Le destin des Ackerman - Tome 1
Chapitre 33 : Chapitre 32 - La reconquête, partie 1
4536 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 03/05/2020 16:03
C'est le petit matin et le jour ne daigne pas encore se montrer, pas même la moindre lueur annonciatrice à l'horizon. Les deux cents soldats du bataillon avancent à pied en colonne dans une forêt sombre. Leurs lanternes sont leur seul moyen de se repérer pour avancer.
— Merci de t'occuper de mon cheval. Dit Eren à Mikasa.
Thomas et Julia sont juste derrière eux et l'entendent distinctement.
— Inutile que tu gaspilles ton énergie à ça. Répond Mikasa.
— Oui je sais bien...
— Elle a raison, économise-toi Eren. Ajoute Conny qui n'est pas loin non plus.
— On ne dit pas de nom crétin. Réprimande Jean.
— C'est vrai, pardon.
— Imagine-toi toujours qu'on est entourés d'ennemis. Ajoute le soldat Kirschtein.
L'instant suivant il regarde à sa gauche et plusieurs lanternes vont suivre son regard.
— Titan à gauche ! S'écrie un soldat devant eux.
— Compagnie halte ! Ordonne un officier.
Des lames sont tirées de leur fourreau mais, après quelques secondes à le dévisager, le démon ne bouge pas.
— Tout va bien, il dort comme un bébé. Annonce Hanji qui abaisse sa garde. Ce n'est pas donc pas un de ceux qui restent actifs la nuit.
Thomas porte son regard à Julia qui fixe le titan avec de grands yeux ronds, toute tremblante. Le jeune homme lui attrape sa main droite, libre, qui pend le long de son corps.
Elle sursaute, regarde cette main qui se joint à la sienne puis remonte le long du bras à laquelle elle est reliée jusqu'au visage de son ami. Elle soupire profondément. Même après la récente opération à Trost à laquelle elle a participé, mademoiselle Smith reste terrorisée par les titans et cette obscurité oppressante dans une forêt dense n'aide en rien.
Finalement la troupe se remet en route.
— Tu n'as pas peur toi... Tu ne tremble même pas... Remarque Julia en serrant ses doigts autour de la main du jeune homme qui marche à ses côtés.
— Pas encore... Répond-il.
Elle est surprise par sa réponse et le regarde.
— Il faut avoir peur pour bien se battre non ? Il détaille l'expression de Julia qui hoche lentement la tête. Tiens, regarde... Pose ta main sur ton cheval, écoute sa respiration, sent la puissance de ses pattes, la chaleur qu'il dégage...
Julia le dévisage encore pendant quelques secondes puis se tourne vers sa monture avant de poser sa main à plat sur l'épaule de sa patte avant. Effectivement, elle sent la chaleur de son corps et ses muscles saillants. Ses doigts glissent jusqu'à ses côtes pour apprécier la rythme régulier de sa respiration profonde.
— C'est rassurant non ? Demande-t-il avec un petit sourire.
Julia respire plus profondément en essayant de se concentrer sur la vitalité de ce cheval et finit par acquiescer. Sa peur ne disparaît pas mais cela lui permet de tenir le coup.
Mikasa lance un regard par dessus son épaule vers les deux membres de l'escouade Hanji, ayant entendu les mots du soldat Ralle. Elle découvre alors un autre de leurs points communs : la capacité à complètement enfouir la peur pour protéger et rassurer les autres. Une seconde plus tard, elle le voit déboutonner l'attache de sa cape puis la retirer.
— Julia... Appelle-t-il.
La jeune femme se tourne vers lui et voit cette cape qu'il lui tend. Surprise, la blonde ne comprend pas son intention.
— On échange ? Précise-t-il.
Les yeux de Julia oscillent entre lui et cette cape puis se décide à faire de même. Elle détache ce vêtement vert sur lequel figure le blason du bataillon d'exploration et l'offre à son camarade tout en se saisissant du sien.
Quand elle met celle de Thomas sur son dos, elle perçoit son odeur et la chaleur de son corps, ce qui s'avère être plus efficace que celle de sa monture. Elle abaisse la capuche et soupire longuement. Un petit sourire se dessine sur ses lèvres et elle se détend peu à peu, beaucoup plus apaisée.
Mikasa détourne le regard et fixe le sol. Cette sensation lui est familière, elle reconnaît ce que ressent Julia en ayant reçu ce vêtement de Thomas. Elle n'est pas en mesure de toucher son écharpe rouge qui ne quitte pratiquement jamais son cou mais c'est la même chose, c'est bien plus qu'un vieux vêtement : c'est une marque d'affection, d'attention et de protection. Porter cette chose autour de son cou lui permet de se sentir en sécurité et de savoir Eren constamment avec elle.
