L'automne d'une vie

Chapitre 43 : Fate : une seconde chance

Chapitre final

14837 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a presque 4 ans

Chapitre Hors-série -Fate-


Mois de décembre, 20xx


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Dès qu'il la vit, il la reconnut.

Des cheveux blonds comme les blés, des yeux bleus à tomber par terre, cette façon d'éviter la foule..

Aki.

Ce nom dont il n'oublierait jamais la consonance, il le hurla à s'en déchirer les cordes vocales.

La concernée se retourna. Ses yeux s'écarquillèrent au possible, et, les yeux au bord des larmes, elle s'écria :

-C-Caporal?!


///


-Vas-y,entre.

-M-mais...

-C'est pas comme si on était des inconnus.

-C'est vrai, mais...

-Si je te dis d'entrer, tu fais pas chier, tu entres.

Elle obéit sans protestations supplémentaires.

L'appartement dans lequel elle entra correspondait bien au brun. Pas un grain de poussière. Des étagères remplies de livres bien rangés les uns contre les autres. Des chaises impeccables. Une table sans une once de saleté. Des murs blancs. Un piano. Et elle remarqua, surprise, un chaton au pelage couleur crème blotti dans un fauteuil.

Il lui désigna une chaise.

-Assieds-toi.

L'imitant, il s'assit en face d'elle.

-Bien,je pense qu'on a des choses à se dire.

-Caporal, je...

-Ne pense même pas à t'excuser.

-Mais...

-Putain, qu'est-ce que tu comprends pas dans ma phrase ?

-Déso-

-Je viens de dire quoi ?

-Oh. Oui.

Il soupira, exaspéré. La jeune blonde avait beaucoup trop tendance à s'excuser quand il s'agissait de lui. Elle était de plus en train de s'excuser pour sa propre mort. Si quelqu'un se devait de s'excuser ici, ce n'était pas elle. Ni le chat.

-Tu as revu Haru et Yuki ?

-Oui.

Le simple mot, prononcé froidement, sembla amener un malaise dans l'air. Et il comprit. A la simple évocation de leurs noms, Aki s'était figée, et son tic de se mordre la lèvre et de se ronger les ongles, preuve qu’elle était nerveuse, était revenu.

-Oï...Ils sont...

-Oui, ils sont déjà morts.

Elle sourit tristement.

Dieu, il aimait tant la voir sourire. Mais pas comme ça, bordel !

-Caporal…

-Tu es allée à leur enterrement ?

La jeune blonde sembla se remémorer ce funèbre jour et frissonna.

-Oui.

Elle marqua une pause avant de reprendre :

-Et, Caporal…

Elle inspira à fond avant de le regarder droit dans les yeux et d’annoncer :

-Il ne me reste plus que quelques mois à vivre. Désolée.


///


Une voix s’éleva dans le noir.

-Dis, Aki…

-Oui ?

-Tu ne dors pas ?

-Il est 3 heures du matin.

-Ouais. Tu devrais dormir à cette heure-ci. Merde… Tes insomnies ont empiré? 

-Oui. Vous vouliez dire ?

-C’est quoi cette putain d’histoire ?!

-Oh, ça. Caporal, tout se répète exactement comme dans la dernière ligne temporelle -l’ancien monde.

-Et tu en déduis que tu vas mourir ?!

Il avait violemment tapé du poing sur sa table de chevet.

-Caporal, calmez-vous…

-Tu te fous de moi ?!

-Écoutez-moi…

Il se tut et se rallongea.

-Caporal, le destin ne changera pas. Toutes les lignes temporelles sont faites pour rejouer les mêmes évènements encore et encore. Il est impossible d’y échapper.

-Comment tu peux dire ça ?

Elle lui prit la main et serra sa paume.

-C’est évident. Je vais mourir. Alors je vous en prie, acceptez le et n’essayez pas de vous battre contre une force inébranlable.

-Je rêve ou tu es en train de me dire d’attendre tranquillement que tu meures ?!

-C'est ça, si vous voulez.

-Mais putain, c’est quoi ton problème ?!

-N’essayez pas d'interférer avec le destin. Vous ne ferez qu’empirer les choses. J’ai tenté, et… 

Son silence était assez éloquant.

-Aki…

-Je suis désolée, Caporal…

-Si on doit passer seulement quelques mois ensemble, autant en profiter pleinement.

Il se redressa, posa une main sur sa joue et l'embrassa.

Il n’avait jamais oublié la sensation de leurs corps l’un contre l’autre, mais c’était beaucoup mieux quand elle était vraiment .

-C-Caporal !

-Ok, on va commencer par ça. On dirait que ta vieille mauvaise habitude est revenue. J’ai un prénom, et tu peux l’utiliser.

-Euh, oui, bien sûr, Levi.

Il retint un sourire.

Oï, gamine.

-Oui ?

-On va où demain ?

-Q-quoi ?

-Je te demande où on va demain. T’es sourde ou bouchée ?

-M-mais…

-Pas de mais. Il nous reste seulement quelqurs mois. Je veux être avec toi chaque seconde qui passe. Jusqu'à ta mort.

Il put l’entendre soupirer.

-Je suis tellement désolée. Après tout, peut-être que je me trompe et que je vivrais très longtemps.

-Espérons-le.

Il savaient tous deux que ça n’arriverait pas. Aki mourrait, fin de l’histoire.

-Hé, gamine.

-Oui ?

Il ouvrit les bras.

-Viens là. Tu peux bien supporter ça, non ?

Elle ne protesta pas et posa délicatement sa tête contre son torse.

-Caporal, merci pour tout.

-Levi.

-L-Levi, désolée.

-Allez, dors maintenant. Tu as besoin de forces pour demain.

-Je peux vous retourner la remarque.

-Juste, ferme-la et dors.


///


Il fut réveillé par le long hurlement de la jeune fille.

-Oï…

Il sentait son coeur battre à cent à l’heure à travers sa chemise. La jeune fille s’accrochait désespérément à lui, comme pour s’empêcher de sombrer. Le souffle court, elle tentait de retrouver son calme.

-Tu fais encore des cauchemars ?

-O-oui, articula-t-elle lentement.

Il pouvait entendre ses larmes s’échouer sur son oreiller et il détestait ce son.

Le brun n’avait qu’une envie, la voir sourire. Elle faisait l’exact opposé et il se détestait de ne pas pouvoir l’en empêcher…

-Aki…

-Levi…

Cette fois, elle avait prononcé tout naturellement son prénom, sans vraiment y faire attention.

Il apposa ses lèvres contre son front et murmura :

-Allez, va prendre une douche. Je m’occupe du déjeuner.

-Vous êtes sûr ?

-Ouais. Grouille. 

La jeune fille ne bougea pas immédiatement, profitant de la chaleur que lui offraient les bras du brun. 

Levi n’était pas contre garder la blonde contre lui un peu plus longtemps, à vrai dire. 

-...Je n’ai pas emmené d’habits de rechange…

Un long silence suivit cette phrase. Levi ne se décida à bouger que dix minutes après.

Il se leva, chercha dans son armoire et en sortit une chemise et un jean.

-Voilà. Ils devraient t’aller un peu grand, mais bon. Attrape le sweat pourpre sur la chaise au passage.

-Merci beaucoup, Cap-...Levi.

Elle crut presque voir ses lèvres s’étirer en un sourire.


///


-Assieds-toi.

Elle obéit et l’observa.

Le brun avait un tablier noué autour de la taille, les manches remontées jusqu'aux coudes. Il avait les poignets si fins…Elle avait presque oublié…

Il ne s’étaient pas vus depuis tellement longtemps qu’il leur faudrait se réapprendre l’un-l’autre, et cette idée ne leur déplaisait pas. Redécouvrir des faiblesses, des petits détails insignifiants mais tellement importants. Les petites manies que chacun avait, les réflexes qui n’appartenaient qu’à eux.

Trop occupée à penser, la jeune fille ne réalisa pas tout de suite que son amant avait posé une assiette devant elle. 

-Aki ?

À l’entente de son nom, la jeune blonde rougit.

-O-oui ?

-À quoi tu penses ?

-À-à rien.

-Bien sûr. T’étais tellement perdue dans tes pensées que la terre aurait explosé t’aurais rien remarqué.

-Désolée…

-Bon, laisse tomber. On fait quoi aujourd'hui ?

-Je ne sais pas… vous avez une idée ?

-Tu ne pourrais pas me tutoier ?

-Euh… vous-tu veux que j'essaye ?

Elle n’avait vraiment pas l’air à l’aise avec ce “Tu”.

-Non c’est bon, laisse tomber. Ça devrait revenir naturellement.

Elle sourit.

-On va peut-être passer par chez toi pour te prendre des habits. C’est pas que t’es pas adorable dans mes vêtements, mais j’pense que les tiens seraient plus pratiques. Ensuite, j’étais supposé aller manger chez des amis, ils me disent toujours d’amener quelqu’un d’autre, ils vont se transformer en guimauve rien que de me voir avec toi.

La blonde déglutit. Et si… si Levi avait déjà eu une copine ? Après tout, il y a avait de grandes chances qu’il ne l’aie pas attendue toute sa vie, comme elle l’avait fait.

Levi tira une chaise et s’assit à sa gauche, posant sa main sur le dos de celle de la blonde. Il avait remarqué l’expression légèrement inquiète de la lycéenne.

-Ça te va?  

-Bien sûr. D’ailleurs, Levi , qu’est-ce que vous faites comme métier? C’est pas courant d’avoir les vacances scolaires.

-Prof.

Il émit un petit rire.

-Vu ta tête c’était bien la dernière chose à laquelle tu t’attendais. Eh ouais, j’enseigne à des gamins de lycée toutes les semaines. 

-…Mais vous avez toujours détesté les enfants ! 

-Je crois que… un en sens, ça me rappelait l’ancien monde. J’étais toujours entouré de mioches, et j’ai l’impression que c’est ce que j’ai toujours voulu faire.

-Et quelle matière ?

Il lui fit un sourire moqueur.

-Devine ? 

-Histoire ? 

-J’aurais bien aimé aussi, mais non. 

-Hum...maths?  

-Eurgh, non.

-Qu’est-ce que vous avez contre les maths?  

-Je préfère m’ancrer à du réel. Alors? 

La jeune fille, qui s’était récemment découvert une passion pour les maths, s’abstint de tout commentaire. 

-Sport?  

-Non, quoique ç’aurait été marrant de regarder les élèves souffrir.

-Hé! J’ai besoin de vous rappeler que je suis élève moi-même?  

-Oups. Terminale, du coup? 

-Oui. Okay, alors… SVT, peut-être?  

-Non plus.

La blonde réfléchit quelques secondes et prit un visage terrifié.

-Ne me dites pas que vous enseignez la SES?  

-C’est quoi cette tête? C’est si terrible que ça, la SES?  

-Si vous saviez… 

-J’ai pas des souvenirs si traumatisants de mes cours d’Éco.

