The last meaningful thing [Livaï x Mikasa]
Mikasa s'étirait les jambes, le regard perdu sur l'immense lac qui prenait naissance à ses pieds. Elle eut une pensée pour Armin, et son histoire de ''mer'' trouvée dans un obscur ouvrage, qui décrivait une large étendue d'eau pleine de sel. Elle et Eren s'étaient senti perplexes en imaginant une telle chose ; comment cela était-il seulement possible? Mais au fond, ils ne connaissaient qu'une infime partie de leur propre monde, songea la jeune soldate en installant d'avantage son dos sur l'herbe humide. Ils n'en étaient que trop bien conscients. Il pourrait se trouver une menace bien pire que les titans en dehors des murs qu'ils ne le sauraient jamais. Mikasa laissa échapper un léger soupir, en se demandant si elle verrait la libération de l'humanité de son vivant. Elle eut aussitôt honte d'avoir eu cette pensée ; peu importe l'issue des récents événements elle continuerait à se battre jusqu'au bout avec ses amis du bataillon, comme elle l'avait toujours fait. Et il y avait toujours de l'espoir ; probablement beaucoup plus qu'avant. Avec Historia sur le trône et le pouvoir d'Eren qui ne faisait que grandir à force d'entraînement, les choses ne pouvaient que s'améliorer, n'est-ce pas? Mikasa sentait que le laps de temps précédent leur retour à Shiganshina n'était plus qu'une question de jours. Elle pensa alors à son ami d'enfance, tout en songeant que cela faisait un moment depuis leur dernière conversation sur le sujet. En fait cela faisait longtemps tout court, qu'elle n'avait pas eu une vraie discussion avec Eren. Entre Hansi qui le faisait souffrir la plupart du temps pendant ses entraînements et ses visites furtives à Historia le garçon consacrait un peu moins de temps à ses amis. Mikasa l'avait remarqué, ce changement chez lui. Depuis les événements dans la caverne et l'attaque au district d'Obvud qui avait suivie, Eren et Historia s'étaient rapprochés. Et ce n'était pas étrange, ces deux-là étaient si semblables. Parfois pleins de doutes sur leur capacités, mais à la fois téméraires et courageux. Leurs histoires étaient semblables également, au fond ils avaient été utilisés tous les deux par leurs parents, dans un mélange de bonnes et de mauvaises raisons. Au début Mikasa avait un peu souffert de la situation, elle qui ne pouvait s'empêcher de courir après Eren toute la journée, telle une maman poule protégeant sa progéniture. Ça avait été dur, à tel point que certains de ses collègues du bataillon l'avaient remarqué. Mais elle s'en fichait. Ils pensaient sûrement qu'elle ressentait plus que de l'amitié pour son ami, depuis le moment où ils avaient entamé leur formation militaire, et qu'elle s'était fait rejetée, ou une autre ânerie du genre. Ils se trompaient, évidement. Probablement parce qu'ils ne pouvaient pas comprendre. Ce que la jeune femme ressentait pour le garçon ce n'était ni une simple amitié, ni vraiment de l'amour, rien de cela. Plutôt un ultime instinct maternel, comme si Eren était la chair de sa chair, et qu'elle devait le protéger à tout prix, quitte à mettre sa propre existence en danger. Et ce depuis ce fameux jour où ses parents étaient morts, et que deux enfants d'à peine neuf ans avaient commis l'impensable. Elle avait cette espèce de dette envers lui ; quand il était question d'Eren elle oubliait tout le reste. Les titans, les hommes, leurs compagnons de bataille. Mais les choses étaient en train de changer et c'était pour cette raison, que Mikasa Ackerman était installée au bord d'un lac au milieu de nul part. Pour la première fois de sa vie, elle était perdue. Elle ne pouvait se l'avouer, pas encore, mais elle avait pris du recul sur sa relation avec son ami. Et ce qu'elle avait réalisé la terrifiait. Eren n'était pas seulement sa seule famille avec Armin, il était sa raison de vivre. Quand on est entouré par les ténèbres on arrête de penser, pour survivre, pour continuer. Elle avait également choisi de protéger son ami pour avoir un but, et pour éviter de penser au reste. Et maintenant elle était là, seule, les yeux rivés sur ce plafond réduit qu'était leur ciel, en se demandant qu'est-ce qu'elle était sensée faire de sa propre vie. C'est à cet instant qu'un bruit familier se fit entendre à quelques mètres d'elle, un frottement rapide. Mikasa se redressa aussitôt, son arme serrée dans son poing par réflexe, tel un chat surpris pendant sa sieste. Ce n'était que Jean, qui descendait d'un arbre à proximité.
