L'automne d'une vie
*Recommandation de musique : One more light, Linkin Park*
La pluie tombait, comme mécanique, sur la croupe des deux chevaux alezans. Leurs sabots claquaient répétitivement contre la terre ramollie par la pluie. Leurs cavaliers, habillés d’une cape d’un vert sapin, étaient trempés comme des soupes. Les cheveux de la plus petite des deux dégoulinaient, mais ils gardaient tous deux leurs regards fixés sur l’horizon sans s’en déconcentrer.
-Aki, on sera jamais rentrés à temps pour coucher les deux microbes.
-Je sais, en plus Thomas a une sortie avec l’école demain, il faut qu’il soit couché tôt…
-Ben oui. Et Isabel a des problèmes de sommeil, si on commence à la mettre au lit tard elle va être épuisée.
-On aurait dû y penser avant, Levi…
-Quels mauvais parents on fait, soupira lentement le brun.
-Ils ont l’habitude, souffla amèrement la belle blonde.
Les deux amants se turent, questionnant soudainement tous leurs choix de vie. Devraient-ils se consacrer à leurs enfants plutôt qu’à leur travail ? Mais en même temps, n’essayaient-ils pas d’assurer un avenir meilleur à leurs enfants ?
-Tu crois qu’on devrait quitter le bataillon ?
-Pas moi, mais toi… Peut-être, admit le caporal.
-Je me vois mal mère au foyer, rétorqua Aki.
-Je sais.
Ils laissèrent le son de la pluie les dominer, se concentrant à nouveau sur l’horizon, espérant voir un signal de fumée qui leur annoncerait la retraite.
A la place, ce fut une fumée noire qui s’éleva.
Le noiraud jura entre ses dents.
-Un déviant !
De loin ils entendirent la voix d’Hanji leur crier :
-On est tout près de la forêt d’arbres géants, on va s’y diriger pour abattre le déviant !
Levi et Aki échangèrent un regard affolé : sous cette tempête, abattre un déviant ? Ils avaient beau être deux des meilleurs soldats de l’humanité, c’était assez osé…
Arrivés à l’orée de la forêt, ils s’accrochèrent aux premiers arbres visibles et laissèrent leurs chevaux alezans retourner chez eux -ils étaient assez autonomes.
Quand Aki aperçut le déviant, et laissa échapper un juron -ce qui était très rare. Jamais elle n’avait vu un titan aussi grand, il atteignait presque les branches basses des arbres immenses.
-Levi, les yeux, Aki, genou gauche, Eren, genou droit, hurla Hanji pour se faire entendre à travers les trombes d’eau.
Quand Aki vit Levi s’élancer, elle ne put empêcher son cœur de faire un bond. Et si je le perds ?
Mais elle ne s’écouta pas et imita son mari, coupant promptement le genou de l’énorme titan.
Ce qu’elle ne vit pas venir, c’était l’autre titan, beaucoup plus petit, qui s’était tapi dans l’ombre du plus grand, et elle n’eut même pas le temps de réagir à part brandir sa lame émoussée qui se planta dans le menton du titan avant que ses dents se referment sur son genou -œil pour œil, dent pour dent.
Elle s’affala sur les racines marron des séquoias, et sur le coup sa chute lui fit si mal qu’elle ne sentit rien d’autre que sa tête qui tournait.
J’ai mal.
Pourquoi est-ce que je suis tombée ? Mon harnais est déficient ?
Elle se retourna, réalisant qu’elle était totalement exposée au petit titan, et put à peine voir Levi lui trancher la nuque avec une précision frôlant la perfection.
-Aki, qu’est-ce que tu fous par terre ?, hurla le brun, et Aki perçut le début de panique dans sa voix. Grouille toi de remonter sur un arbre !
La jeune fille obéit et se propulsa, atterrissant bancalement sur une branche. Elle bascula en avant, et se rendit compte, horrifiée, qu’elle n’avait pas laissé qu’une lame au titan de petit gabarit.
Ma jambe. Ma jambe. Ma jambe.
Elle porta une main à sa bouche et ses larmes se mirent à couler, lentement, sur ses joues. Elle s’assit difficilement sur la branche et ôta sa cape qui avait viré à un vert sapin avec la pluie. Se forçant à regarder sa blessure, elle respira lentement et se fit un garrot.
-Aki, putain mais qu’est-ce que tu fous ?
La voix en colère de son mari fit faire un bond à son cœur, et elle se retourna, en larmes.
-Levi, je…Je…
Elle vit ses yeux s’écarquiller quand ils se posèrent sur la flaque de sang qui imbibait son pantalon blanc.
-Oh merde, putain de bordel de merde, non, pas ça, Aki, tu…
Il s’agenouilla à ses côtés et observa la blessure.
C’est là que la blonde commença à voir des étoiles.
-L-Levi, je crois que… je ne vais pas rentrer.
-Merde Aki ne dit pas ça !
Il se précipita au côté de la mère de ses enfants et serra la cape verte de toutes ses forces.