-Vous deviez avoir un bon professeur…

-Sûrement.

-Okay, qu’est-ce que- oh, attendez. L’anglais ?

-Bingo.

Ils se regardèrent et Aki, incapable de s’en empêcher, l’embrassa. 

Quand, à bout de souffle, les deux se séparèrent, Levi se leva.

-If I love you, was a promise… Maintenant, quoique tu chantes, je pourrais enfin le comprendre.

En comprenant qu’il faisait allusion à une chanson qu’elle avait chanté dans l’autre monde, elle sourit.

-Enfin crois pas que j’ai appris l’anglais juste pour toi. Je suis à moitié anglais, en fait, alors ça aide pas mal. Et c’est une langue super belle. 

-Vous êtes à moitié anglais ? C’est donc ça, cet accent…Comme quoi il y a quand même des divergences majeures entre les deux mondes...

-Il s’entend tant que ça ? Mais oui, effectivement. 

-Non, il est très léger. Il faut vraiment prêter attention à ce que vous dites pour l’entendre.

-Ok. Et toi alors ? Tu veux faire quoi comme métier ? 

-De l’art.

-Ah ouais ? 

-Oui.

-Du chant, peut-être ? 

-Je… j’aimerais beaucoup, oui. Ou de la photo. Ou peut-être compositrice.

-Ben dis donc, t’en as des projets. 

-Malheureusement, c’est pas comme si ils allaient se réaliser.

Le brun, occupé à remplir la gamelle du chat, tourna son regard vers elle et soupira.

-C’est quoi, son nom ?, demanda Aki, attendrie. Elle n’aurait jamais cru voir Levi s’occuper d’un animal.

-Nuki. 

-Elle est adorable. Je ne m’attendais pas à ce que vous ayez un chat. 

-Je te surprends beaucoup, on dirait. 

-Mais j’aime ça. 

Elle lui sourit.

-On y va ? 

-Yes. C’est parti.


///


Une fois son manteau enfilé, il passa une écharpe bleu pâle autour du cou de la blonde.

Une fois cela fait, ils sortirent, le brun sortit ses clés et referma la porte.


///


Voir Levi conduire était incroyablement attirant. 

Le brun regarda dans son rétroviseur, effectua un dépassage et s'adressa à la blonde :

-Tu me guides ? 

-Ok. Tournez à droite à la prochaine intersection… 

Il mit son clignotant et s'enfila dans l'impasse. 

-C'est l'immeuble là, pointa-t-elle du doigt. 

-C'est miteux, remarqua le brun. 

-Avec mon job de serveuse c'est à peine si je peux le payer… 

-T'as pas d'allocs ou un truc du genre ? 

-Non, j'ai seulement 16 ans alors c'est complexe… soupira la blonde. 

-Être obligée de travailler à 16 ans pour pouvoir vivre ça craint, remarqua le brun. 

-Je sais, souffla Aki. 

Ils se turent et le brun se gara devant l'immeuble jaunâtre. 

-Vous pouvez m'attendre ici, Caporal, je ne serai pas longue. 

-Je monte avec toi, dit l'homme. 

Et elle n'avait pas son mot à dire. 

-C'est minuscule, le prévint Aki en introduisant ses clés dans la porte. 

Le brun entra dans un petit studio avec mezzanine, avec les murs peints en blanc. Une petite cuisine avec un bar était dans le coin droit, un bureau avec deux bibliothèques remplies de livres sous la mezzanine. 

Des plantes étaient suspendues au mur. 

-Elles ont toutes des noms, sourit Aki tendrement. 

-Ah oui ? 

-Oui, lança-t-elle en escaladant l'échelle la menant à la mezzanine. 

-Bah vas-y dis-les moi pour voir. 

Aki redescendit, un tote bag avec La nuit étoilée de Van Gogh peint dessus. 

-J'ai pris assez pour quelques jours, précisa-t-elle. 

-Ok, acquiesca le brun les bras croisés. 

Il ne put s'empêcher de remarquer la pile de cours qui s'accumulaient sur son bureau, ainsi que le paquet de Doliprane presque fini posé dessus. 

-Pour les plantes. Le cactus c'est Roberto, la petite c'est Chloé, le chlorophytum Phil, la misère Missy, le monsterra Romy, le pilea Phoebe. 

-Tu crois vraiment que je sais ce qu'est une misère ? 

-C'est la violette dans le pot blanc. 

-Ah ok. 

C'est carrément adorable de donner des noms à ses plantes, pensa-t-il sans le dire. 

-Tu donnes des noms à quoi aussi ? Tes casseroles ? Tes doigts de pieds ? Tes cheveux, peut-être ? 

La jeune fille sourit. 

-Les plantes, c'est un peu comme mes bébés. C'est pour ça. 

-En parlant de bébés, tu… tu crois que Thomas et Isabel, ils… 

-Je ne sais pas. Je me suis posé la question bien un millier de fois. 

Elle prit doucement sa main et caressa ses longs doigts de pianiste. 

-Levi, je suis vraiment heureuse d'avoir pu vivre cette vie avec toi. J'ai été si heureuse

Le brun appuya tendrement son front contre le sien. 

-Moi aussi, souffla-t-il. Tu m'as offert une éternité dans un nombre de jour limité, et-

-"et j'en suis heureuse" Compléta Aki en riant. 

-Tu l'as vu ? 

-Bien sûr. Je l'ai lu aussi, en anglais et en allemand. 

-Il s'appelle comment en allemand ? 

-"Das Schicksal ist ein mieser Verräter".

-Wow. 

La blonde esquissa un sourire. 

-ce qui veut dire ? 

-Le destin est un misérable traître. 

-Ok.

Le destin est peut-être un misérable traître, mais il nous a offert l'occasion de nous revoir. Et ça, c'est beau. 


///


Alors qu’elle relisait ses cours, quelque chose frappa soudainement Aki: elle ne savait pas où Levi enseignait.

-Levi?  

-Hmm, répondit le brun, penché sur ses cours pour le lendemain.

-Tu enseignes à quel lycée? 

-Hein? Euh, lycée Oscar Wilde. C’est juste à côté. Pourquoi? 

La blonde ne répondit pas tout de suite, avalant lentement sa salive.

-Attends Aki, attends. Où est-ce que tu vas au lycée? 

-Oscar Wilde, dit-elle tout bas.

Ils auraient pû se croiser bien deux ans auparavant. Ils auraient pû avoir deux ans de plus de ce bonheur. Et ça, ça mettait Aki terriblement en colère contre elle-même. Pendant ses années de seconde et de première, elle avait été tellement absorbée par son deuil qu’elle s’était plongée dans ses études à corps perdu. Et elle n’avait jamais songé à lever les yeux, à observer le monde autour d’elle. 

-Attends, tu déconnes.

-Non, vraiment…

-Mais t’as qui en anglais? 

-En spé j’ai Mme Berthelot, et en tronc commun j’ai Mme Martin.

-Oh putain de merde. J’avais oublié cette connasse de réforme.

-Tu n’as pas de classe de spé? 

-Si si, j’en ai deux. 

-Je n’arrive pas à croire qu’on était dans le même lycée tout du long, ça me rend dingue d’y penser, admit la jeune fille, la tête dans les mains.

-Y’a Eren aussi, en terminale S cette espèce de couillon. Je l’ai en anglais et c’est une horreur. Il arrête pas de parler en allemand pendant mon cours, ça me casse sérieusement les couilles.

La petite blonde rit et rapprocha sa chaise de celle du brun, assez pour pouvoir poser sa main sur son genou.

-J’ai pris allemand, le prévint-elle.

-Nooon Aki pourquoi? Pourquoi pas italien? C’est tellement plus beau! 

-Hé, répliqua la blonde avec un air offusqué très peu crédible sur le visage, je prends ce que je veux que je sache. Déjà, j’adore l’allemand alors je ne te permets pas de dire des choses aussi insultantes sur la langue! 

-Alors fais-moi taire, murmura le brun suggestivement.

-Ok, souffla la blonde.

Et elle se mit à l’embrasser, et le brun se laissa aller. 


///


Ils avaient tous un peu bu, sauf Aki évidemment, et Levi commençait à perdre le contrôle. À peine, mais avec la présence de sa copine à ses côtés, il n’avait plus envie d’avoir de limites. Surtout quand ça la concernait.

La blonde se leva, brancha son téléphone à l’immense chaîne hi-fi, choisit une musique à chanter et tendit la main à son petit ami pour l’inviter à la rejoindre.

“Dance to this”, de Troye Sivan, démarra. Levi connaissait bien la chanson, et notamment le clip où Ariana Grande et Troye Sivan dansaient tous les deux, une danse si unique qu’elle était impossible à reproduire.


Le brun -il était clairement plus gai que d’habitude, il n’aurait jamais accepté de chanter devant autant de gens autrement- saisit le micro et commença à chanter les paroles de Troye. Il tentait, et réussissait étonnamment bien, de reproduire les gestes du chanteur dans le clip. Il fixait Aki, affichant un sourire en coin, tout en chantant les paroles dont il connaissait évidemment parfaitement la signification. 

“Young ambition, say we’ll go slow but we never do… Premonition, see me spendin’ every night with you… Oh, under the kitchen lights, you still look like dynamite, and I wanna end up on you…” Levi lui fit un clin d’oeil à peine perceptible. 

Aki était bouche bée, impressionnée par la façon dont Levi bougeait. Elle ne l’aurait jamais cru capable de danser si bien. Elle ne savait même pas qu’il connaissait ce chanteur, mais à la façon dont il se mouvait, il semblait être un habitué de ses clips et ses lives.

L’entendre parler anglais lui faisait un effet fou. Se dire que ses élèves avaient la chance d’être témoin de ça toutes les semaines la rendait incroyablement jalouse. 

Quand il fut temps d’entamer le second couplet, elle hésita un instant et se lança, saisissant le micro que lui tendait son partenaire. 

Levi ne s’était pas spécialement distingué par sa voix, bien que son ton grave et un peu rauque soit agréable à l’oreille, mais c’était sans aucun doute le cas d’Aki. Tous les gens occupés dans la grande salle s’arrêtèrent pour prêter attention à sa voix cristalline, impressionnés. 

Elle avait un timbre très différent de celui d’Ariana, mais qui s’accordait étonnement bien à celui de Levi.

Sa voix, si pure, fit frissonner Levi, comme elle l’avait déjà fait dans leur vie antérieure. Elle semblait avoir un contrôle impressionnant sur ce qu’elle chantait, et Levi se demanda si elle avait pris des cours de chant autrefois. 

“Do that thing we never do sober, sober…” Elle retourna son clin d’oeil au brun. Aki était sobre, mais ce n’était absolument pas le cas de Levi… Ils étaient tous les deux d’humeur joueuse ce soir-là, et ils semblaient avoir oublié tout ce qui leur pesait sur les épaules.

Les conversations dans la salle s’étaient toutes arrêtés, tout le monde étant complètement concentré sur les deux amants sur scène. 

