Le destin des Ackerman - Tome 1
Chapitre 54 : Epilogue - Un jour de recueillement
3492 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 04/06/2020 21:07
Il pleut sur le district de Karanes en cette froide matinée d'hiver. La place du marché, les rues marchandes, l'avenue principale, la grande laverie, les puits... Tous ces endroits sont déserts à cause de ce qui menace cette ville avec son écho lointain. Les énormes et épais nuages gris qui couvrent toute l'étendue du ciel, aussi loin qu'il est possible de regarder, annoncent un orage qui se fait déjà timidement entendre mais sans pourtant faire douter sur sa résolution à s'inviter par ici.
Sous cette pluie battante, dans cette ambiance morose et grisâtre, vulnérable à la colère des éléments, une silhouette vêtue d'un uniforme de l'armée sillonne les allées bordées d'herbe trempée du grand cimetière du district, un bouquet de fleurs à la main.
Cette personne pénètre dans la partie militaire des lieux, là où des centaines de tombes dénombrent les tristes disparitions de centaines de soldats du bataillon d'exploration, sinistre résultat de leur lutte centenaire pour la liberté ô combien meurtrière. Certaines sépultures sont là depuis des dizaines d'années, en témoignent le lierre qui envahit la stèle, l'herbe qui dévore les soubassements puis ce lichen et cette mousse qui recouvrent la surface en pierre — abîmée et effritée avec l'érosion du temps — de la tombe. D'autres, comme celle devant laquelle s'arrête le soldat qui porte les ailes de la liberté dans le dos, sont très récentes et entretenues.
Après avoir baissé la tête pour observer cette épaisse plaque de granit, la jeune femme frissonne violemment à cause de la désagréable sensation provoquée par quelques froides gouttes d'eau qui s'échouent sur sa nuque avant de couler le long de ses vertèbres.
Quelques instants plus tard un éclair illumine les alentours puis le tonnerre gronde de toute sa magnifique et intimidante puissance, deux secondes plus tard. Un véritable rideau de pluie s'abat alors sur Karanes au point de faire se lever une brume inquiétante qui s'ajoute à une atmosphère déjà sombre et maussade.
Rapidement trempée jusqu'aux os, ses cheveux noir de jais collés à son visage par l'humidité, elle s'agenouille avant de regarder tristement les gouttes de pluie heurter violemment la pierre et couler le long de sa surface granuleuse jusqu'à remplir éphémèrement les encoches tracées par la main humaine, formant un nom accompagnés de deux dates.
T H O M A S R A L L E
2 8 Février 8 3 5 — 4 Février 8 5 1
Elle reste immobile pendant une bonne minute, silencieuse, le regard fixé sur ce nom de famille erroné pour elle mais qui ravive tout de même des souvenirs douloureux pour certains et agréables pour d'autres, sans nul doute les plus précieux de sa jeune vie. C'est sous ce nom que tout le monde le connaissait et qu'on se souviendra de lui mais ne pas mentionner sa véritable ascendance lui enlève une importante part de lui-même, à son sens.
Mikasa soupire finalement, essayant sans succès de se rappeler du timbre exact de la voix de son brun. Elle souffre de constater que ce son si particulier s'est mué en poussière dans sa mémoire, après seulement un an séparée de lui.
La pluie battante devient un bruit blanc, tout comme le rugissement provoqué par le ciel qui se déchire avec violence, alors que son cœur se serre, soudainement tenaillé par une possibilité terrifiante, une peur profonde : et si un jour elle oubliait même son visage, que le bleu si particulier de son regard devient le vestige flou d'un passé idyllique et idéalisé ?
En fait, quelles preuves lui reste-t-il que tout ça a vraiment existé à part ce bracelet en cuir noir tressé à son poignet et ces blessures, encore sanguinolentes dans son cœur amputé, qui tardent à se muer en cicatrices.
Le pourront-elles un jour ?
Son regard sombre tombe sur ce petit vase en terre cuite dans lequel gît un bouquet de fleurs fanées. La jeune femme comprend que Teresa a dû passer il y a quelques jours, elle ne voit pas qui d'autre pourrait venir se recueillir ici.