- J'ai du venir en manœuvre tellement tu étais loin, il lâcha en reprenant son souffle, faisant quelques pas vers son amie qui était déjà sur ses pieds. Livaï m'a envoyé te chercher, on a une réunion bientôt. Qu'est-ce que tu fabrique ici toute seule?
- ... Rien. Allons-y.
Mikasa s'élança alors vers le sentier sans plus de cérémonie. Jean lui emboîta le pas silencieusement, elle n'était visiblement pas d'humeur. Il fronça les sourcils ; pendant un instant furtif il avait capté ses yeux troublés. Et il se demanda qu'est-ce qui pouvait bien ébranler sa camarade de la sorte, car il n'avait jamais vu un tel regard chez elle.
********
La réunion terminée, Mikasa gagna rapidement le couloir qui menait vers la sortie du vieux bâtiment. Le bataillon s'était installé dans un vieux château appartenant au district de Krolva, dans le but de planifier tranquillement les prochaines opérations. Depuis ce moment la jeune asiatique avait tendance à s'isoler pendant le temps libre qu'on lui octroyait parfois. En réalité Eren était fort occupé avec Hansi, et Armin passait beaucoup de temps à planifier des tactiques avec Livaï et Erwin. Ils élaboraient des plans et des formations en cas d'attaque de Reiner et Bertholt pendant la reprise du district, voir du titan bestial. Mikasa se sentait un peu inutile dans ces cas-là, car c'était sur le terrain qu'elle excellait. En parcourant l'ancienne salle de banquet vide pour l'instant elle songea que l'ambiance avait changé, depuis un moment. Ses camarades étaient un peu plus détendus que d'habitude. Les rires se faisaient plus forts quand ils mangeaient tous ensemble. Ils étaient conscients qu'une menace pesait toujours sur eux et sur l'humanité entière, que la guerre des murs n'était pas finie. Mais ils se sentaient mieux préparés, et plus forts, grâce à Eren et son titan. Et même si Mikasa n'était pas toujours d'humeur à se joindre à eux en l'absence d'Eren ou Armin, elle n'y voyait aucun inconvénient, à leur comportement. Ils avaient besoin de se détendre, et elle savait qu'en cas d'attaque ils seraient au taquet, prêt à défendre le bataillon et les civils. C'est alors qu'une main se posa sur son épaule frêle. Elle sursauta silencieusement tout en se retournant, crispée.
- Hey. T'es sourde, tu m'entends pas?
Livaï ôta sa main de sa collègue à la carrure fine, qui se fit violence pour reprendre l'expression neutre qu'elle avait arboré pendant toute la réunion. Elle supportait de moins en moins les regards interrogatifs que ses camarades portaient parfois sur elle, donc elle s'appliquait.
- ... Si. Qu'est-ce qu'il y a?
D'un coup de menton le caporal lui indiqua un vaste appuie de fenêtre en pierre non loin d'eux, et elle lui emboîta le pas docilement. C'était la première fois qu'il la convoquait de cette façon, et elle attendit qu'il se mette à parler, une fois leur fesses installées sur la surface froide.