Quand ils reprirent le refrain ensemble, ils avaient complètement oublié qu’ils n’étaient pas seuls au monde. Levi continuait à se mouvoir d’une façon envoûtante -comment avait-il pu cacher si longtemps à Aki qu’il dansait aussi bien ?-, tentant d’entraîner avec lui la blonde (qui manquait cruellement de grâce…).

Ils étaient parfaitement synchronisés, et si Levi se contentait de chanter la version originale, Aki rajoutait des vocalises dont son petit ami n’était pas sûr qu’elles soient dans la version de base, mais ils étaient là pour créer leur propre version, par pour respecter à la lettre celle des chanteurs originaux.

“We can just dance to this, don’t take much to start me…”

Ils échangèrent un léger sourire avant d’entamer la fin de la musique.

“I don’t wanna sleep tonight, I just wanna take that ride…”

Aki monta sans aucun problème dans les aigus et orna magnifiquement bien la chanson avant de reprendre la mélodie initiale et de se caler à nouveau sur Levi.

Le brun avait le souffle coupé. Sans aucun doute, il allait lui demander de chanter rien que pour lui… Il se souvenait qu’elle avait une voix incroyable dans l’autre monde, déjà, mais l’entendre à nouveau ravivait ce souvenir.

Quand les dernières notes de la chanson résonnèrent dans la salle, les applaudissements retentirent et plusieurs personnes sifflèrent même. 

Levi murmura à l’oreille de la blonde:

-Putain Aki, avec cette voix, tu vas te retrouver obligée de chanter tout le temps à l’appart’. C’était magnifique. Encore mieux que la dernière fois que je l’avais entendue. 

Elle rit doucement avant d’ajouter:

-Je te retourne le compliment, j’entends bien t’obliger à danser rien que pour moi.

Le tutoiement le frappa de plein fouet. Enfin! 

-Il suffisait que je te montre mes talents de danseur pour que tu me tutoie enfin? Si j’avais su…

-Je- 

Il ne lui laissa pas le temps de finir et l’embrassa de toutes ses forces, sous les “Awwww” attendris de l’audience.

-Je t’aime, gamine.

-Je t’aime, Levi.

Ils se sourirent avant de descendre de la scène, main dans la main.


/// 


-Merci beaucoup de nous ramener chez Levi, Erwin. Je ne l’aurais jamais laissé conduire dans son état…

-C’est normal, Aki. Moi non plus. D’ailleurs, tu nous avais caché que tu avais une si belle voix! 

Elle sourit, on ne faisait que la complimenter là-dessus ce soir-là.

-Merci beaucoup. Et Levi, il- il a pris des cours ou c’est juste naturel? 

-Pas que je sache, cependant je crois qu’il a mis le paquet rien que pour toi.

-Vraiment? C’est…

-Adorable?, suggéra Hanji.

Aki rit: c’était exactement ce qu’elle voulait dire.

-Oui. Adorable.

Elle écarta quelques mèches du front du brun, qui somnolait sur son épaule.

-Aki, il n’a jamais été aussi heureux qu’avec toi, je suis désolé que ça doive se finir si mal…

-Vous n’y êtes pour rien, Erwin, et il nous reste encore du temps ensemble… 

-Comment tu fais pour rester calme?! 

-Ça ne m’avancerait à rien de m’énerver… Et il m’a déjà tant apporté, je veux dire, l’imminence de ma mort rend tout tellement plus… profond? 

Elle émit un petit rire avant de continuer :

-C’est étrange, peut-être.

-Non, pas du tout. Vous profitez plus parce que vous savez qu’après, ce ne sera plus possible. 

-Faites gaffe quand même! 

Hanji, toujours là avec ses répliques mal placées.

-Est-ce que je peux vous poser une question, à tous les deux ? 

-Évidemment, Aki.

-Comment est Levi, au travail ? 

Elle vit Erwin et Hanji échanger un sourire en coin.

-Une petite attirance pour les profs, peut-être ? 

Rouge jusqu'au oreilles, la blonde tenta de nier:

-Non… Pas spécialement.

Mais elle devait bien avouer qu’imaginer Levi en train d’enseigner à une classe… En anglais...

-J’avoue qu’il est plutôt pas mal Levi avec son costume… Et ses lunettes. Y’a plus de dix filles qui lui ont envoyé des cartes pour la Saint-Valentin.

-Comment ça ? Mais c’est un prof?!

-Bah, Aki, faut pas être jalouse, la taquina la brune. Puis il est pas mal sexy je crois qu’on peut le dire. En plus ça se sait dans tout le lycée qu’il a un tatouage et ça n’a fait qu’augmenter sa popularité ! Et son accent anglais fait craquer tout le monde. Avec ses bouquins sous le bras, et sa boucle d’oreille...Les élèves l’adorent. Il a l’air super mystérieux, mais ça ne fait qu’ajouter à son charme d’après eux. Aussi, il a joué de la batterie et du piano aux portes ouvertes -bon, je l’y ai un peu forcé- et maintenant tout le monde lui court après.

Elle n’en croyait pas ses oreilles. Levi a un tatouage ? Comment ça, tous les élèves l’adorent ? Plus de 10 lettres ? En costume ? Des lunettes ? Il joue du piano et de la batterie ? Je veux l’entendre parler anglais ! Hanji est professeure, elle aussi ?

-Un tatouage ? 

-Bah, tu l’as pas encore vu ? 

-Non. 

Erwin et Hanji échangèrent une fois de plus un regard.

-Quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ? 

-On était convaincu que tu le savais déjà. Je veux dire, vous avez l’air très proches…, avoua Erwin.

-Du genre “on a fait beaucoup de choses ensemble” proche. Si tu vois de quoi je parle.

-Non, on n’a pas couché ensemble, si c’est ce que vous pensez. Vous êtes putain de lourds à la fin.

Levi n’avait même pas pris la peine d’ouvrir les yeux pour prononcer ces mots.

-La délicatesse incarnée ce Levi., soupira Hanji.

-Laisse Aki tranquille, putain. Elle a dix-sept ans, merde.

-Et alors? Y’a plein de gens qui le font plus tôt.

-Bon on pourrait peut-être passer le sujet? Je pense pas avoir trop envie d’en parler avec quelqu’un d’autre qu’Aki., rétorqua l’homme aux cheveux de jais.

Ce qui fit immédiatement rougir l’interessée. Ça voulait dire qu’il voulait en parler avec elle? 

-On pourrait lui poser la question à elle!, dit joyeusement Hanji. Aki, qu’est-ce que tu en penses? 

La blonde n’eut pas le temps de répondre qu’Erwin vint à sa rescousse.

-Hanji, laisse Aki tranquille. Je pense qu’il sont assez grands pour parler de leur sexualité seuls.

-Mais, Er! Tu sais très bien que si on ne leur en parle pas, ils ne le feront pas de leur côté! 

-Et alors? 

-Alors, le sexe c’est génial!  

Aki avait de plus en plus envie d’ouvrir la porte et de se jeter dehors. Évidemment, ils étaient tous adultes, alors ils savaient ce que c’était. Mais pas elle. 

-Putain, ça t’arrive de la fermer Hanji? 

Levi s’était redressé et il regardait Aki d’un air étrange.

Faites qu’elle ne lui ai pas mis des idées dans la tête, je vous en supplie.

-Jamais! 

-Arrête Hanj’, tu mets Aki mal à l’aise. Ils vont à leur rythme, ok? C’est pas tes affaires., précisa Erwin en regardant dans son rétroviseur. Vous êtes arrivés de toute façon. Bonne nuit!  

-Bonne nuit!  

Ils s’extirpèrent de la Tesla noire et remontèrent jusqu'à l’appartement de Levi.


///


-Joyeux Noël ! S'écria Hanji en déboulant dans la pièce. 

-Oui c'est ça, joyeux Noël quatz'yeux. 

-Allez, c'est No-ël ! Cria la femme en tourbillonnant autour de la table. Noël !! 

Aki, qui coupait des carottes dans la cuisine, rit doucement et proposa à Hanji de s'asseoir. 

-Vous avez pas de sapin ? S'écria Hanji. 

-C'est mauvais pour la planète, lança la blonde. 

Hanji soupira. 

-Noël sans sapin ! Moi qui pensait que je verrais enfin Levi avec un sapin, c'est raté ! 

-Désolée, Hanji, sourit Aki en posant les carottes sur la table. 

La sonnette retentit. 

Levi alla ouvrir. 

-Joyeux anniversaire, Levi, s'écria Erwin tout sourire. 

-Ouais c'est ça. Entre. 

Le blond obéit et retira ses chaussures couvertes de neige. 

-Joyeux Noël, Aki. 

La blonde sourit doucement. 

-Merci. À toi aussi, Erwin. 

Il posa ses cadeaux sur la table. 

-C'est pour vous deux. 

-Ce n'était pas la peine, dit la jeune fille. Moi aussi, j'ai quelque chose pour vous trois… 

Elle sortir les paquets cadeaux de son dos et les distribua. 

Hanji déballa un microscope, Erwin un livre de médecine ainsi qu'un marque-page, et Levi un collier… qui lui était familier. 

-Aki. 

Il leva la tête vers elle et elle fut surprise de voir des larmes dans ses yeux. 

-Viens là. 

Ils s'embrassèrent et le brun la prit dans ses bras, avec toute la tendresse du monde. 

-Merci, murmura-t-il dans son oreille. Je l'ai toujours gardé avec moi dans l'ancien monde… 

C'était au tour d'Aki d'être au bord des larmes. 

-Je t'aime, Levi. Je ne veux pas partir… 

Ils resserèrent leur étreinte et le noiraud embrassa sa nuque. 

Elle sent la vanille et la cannelle. Elle sent l'automne. L'automne d'une vie… 


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Mois de janvier, 20xx


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La jeune fille ouvrit lentement les yeux, et la première chose qu'elle vit fut la douce lumière hivernale qui brillait à travers les fins rideaux. 

Une douce odeur de pancake flottait dans l'air. 

Elle entendait Levi s'activer dans la cuisine. Elle se leva en se frottant les yeux. 

-Hello, Levi, lança-t-elle. 

-Aki. Bien dormi ? 

-Oui oui. 

Il délaissa ses ustensiles de cuisine pour la prendre dans ses bras et lui murmurer dans l'oreille :

-Happy birthday, Aki. 

Elle se mit à rire. 

-J'avais oublié ! 

-Pas moi. 

Ils se regardèrent avant que Levi n'esquisse un minuscule sourire. 

-T'as la marque de l'oreiller sur la joue. 

Aki rougit et posa sa main sur sa joue écarlate. 

-J'ai un cadeau pour toi, signala le noiraud en retournant son pancake. 

-Levi, ce n'était pas la peine… 

-C'est rien de fou. 

Il transféra le pancake dans l'assiette prévue à cet effet et éteignit le feu sous la poêle. Il dénoua son tablier blanc et le posa sur la chaise la plus proche. 