Mikasa se penche pour retirer les végétaux défraîchis puis s'affaire à vider le pot de son eau pour enfin y disposer son propre bouquet. La brune observe ces fleurs et leurs couleurs en se demandant si ça ne serait pas ridicule des parler à cette tombe. Pourrait-il seulement l'entendre alors que cette stèle surplombe une tombe vide.
Elle se rappelle alors de leur retour à Krolva, ce jour de la soixante-deuxième expédition extra-muros.
La cour centrale de la caserne était jonchée des victimes du jour. L'infirmerie était pleine à craquer alors la plupart des malheureux avaient été disposés là. Certains avaient déjà le visage caché par une couverture, d'autres hurlaient de douleur alors qu'un médecin essayait d'arrêter l'hémorragie. C'est entre eux que Mikasa marchait, furetant à la recherche de son amant avec l'espoir de le trouver vivant.
Elle croisa son supérieur et l'aborda immédiatement.
— Caporal-Chef !
Livaï se retourna et, en reconnaissant la jeune femme, son visage se décomposa parce qu'il savait précisément pourquoi elle venait le trouver.
— Où est Th... Commença-t-elle mais se tut lorsque l'officier baissa tristement la tête.
— Je suis navré, Mikasa. Juste après que tu sois partie pour aller chercher Eren, nous avons été assaillis par un groupe de titans, nous n'avons pas pu récupérer son corps. Avoua-t-il.
Malgré sa douceur, sa sincérité et sa tristesse qui ne faisaient pas de doute, le soldat Ackerman ne pouvait pas accueillir cette nouvelle aussi choquante que désespérante autrement qu'en sentant le monde s'effondrer sous ses pieds.
Tout son corps se glaça sur place, sentant son palpitant se séparer en deux comme un séisme fendrait la terre. Ses yeux s'humidifièrent rapidement, ne pouvant pas être autre chose que spectatrice de la cruauté funeste de ce destin aux sadiques desseins. Elle avait encore un infime espoir de le revoir, même si ce n'était que le temps de son dernier souffle, pour lui dire au revoir le serrer dans ses bras une dernière fois. Un dernier moment où elle aurait pu sentir la chaleur de son corps...
Non seulement il était mort mais elle devait maintenant accepter de ne pas pouvoir caresser son visage paisiblement figé par la mort ni nettoyer son corps brisé.
Le décès de Thomas faisait affreusement écho au passé à lui donner le vertige... Mort de la main d'un traître et son corps perdu à jamais, comme sa sœur; arraché à Mikasa qui retrouvait enfin la sensation d'appartenir à une famille et d'avoir un avenir, qui lui a été arraché aussi brutalement que des années auparavant avec autant d'injustice mais aussi d'impuissance de sa part.
Livaï la laissa là et, en passant près d'elle, posa brièvement sa main sur le sommet de son crâne puisqu'il ne saurait faire autre chose lui qui n'a jamais été doué pour les discours ni les mots réconfortants.
Lorsqu'elle se retourna puis partit en direction des dortoirs, Mikasa croisa l'escouade Arlelt et tous avaient une mine déconfite. Julia, dont l'épais bandage autour de sa jambe droite était imbibé de sang, semblait effondrée à la façon dont elle pleurait, prostrée sur elle-même, la tête reposant sur les cuisses de Judith qui caressait ses cheveux blonds pleins de poussière, lentement avec un air absent. Annie, quelques mètres plus loin, était adossée à un mur et observait tristement cette bague munie d'une lame cachée, la faisant tourner nonchalamment entre ses doigts.
La jeune femme pressa le pas pour rejoindre la chambre de Thomas, pièce qu'elle partageait jusqu'alors de façon clandestine avec lui. Elle trouva une chemise posée sur le dossier d'une chaise, l'une des siennes. Mikasa s'en saisit et la porta à son visage pour humer sans retenue le parfum singulier du vêtement. L'odeur du soldat Ralle lui dit autant de bien que de mal et elle ne put se retenir de laisser ses sanglots éclater avant de se laisser tomber sur le bord du lit puis sur le flanc.