- J'ai eu des informations de la part de Kenny, avant qu'il ne meure, commença le jeune homme de sa voix profonde.
La soldate se demanda où est-ce qu'il voulait en venir, lui qui était rarement plus bavard que de raison. Encore moins sur des sujets personnels. Elle observa les mèches de cheveux de son supérieur qui lui tombait un peu dans les yeux, attendant la suite.
- Il m'a confirmé une chose que j'avais déjà envisagé, continua-t-il de son air neutre. Il était mon oncle, ce qui fait de moi un vrai Ackerman.
Mikasa soutint les pupilles sombres de Livaï, se remémorant cette fois où il lui avait posé des questions sur son nom de famille.
- Du coup j'ai fait des recherches, mais on est évidemment limité en informations sur les générations précédentes. J'ai quand même trouvé mention d'une branche asiatique aux Ackerman, qui s'est éteinte progressivement avant de s'installer dans les montagnes. Peut-être que c'est débile et que t'en a rien à foutre, mais je me suis dit que peut-être tu voulais savoir. Tu trouvera des documents aux archives.
La jeune femme se contenta de garder le silence, un peu prise de court par les mots du soldat. Elle était plus intriguée par l'attention qu'il avait eu envers elle de lui faire part de cette histoire que par l'information en elle-même. Ils étaient donc probablement des cousins très éloignés, au final il n'y avait rien de si important. Si éloignés qu'il était peu probable qu'ils ne partagent ne serait-ce qu'une seule goutte de sang. Ces derniers temps Livaï avait un peu changé, et Mikasa s'en était rendue compte, comme les autres. Principalement à partir du moment où il les avait tous remercié sincèrement de leur engagement, après le coup d'état et le couronnement de Historia. Il était devenu plus détendu, presque commode, et le bataillon avait réellement gagné la confiance du caporal, de par toutes les péripéties qu'ils avaient affrontés ensemble. L'asiatique songea que les seuls autres personnes à avoir réussi cet exploit auparavant constituaient l'ancienne l'escouade du jeune homme, tous morts au combat face à Annie, dans la forêt. Et elle réalisa à quel point cela avait du être dur pour lui, de se rapprocher à nouveau d'une nouvelle équipe tout en se demandant peut-être à quel moment et de quelle façon ils allaient crever, dans les mains d'un titan ou d'un ennemi.
- Bon, c'était pas si important j'imagine, lança le caporal en constatant le long silence de son interlocutrice.
Il se redressa alors, arrachant Mikasa à ses pensées profondes. Dans un réflexe bizarre elle s'empara de l'avant-bras de son supérieur, captant aussitôt son regard impassible.
- ... Non, c'est pas... Merci.
Il se contenta de la jauger du regard un instant avant de baisser les yeux sur son bras, un air un peu moins neutre sur le visage.
- Décidément t'es vraiment chelou ces derniers temps. Tu devrais aller dormir, il lança tandis qu'elle le lâchait.
Il tourna alors les talons en laissant la jeune femme seule, et irritée envers elle-même. Ça l'ennuyait qu'il avait perçu son trouble, sans en savoir réellement la raison. Mikasa détailla le dos du soldat qui s'éloignait, tout en songeant qu'elle aussi, elle voulait que ça s'arrête. Elle était fatiguée de se sentir aussi perdue et inutile, et le fait que Livaï l'ait deviné ne faisait que l'agacer d'avantage.
********
- Et là, Conny s'est mis à gesticuler dans tous les sens et il a renversé son verre. J'ai cru que Livaï allait vraiment le tuer, fit Sacha tout en essuyant une assiette. Je pense qu'il est toujours en train de récurer toute la salle de dîner.