Puis, il se dirigea vers son piano. 

-J'ai cette mélodie dans la tête depuis plusieurs années, et elle m'a toujours fait penser à toi, souffla-t-il. 

La jeune fille s'assit en tailleur par terre et l'écouta. 

Elle sourit doucement. 

-Je l'adore. 

-C'est vrai ? 

-Oui. Hmm… "Je suis lunaire, à environ milles pieds de la terre… " Chantonna-t-elle sur la mélodie. 

-Hm. Pas mal comme paroles. 

-Elles sont dans ma tête depuis longtemps, je n'ai jamais su leur donner une mélodie… je peux t'enregistrer en train de la jouer ? 

///


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Elle attendait devant la porte de sa salle d’anglais (spé) en discutant tranquillement avec Eren, qui était appuyé contre le mur et la regardait, un grand sourire aux lèvres. 

-Et tu sais pas ce qu’elle m’a dit, cette espèce de chouette? 

Aki rit ; il parlait de sa prof de SVT et ça n’avait pas l’air d’être le grand amour entre eux.

-Quelque chose comme “vous feriez mieux de retourner en maternelle si vous ne savez pas que quand le soleil fait une rotation entière, on change d’année, Mr Jäger.”

-Ouais, c’était à peu près ça. Non mais quelle vieille chose! J’avais juste oublié qu’on était passé en 20xx, c’est bon elle pourrait me laisser le temps de m’adapter quand même!, pesta-t-il avec une moue boudeuse.

Ce qui arracha un rire à la jeune fille.

-Bon, j’dois y aller, j’ai anglais. Ou torture, ça va bien aussi, gémit le brun en se tenant la tête comme s’il se préparait à une migraine imminente.

-Jäger, tu peux répéter ?

Les deux adolescents tournèrent la tête de concert et découvrirent Levi, appuyé contre la chambranle de la porte et les toisant de toute sa (petite) taille. Il portait une chemise blanche dont les deux premiers boutons étaient ouverts et dont il avait retroussé les manches jusqu'aux coudes. 

-Oh, Mr Ackerman, grinça le châtain. J’adoooore votre matière ! 

Les deux hommes se jaugaient et Aki pouvait sentir la tension entre eux. Une profonde mésentente semblait les partager et Aki savait que la seule raison pour laquelle ils se retenaient de se tapper dessus était parce qu’ Eren était un élève, et Levi un prof. L’un devait le respect à l’autre. Et le respect, ben Eren ne connaissait pas.

-Aki, vous avez changé de salle. T’as DS en 406.

-Hein? DS?

Voyant le visage de la jeune fille se décomposer, il la rassura :

-Juste un entraînement à l’épreuve du bac. C’est pas comme si t’avais à t’inquièter, t’es quasi fluente.

-Ok, je- j’y vais alors. Bon cours, Eren. Lev-.. Hum, Mr Ackerman, merci.

C’était compliqué de ne pas l’appeler par son prénom, mais la jeune fille savait que ce serait particulièrement suspect si elle faisait l’erreur. 

-Pas de problème.

Les deux hommes la regardèrent s’éloigner en silence.

-C’est quand même étrange que vous ne vous soyez jamais croisés avant, soupira Eren. Ça m’est même pas venu à l’esprit.

-Ouais, acquiesça le brun. Bon, Jäger, j’espère que tu connais tes verbes irréguliers? 

L’expression de l’élève de terminale suffisait pour répondre à sa question.


///


Watermelon sugar high… Breathe me in, breathe me out, I don't know if I could ever go without…


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Levi s’attelait à préparer leur repas du soir et Aki lisait un livre en anglais, allongée sur le sofa avec Nuki sur ses cuisses. Elle fredonnait.

-All it’d take is one flight, we’d be in the same time zone…

Il s’arrêta quelques instants, délaissant ses carottes pour observer la blonde, parce qu’il n’en avait pas vraiment eu la chance depuis un bout de temps.

Elle avait désormais les cheveux coupés en carré long, et plus de frange. Son pull était bleu pastel, et son jean gris. Ses chaussettes étaient comme toujours assorties à son haut. Il aperçut son collier qui dépassait et se rendit compte que le coquillage et l’épingle à nourrice y étaient restés. Comment il était possible qu’elle ait l'exact identique du coquillage vert d’eau, c’était une bonne question.

-Do you got plans tonight? I’m a couple hundred miles from Japan and I, I was thinking I could fly to your hotel tonight, ‘cause I can’t get you off my mind…

Avant de regretter ses mots, il demanda: 

-Tu veux le voir ? Mon tatouage ? 

Aki détacha les yeux de son livre, plaça son marque-page et les fixa sur lui. 

-Je… Oui, je veux bien.

Elle s’attendait à ce qu’il remonte sa manche, mais son copain ramena son t-shirt et son pull par-dessus sa tête et les enleva, se retrouvant torse nu devant la blonde. En tournant son dos vers elle, il lui dit: 

-Et tu n’as rien à craindre, ok? Ce que tu ne veux pas faire, on ne le fait pas.

Elle déglutit.

Sur son dos s’étalaient deux ailes, une bleu nuit et l’autre blanche entremelées, identiques à celles sur le blason du bataillon d’exploration.

Elle posa délicatement son index sur l’encre qui couvrait son dos, émerveillée par la qualité du travail du tatoueur. 

-Elles sont… superbes.

Le simple contact du doigt de la jeune fille sur sa peau suffit à le faire frissoner. Il était tellement vulnérable quand il s’agissait d’elle….

-Tu l’as fait faire quand ? 

Il revint à la réalité et répondit à Aki:

-Quand j’avais 20 ans. 

La blonde ne répondit pas et se contenta de promener ses mains dans son dos un peu plus. 

-Tu as la peau étonnement douce… 

Quand elle effleura un muscle très douloureux, Levi fit un bond.

-Désolée ! Je t’ai fait mal ? 

-C’est le stress. T’inquiète.

-Le stress ? 

Elle continuait à toucher son dos et c’était en train de le rendre fou. Merde. 

-Ouais, le stress. 

-Tu es stressé ? 

En prononçant ces mots, Aki alla déposer un baiser au creux de sa nuque, à l’endroit même où la dernière des plumes était visible.

Il mit un instant à retrouver sa respiration.

-O-oui, euhm, le lycée, c’est assez stressant comme environnement…

-Je sais. Ça doit être encore pire pour toi.

-”Encore pire” ? Ça ne se passe pas bien au lycée ?

-Si, ça va. Et toi ? Comment c’est ? 

-Plutôt bien, en fait. Les mioches me tolèrent apparement. 

-Oui, Hanji m’a dit. Il paraît que tu joues de la batterie ? Et du piano ? Et que tu as des lunettes ? Et que tu as reçu plein de lettres pour la Saint-Valentin ? Et que-

-Foutue Hanji. Ouais effectivement, mais t’attends pas à quelque chose d’incroyable. Ça a une importance que j’ai des lunettes ? Et tu connais les élèves de lycée. Immatures. 

-C’est pour ça, le piano. Je… tu pourrais en jouer ? Et-je… Ça en a une. Effectivement.

-Seulement si je t’accompagne pendant que tu chant- Fuck !

La blonde avait encore touché un point sensible de son dos.

-D-désolée...

Elle retira ses mains et aussitôt, Levi lui demanda:

-Remets-les, s’il te plaît.

-Je te fait mal. 

-C’est pas grave. 

-Tu veux que je te masse ? Ça aidera, peut-être.

Il hocha la tête sans rien dire.

-V- tu pourrais t’allonger sur le lit ?

-Oui.

En essayant de ne pas penser à combien il serait facile de déshabiller la blonde, Levi obéit.

Aki s’assit à califourchon sur lui, de façon à avoir un accès total à son dos. Le brun avait beau savoir qu’elle n’avait aucune arrière-pensée, il avait du mal à ne pas lui sauter dessus.

Putain, Levi, on dirait un animal. Contrôle-toi.

-Vous me dites si je vous fait mal, d’accord? Je ne pense pas avoir beaucoup d’expertise dans ce terrain…

-T’inquiète. 

Elle posa de nouveau ses mains sur le dos de son copain, traçant sa colonne vertébrale à l’aide de son index droit.

-Aki, ça chatouille… 

Il avait du mal à retenir un rire, sensible qu’il était aux chatouillements.

-Désolée. 

Il sentit ses mains s’atteler à vraiment lui masser le dos.

-Détends-toi, Levi…

Facile à dire, avec la blonde assise sur lui.

-Plus facile à dire qu’à faire, murmura-t-il.

-Tu crois que de la musique pourrait t’aider?  

-Ouais, peut-être.

La jeune fille s’enleva de son dos et alla brancher son téléphone à l’enceinte, lançant une playlist intitulée “Work”.

-C’est tout un tas de musiques que je trouve relaxantes, ça devrait aider. Hum, j’espère? 

Les premières notes de Hold on, de Shawn Mendes, retentirent et le professeur, reconnaissant la mélodie familière, commença à décontracter ses muscles.

Reprenant sa position d’avant, Aki sourit.

-Voilà! C’est mieux. Tu es déjà plus détendu.

-Cette chanson est super. T’as pas des goûts dégueu en musique, dis donc.

-Merci. 

Levi se concentra sur les musiques et tenta d’oublier les mains habiles de la blonde massant son dos. 

Au bout d’un moment, il lui demanda :

-Tu veux qu’on échange? Je pense que tu en as besoin.

De nombreuses secondes s’écoulèrent avant que la blonde ne réponde, attendant que Postcard, de Troye Sivan, ne se finisse. 

-Je ne suis pas sûre que…

-Écoute, je ne te ferais rien, d’accord? C’est juste ton dos. 

Aki finit par s’enlever de son dos et le laissa se relever et renfiler son t-shirt, non sans avoir jeté un dernier coup d’oeil à l’encre dans son dos avant.

-Il est vraiment magnifique, ce tatouage…

-Ouais, je suis d’accord. Je te laisse t’installer ? 

Il détourna les yeux de la blonde tandis qu’elle retirait son pull, et dégrafait son soutien-gorge pour lui laisser accès à son dos tout entier.

Ne la regarde pas, ça ne sert à rien.

-C’est bon, Levi.

La voix tremblante de la lycéenne lui indiqua qu’elle pensait tout le contraire de ce qu’elle venait de dire.

Il s’assit exactement dans la même position que la blonde, et posa ses mains sur son dos très clair.

-Ça va?  

-Oui. Vas-y.

Quand les premières notes de I want this, de Lenni Kim, s’egrenèrent, il fut prit d’une furieuse envie de jouer du piano. 

Concentre-toi, Levi.

Quand il entendit la blonde chanter en même temps que le jeune homme, ses mains se mirent à trembler.

-I want this to be everything, I want this to be all that I need, I want this to be all of the thrill, I want this to be everything we could’ve been tonight… Levi? 

Le brun n’avait pas bougé ses mains depuis une bonne minute et cela interpellait la jeune fille.

