L'automne d'une vie

Chapitre 37 : XXXVII

2498 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a presque 4 ans

La vie sans Aki se révéla… intéressante. Il se surprenait à penser à elle beaucoup plus souvent que ce qu’il aurait crû, et six longues semaines s’écoulèrent, lentement, au rythme du café qui s’écoule, au son du stylo grattant sur la feuille.

Il avait lu plus que de coutume, se demandant ce qu’il faisait pour occuper ce temps libre avant.

Eh bien la réponse était simple; il le passait avec Aki.

Après deux semaines sans la voir, il avait commencé à réaliser combien il était devenu dépendant d’elle. Il avait toujours dédaigné avoir des attaches; et il suffisait que la jeune fille arrive dans sa vie et il abandonnait tout le reste?  

Non. Ce n’était pas une bonne chose.

Finalement c’était peut-être un mal pour un bien, ce temps de battement. Il ne voyait pas plus loin qu’elle quand ils étaient ensemble. Il n’avait pas réalisé à quel point il… il avait besoin d’elle.

D’accord, ils étaient un couple, il était normal qu’ils passent du temps ensemble. Mais il avait toujours été un électron libre; pas d’attaches était le maître mot.

Il détestait ce qu’il était devenu. On aurait dit une moule qui s’accrochait désespérément au rocher qu’était Aki.

Elle était devenue toute sa vie. Et c’était malsain.

Il se décida à sortir avec Erwin et Hanji la troisième semaine; et tous deux lui firent la réflexion qu’ils ne l’avaient pas beaucoup vu, dernièrement. 

“Aki, hein?” avait même souri le grand blond. 

Ils étaient un couple, certes, mais ils se devaient de rester deux humains avec leurs propres personnalités, leurs propres pensées, désirs, peurs. C’était comme si ce qu’était Aki avait déteint sur lui, et il avait un peu l’impression de s’être perdu, lui. 

Qui était-il? 

Levi. Pas le copain d’Aki. Et il devait se rentrer ça dans la tête, que Aki était peut-être une grande part de sa vie, mais qu’elle n’était pas toute sa vie.

Elle avait eu raison, après tout. Réfléchir, séparément, lui avait fait du bien. 

La quatrième semaine, il se décida à s’attaquer au grand ménage du bâtiment. Ça faisait quelques temps que ça n’était pas arrivé, et toutes les recrues grognèrent quand elles dûrent se saisir de balais, de seau et de serpillère et astiquer jusqu'à voir leur reflet dans les carreaux du carrelage.

Il aperçut la blonde en train de nettoyer les vitres de fenêtres, et remarqua qu’elle discutait tout sourire avec Eren, mais s’enfuit bien vite quand elle se retourna. Trop tôt.

La cinquième semaine, alors qu’Eren geignait sous les demandes d’Hanji à ce qu’il se transforme en Titan, Erwin engagea la conversation avec le caporal :

-Ça fait longtemps que je ne t’ai pas vu si détendu. Mais ça fait aussi longtemps que je ne t’ai pas vu avec Aki. Il s’est passé quelque chose? 

-On fait un break, annonça Levi sans le regarder.

-Hmm. Elle te manque? 

Ils échangèrent un regard, et Levi se détourna en haussant les épaules.

Évidemment qu’elle lui manquait, mais il ne l’avouerait jamais à voix haute. 

Le blond sourit et posa son menton sur sa main en observant Levi.

-Pourquoi tu me regardes comme ça? 

-Si j’avais un jour cru que je te verrais amoureux

Le brun fut tellement frappé par ce qu’il venait de dire qu’il en oublia de répondre.

-Oh, ta gueule. 

-Tu ne nies pas! Alors, tu l’aimes? Pour de bon? Vraiment? 

Le soldat aux cheveux de jais fut surpris par le naturel de sa réponse.

-Ouais. Pour de bon. Vraiment.

Cela arracha un grand sourire au blond. 

-Eh ben… Prochaine étape, le mariage, hein? 

Il passa un bras autour des épaules de l’autre homme, qui d’habitude l’aurait repoussé, en riant.

-Non mais tu pousses un peu là, grogna Levi, même s’il devait bien avouer que l’idée d’Aki en robe de mariée n’était… pas déplaisante. Faudrait déjà qu’on survive assez longtemps, et… T’es au courant qu’on a un nombre dingue d’années d’écart?

-Hm, oui je sais bien. Et alors? 

-Et alors, au moins jusqu'à ce qu’elle ait 18 ans, c’est pas légal du tout.

-Bah, personne s’en soucie de ça. Comme si on avait que ça à faire. Et puis, c’est bizarre mais… Tu as l’air tellement plus jeune quand tu es avec elle, et elle fait bien ses 18 ans, alors ça ne choque pas de vous voir ensemble. Au contraire même, ajouta-t-il avec un sourire en coin. Vous êtes bien assortis.