Mikasa revient à elle, rappelée à l'instant présent par une énième goutte qui s'invite dans son col.
Saisie par une sorte de trac parce qu'elle hésite à prendre la parole, elle range nerveusement une mèche de cheveux trempée derrière son oreille puis s'éclaircit la voix.
Nouvelle hésitation.
Elle lève alors sa main vers la stèle et, du bout de l'index, parcourt lentement ces encoches qui forment la première lettre qui y figure : « T ».
La jeune femme ouvre la bouche mais aucun son ne parvient à en sortir, les mots restent bloqués dans sa gorge et s'y bousculent. Elle frissonne ensuite, ayant la curieuse et désagréable sensation que quelqu'un l'épie. Tout naturellement elle regarde par dessus son épaule et balaie les alentours du regard mais ne remarque personne.
Peut-être est-ce le souvenir de l'enterrement qui la hante... Après que les autres personnes venues à la cérémonie soient parties pour la laisser seule avec son chagrin, elle avait ressenti cette même impression que quelqu'un l'observait de loin. Quand elle se retourna c'est Eren qu'elle vit, le visage fermé à l'expression indéchiffrable, les mains dans les poches. Il la fixait et après quelques secondes, tourna les talons.
Elle soupire à nouveau et revient à la tombe.
— Je suis désolée... Dit-elle enfin. Je suis désolée de ne pas être venue te voir pendant cette année qui vient de s'écouler...
La brune passe ses mains des ses cheveux courts — coiffure pour marquer son deuil — afin de dégager son visage des mèches récalcitrantes.
— Je n'y arrivais pas, vraiment pas... Mais aujourd'hui c'est un jour spécial... C'est ton anniversaire.
Mikasa baisse la tête.
— Tu avais dit qu'on vieillirait ensemble...
Elle pousse lentement le pot de fleurs pour qu'il revienne à sa place initiale.
— ...Mais tu me laisses le faire seule, tu aurais dû avoir dix-sept ans aujourd'hui...
Elle se redresse et fait le tour de la tombe pour s'installer derrière, s'asseyant par terre avant de s'y adosser. Mikasa ramène ses jambes contre elle et les entoure de ses bras avant de laisser reposer son front sur ses genoux.
— J'aurai aimé que tu vois ces milliers de gens qui sont parti s'installer dans le mur Maria, que tu découvres la mer, que tu viennes à Mahr avec nous...
Le petit groupe qui s'était infiltré dans une ville portuaire ennemie — afin de rencontrer les nouveaux alliés de l'île du paradis — sont rentrés il y a quelques jours à peine et Mikasa a une nouvelle fois perdu quelqu'un de proche. C'est pourquoi le silence s'installe de nouveau, elle s'arrête de parler pendant de longues secondes.
— Eren est parti. Lâche-t-elle.
L'image de son frère adoptif qui quitte l'assemblée Mahr est encore claire dans son esprit, tout comme cet espoir naïf de le retrouver à la sortie du bâtiment parce qu'il ne supportait pas le discours du représentant eldien. Elle s'attendait ensuite à le voir près de leur bateau, prêt à repartir...
Lui aussi, il est parti. Loin d'elle, loin de sa surveillance, loin de sa protection.
La question qu'il lui posa la veille la décontenança.
— Mikasa... Pourquoi tu te soucie autant de moi ? Est-ce que c'est parce que je t'ai sauvée quand nous étions enfants ou parce que... Je suis ta famille ?
— Uh..? Que...
— Qu'est-ce que... Je suis pour toi ? Ajouta-t-il.
Elle se figea, prise de court par ces questions qui prenaient tournure surprenante et déroutante. Elle rougit soudainement en comprenant la gravité de la situation et se retrouva à le fixer, bouche-bée.
Que pouvait répondre la jeune femme en remarquant que le regard de son frère était perçant, intéressé et vif comme elle ne l'avait plus vu depuis des semaines sinon des mois. Son visage avait une expression triste, résignée même, quelque part. Ce regard qu'il posait sur elle lui rappelait vaguement quelqu'un. Si elle remplaçait le vert de son iris par du bleu et y ajoutait plus de brillance, Mikasa y voyait ce genre de regards amoureux que pouvait lui lancer Thomas. C'est là qu'elle comprit quelque chose qu'elle n'aurait pas remarqué auparavant.