-Désolé. Je peux y aller?  

-Je t’en prie.

Essayant d’oublier que ses mains touchaient directement la peau de la blonde, il se concentra sur ses gestes.

-Tu as mal là, non?  

Un endroit particulièrement tendu juste à côté de son aisselle droite attira l’attention du brun.

-Oui.

-Je le sens. 

Il descendit plus bas tout en écoutant Aki fredonner en même temps que les différents chanteurs -ou chanteuses.

-Bubbles and bubbly, ooohh, this is a pleasure, feel like we never, act this regular… Click click click and post, dripped dripped dripped in gold, quick quick quick let’s go, kiss me and take off your clothes-

La blonde étouffa un grognement de douleur quand il fit craquer son dos sans faire exprès.

-Euh, désolé… Je t’ai fait mal ?

-Non, tout va bien.

Il comprenait parfaitement l’anglais et pour le coup ça ne jouait pas vraiment en sa faveur. Elle ne s’adressait pas à lui. Elle chantait juste les paroles d’une chanson. Elle n’était pas en train de lui demander de l’embrasser et de se déshabiller… 

Mais quand même. Entendre ces mots sortir de sa bouche, surtout en anglais, ça lui nouait l’estomac.

Il arrivait en bas de ses côtes quand il s’aperçut que la blonde avait fermé les yeux, et qu’elle respirait lentement. Les muscles de son dos étaient considérablement détendus, il pouvait le sentir sous ses doigts.

Pensant qu’elle dormait, il commença à chanter les paroles de la chanson :

-Don’t cry or do, whatever makes you comfortable, I’m tired too, there’s nothing left to say…

-Tu connais Shawn, Levi?  

Sa voix, presque un murmure, donna un léger frisson au brun.

-Évidemment. Tout le monde le connaît. 

-Hmmm, c’est vrai… Mais tu as l’air bien calé sur sa discographie… Hold on est un peu inconnue au bataillon pour la plupart des gens…

Il ignorait pourquoi, mais le fait qu’elle utilise des expressions aussi archaïques que “inconnue au bataillon” lui donnait envie de s’abandonner à ses pulsions et de l’embrasser comme il ne l’avait jamais fait. Mais impossible.

Elle se tut et Levi ne put s’empêcher de remarquer à quel point sa nuque lui était exposée. Il aurait été tellement facile de… 

Levi, contrôle-toi. 

-Levi, c’est moi ou quelque chose brûle? 

Se rendant compte qu’il avait laissé ses courgettes dans le four, le brun se précipita vers la cuisine.

-Oh, putain!, jura-t-il en avisant la fumée noire qui commençait à s’échapper du four.

-Ne te brûle pas, cria Aki depuis la chambre du professeur.

Il laissa échapper un soupir de frustration, quand il sentit la main de la blonde se poser sur son épaule.

-Ce n’est pas grave… 

-C’est juste débile, j’aurais pu éviter ça.

-On est deux dans l’affaire, Levi. C’est de ma faute aussi. 

-Tu crois qu’il y a un moyen de les sauver?  

En voyant l’air dépité du brun, la lycéenne sentit son coeur se serrer.

Elle s’accroupit à côté de lui et lui prit la main.

-On peut peut-être sauver celles du dessous? 

-Tu crois?  

-Mais oui. 

Il ouvrit la porte du four et l’épaisse fumée qui apparut aussitôt les obligea à reculer. 

-Je- retire peut-être ce que je viens de dire, ajouta Aki, se retenant difficilement de rire.

-Oh, Aki, merde! C’est pas drôle!  

-Levi, je crois qu’on a tous les deux vu mille fois pire que des courgettes qui brûlent. Il vaut mieux en rire qu’en pleurer, comme on dit.

Elle lui sourit, mit ses mains sur sa taille et l’embrassa doucement.

-Aki, si tu commences à m’embrasser, il n’y aura plus aucune chance de sauver ces pauvres courgettes, et tu le sais très bien…

La jeune fille lui fit un sourire en coin et s’éloigna de lui pour continuer à couper les carottes qu’il avait laissées en plan.

Une fois l’objet coupable du brûlage de leur dîner éteint, Levi posa le plat sur le plan de travail, à côté d’Aki, et attrapa une fourchette.

-Si tu enlèves la couche du dessus, ça devrait aller?  

-J’en serais pas si sûre si j’étais toi, gamine.

Il souleva les premières courgettes et inspecta celles du dessous.

-Ah ben si, tu as raison. Celles d’en dessous ont l’air comestible. Et je dis bien ont l’air.

-Oh, on ne va pas s’empoisonner avec quelques courgettes un peu brûlées, Caporal.

-Levi. 

Réalisant qu’elle venait de l’appeler Caporal, la blonde secoua la tête.

-Levi, désolée. 

-On peut peut-être reprendre ce qu’on a interrompu avant que mon appart’ se transforme en fourneau? Le dîner peut attendre.

Il lui retira délicatement le couteau des mains et l'embrassa sur la clavicule. 

Nuki vint se frotter à leurs jambes, quémandant des carresses. Son maître la repoussa du pied en soufflant :

-Elle est à moi, Nuki, dégage. 

La jeune fille rit, et bon Dieu qu'est-ce qu'il aimait entendre ce son. 

-Aki, putain, j'en pouvais plus de t'attendre, admit-il de but en blanc. 

-Caporal… 

-Levi. 

-Levi. 

Ils se regardèrent et, pour la première fois dans ce monde, Aki prit l'initiative d'embrasser le brun. Rapidement, les mains de celui-ci trouvèrent le sweat de la blonde et il lui fallut toutes son inhibition pour ne pas le soulever et lui faire l'amour là, sur son plan de travail. 

Aki posa ses mains dans sa nuque, et alla poser ses lèvres dans son cou. 

-Levi, je suis tellement heureuse de t'avoir avec moi. J'ai l'impression de rêver, admit-elle tout bas. 

-Moi aussi, un peu. 

Ils s'embrassèrent à nouveau et cette fois, ce furent les doigts fins de la jeune fille qui agrippèrent le t-shirt de son copain, comme pour s'y ancrer. 

-Tu peux l'enlever, murmura ce dernier. 

-J'ai besoin de ta permission ?, demanda la blonde, un sourire en coin. 

-Oh, Aki, juste déshabille-moi. 

La blonde rit tout bas et se contenta de lâcher son t-shirt, avant d'effleurer la fine peau de son ventre avec hésitation. 

-Aki, soupira le brun à voix basse. Je t'aime… 

La blonde rougit et sourit tendrement, attendrie par la voix rauque de son copain. 

-Mais grouille-toi d'enlever ce putain de t-shirt ou je le fais moi-même, grogna-t-il. 

D'un coup il était beaucoup moins mignon. Mais beaucoup plus sexy, pensa-t-elle. 

Aki se recula pour pouvoir regarder le brun à sa guise, ses joues rougies par leur proximité, ses yeux brûlants de désir, et se décida à lui enlever le tissu qui séparait leurs peaux. 

-Levi, je… 

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase, le noiraud l'ayant coupée d'un baiser langoureux -et quand sa langue vint toucher celle de la blonde, celle-ci ramena ses bras dans son dos désormais nu. 

Elle effleura la peau qu'elle savait tatouée, et remonta ses mains jusqu'à effleurer les cheveux de jai du brun. 

Ils s'embrassèrent avec tellement de fougue que la jeune fille se retrouva collée au mur, les mains de Levi plaquées contre celui-ci. 

Quand, à bout de souffle, ils se séparèrent, la blonde haleta :

-Levi, attends… je… je veux te regarder. Laisse-moi te regarder. 

Le brun déglutit et recula, obéissant à sa copine. 

-Tu es magnifique, souffla-t-elle doucement. Tu- tu fais du sport ? 

-Muscu et course. Ça défoule. 

-Ça se voit, dit la jeune fille en effleurant ses muscles abdominaux. 

Les poils du brun se dressèrent sur ses bras. 

-Aki, dit-il doucement. Tu me rends fou. 

La blonde le regarda, et lui sourit doucement. 

-Levi, tu peux l'enlever. 

-Hein ? 

-Mon pull. Et mon t-shirt. 

-Oh. Oui. 

Il ne perdit pas de temps et la blonde se retrouva en soutien-gorge, avec comme toujours le réflexe de cacher sa poitrine. 

-Toi aussi tu fais du sport, avança le brun en voyant les muscles visibles de son ventre et de ses bras. 

-Beaucoup d'escalade, de yoga, et de la course aussi. Mais je suis assez limitée au niveau des horaires, soupira-t-elle. 

-Pourquoi ?, lança le brun, sans vraiment prêter attention à ce qu'elle disait, plus concentré sur ses mains qu'il n'osait pas poser sur elle. 

-Je suis anorexique, alors m-

-Attends, quoi ? 

Il se recula brusquement, les mains sur ses épaules. 

-Levi, c'est bon, je suis presque guérie, mais ce sont des troubles qui prennent en moyenne entre 3 et 7 ans à guérir, et moi j'ai été diagnostiquée à mes 12 ans… 

Elle posa sa main sur sa joue. 

-Je gère, ok ? Je vois une psychiatre, une psychologue, et une diététicienne. J'ai passé plusieurs années en clinique, mais maintenant je suis dehors, et ça va mieux… 

-Aki, mais pourquoi tu ne me l'as pas dit ? 

-Je n'ai pas envie d'exister que par ma maladie, Levi. J'en ai ras-le-bol d'être définie par elle. 

Son affirmation fut suivie par un long silence. 

-Levi, vraiment. Je m'en sors. 

Il l'embrassa dans le cou et Aki réalisa que ses gestes étaient beaucoup plus doux, comme s'il avait peur qu'elle se brise en morceaux. 

Elle soupira doucement. 

-Levi, tout va bien, je te le jure. 

-Tant qu'on en est à avouer nos travers, tu devrais savoir que les drogues et moi on se connaît bien, murmura le brun. 

-Oh, Levi… 

La blonde fut prise d'une envie irrépressible de pleurer, sans qu'elle sache vraiment pourquoi. 

-J'ai arrêté il y a quelques années, mais avant ça… 

Son silence était assez éloquent. 

Aki se recula jusqu'à pouvoir poser sa main sur la joue du noiraud. 

-Levi, je me fiche de ton passé. Ce qui compte, c'est ton présent. 

-Ok, marmonna-t-il.

-Et tant qu'on y est, je suis allée aux urgences plusieurs fois pour tentative de suicide. Ne prends pas peur quand tu verras mes cuisses, prévint-elle. Et mes poignets. 

À ses mots, il ne put s'empêcher d'effleurer ses poignets. Si on n'y faisait pas attention, on ne voyait pas les fines cicatrices qui contrastaient légèrement avec sa peau plus foncée. 

-Tes cuisses ? 

Elle acquiesça lentement. 

-Ça veut dire que j'ai ta permission pour enlever ton jean ? 