Mikasa esquissa un sourire, bien qu'elle écoutait Sacha d'une oreille peu attentive. Ce n'était pas l'histoire qui était importante, mais ça lui faisait du bien d'avoir une conversation banale avec son amie. Elle continua à frotter les plats en faïence machinalement, l'esprit détendu. Les deux jeunes femmes étaient de corvée vaisselle ce soir, car la vie de soldat ce n'était pas que les combats. Bien qu'il y avait toujours un peu de personnel autour d'eux pour préparer leur repas, ils étaient tenus d'aider aux diverses tâches et de participer à la vie en communauté.
- ... Je peux te poser une question?, fit soudain la brunette, posant un regard intrigué vers son amie.
- Mmh?
Mikasa savait déjà où elle voulait en venir, mais elle décida de laisser couler.
- Moi et les autres ont a remarqué que tu es un peu... différente ces derniers temps, commença-t-elle prudemment. On est un peu inquiet pour toi, avoua-t-elle. Tu peux nous parler, tu le sais hein?
Un petit silence plana, pendant lequel l'asiatique ne su que répondre.
- C'est à cause d'Eren c'est ça? On sait qu'il est moins souvent là ces derniers temps. Et Armin aussi.
- ... Je ne sais pas, répondit sincèrement la jeune femme. Je me sens juste un peu... bizarre je crois.
Elle leva les yeux vers sa camarade, qui l'encouragea d'un regard.
- Ça ne t'es jamais arrivé de penser à ce que tu voudrais avoir comme vie? En dehors de l'armée je veux dire.
Sacha plissa les yeux, pas certaine de suivre son amie.
- ... Je sais que c'est stupide, hein, continua-t-elle maladroitement. On ne devrait penser à rien d'autre que le bataillon de toute façon.
- ... Non, c'est pas stupide, répliqua la jeune femme, en plantant son regard dans celui de l'asiatique. On rêve tous de la paix, et si on ne s'imaginait pas une vie en dehors de tous ces combats ça voudrait dire qu'on a perdu l'espoir. Tu sais, mon rêve c'est de reprendre nos terres avec mon père, et de pouvoir chasser comme avant. On est loin d'avoir tous les mêmes raisons de se battre, mais l'important c'est d'en avoir, n'est-ce pas?
- ... J'imagine que oui, répondit simplement Mikasa, songeuse.
Manifestement Sacha n'avait pas saisi le sens de ses mots, mais ça n'avait pas d'importance. Ce qui avait traversé la jeune femme, c'était la pensée fugace de ce que serait leur vie, sans l'armée. Une existence bien rangée dans l'enceinte des murs, probablement. Mais elle n'avait pas à se torturer avec tout ça maintenant, la guerre était loin d'être finie. Elle se devait d'écarter toutes les choses qui pouvaient la distraire de ses objectifs. Elle n'avait pas le droit de penser à autre chose, tout simplement.
- C'est quoi ces bruits?, lança Sacha brusquement, les sourcils froncés.
Elle reposa les couverts qu'elle avait dans les mains sur le plan de travail en bois, et se dirigea vers la petite fenêtre carrée. Mikasa la suivit, intriguée. Elle réalisa rapidement de quel genre de bruit il s'agissait. Sacha se mit à glousser, amusée. Deux silhouettes s'enlaçaient dans une cour en contre-bas, dissimulées par le renfoncement d'un mur en pierre. La brunette plaqua son visage contre la vitre, ses yeux concentrés scrutant l'obscurité. Vu de l'extérieur ça devait sûrement ressembler au spectacle d'un titan assoiffé de chair fraîche, l’œil collé contre la fenêtre d'une maison, songea Mikasa.
- Ils ont l'air de bien s'amuser, pouffa la première, tandis que l'autre soldate s'approcha également. Oh mince, je crois que c'est Arthur, ce gars de l'autre division. Par contre je reconnais pas la fille.