-Tu perds trop de sang, il faut arrêter l’hémorragie, mais ça va aller, on peut vivre avec une seule jambe…
Il leva la tête vers la blonde et effleura ses lèvres. Elles étaient bleues.
-Tu tiens, Aki, ne me fais pas ça. Je te bouge, on va te sauver, ne t’inquiète pas.
La main de la blonde qui se posa sur son épaule le retint dans son mouvement pour se relever.
-Levi, chéri.
Elle ferma les paupières et inspira lentement.
-Dit aux enfants que je suis désolée. Et que je les aime.
Elle chercha sa main et, quand elle la trouva, serra doucement ses doigts. Ces doigts qu’elle connaissait par cœur, qui connaissaient son corps par cœur, qui avaient porté ses enfants, qui l’avaient soutenue tant de temps…
Elle rouvrit les yeux et regarda tendrement le brun. Ses yeux lagons n’avaient jamais été si tendres, et soudain Levi sentit son cœur se serrer.
-Et toi, Levi, je t’aime, comme je t’aime…
Elle embrassa, avec une douceur sans pareille, ses phalanges.
Elle eut soudainement un flashback de tous les moments passés avec Levi, le jour de leur rencontre, le jour de leur premier baiser, le jour où ils avaient fait l’amour pour la première fois, le jour de la naissance de Thomas et Isabel, celui de leur mariage…
J’ai trouvé la partie de moi qui m’a toujours manqué. Et je l’aime tellement…
Levi avait toujours su retenir ses larmes, mais cette fois c’était trop. Il était en train de voir son âme sœur, la mère de ses jumeaux, la femme qu’il aimait depuis maintenant plus de dix ans, s’éteindre sous ses yeux sans rien pouvoir y faire.
-Aki, ne me laisse pas, tiens, je t’en supplie, je…
Il déglutit et essuya rageusement ses larmes.
-Je ne peux pas, je ne veux pas vivre sans toi. J’ai besoin de toi, Aki, ne me laisse pas seul…
Ses mots résonnèrent dans la pluie et il ne reçut aucune réponse.
-Aki ?
Il la regarda dans les yeux.
-Aki.
Il tapota sa joue.
-Aki ?
Il la secoua.
-Aki ?!
Il prit son pouls et ne sentit rien.
-Aki, Aki, merde, Aki, réponds-moi !
Il prit son poignet, lui mit des claques.
Ses sanglots étaient étouffés par la pluie, et il se mit à crier le nom de la petite blonde.
-Aki !
Il laissa sa tête aller et la posa sur le cou de la jeune femme.
-Aki, souffla-t-il, comment peux-tu me faire ça…
Il se redressa assez pour l’embrasser, et la froideur de la mort sur les lèvres bleutées de la blonde le laissa sans voix.
Il arracha le collier avec l’épingle à nourrice et le pendentif coquillage de la soldate et enleva doucement son écharpe.
-Levi, mais qu’est-ce que tu fous ?
La voix incendiaire de Hanji ne suffit pas à le faire se relever.
Eren se posa à côté d’Hanji et la retint par le bras.
-Hanji, c’est Aki, je crois que…
Il n’acheva jamais sa phrase, car Levi se retourna, les larmes encore dégoulinantes et les pupilles en feu.
-On la ramène, et si l’un d’entre vous essayer de m’en dissuader, je le tue.
Et il ne plaisantait pas.
Et c’est de cette façon que la femme qu’il aimait, la mère de ses enfants, s’éteignit à tout jamais.
Adieu, Aki.
Mot de l’auteure :
J’écris cette fanfiction depuis mes 12 ans, et j’en ai maintenant 18 ! Elle aura survécu à énormément d’événements de ma vie, dont une hospitalisation de 8 mois pour cause d’anorexie mentale, qui m’a énormément appris et m’a permis d’énormément réfléchir notamment sur l’avenir de cette fanfiction…
Ce n’est pas le dernier chapitre mais l’avant-dernier, je vais essayer d’écrire le dernier rapidement afin de ne pas trop vous faire attendre.
J’ai aussi commencé un chapitre « hors-série » qui s’appelle Fate, où on retrouve nos deux tourtereaux à l’époque moderne…
Si vous aviez la bonté de me laisser un petit commentaire pour me dire ce que vous avez pensé de ma petite histoire, ce serait très apprécié. J’ai adoré l’écrire et cela me fait un gros coup au cœur de me dire que je vais bientôt l’avoir finie, après plus de six ans d’écriture, quarante-et-un chapitres…
Je vous dis à très bientôt (j’espère), et vous souhaite une belle matinée/journée/soirée (nuit ?) ! Je vous remercie pour votre fidélité pour cette fanfiction, sans vos commentaires adorables je n’en serais jamais venue à bout !
(P.S. : Je suis nulle pour écrire des scènes d’amour mais si quelqu’un veut en écrire une sur Levi et Aki, ce sera avec grand plaisir que je la publierai…)