La jeune fille sourit. 

-Oui. 

Le brun ne se le fit pas dire deux fois : il déboutonna son pantalon avec une lenteur presque frustrante, et quand elle fut en sous-vêtements, ne put s'empêcher de regarder ses cuisses. 

Elle avait beau l'avoir prévenu, il eut un mouvement de recul : des cicatrices, toutes dans un stade de guérison plus ou moins avancé, s'étalaient comme une toile d'araignée gravée à même la peau. 

Le souffle coupé par le choc, il les effleura. 

-Aki, c'est- c'est toi qui t'ai fait ça ? 

Elle soupira et baissa le regard. 

-Je n'en suis pas fière. 

-Aki… 

Le brun ne savait pas quoi dire, et il savait que les mots ne suffiraient pas. 

-Tu sais combien les drogues sont addictives, Levi. C'est la même chose avec l'auto-mutilation. C'est comme un… un démon vicieux qui te tire vers le fond. C'est moche, je le sais, souffla-t-elle désespérément. 

-Elles font partie de toi, dit lentement le brun. On n'a qu'à dire qu'elles n'existent pas. 

La jeune fille sourit doucement. 

-Ok, Levi. Elles n'existent pas. 

-Elles n'existent pas, répéta-t-il en se penchant et en l'embrassant chastement. 

Ses mains trouvèrent, dans son dos, son soutien-gorge et, en commençant à l'embrasser sur les joues, puis sur le front, puis sur le cou, il commença le plus lentement possible à le dégrapher. 

Il sentait la blonde s'accrocher à son dos, comme s'ancrant à lui. 

-Attends, Levi, murmura-t-elle tout bas. Je ne devrais pas être la seule à être à moitié… à moitié nue, acheva-t-elle difficilement. 

Pour démontrer ses dires, elle accrocha les doigts de sa main droite dans les passants de son jean bleu délavé et glissa ceux de la main gauche sur la peau de son ventre. 

Le brun, incapable de s'en empêcher, frissonna. 

Putain. 

-Enlève-le, Aki, souffla-t-il dans le creux de son cou. 

La jeune fille obéit et il se retrouva en caleçon, lové tout contre elle. 

Il soupira et alla l'embrasser une fois de plus. 

-Aki, Aki, Aki… souffla-t-il contre ses lèvres. 

Aucun des deux ne bougea jusqu'à-ce que le brun se décide enfin à lui enlever son soutien-gorge une bonne fois pour toutes. 

Pour ne pas la brusquer, il garda le front contre son épaule, puis passa d'abord ses mains dans son dos, et traça la ligne de ses côtes lentement. 

Aki, plus entreprenante qu'il ne l'aurait cru, alla effleurer son entrejambe et-

La sonnette retentit et Levi lâcha un "merde" retentissant. 

-Levi, ignore-la, ne me lâche pas, souffla la jeune fille. 

Comment résister ? 

Il la plaqua à nouveau contre le mur et -

"Rah bordel de merde, arrêtez de sonner !", lâcha Levi rageusement. 

Quand trois coups de sonnette retentirent encore, il se détacha à regret de la jeune fille. 

-Putain. 

Il ne manqua pas d'apprécier la vue de sa copine sans rien pour cacher sa poitrine, les joues et la bouche rougies par leurs baisers. 

-Tu ne bouges pas de là, souffla-t-il. 

Il enfila rapidement son jean et alla ouvrir la porte. 

-Leviiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! Cria Hanji tout sourire. 

Elle le regarda et posa une main sur sa bouche. 

-Attends, pourquoi t'as pas de t-shirt ? 

-C'est quoi, le problème ? Tu fais chier à débarquer sans prévenir, cracha-t-il sans répondre. 

En observant un peu plus son ami, elle remarqua ses joues rouges, sa respiration lourde, ses cheveux habituellement irréprochables en bataille. 

-Akiiii ?, cria-t-elle. 

La jeune fille répondit, toute innocente qu'elle était. 

-O-oui ?  

Le sourire triomphant sur le visage d'Hanji agaça Levi. 

Il allait enfin pouvoir prendre la blonde, et pile à ce moment-là, il fallait qu'elle débarque ? Non mais elle se foutait de sa gueule ? 

-Hanji, dégage. 

Il lui claqua la porte au nez, ferma à clé et retourna vers sa copine. 

-Protégez-vous, hurla Hanji de l'autre côté de la porte. 

Le brun, lèvres sur la clavicule d'Aki, soupira longuement. 


///


La jeune fille s'était endormie presque immédiatement après qu'ils aient fait l'amour. Elle avait sombré dans les bras de Morphée, lovée tout contre Levi, nue sous le drap blanc. Le noiraud lui était resté éveillé, et depuis il la regardait. Il regardait ses paupières bouger légèrement. Il regardait sa poitrine se soulever au rythme tranquille de sa respiration. Quand il la voyait se crisper, faisant sûrement un cauchemar, il caressait doucement son front et elle se détendait un peu sous ses doigts. 

Putain, j'ai besoin d'une clope. 

Il se leva, renfila son pantalon et ouvrit la porte qui menait à son balcon. 

Devant ses yeux s'étalait sa ville, endormie, seules quelques lumières allumées. 

Il alluma sa cigarette et en prit une bouffée, s'appuyant contre la rembarde. Il leva les yeux vers le ciel, et reconnut la constellation de la Grande ourse. 

Il entendit des pas légers venant dans sa direction, mais attendit qu'elle le touche pour se retourner vers elle. 

-Levi ? 

-Aki. 

-Tu fumes. 

-J'en ai besoin, de temps en temps. 

La jeune fille prit la cigarette entre ses doigts, se pencha en avant, se mit sur la pointe des pieds et l'embrassa du bout des lèvres. 

-Ce n'est pas mieux qu'une cigarette? 

-Hmm… 

L'homme aux cheveux charbon fit mine de réfléchir, les yeux dans le vague. 

-J'sais pas j'suis pas sûr. Tu veux bien m'embrasser encore, que je me décide ? 

Aki sourit, les joues rouges. 

Elle l'attira contre elle, puis l'embrassa sur la bouche avec passion. 

Rapidement, Levi passa ses mains dans les cheveux de la blonde, et les posa dans le creux de ses reins contre une de ses chemises qu'elle avait enfilée. 

-Rends-moi ma clope que je la finisse et qu'on aille pioncer, demanda Levi. On a cours demain. 

-C'est la seule de la semaine, le prévint-elle. 

-Aki, sérieux, au lycée j'en ai bien besoin… on peut pas s'embrasser là-bas, tu le sais. 

La jeune fille fit la moue et croisa les bras. 

-Ça te détruit la santé. 

-C'est addictif. J'ai fait pire. 

Elle soupira, l'embrassa sur la joue et retourna se coucher. 

-Bonne nuit, Aki, souffla Levi. 


///


-Hé Eren, t’as pas oublié les verbes irréguliers pour demain?, lança un de ses innombrables amis au détour du couloir.

Le visage du brun se décomposa sous les yeux rieurs d’Aki. 

-Oh merde, ces putains de verbes m’étaient bien sortis de la tête, marmonna le bel adolescent. 

Aki compatissait, Eren ne semblait pas passer une journée très agréable. 

-Sunshine, si tu veux on se retrouve au Freedom Café après les cours pour que je te les fasse réviser? J'y travaille après les cours. J’aurais bien besoin de toi pour m’aider pour mon allemand, j’ai un oral pour demain et j’aimerais que tu corriges ma prononciation. Si tu veux? 

-Ouais ce s’rait grave cool de ta part Aki, tu me sauves!  

Il déposa un rapide baiser sur sa joue et, ayant entendu la sonnerie, fila avec un grand sourire.

Levi avait assisté à leur échange, et ses yeux auraient suffit à tuer quelqu’un.

Il voyait bien que la blonde -sa blonde- et le jeune homme s’étaient rapprochés dernièrement, et bien trop à son goût.

Quand la blonde trouva ses prunelles d’acier, elle lui fit un grand sourire et le brun ne put empêcher son coeur de faire un bond. 

Mais qu’est-ce qu’il l’aimait.

-Aki, j'ai le droit à des cours particuliers moi aussi ? 

La jeune fille rit légèrement. 

-Mr Ackerman, je ne suis pas sûre que vous ayez besoin de cours particuliers en anglais.

-Et en allemand ? 

-Je croyais que vous détestiez ça. 

-Oh, si j'ai une prof aussi charmante je ne dis pas non. 

Il lui fit un clin d'oeil à peine perceptible. 

-File Aki, t'as cours là non ? 

-Oui. Allemand. 

En voyant que ses élèves commençaient à s'agglutiner devant sa salle de classe, il lui fit signe de la tête, lui signalant qu'il était temps qu'elle s'en aille. 

-A tout à l'heure, Mr Ackerman, souffla-t-elle, sourire aux lèvres. 


///


Le grand châtain était accoudé devant elle, et elle lui faisait réciter ses verbes irréguliers anglais. 

“Ok, ensuite… to seek.”

-Allez Aki tu sais très bien que je m’en souviens jamais! Bon, euh, seek… seeked, seeked?”

La jolie blonde sourit.

“Il y a une raison pour qu’il soit dans la liste des verbes irréguliers, Eren.

-Oh merde! Bon j’sais pas, seek… sought, sought?

-Yes c’est ça!”

Ils se mirent à rire ensemble car chacun savait très bien qu’Eren avait dit ça complètement au hasard.

“Euh, excusez-moi, jeune fille? Vous êtes bien employée ici ?”

Un brun s’était accoudé au comptoir et toisait la blonde. 

“Oui, monsieur ! Qu’est-ce que je peux vous servir?

-Hmmmmm… un cappucino.”

Aki profita que le café coule pour jeter un coup d’oeil à son téléphone et vit que Levi lui avait laissé un message: “Je suis rentré.”

Concis, mais la jeune fille savait que ça voulait dire qu’il aurait voulu qu’elle soit avec lui. Elle sourit et jeta un coup d'oeil à sa montre. 18h30 pile. Il lui restait une demi-heure. 

-Voilà votre cappucino, dit-elle au client. 

Celui-ci se saisit de la tasse et alla s'asseoir. 

-Pas commode, souffla Eren, un sourire en coin. 

Aki haussa les épaules.

Le ding de la porte d'entrée retentit et Aki lança un "Bienvenue".

En voyant la chevelure de jais de son copain, elle faillit faire tomber la tasse qu'elle nettoyait. 

-L-Mr Ackerman. Qu'est-ce que vous faites là ? 

Eren devait se douter de leur relation, mais on ne savait jamais. 

-Je viens boire ma dernière dose de théine pour la journée. C'est un problème ? 

-Non non, vous êtes le bienvenu. 

Il s'assit sur un tabouret, à la droite d'Eren, et enleva son manteau. 

-Un thé noir ? Demanda Aki. 

-Ouais. 

-J'en ai plusieurs différents. 