Pour une raison inconnue, elle se remémore ce moment pendant lequel elle se préparait, presque vingt-quatre heures plus tôt. Mikasa venait de terminer de s'habiller et ajustait son uniforme. Elle se saisissait ensuite de cette écharpe qu'elle enroula autour de son cou puis la noua afin d'éviter de la perdre en route ou pendant le combat, comme toujours.
Dans une pulsion qu'elle n'explique toujours pas, elle ouvrit le petit tiroir de son chevet qui était vide à première vue mais, au fond de celui-ci, reposait un bracelet en cuir tressé. Avec le temps la jeune femme avait décidé de ne plus le porter.
Mais à ce moment là elle eut besoin de le regarder, de s'en saisir, de le tenir entre ses doigts. Elle ne pouvait pas le porter mais avait le besoin de le garder avec elle.
Elle soupira. Ce bijou réveillait sa frustration et son amertume, illustrait la fatalité qui l'a frappée des semaines plus tôt mais elle ouvrit la poche gauche de sa veste et l'y laissa tomber, se résignant à garder ce cadeau près de son cœur à défaut de l'avoir autour de son poignet.
Mikasa est tirée de ses pensées quand elle remarque que son frère adoptif se prend le poignet qui tient la lanterne.
— Eren ?
— Pourquoi tu trembles comme ça, tu as peur ? Demande Armin à qui ça n'a pas échappé non plus.
— Quoi ? Mais non n'importe quoi ! S'offusque celui qui est de réputation le plus téméraire d'eux tous.
— Arrête de mentir, tu as les mains qui tremblent. Insiste Armin.
— C'est... C'est juste que je grelotte, j'ai les mains gelées ! Se défend Eren.
Mikasa les observe tous les deux avec son expression neutre, attentive.
— Ah bon ? Moi, je n'arrive pas à m'arrêter de trembler de frousse. Avoue le blondinet. Regarde...
Eren observe cette main qui porte la lanterne et la voit trembler, et pas qu'un peu.
— Tu t'es déjà senti terrorisé face aux titans ? Les gens normaux en sont terrifiés. Moi aussi la première fois que j'ai dû en affronter un, je me suis retrouvé pétrifié. Mais toi, tu es venu me rattraper et tu m'as tiré de la gueule du titan. Où as-tu trouvé le courage de faire une telle chose ? Demande Armin qui fixe le sol.
Mikasa l'écoute et ne peut que plussoyer : Eren est quelqu'un de courageux et il ne recule devant rien ni personne, elle est bien placée pour le savoir.
Mais un autre souvenir lui vient et elle revoit un brun aux yeux bleus qui galope vers elle au milieu de cette horde de titans déchaînés, s'arrête à sa hauteur, descend de son cheval et l'aide à se relever.
— Vite, monte ! S'écria-t-il avant de l'aider à se hisser sur la selle en lui faisant la courte échelle.
La jeune femme se dit alors qu'il doit avoir le même courage que Eren pour sciemment sacrifier ses chances de survie au profit des siennes afin qu'elle puisse remplir leur mission.
La jeune femme jette un autre coup d’œil à Thomas : il discute calmement avec Julia, sans doute pour qu'elle arrête de penser à ce qui les attend très prochainement. Son regard se fixe de nouveau devant elle.
— ...me montrer ce vieux bouquin. Avant ça je ne m'étais jamais intéressé à l'extérieur des murs. Je passais mes journées à regarder défiler les nuages. Jusqu'à ce jour où je t'ai écouté parler, les yeux brillants... Tu avais des rêves plein la tête et la mienne était vide. C'est là que j'ai pris conscience que j'étais prisonnier, enfermé dans une cage minuscule, privé de liberté par des monstres aberrants. Quand j'ai compris ça j'ai eu la haine. Je ne saurai pas l'expliquer mais me battre pour retrouver la liberté... Oui, ça me galvanise.
Eren lâche sa main : il ne tremble plus.
— Merci, ça va mieux maintenant. L'an prochain on sera sûrement en train de contempler la mer. Affirme le jeune Jäger, ce qui fait sourire Armin.
Mikasa n'est pas aussi optimiste ni enjouée. Elle a toujours trouvé que leur rêve commun avait du sens mais elle ne l'a jamais partagé, elle se sent toujours laissée sur le côté quand ils discutent du monde extérieur et s'imaginent le parcourir. La jeune femme ne peut pas nier que ça peut être magnifique et que découvrir de nouveaux paysages est sûrement grisant mais ce n'est pas son objectif.
