ricana :
- Pourquoi, tu penses tenir mieux que la norme ?
Levi plissa les yeux.
- C'est même certain, dit-il avec méfiance.
Le brun leva alors son verre.
- Dans ce cas je demande à voir !
Le noiraud se renfrogna. Ce stupide gosse était-il réellement en train de le provoquer ? Mais, étrangement, il se prit au jeu au lieu de l'envoyer paître.
- Tu n'arriverais hélas pas à tenir la cadence, microbe.
- Tu sais quel âge j'ai ?
- Je m'en fous, railla-t-il. L'âge de porter encore des couches ?
Le brun accusa le coup, mais cela n'entacha en rien sa bonne humeur.
- En tout cas pas suffisamment vieux pour boire du café en boîte ! contre-attaqua-t-il, puis il tira puérilement la langue.
Levi parut prit de court le temps d'une demi-seconde, puis il reprit son masque d'ennui. Mais le brun n'était pas dupe. Cependant il ne s'attendit pas à ce que le noiraud ne se lève, laissant tomber le journal sur la table en un petit claquement sec. A ce moment-là une personne vint se poster à ses côtés. Une personne qu'Eren n'avait identifié que comme un simple client. Erreur. Il s'agissait d'un homme vêtu d'un simple jean bleu foncé et d'un tee-shirt blanc. Outre sa musculature plutôt belle à voir il passait complètement inaperçu.
- Tout se passe bien patron ? qu'il demanda.
Merde, un vigile. A moins que ça ne soit autre chose…
- Ouais. Tu peux disposer, répondit le noiraud en se frottant le front.
Sans un mot de plus l'homme s'éloigna. Levi se tourna vers le brun, et, passant une main dans ses beaux cheveux couleur charbon en penchant la tête, il haussa un poil le ton :
- Je commande ici, morveux. Si je veux un café, je prends un café. Et si je veux que toutes les personnes de cet étage en boivent un à la place de leur connerie, alors ils prendront tous un putain de café !
Il n'y avait aucune vanterie dans ses paroles, il énonçait juste un simple fait. Puis il s'assied jambe croisées, empoignant sa tasse du bout des doigts dans le même mouvement.
- Et tu ne feras pas exception à la règle, ajouta-t-il.
Cette fois-ci cependant, il se moquait de lui, et Eren s'en rendit compte, alors il se renfrogna. Levi avait la classe bordel. L'exact contraire de lui. Cela ne l'intimidait pas outre-mesure en revanche.
- Oui chef, grommela-t-il.
- Bon garçon.
Ok ça allait trop loin. Alors l'infirmier prit son verre, l'éleva dans les airs, et, fixant le patron jusqu'au bout, il but de longues gorgées. Levi leva les yeux au ciel, mais semblait réellement s'amuser. Le brun sentait qu'il allait réussir. Encore quelques sorties et il saurait tout ce qu'il voulait savoir. Il ne pouvait pas dire qu'il prenait son pied avec le noiraud, mais… C'était sympathique. Il haussa les sourcils avec un sourire moqueur, qui s'effaça bien vite lorsque Levi sortit une petite fiole rouge, attachée à sa poche intérieure par une chainette métallique. Ce dernier dévissa le bouchon, et porta la fiole à sa bouche. Il but ensuite d'une traite, et le brun put distinguer une goutte du liquide – sans aucun doute fortement alcoolisé – à la commissure de ses lèvres.
- Monsieur ! Mais quelles autres cachoteries avez-vous donc ! s'exclama l'infirmier en riant.
- Beaucoup, grogna le noiraud en rebouchant sa fiole et en la remettant bien à sa place contre sa poitrine, dans la poche de sa veste de costume.
Eren se mit à rire un peu plus fort, sous le regard de l'autre, qui avait froncés un peu plus les sourcils. Puis les traits de son visage prirent une forme intriguée.
- Alors dis-moi, Eren, pourquoi as-tu besoin d'entrer par la fenêtre des chiottes de ma boîte au lieu d'utiliser l'entrée ?
Le concerné se frotta l'arrière du crâne avec une moue.
- Disons que… Je ne suis pas apprécié de tous les vigiles.
- Et tu n'es sans aucun doute pas le seul. Mais tu ne me sembles bizarrement pas être un de ces fouteurs de merde.
Une pause.
- C'est le cas ?
- Pas vraiment non ! s'exclama Eren en agitant les mains. C'est, heu, compliqué.
Un ange passa. Levi fixait le brun, et ce dernier avait baissé le menton, la nervosité pouvant se lire dans ses prunelles. Le noiraud pencha la tête dans l'autre sens.