Elle posa la boîte devant lui et Levi farfouilla un instant avant de choisir un sachet. 

-Bon, moi je vais y aller, dit Eren. Mikasa m'attends je pense. Good luck for your exam, il dit à Aki avec un sourire immense et un accent tout aussi immensément nul. 

Aki agita la main en rangeant la boîte de thé. 

-Bye Sunshine ! 

Levi fronça les sourcils en l'entendant appeler Eren comme ça.

-Sunshine ? 

Aki sourit au noiraud en essuyant une tasse. 

-Tout le monde l'appelle comme ça, alors j'ai pris le pli… 

-Mouais. 

Le noiraud posa sa joue dans la paume de sa main et soupira. 

-T'es très proche de lui. 

Aki se retourna pour le regarder, étonnée.

-Pas tant que ça… 

-Vous êtes souvent ensemble. 

La jeune fille fit la moue. 

-Je n'ai pas beaucoup d'amis, et Eren a toujours été gentil avec moi… 

-Mouais, souffla Levi. 

La jeune fille l'observa tout en servant un chocolat à la jeune fille qui venait d'arriver. 

Quand elle eut fini, elle s'accouda au comptoir et murmura :

-Levi, ne me dis pas que...tu es jaloux ? 

Le brun releva les yeux pour les plonger dans les siens et soupira. 

Évidemment que je suis jaloux, mais je ne risque pas de l'avouer devant elle. 

-Tu te fais des idées. 

La jeune fille le regarda quelques instants, l'air peiné. 

-Je pensais que tu me faisais confiance. 

Levi fronça les sourcils. 

-Bien sûr que je te fais confiance. 

-Alors écoute-moi : c'est toi que j'aime, Levi. Pas Eren. C'est juste un bon ami. 

-Ok, souffla le noiraud, soulagé. 

Elle lui sourit et alla servir le latte d'un client. 

///


Mois de février, 20xx


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Levi conduisait tranquillement mais prudemment, car la neige tombait depuis maintenant plusieurs heures. 

Aki avait lancé sa playlist et Secret for the Mad de dodie résonnait dans la voiture. Aki chantait doucement. 

Ils ne parlaient pas, mais ils n'en ressentaient pas le besoin. Leur silence était confortable. La blonde souriait légèrement, apaisée. Le brun était concentré sur la route, mais il ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'oeil à sa copine de temps à autre. 

Puis, tout se passa trop vite, et Aki vit noir. 


///


Quand la blonde ouvrit les yeux, elle ne sentit rien d'autre que la douleur lancinante dans sa tête. 

Où suis-je ? 

L'endroit avait des murs blancs, et des rideaux tirés l'entourait. Elle entendait des bips réguliers. 

Elle avait mal à la tête. Tellement mal. 

Elle ne savait pas où elle était, et encore moins ce qu'elle faisait là. 

Elle vit un bouton rouge et appuya dessus pour appeler les infirmières. 

-Vous êtes reveillée ? lui dit une rousse aux cheveux longs attachés en une tresse. 

-Oui, je… je ne me souviens plus pourquoi je suis là. 

-Vous avez eu un grave accident de voiture… 

Soudain, tout lui revint. La voiture qui avait dévié. La route glissante. La neige. Le froid. Le chaud. Le choc. La douleur. Intense. 

Et Levi. 

Elle se décomposa et son visage perdit toutes ses couleurs. 

-J'étais avec quelqu'un dans la voiture. Où est-il ? 

L'infirmière baissa la tête. 

La blonde serra les poings, sentant ses longs ongles lacérer la chair tendre de ses paumes. 

-Où est-il? , répéta Aki. 

L'infirmière plongea ses yeux dans les siens et secoua la tête. 

Cette fois, elle se mit à crier et ses yeux s'humidifièrent. 

-RÉPONDEZ-MOI, BON SANG ! 

L'infirmière sursauta. 

-Il… il n'a pas survécu au choc. 

Aki se figea, et déglutit. 

-Non, c'est impossible. Il doit y avoir une erreur. 

-Je suis navrée, madame, mais c'est la vérité… 

Aki se laissa tomber au sol, toutes ses forces l'ayant quittée. 

-Levi, pas toi, je ne veux pas, je n'ai pas la force de continuer sans toi, Levi… 

Ses larmes coulaient sur ses joues et tranquillement, suivaient leur route pour s'écraser sur le carrelage blanc. 


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Quelques jours plus tard


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Elle entra sans bruit dans l’appartement plongé dans le noir. 

L’odeur de Levi lui donna les larmes aux yeux. 

Nuki vint se frotter contre elle, quémandant des caresses. 

Hanji était venue chaque jour la nourrir et l'abreuver, ainsi que pour faire un peu de ménage. 

Aki avait la clé, mais c'était la première fois depuis la mort de Levi qu'elle passait la porte de son appartement. 

Elle s’allongea sur le carrelage glacé et commença à chanter.

-Here I am waking up, still can’t sleep on your side…

Your empty coffee cup, the lipstick stains fade with time…

Elle voulait qu’il revienne. Sans lui, elle n’avait pas la force.

Elle n’y arrivait pas. Pas sans lui. 

Elle n’arrivait plus à dormir, sans ses bras autour d’elle et sa présence rassurante. 

-If I could dream long enough, you’d tell me I’ll be just fine…

Elle se tourna sur le côté et sentit le chat se blottir contre elle.

-Je sais Nuki. Je sais à quelle point ça fait mal. Mais il ne reviendra pas. Jamais. Tu m’entends ? Levi ne reviendra pas. 

Elle éclata en sanglots.

-Je suis fatiguée de tout ça, est-ce qu’un jour ce putain d’univers va enfin nous laisser tranquille ? Je n’en peux plus. Je n’en peux plus. Je n’en peux plus… 

Elle s’approcha de la fenêtre, l’ouvrit et se pencha dangereusement bas.

-Et maintenant qui est là pour m’en empêcher? Y’a-t-il au moins une personne qui en aie quelque chose à faire de ma survie? 

Sa voix mourut dans sa gorge quand elle entendit un raclement de gorge, se tourna et réalisa qu’Erwin était là, le regard fixé sur elle. Il avait l’air fatigué. Ses cernes concurrençaient sans problème celles de la jeune étudiante, son col de chemise était plus froissé que d’habitude, et on aurait dit qu’il avait enfilé à la hâte le pull vert sapin qui le couvrait.

-Aki… Éloigne-toi de cette fenêtre.

Son ton était beaucoup plus grave que d’habitude et il avait l’air à deux doigts de la crise de nerfs. 

La petite blonde essuya ses larmes et retourna s’asseoir sur le sol glacé, à côté du chat.

-Je ne prétends pas savoir ce que tu ressens, là, maintenant, mais crois-moi quand je te dis que Levi a eu autant de mal que toi.

-Quand je suis morte.

Le blond hocha la tête.

-Il- il… n’avait plus la même énergie. Contre les Titans, il faisait des erreurs que même un débutant évitait facilement. On a dû lui interdire le champ de bataille. Trop dangereux. C’était de l’imprudence pure et personne ne le connaissait comme ça. 

Quand il vit la blonde tiquer, il reprit la parole.

-Tu détestes l’imaginer comme ça. Tu crois que ça lui plairait d’apprendre que tu t’es jetée d’une fenêtre de son appartement?  

-Il est mort. Qu’est-ce que ça pourrait lui faire?  

-Tu te souviens de ce que tu lui avais dit?  

-Il vous en a parlé ?

-Tu ne l’as pas vu, Aki, et ça se voit. Il était tellement enfoncé dans sa tristesse et son deuil qu’on aurait dit qu’il était mort en même temps que toi… Un soir, je l’ai trouvé étendu dans son lit, et il pleurait, Aki, Levi pleurait. Tu n'imagines même pas sa souffrance. Il ne pouvait plus poser les yeux sur Thomas et Isabel, tellement ils te ressemblaient. J'ai accepté de m'occuper d'eux, et ils n'ont que très peu vu leur papa. Ça a été dur pour eux, tu sais. Et ce ne sont pas les seuls à avoir souffert de ta mort. Eren, Mikasa, Hanji, moi, Armin, Jean… On ne t'a pas connu autant que Levi, mais il n'empêche que tu étais précieuse pour nous. Et tu l'es toujours d'ailleurs. Alors, Aki, ne nous inflige pas une perte de plus. Tu comptes pour nous. 

La jeune fille entoura ses genoux de ses bras. 

-Aki… 

Erwin alla s'accroupir à côté d'elle. 

-Ça va aller. Je te le promets. 


///


Printemps 20xx


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Le vent soufflait fort en ce matin de printemps, sifflant parmi les arbres entourant le cimetière. Il faisait froid, il s’était arrêté de geler seulement depuis quelques semaines. De la pluie était annoncée pour plus tard dans la journée.

C’était un samedi matin, plutôt tôt. Le ciel était grisailleux et seuls, de petits rayons de soleil se faufilaient entre les nuages cotonneux.

Le bruit d’un portail qui s’ouvre, discret, retentit à travers les tombes, comme rebondissant sur les stelles de granit.

Une blonde dans la vingtaine, entre ses mains quatre petits bouquets de fleurs sauvages, s’avança calmement dans le silence presque pesant du lieu. Elle referma prudemment le portail derrière elle, veillant à l’empêcher de claquer.

Elle aurait bien pû faire du bruit, après tout les seuls habitants de l’endroit étaient morts et enterrés, mais c’était une question de principe.

La jeune femme portait une veste en jean bleu foncé, avec une petite fleur de lys cousue sur une des poches avant, un col roulé jaune sable, un pantalon cigarette gris clair qui lui arrivait au milieu des chevilles et des Converse montantes orangées. Ses cheveux blonds vaguement ondulés étaient en partie attachés par un élastique derrière son crâne. Un collier était à peine visible sous sa veste en jean, dévoilant un pendentif en forme de coquillage vert lagon, assorti à ses yeux en amande, et une épingle à nourrice qui ne devait pas dater d’hier.

Aki était une régulière. Elle venait toutes les deux semaines, voir non pas une, pas deux, pas trois, mais quatre tombes. C’était beaucoup, plus que la plupart des gens, mais elle veillait à ce que les emplacements soient toujours décorés de quelques fleurs. 

Elle commença d’abord par la droite, comme toujours, les graviers crissant sous ses pas légers.

Elle s’arrêta devant une tombe de granit rosé, brillant faiblement dans la lumière de l’astre jaune, gravée “Haru Ichinose” et déposa l’une de ses gerbes de fleurs, qu’elle avait cueillies plus tôt dans la plaine qui longeait le cimetière. Elle veilla à les coincer sous un caillou de façon à ce qu’elles ne s’envolent pas avec le vent.

Elle s’accroupit devant la pierre et ferma les paupières quelques secondes.

-Salut, Haru. Je vais bien. La vie se passe bien. Ma dernière chanson a eu un succès auquel je ne me serais jamais attendue, c’est plutôt étrange parce que maintenant on m’arrête dans la rue et on me demande des autographes…

Elle rit doucement.