Levi ne put s’empêcher de remarquer que ses joues chauffèrent un peu quand il dit cela.

-Oh, merde, ferme-la Erwin.

L’autre partit dans un grand éclat de rire qui eut pour effet d’attirer Hanji.

-Eh ben les gars, on s’amuse sans moi? Bah bravo! Qu’est-ce qu’il se passe??

-Rien Hanji, rien du tout, grogna Levi.

-Je disais juste à notre cher Levi que Aki et lui font un très joli couple…

-Ohhhh mais c’est vrai ça! Vous êtes a-d-o-r-a-b-l-e-s!! 

-C’est bon, j’en ai assez eu, je m’en vais! lâcha le brun.

En vérité, il était juste profondément gêné. Il n’avait jamais connu ça, les taquineries débiles sur son couple, tout simplement parce qu’il n’avait jamais été en couple -du moins pas sérieusement.

Et Aki, c’était sérieux. Il le savait. Il le sentait. 


***


À une heure de la nuit assez avancée, Levi décida qu’il avait bien mérité un café (un double, même). Il se leva, s’étira de tout son long en baillant, et évalua ce qu’il portait avant de décider qu’un pull à capuche et un pantalon de coton blanc était une tenue convenable pour se balader dans les couloirs la nuit -de toute façon, il n’allait pas croiser âme qui vive, si? 

Il prit la bougie qui fondait lentement sur son bureau, ferma le dossier qui l’occupait depuis quelques heures, et alla ouvrir sa porte puis la referma sans bruit.

Tandis qu’il empruntait les couloirs qu’il connaissait par coeur, ses pensées se perdirent dans des endroits sombres qu’il arrivait à éviter la plupart du temps, mais pas ce soir. Ce soir, il était simplement trop fatigué, trop épuisé à la fois émotionnellement et physiquement.

Il ne pouvait s’empêcher de penser à Furlan, à Isabel, à Petra, à Mike… Et une fois qu’il entrait dans la spirale, il n’en sortait plus. Il n’en sortait plus. 

Il soupira longuement quand il fut arrivé dans la cantine, et alla se servir du café qui attendait toujours dans une cafetière, au-dessus de la cheminée. Il décida qu’il pouvait s’accorder quelques instants de répit, et s’assit à même le sol devant le feu brûlant. Passant sa main dans ses cheveux de jais, il soupira encore une fois. Il repensait à Aki, et à la fois où il l’avait brûlée. Il repensait à Aki, à la fois où elle lui avait mis un coup qu’il n’était pas près d’oublier. Il repensait à Aki, à la fois où il lui avait mis un coup qu’elle n’était pas près d’oublier. Il se sentait perdre pied petit à petit, et généralement ce n’était pas de bonne augure. Ça faisait quelques temps qu’il n’avait pas eu d’attaque de panique, mais il la sentait arriver, et là tout de suite, il n’avait même pas la force d’essayer de se battre.

Il respira régulièrement. Il compta les braises dans le feu. Il compta cinq choses qu’il voyait (la bougie, la cheminée d’un orange vif qui lui rappelait les couchers de soleil, les carreaux du carrelage qui se répétaient à l’infini, son pull, ses mains), quatre qu’il sentait (l’odeur du feu de bois, celle du café qui chauffe, l’odeur si reconnaissable de la nuit et celle de la pluie), trois qu’il entendait (de légers bruits de pas, le craquement du bois qui brûle, sa propre respiration qu’il tentait de rendre régulière), deux qu’il touchait (le sol froid et la porcelaine tiède de sa tasse) et une dont il avait le goût en bouche (son café). Il essaya de se concentrer sur tout, tout. Tout sauf ses souvenirs, qui l’engloutissait comme une immense bouche dont il ne pourrait s’échapper. 

Mais rien ne marchait. Sa respiration lui échappait, ses mains commençaient à trembler, son estomac faisait des noeuds et il avait l’inquiétante impression qu’il allait se mettre à vomir. Il essuya rageusement les larmes qui avaient coulé sur son menton - ces traîtresses.

-Caporal? 

Oh, il connaissait cette voix. Il la connaissait par coeur. Mieux que la sienne, même.

-Gamine, non. Dégage. S’il te plaît.

Il détestait l’inflexion qu’avait pris sa voix, la façon dont elle s’était cassée vers la fin.

-Levi, qu’est-ce qui ne va- Levi, mon Dieu, tu… 

Elle n’acheva jamais sa phrase, et décida à la place de poser délicatement ses bras autour des épaules du brun et de l’attirer à elle. 

-Je vais bien, Aki, je vais bien…

-Chut, murmura la blonde en caressant ses cheveux d’ébène, et le brun obéit, parce que c’était elle. Je suis là, Levi. Je ne te lâche plus.