- Alors je me contenterai de ton explication foireuse. Tant que tu fous pas le bordel.
L'infirmier se redressa, soulagé.
- C'est promis !
Puis il se pencha en avant vers Levi, qui avait repris son journal en main.
- Qu'est-ce que tu lis ?
Le patron eut un mouvement de recul. La proximité c'était pas son truc. Tout comme Eren, au fond.
- Le City, répondit-il, et sa voix sembla claquer avec amertume.
Prit d'un intérêt soudain, le brun se pencha un peu plus, et il put lire le gros titre du journal : L'Exécuteur a encore frappé. Survolant l'article qui faisait la une, il attrapa quelques mots. Violence. Ennemi. Anti-héros. Il se retint de ricaner. Quelles conneries. L'article parlait bien des trois morts et des quatre sauvés, dont Jean plus particulièrement, puisqu'il était encore à l'hôpital, mais aucune allusion à l'homme de Titania. Sans doute était-il encore en train de pourrir sur le toit. Il faudrait qu'il aille vérifier ça. Mais dans quelques jours.
- Alors, fit-il avec nonchalance en s'éloignant et se remettant confortablement à sa place initiale. Qu'est-ce que tu penses de l'Exécuteur ?
La réaction du noiraud ne se fit pas attendre :
- Ce petit con ? cracha-t-il presque. Je le verrai que je l'étranglerai de mes propres mains.
Son visage sembla s'assombrir considérablement.
- Pourquoi ?
- Il se prend pour un putain de justicier, mais il tue sans distinction.
- Peut-être qu'il était parfois forcé de le faire, se défendit mine de rien le brun.
Levi pinça les lèvres, et l'infirmier comprit qu'il était entré sur un terrain miné. C'était cependant exactement là qu'il devait creuser, et il sut immédiatement que ça n'allait pas être chose aisée.
- Dans ce cas-là il aurait mieux fait de crever. Y a pas tous les couillons qui méritent de clamser.
Le brun ne sut trop quoi répliquer. Tout ce qu'il savait c'est qu'il était encore trop tôt pour s'étendre là-dessus.
- Changeons de sujet, proposa-t-il.
Les traits du noiraud étaient incroyablement crispés.
- Tu as foutu quoi dans ta fiole sérieux ? Ça avait pas l'air d'être de la merde.
Levi se détendit imperceptiblement.
- A vrai dire je n'en ai aucune idée. Ce qui est sûr c'est que tu trouveras pas ça sur le marché.
- Ah oui ?
Le noiraud eut un petit sourire en coin, pratiquement invisible.
- Fabrication d'une pote, expliqua-t-il, comme si ça voulait tout dire.
Eren pouffa, l'image d'Ymir se formant dans son esprit. Son amie essayait elle aussi de faire des mélanges suspects, et il lui arrivait d'en faire des potables. Mais la plupart du temps cela restait infect. Puis il ria à gorge déployée.
- Je comprends, je comprends.
- Toi aussi tu subis ça ? fit le patron de sa belle voix grave.
Il allait répondre, mais la sonnerie du téléphone de Levi retentit. Comme la dernière fois ce dernier jeta un coup d'œil à son écran, puis se remit sur ses pieds et le rangea.
- Je dois y aller, fit-il.
- Oh, très bien, dit Eren en retour avec une pointe de déception.
Le noiraud hocha la tête et se retourna, puis, hésitant un instant, il se remit face au brun.
- A très vite, gamin. »
Et il pivota sur ses pieds, disparaissant dans la foule si rapidement que ça avait été comme s'il n'avait jamais été là. L'infirmier sourit. Une fois de plus Levi lui avait proposé de revenir, et il sentit qu'il parviendrait à ses fins. Il était confiant.
Pour finir il resta planté sur la banquette, sirotant tranquillement son verre en regardant les danseurs à l'étage du dessous par la baie vitrée. Il méritait bien un petit moment tranquille après son labeur. Bien que – et il ne se l'avouerait jamais – il ait passé un bon moment mine de rien. La musique paraissait moins forte que la dernière fois, mais sans doute n'était-ce qu'une impression. Il rentra chez lui une petite heure plus tard, marchant tranquillement dans les rues les mains dans les poches. Nous étions mardi, et jeudi il reviendrait. Il n'était pas question de traîner avec toute cette histoire, il avait d'autres chats à fouetter. Beaucoup trop hélas. Cette ville avait vraiment besoin de l'Exécuteur.
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Un commentaire please ? :) Ca vous prendra pas longtemps hein ;)