-Enfin, bref, je vis. De toutes mes forces. C’est bien, j’imagine. J’aurais aimé que tu en aies l’occasion, toi aussi. Avec Yuki. 

Le doux sourire qui flottait sur ses lèvres prit une teinte triste.

-Alors voilà. Je ne sais pas si je pourrais revenir bientôt, car je pars en tournée après-demain à travers le monde… 

Elle soupira longuement.

-Je vais demander à Erwin ou Hanji de te déposer quelques fleurs. J’espère que tu aimes bien les marguerites car il n’y pas grand-chose d’autre à cueillir, en ce moment.

Elle laissa ses mots en suspens quelques secondes et esquissa un sourire.

-Je ne sais pas pourquoi je m’attendais à une réponse. 

Elle se releva lentement, épousseta ses genoux et s’inclina devant la tombe.

-Je reviendrai, promis, Haru. 

La jeune femme continua son chemin et stoppa ses pas devant un emplacement commun: “Famille Misaki”.

Son frère, sa mère et son père étaient enterrés ici. Elle posa un de ses bouquets dessus.

-Bonjour la famille. Moi, ça va. Je ris. Je pleure. Je vis. Je ne meurs pas encore, mais ça viendra bien un jour, plaisanta-t-elle. 

S.O.S d’un terrien en détresse était une des chansons préférées de son frère et de sa mère, et quand elle était enfant ils l’écoutaient en boucle quand ils partaient en vacances pour la Bretagne.

-J’ai un concert en Australie dans quelques semaines, maman. Tu serais fière de moi. Comme j’aurais voulu pouvoir t’y emmener.

L’un des plus grand rêves de sa mère était de voyager en Océanie. Elle n’avait pas pû le réaliser de son vivant, mais sa fille le faisait pour elle…

-Je pars en tournée, alors je ne sais pas quand je reviendrais vous voir. Mais ne vous inquiétez pas, je m’arrangerai pour qu’un ami vienne fleurir votre tombe. Vous allez me manquer…

Elle inspira longuement.

-C’est idiot, mais quand je viens ici, j’ai presque l’impression de vous voir, de vous entendre. Comme si vous étiez vraiment là, avec moi.

Les coins de sa bouche se relevèrent en un petit sourire.

-J’imagine que vous êtes là.

Elle posa une main sur son coeur.

-À bientôt. Je vous aime.

Elle se redressa et, en se mordant la lèvre, continua tout droit dans l’allée puis prit à gauche.

La blonde pila devant un tombeau relativement plus petit que les deux autres. 

Yuki, était gravé dans la pierre, auréolé de deux petits angelots. La famille du brun avait toujours été très croyante.

-Salut, Yuki. Je suis passée voir tes parents l’autre jour, Violette a eu son bac avec mention bien et ils étaient fous de bonheur. “Violette, une mention bien! Qui l’eut cru?” Moi, ça ne m’a pas surprise. Elle a toujours voulu les rendre fiers, tes parents. C’est une fille bien, ta petite soeur. 

Elle avait le coeur gros en repensant au regard si triste de la jeune femme aux yeux gris quand quelqu’un avait mentionné Yuki ce jour-là. Pas la meilleure chose à faire.

-Je suis contente pour elle. Elle va pouvoir intégrer la prépa qu’elle voulait. Enfin voilà, c’était pour te tenir au courant.

Elle mit le petit bouquet à côté des chrysanthèmes que sa famille devait avoir amené quelques jours plus tôt.

-Salut, Yuki. On se reverra bientôt.

Ne restait plus qu’une tombe, mais c’était toujours la plus douloureuse, la plus difficile à regarder mais aussi à abandonner.

Elle fit quelques pas vers sa gauche tout en grattant machinalement sa nuque.

Une tombe tout simple arriva finalement dans son champ de vision et elle s’arrêta devant.

Aki effleura tendrement le granit gris clair de la stelle.

-Bonjour, Levi.

Même après toutes ces années, ces 5 ans qu’elle avait passé sans lui, sa gorge se serrait toujours quand elle pensait à lui, quand elle voyait son nom inscrit dans le roc.

-Je vais bien.

Elle respira un bon coup, sentant les larmes qui commençaient à arriver.

-Je vais bien, répéta-t-elle.

Elle s’assit en tailleur dans les graviers à sa gauche et déposa les petites marguerites sur la pierre.

-Tu te souviens de la chanson que j’avais écrite sur ta partition? Lunaire? Elle a eu un succès incroyable. Je ne sais pas trop pourquoi, je ne pensais pas que ce soit le genre de chanson qui plaise aux gens de nos jours, pourtant… Pourtant.

Elle sourit.

-J’ai mis le petit enregistrement de toi jouant du piano dedans. Elle n’était pas complète sans… C’est peut-être à cause de ça qu’elle plaît autant ? Toi ? Peut-être que les gens peuvent sentir toute la mélancolie qu’elle porte ?

Elle ferma les yeux quelques instants, profitant de la brise sur ses joues rosies.

-Tu te souviens de l’air? 

Elle commença à fredonner la chanson.

-Les paroles, c’est ça: 

Est-ce parce que je n’ai pas, peut-être 

D’affinités avec la Terre ?

Car parfois j’ai l’impression d’être 

Tellement plus loin dans l’univers…

Ou bien je viens d’une différente planète

On ne m’a pas faite avec la bonne palette

Parfois j’ai l’impression d’avoir été 

Tellement seule dans cet voie lactée…

J’pense pas que pour moi on aie aligné les astres

Parce que jusque-là j’ai juste été un beau désastre

Quelqu’un a du s’emmêler les pinceaux quelque part

Il suffit d’un retard, d’un regard

Et aujourd'hui je le dis, je l’écris...

Juste pour connaître la satisfaction 

De pas céder à mes démons 

Juste pour me dire que cette fois là 

C’est pas mon anxiété qui fait la loi...

Elle s’interrompit.

-Et là il y a toi. Ta mélodie. 

Elle jeta un coup d’oeil à la pierre à ses côtés.

-C’est bizarre, j’avais l’impression de te parler, que tu étais vraiment là… 

Elle soupira.

-Ça y est, je délire. Tu sais, on m’a souvent dit que c’est une chanson incroyablement déprimante. Que c’est impossible de mettre le doigt sur ce qui la rend si mélancolique, mais que quand on on l’entend les larmes montent toute seules. Je suis d’accord. C’est sûrement la chanson la plus triste que j’ai écrite. Je n’aime pas trop les mots déprimantes et moroses, parce que c’est de la bonne tristesse qu’on ressent quand on l’écoute, je pense. Comme Mistery of Love après avoir vu Call me by your name, compara-t-elle en esquissant un minuscule sourire.

-Enfin, tout ça pour dire que je pars en tournée. J’ai demandé à passer en Angleterre, comme ça j’irais visiter ta ville natale… 

La jeune femme sourit de nouveau.

-C’est fou comme le temps passe vite, hein? J’ai déjà 22 ans… Time flies, comme ils disent.

Elle se tut et laissa le silence s’installer pendant quelques minutes.

Finalement, elle regarda sa montre. 

-J’ai encore du temps… Erwin et Hanji viennent te voir, de temps en temps? Erwin est très occupé avec sa paternité, mais je pense qu’Hanji doit venir te parler de ses super expériences régulièrement, non? Tu es le seul qui l’écoute sans l’interrompre.

Elle eut un sourire en coin.

-La petite fille d’Erwin est magnifique. Elle s’appelle Maria. Elle est toute blondinette comme son papa, et… Mais en fait, tu dois déjà tout savoir d’elle, j’imagine qu’il ne fait que te parler d’elle comme le papa poule qu’il est, ricana-t-elle.

Elle se tut pendant quelques minutes à nouveau. 

-Je… je crois qu’il se passe quelque chose entre Eren et moi… Ça me terrifie, parce que j’ai l’impression de te trahir. Je ne sais pas, il a toujours été tellement gentil avec moi… Après ta mort, il venait me voir toutes les semaines malgré la fac de médecine qui lui prenait tout son temps. Comme je vis plus près de sa fac que lui, il a fini par rester dormir quelque fois… Et non, rien ne s’est passé, mais je crois que j’aurais aimé que ce soit le cas. Je l’aime bien. Je l’aime plus que bien. C’est différent d’avec toi, Levi, mais c’est bien. Tu crois que je devrais lui dire ? Jean m’accompagne en tournée, aussi. C’est mon batteur. Rien de mieux pour lui, hein ? 

Elle hésita quelques secondes.

-Je ne t’oublie pas, Levi. Promis. J’essaie juste de… de vivre normalement. De me remettre. Ce fut long, mais je crois que je suis prête à reconstruire quelque chose avec quelqu’un. 

Elle inspira fébrilement.

-Je crois que tu serais fier de moi. J’espère. En tout cas, tu me manques terriblement. Toujours.

Elle soupira en voyant qu’elle devait partir, et sauta sur ses jambes.

-J’ai à faire, Levi. Je ne sais pas si tu peux me voir, si tu peux m’entendre, sûrement pas, mais sache que tu seras toujours là, dans mon coeur. Jamais personne ne pourra te remplacer, et je te promets que je fais de mon mieux. Je t’aime. Mais il faut que je vive. Je sais que tu aurais voulu que je vive. J’essaie, j’essaie vraiment, mais c’est tellement dur, parce que tu es encore là, dans ma tête, dans ton appartement j’ai l’impression de te revoir, à chaque fois que je pose les yeux sur Nuki je repense à toi, et ça fait un mal fou. Alors… j’ai décidé de le laisser à Hanji, car elle a besoin de plus de place. Je ne t’abandonne pas, Levi, j’essaie juste de vivre. De passer à autre chose. De me remettre de toi… Je pense demander à Eren d’emmenager avec moi. J’espère que tu es d’accord… Alors...Au revoir, j’imagine. Je serais bientôt de retour.

Elle essuya les larmes qui avaient commencé à couler au milieu de sa tirade. 

-Je t’aime, Levi. Et ce sera toujours le cas.

Aki se détourna et se dirigea vers la sortie du cimetière, quand les nuages se dégagèrent et le soleil apparut, l’éclairant de toute sa lumière.

La jeune femme sourit, appréciant la douce chaleur.

La vie n’est pas si mal, après tout.





Et voilà. J'ai fini ma fanfiction ! Au fil de l'écriture, Aki et les autres sont devenus plus que de simples personnages pour moi. J'ai un petit coin de mon coeur qui leur est réservé. J'ai toujours un petit pincement au coeur quand je me dis que jamais plus je n'écrirai sur eux...

En tout cas si vous avez aimé, passé un bon moment, si vous avez ri, qu'est-ce que j'en suis heureuse. Merci d'avoir partagé leurs aventures avec moi. Merci d'avoir lu. Si le coeur vous en dit, n'héistez pas à ma laisser un petit commentaire, j'en serais ravie. :)

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