Et pour la première fois depuis longtemps, très longtemps, Levi se laissa aller et pleura de tout son soûl dans le creux de la nuque de la blonde. Il ne pouvait s’empêcher de remarquer à quel point elle sentait bon, la vanille et la cannelle, et il se détestait de l’aimer autant alors que d’autres n’avaient même pas la chance de vivre.

Il se sentait coupable. Il se sentait tellement coupable.

La spirale tournait, tournait, et Levi sombrait, sombrait.

-Levi, tu penses. À quoi ?

-Pourquoi… pourquoi je ne peux pas arracher mon cerveau et mes pensées avec ? Je suis fatigué de penser, Aki, je suis fatigué…

-Je sais, Levi, je sais… On va essayer quelque chose, d’accord? Donne-moi ta main.

Le soldat fit ce qu’elle lui demandait et il ne put s’empêcher de remarquer comme ses mains à lui paraissaient hideuses, comparées aux siennes.

Elle guida leurs mains enlacées vers sa poitrine et les posa sur son coeur. 

-Tu le sens battre?

Levi hocha la tête, essayant de ne pas penser à là où était sa main.

-Tu peux respirer en même temps? 

Il articula un petit oui, et ils respirèrent tous les deux en rythme avec les battements du coeur de la jeune fille.

-Tu es embarqué dans une spirale de pensées, là maintenant. Et tu es coincé dans ce cycle de haine envers toi-même. Tu te dis que tu ne vaux rien, que tu ferais mieux d’être mort à leur place, peut-être même que tu te demandes ce que je fais là, pourquoi je perds mon temps avec toi. 

La blonde commença à lentement remonter sa seconde main, qu’elle avait posée sur son épaule, jusqu’à atteindre sa joue où elle repoussa les quelques mèches lui tombant sur les yeux et fit paresseusement des cercles avec son pouce.

-J’aimerais clarifier que je ne pense pas perdre mon temps. Je t’aime, Levi, et il y a une raison à ça: tu n’es pas tel que tu te vois. Ton cerveau ment, tes pensées mentent. Ne les écoute pas.

Elle se recula assez pour coller leurs fronts et dit tout bas :

-Ne les écoute pas. Écoute-moi. 

-Je t’écoute, souffla-t-il. J’aime ta voix, admit-il encore plus bas en espérant presque qu’elle ne l’entendrait pas.

-J’aime tes yeux, répondit-elle sur le même ton.

C’était étrange, mais elle lui arracha un sourire. 

-Moi aussi, j’aime tes yeux. Ils sont magnifiques.

-J’aime tes cheveux. Surtout quand ils sont en bataille, ajouta-t-elle.

-Comme maintenant, répliqua-t-il, sarcastique. J’aime tes cheveux, surtout quand tu les tresses. Ils rayonnent.

-J’aime tes cils. J’aimerais avoir les même.

-J’aime ton nez. Il est adorable.

Cela fit sourire la blonde, ce que fit soulever les coins de la bouche du brun.

-J’aime ta bouche, souffla-t-elle. Je ne m’en lasse pas, ni de l’embrasser ni de la regarder.

Cette fois, Levi était clairement en train de sourire. 

-J’aime ta nuque. Putain, je voudrais l’embrasser à chaque fois que je te vois.

Pour démontrer ses dires, il déposa ses lèvres juste en-dessous de la naissance de ses cheveux.

-J’aime tes mains. Elles sont belles, et tellement rassurantes. J’ai l’impression que je pourrais faire n’importe quoi quand elles sont dans les miennes.

-Et merde , j’aime ta clavicule. J’ai envie de laisser un suçon sur ce putain d’os à chaque fois que je te vois. Ça me rend fou.

Aki rit doucement, et le taquina :

-Alors pourquoi vous ne le faites pas? 

Il rêvait, ou son sourire était devenu plus sensuel? Non, pas moyen. Il s’imaginait des choses. Oh, Jésus, cette fille allait le tuer.

-Aki, gémit-il, j’ai pas l’impression que tu te rendes compte d’à quel point j’ai envie de toi.

-Si, murmura la blonde doucement, une main sur son épaule. Je me rends compte.

-Ok, souffla le brun. Très bien. 

Ils se regardèrent pendant un long moment avant que le brun ne se relève.

-J’ai encore du boulot, mais, euh… j’ai congé demain, est-ce que, euh… Enfin…

Le soldat le plus fort de l’humanité était gêné.

Il se grattait nerveusement la nuque, et évitait le regard de la blonde.

-Je t’avais parlé d’un… d’une sortie en ville et…

La jeune fille n’en crut pas ses oreilles.

-Vous me proposez un rencard? 

-Ben ouais, putain j’en meurs d’envie Aki. 

-Moi aussi, sourit-elle.

-Ok.

-Ok.



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