Elle fixe le sol d'un air absent. Si Eren a raison, si tout se passe comme il le pense, ça voudrait dire que dans un an ils seront libérés des titans et elle pourra retrouver sa vie d'avant, une vie paisible...
Soudain elle tourne la tête et s'arrête, stupéfaite.
— Je crois que je reconnais le coin. Dit-elle. Je me souviens être venu chercher du bois par ici.
Toutes les personnes alentours se tournent vers elle, Thomas la regarde lui aussi.
— On voit le pied de la montagne ! On devine l'ancienne route !
— On y est presque. Dit Eren.
— Je peux entendre la rivière. Ajoute Mikasa.
— Ça y est, on est rentrés... Pour la première fois depuis le jour de la débâcle, nous voilà de retour chez nous... Termine Armin.
Alors qu'ils passent l'orée de la forêt, le mur du district de Shiganshina apparaît. Eren et Armin pressent le pas.
Thomas s'avance pour être à la hauteur de Mikasa pendant qu'ils sont dans la dernière ligne droite et qu'elle admire tristement cette ouverture béante dans le rempart. Son regard est attiré par cette silhouette qui apparait au coin de son regard et reconnaît Thomas Ra... Ackerman.
Il ne la regarde pas, ne semble pas faire attention à elle alors qu'il marche à ses côtés. Ses yeux bleus admirent le paysage, les vestiges de ce district abandonné depuis plus de cinq ans.
Son comportement la déstabilise un peu, elle ne sait pas à quoi s'attendre. Ils se sont promis il y a plusieurs semaines de s'éviter au maximum pour prévenir toutes tentations incestueuses, mais de l'eau a coulé sous les ponts et le désir n'existe sûrement déjà plus, c'est pourquoi il ose aujourd'hui, pense-t-elle.
— Mikasa.
— Uh ? Sursaute la jeune femme qui s'était encore perdue en pensées. Elle affiche cet air qu'il trouve si mignon quand elle s'en rend compte.
Elle le regardait mais n'avait pas remarqué qu'il venait de commencer à faire de même. Il détourne le regard.
— Tu étais encore dans tes pensées... Pense-t-il à voix haute en souriant simplement et sincèrement.
Peut-être aurait-elle préférée qu'il l'évite et soit ce Thomas froid et désintéressé qu'elle a vu dans certains moments sombres, en fin de compte.
— Je suis impatient de me battre pour te permettre de retrouver ton chez toi. Dit-il, faisant écho à une chose qu'il lui avait déjà dite avant la seconde bataille de Trost.
Intérieurement Thomas souffre, plus qu'il ne veut bien l'accepter. Mais ces dernières semaines il a pu s'entraîner à cacher sa douleur derrière son sourire. Sa seule envie serait de lui prendre la main, pour qu'ils avancent jusqu'à cette grande ville en se donnant mutuellement du courage et de la force.
Il repense à la dernière nuit et, malgré la bienveillance qu'il cherche à avoir envers ses camarades et malgré l'esprit altruiste qu'il veut embrasser, il ne peut pas s’empêcher d'être déçu que ce ne fut pas Mikasa qui vint le rejoindre. Il ne regrette en aucun cas d'avoir aidé Julia mais la veille de cette bataille cruciale et vitale pour l'avenir de l'humanité il aurait aimé dormir en compagnie de cette brune qui accapare ses pensées.
Pas par désir charnel ni pour replonger dans les travers qu'ils ont décidé d'éviter. Simplement pour être encore une fois entouré de ses bras et sentir sa chaleur le bercer doucement. Cette sensation lui manque et, malheureusement, plus il fait d'efforts pour s'en éloigner et pour l'oublier, plus ça l'obsède.
Ses cauchemars ne lui montrent plus du sang qui remplace son thé ou des visages sans corps qui l'observent. Il ne voit plus qu'elle. Le jour, la nuit, en rêve, en pensées... Elle est toujours là à hanter son esprit.
Devient-il complètement fou ?
La seule chose qu'il veut c'est être près d'elle, quoi qu'ils puissent être l'un pour l'autre, quelque soit leur relation... Il veut être là pour la protéger, pour lui permettre de réaliser son rêve.
— Je compte sur toi... Dit-elle après un moment.
Ils ne sont plus qu'à quelques centaines de mètres de la porte de Shiganshina. Le jour s'est levé et offre un magnifique ciel bleu légèrement nuageux.
— Attention aux titans, surveillez les angles morts ! Hurle le Major. L'opération commence maintenant, passez en manœuvre tridimensionnelle !
A cet ordre, les escouades Hanji et Livaï grimpent sur la selle de leur monture et s'envolent grâce aux maisons qui les entourent. Ils se propulsent ensuite jusqu'au sommet du mur.