Mikasa observa à son tour le couple, l'air inexpressif. Ce n'était pas la première fois qu'elle tombait sur une scène de ce genre ; pas mal de soldats se remontaient le moral de cette façon. Mais en général ils se faisaient plus discrets. Le jeune homme glissa sa main sous la chemise de l'uniforme de sa camarade, et l'asiatique se sentit gênée, tout à coup. Elle se demanda si elle-même serait capable d'en arriver là pour se distraire un jour, mais cette pensée lui paru stupide, et elle la chassa aussitôt de son esprit, juste au moment où une voix bien familière leur glaça le sang.
- Espèce de sales rats ! Si je vous attrape je vous étripe, faites ça ailleurs bordel !
Le couple terrifié se pressa dans la direction opposée à leur caporal, qui les regardait détaler d'un air las. C'est alors qu'il leva les yeux vers la petite fenêtre, sûrement guidé par une de ses intuitions. Mikasa et Sacha sursautèrent simultanément, avant de s'éloigner d'un pas brusque vers le centre de la cuisine. L'asiatique savait qu'elles n'avaient rien fait de mal, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de se sentir stupide. Elle soupira avant de reprendre sa place devant l'évier, et Sacha se remit également au travail, un peu sur le qui-vive.
- On devrait se dépêcher, Livaï serait capable de venir vérifier l'état de la cuisine, souffla-t-elle en reprenant son torchon en main.
Cela ne faisait absolument pas partie de ses fonctions, mais leur supérieur avait la sale manie de faire des inspections surprises quand les soldats étaient en corvée de nettoyage. Tout le monde connaissait l'amour maniaque du caporal pour la propreté, et si le boulot était mal fait les deux soldates savaient pertinemment qu'elles n'iraient pas se coucher de si tôt. Les deux amies s'activèrent de plus belle, mais comme elles l'avaient prédit le jeune homme à la petite taille fit irruption dans la pièce dans les minutes qui suivirent, son éternel air blasé sur le visage.
- ... Vous avez du temps libre à ce que je vois, souffla-t-il en s'approchant des jeunes femmes.
Mikasa senti son amie frémir mais elle ne craignait rien ; elles avaient fait du bon boulot jusque là. Elle se sentait juste un peu stupide pour la scène de tout à l'heure. Livaï observa sournoisement la vaisselle propre pendant un moment, avant de poser ses yeux sombres sur Sacha.
- Je t'avais demandé de ranger la réserve hier, Sacha. Je me trompe?
- ... N-non, caporal.
- Alors tu peux m'expliquer pourquoi c'est un putain de bordel là-dedans?
La soldate garda le silence, tandis que Mikasa espérait qu'il ne serait pas trop dur avec elle.
- Je veux que tu y retourne, et ça a intérêt à briller. Je veux pouvoir admirer mon reflet dans chacune des casseroles qui se trouvent dans ce foutoir. Et s'il manque ne serait-ce qu'un seul légume, un seul morceau de viande je te fais la peau, c'est compris?
- ... Oui, caporal Livaï.
Sacha s'éclipsa après avoir adressé un salut au jeune homme impassible, pendant que Mikasa se retenait d'esquisser un sourire. La grossièreté de Livaï avait quelque chose d'amusant, parfois. Elle s'imagina que c'était une mauvaise habitude qui lui venait de son passé dans la ville souterraine, et peut-être que cela expliquait son obsession pour la propreté aussi. Les origines du caporal n'étaient un secret pour personne ; mais il se gardait bien de livrer les détails. Tout ce que l'asiatique savait c'est qu'il pouvait être terrifiant quand il s'adressait à ses soldats, mais bizarrement ça ne l'avait jamais affectée. Il considéra un instant le reste des plats sales avant d'attraper un torchon propre. La jeune femme entreprit alors de se remettre à la tâche, en silence. Peut-être qu'il lui donnait un coup de main pour qu'elle termine plus rapidement, où était-ce la vision de la vaisselle restante qui l'irritait, difficile à dire. Livaï parlait rarement plus que nécessaire, tout comme Mikasa. Et parfois la soldate avait l'impression que ce n'était pas leur seul point commun.