Mais sa petite théorie pourrait-elle vraiment s'avérer exacte ? N'était-elle pas à ce moment précis en manque d'affection et de tendresse au point de s'imaginer des choses ?
Non. Ce que Mikasa venait de remarquer semblait être la dernière brique de quelque chose, la dernière pièce d'un puzzle qu'il ne lui avait jamais été donné de même apercevoir. Ses regards méfiants envers Thomas quand il s'approchait d'elle, son énervement lorsqu'il la trouva dans la chambre de ce dernier un matin, son mutisme et sa distance les mois qui ont suivi...
Il est possible que si aucun autre brun n'avait été dans sa vie elle aurait pu consentir à lui donner une infime partie de ce qu'il cherchait, peut-être même qu'elle aurait dû le faire pour éviter qu'il ne s'en aille...
Pour elle la leçon fut longue et difficile à apprendre mais la jeune femme est maintenant persuadée que l'amour dans sa forme la plus pure et simple est avant tout un besoin et une envie de s'approcher de l'autre, de le toucher et lui parler. Pourquoi ne l'a-t-il jamais fait ?
Elle soupire une énième fois et frissonne à cause de la froideur inspirée par l'humidité qui gagne rapidement l'ensemble de son corps.
— Je me sens plus seule que jamais... Dit-elle en se redressant, appuyant sa tête contre la pierre taillée. Mais c'est de ma faute. Avec le recul je crois que je nous sentais si invulnérables ensemble que j'ai perdu peu à peu ma vigilance. J'aurai dû être avec toi du début jusqu'à la fin, j'aurai dû faire tout ce que je pouvais pour être dans la même escouade que toi et te protéger, parce qu'on doit toujours protéger ce qui nous est le plus précieux.
Mikasa plonge une main dans l'une de ses poches et en tire une feuille de papier pliée en trois. Elle la déplie et la parcourt avec nostalgie. La première fois qu'elle lu ce document elle fut surprise par la finesse du tracé des lettres et le soin apporté.
« Mikasa,
Je sais que tu as regardé le petit objet qui accompagne cette lettre avant de la lire, je te connais bien. Ce n'est pas très grave, en écrivant j'imagine très bien ta tête entre surprise, interrogation et euphorie. Sans doute même que tu auras sombré dans tes pensées avant de te décider à déplier cette feuille de papier avec ce petit air que j'aime tant.
Tu t'es sûrement demandé pourquoi tu as trouvé ça là ou encore pourquoi tu le reçois aujourd'hui. J'en étais sûr que tu oublierais... Tu laisses trop de choses encombrer ta tête.
Aujourd'hui tu fêtes tes seize ans, ma chérie.
Tu rougis en lisant ce surnom ? Haha, ça ne m'étonne pas, je le réservais pour cette lettre. Tu refuses un autre surnom alors je me venge comme je peux. Mais ne crois pas que ça a moins de sens ! Tu es ce que je chéris le plus au monde.
Voilà pourquoi tu as trouvé cette petite chose. C'est sûrement trop tôt et c'est sûrement trop engageant mais je sais que c'est ce qu'on veut tous les deux, parce qu'il n'y a aucun doute possible : je te considère comme la femme de ma vie et je t'aimerai toujours.
Tu es belle, soucieuse, forte, intelligente, affectueuse, pleine de surprises et par dessus tout tu es la personne avec qui tout semble simple, accessible. Avec toi je me sens pousser des ailes et me dépasser devient facile. J'ai énormément de chance de t'avoir et d'être celui que tu as choisi. Alors, avant que tu ne changes d'avis parce que je suis trop têtu et inconscient, je t'offre ceci.
Mais ne crois pas que tu vas t'en tirer si facilement ni que tu peux déjà porter mon petit cadeau. Gardes-le avec toi et viens me retrouver à Karanes dans l'après-midi. Je t'attendrai sur le pont de la rivière qui précède notre forêt préférée.
C'est là que j'aimerai te dire dans les yeux que je souhaite me lier à toi pour toujours et mettre à la place qui lui revient ce que tu as trouvé avec cette lettre.
A tout à l'heure,
T. »
Elle tourne sa main gauche et la tend pour en observer l'annulaire, entouré à sa base par un anneau d'argent. Mikasa reste plusieurs secondes à fixer ce bijou symbolique et lourd de sens avec une mine triste.
Mikasa s'était rendue à ce rendez-vous et ne se l'explique toujours pas. Après tout, Thomas était tout à fait capable de simuler sa mort pour lui faire une surprise... Non ? En tout cas elle s'attacha à cet infime espoir, même si la surprise aurait été de très mauvais goût.
Pendant des heures elle attendit sur ce pont. Elle regarda l'eau s'écouler et la cime des arbres s'agiter au rythme du vent, à chaque fois qu'une tête brune apparaissait au loin elle eut un coup au cœur mais malheureusement, personne ne vint la retrouver.
— Je le porte depuis que j'ai reçu ta lettre... Dit-elle finalement.
Ce papier et ce bijou sont pour elle plus précieux que n'importe quoi d'autre, même plus encore que cette écharpe rouge qui entoure constamment son cou.
Ces mots tracés à l'encre ont cet étrange pouvoir de réussir à la faire rire et pleurer à chaque fois qu'elle consulte ce document. Bien évidemment qu'il avait vu juste à chaque fois qu'il s'avance en prévoyant sa réaction. Lorsqu'elle reçu cette lettre son attention fut directement attirée par ce petit objet lourd qui déformait l'enveloppe. En l'ouvrant c'est avec stupéfaction qu'elle découvrit un anneau.
Mikasa plongea dans ses pensées pendant un long instant, retournant la lettre à la recherche du moindre indice sur l'expéditeur mais ne trouva rien. Il ne lui fallut cependant pas bien longtemps pour remarquer la singularité de ce bijou et conclut donc qu'une seule personne pouvait en être l'origine. Mais pourquoi l'envoyer ?
Peu importe, malgré la mort encore très et trop récente de Thomas, ce fut assez pour illuminer sa journée qui — comme toutes les autres — était lugubre et triste.
Il avait prévu sa surprise, ses pommettes qui rougissent en lisant ce "ma chérie" ainsi que tous les compliments livrés avec.
Elle serre ses poings et se replie de nouveau sur elle-même parce que aujourd'hui plus que jamais la jeune femme ressent à quel point cette disparition l'a amputée d'une partie d'elle-même. Ses yeux s'humidifient, sa gorge se serre et rapidement des sanglots se font entendre.
Un an s'est écoulé depuis la soixante-deuxième expédition extra-muros et malgré l'annihilation de la menace des titans, malgré le temps écoulé et malgré le soutien de ses amis qui font en sorte de la faire sourire tous les jours, la blessure n'est pas cicatrisée. Un trou béant demeure dans sa poitrine et son cœur meurtrit par la perte de l'être aimé ne peut se résoudre à battre sans douleur.
Mikasa le savait pourtant, ce monde est aussi magnifique que cruel et quand il est assez généreux pour que les rêves commencent à se réaliser, il ne peut s'empêcher d'accabler ces pauvres mortels qui se débattent toute leur vie pour survivre et tenter d'approcher ce bonheur si inaccessible. Le destin est tragique, nul homme ou femme ne peut prétendre à trop de beauté ou de pouvoir sans le payer d'un désastre, le sort se rit de ceux qui visent trop haut. Il écrase au moindre caprice tout ce que les pauvres âmes qu'ils sont peuvent bâtir et la chance et l'amour qu'il avait accordés, il les reprend.
C'est cet état de fait qui lui arrache des larmes par dizaines, chacune brûlant un peu plus la peau de son visage crispé par la peine.
Cachée derrière cette stèle, le visage enfouit entre ses mains et ses genoux, elle sent la pluie battante se calmer soudainement.