- Quand je repense à ces deux imbéciles là dehors je me demande parfois comment ils ont les capacités cérébrales pour abattre des titans, grommela le caporal dans ses dents.
- ... Ils auraient pu mieux se cacher en effet, répondit la jeune femme, surprise qu'il lui fasse la conversation. Mais ils n'ont rien fait de mal... j'imagine, continua-t-elle d'un air songeur.
A vrai dire elle ne savait même pas si c'était interdit dans le règlement de l'armée. Mais elle s'imaginait que s'ils ne créaient pas de problèmes en retour personne ne leur en ferait. Son supérieur leva un sourcil, visiblement surpris de sa réponse.
- Je veux dire... ils n'ont pas tord, reprit-elle d'une voix moins assurée. On sera peut-être tous morts demain.
- C'est amusant d'entendre ça de ta part, répondit Livaï sans poser les yeux sur la soldate. C'était toi la plus gênée des deux à la fenêtre.
Sans pouvoir le contrôler le visage de Mikasa devint rouge à nouveau, et elle se maudit violemment, de ne pouvoir rien y faire. Elle avait le sentiment qu'en l'absence d'Eren dans son esprit elle était sensible à tout et n'importe quoi, et ça l'agaçait.
- Je ne sais pas ce que tu as mais tu devrais te calmer, soupira le jeune homme tandis que sa collègue était rouge de honte. Eren va bientôt nous rejoindre. Je ne sais pas si vous êtes ensemble ou une connerie du genre mais tu dois apprendre à te contrôler.
Sans prévenir elle jeta son éponge au fin fond de l'évier, énervée par la remarque du caporal. Elle se tourna vers lui tout en plantant son regard irrité dans les prunelles sombres du jeune homme.
- Il n'y a rien avec Eren, et je vais bien, gronda-t-elle en élevant la voix sur lui.
Elle allait peut-être le regretter à lui parler comme ça, mais elle ne supportait pas que lui-même lui fasse une remarque, alors qu'il ne s'intéressait jamais aux affaires des autres. Sa réaction ne se fit pas attendre ; il s'empara du bras de la jeune femme et la fusilla du regard, littéralement. Elle flirtait avec les limites et elle le savait, mais elle était juste fatiguée de cette situation un peu stupide.
- Tu fais partie des meilleurs éléments, et tu le sais. Alors je veux que tu arrêtes tes conneries, tu te recentre sur tes missions. Les rares moment où tu te foire c'est quand tu laisse tes émotions prendre le dessus, donc tu ne laisse plus ça arriver, c'est clair?
Il l'avait secouée légèrement, ses doigts encerclant son bras fin, mais qui était loin d'être fragile. Mikasa resta sans voix. Il avait plutôt raison, en effet, et même si c'était maladroit de sa part elle sentait qu'il disait aussi ça pour l'encourager, pas juste pour la remettre à sa place. C'était la deuxième fois qu'il la touchait de cette façon, et même si c'était anodin la soldate se sentit étrange d'être aussi proche de son supérieur. Livaï faisait la même taille qu'elle, et il avait beau ne pas la surplomber d'un seul centimètre il parvenait quand même à la mettre mal à l'aise en cet instant.
- ... Désolé, souffla-t-elle finalement, après un moment.
Il finit par retrouver son calme, et ses doigts fins lâchèrent prise sur sa camarade. Il la considéra quelques secondes, alors que pour une fois elle ne soutenait pas son regard, préférant poser ses yeux sur les quelques assiettes qui demeuraient dans l'évier.
- Tu peux y aller, je vais terminer, conclu-t-il alors d'un ton qui laissait comprendre que c'était un ordre, pas une suggestion.
Mikasa s'exécuta sans se faire prier, après un bref signe de tête. Elle se sépara définitivement et sans regret de son éponge souillée, et encore une fois elle évita les prunelles tranchantes de son supérieur, pendant que ce dernier se demandait quelle mouche avait piqué sa cadette.
********