Les trois amis d'enfance y arrivent et leur regard tombe sur leur ancien foyer avec nostalgie. Les souvenirs des horreurs auxquelles ils ont assisté refont surface.
Même à cinquante mètres de hauteur ils peuvent contempler cette végétation qui a commencé à reprendre ses droits, toutes ces maisons détruites par les débris ou dont le toit a été éventré par un titan affamé.
— Reste en mouvement, direction la porte extérieure ! Ordonne Livaï qui passe derrière eux en courant.
Tous connaissent le plan : il faudra d'abord que Eren rebouche la porte extérieure afin d'empêcher l'entrée de nouveaux titans dans l'enceinte du mur Maria puis il devra s'occuper de l'ouverture intérieure pour condamner le district. A partir de ce moment là ils pourront éliminer tranquillement les démons présents.
Thomas arrive à son tour au sommet et prend une seconde pour balayer du regard ce qui s'étend plus bas. Ce qui le choque de prime abord n'est pas de voir une ville fantôme ni les traces d'un carnage passé mais bien l'absence de titans.
Pendant son observation, son regard est attiré par quelqu'un qui fait signe en levant le bras et agitant son sabre : Armin a trouvé quelque chose.
En même temps, Eren et Mikasa — escortés par d'autres membres des escouades — se dirigent vers la porte extérieure en longeant le mur. La jeune femme est sur les talons de son frère, prête à bondir sur la moindre menace.
— Quelque chose cloche, il n'y a pas un seul titan à l'horizon... Dit Hanji à Livaï.
— Peu importe, il faut y aller. Répond le Caporal.
— Oui, on exécute le plan comme prévu. Approuve-t-elle en sortant son pistolet à fumigènes pour donner le signal.
Après quelques secondes, tout le monde peut voir une silhouette s'élever dans les airs, à plus de soixante mètres et, au moment de retomber, un gigantesque éclair jaune fend le ciel et irradie la plaine alentour.
Les deux escouades sont juste au dessus à surveiller les alentours tout en gardant un œil sur cette porte que Eren doit maintenant obstruer avec son autopétrification.
Une minute plus tard ce corps massif qui mesure quinze mètre se solidifie avec cette roche bleue et brillante qu'ils commencent à bien connaître. Mikasa s'élance pour aller chercher le jeune homme dans son corps de démon.
— Restez vigilants, surveillez toutes les directions ! S'écrie Hanji.
Thomas et Julia ne sont pas loin, ayant un œil sur ce monde extérieur. Judith est dix mètres plus loin aux côtés de Moblit.
— Et de une... Souffle la blonde qui parle pour elle-même mais est perçue par son compagnon.
— L'absence de titans me donne un mauvais pressentiment... Commente Thomas qui est extrêmement concentré et finit par se tourner vers Shiganshina.
Il fait attention aux ruelles, à ces pâtés de maison où des titans de moins de cinq mètres peuvent se cacher sans être vus mais l'endroit semble vraiment désert.
Mikasa et Eren reviennent au sommet du mur.
— Eren, ton équipement ? Demande Mikasa.
Le jeune Jäger vérifie les branchements rapidement, tout semble bon puisqu'il acquiesce.
— Par contre ma cape y est restée... Déplore Eren.
Thomas voit Mikasa qui n'hésite pas une seconde à donner son vêtement à son frère pour qu'il puisse de nouveau cacher son visage.
— Merci.
Le soldat Ralle remarque la férocité et la détermination dans le regard de la jeune femme qui hoche la tête.
— La brèche ?! Hurle Livaï depuis le sommet du mur à l'intention de l'éclaireur, au sol.
Un tir retentit et un fumigène vert s'élève dans le ciel : le mur Maria est maintenant condamné.
— On a réussi... Dit Hanji qui regarde la fumée colorée avec espoir. Eren, comment tu te sens ?
— Impeccable, on peut enchaîner comme prévu. Répond-il.
— Alors direction la seconde porte et garde bien ton visage couvert ! Ordonne le capitaine qui tourne les talons.
L'escouade Hanji ne se fait pas prier pour se mettre en mouvement et suivre son chef.
— T'as une sale gueule ce matin Tom, qu'est-ce qui te tracasse ? Demande Judith avec un sourire taquin alors qu'ils courent au sommet du mur en suivant leur capitaine.
— Tu as remarqué qu'il n'y a eu aucun titan sur la route ni dans Shiganshina et encore moins à l'extérieur ?
— Je vois, t'es déçu de pas pouvoir faire le malin avec un autre numéro de suicidaire hein ? Plaisante encore la jeune femme qui fait sourire Julia.
Il ne répond pas, fixant seulement cette grande arcade vers laquelle ils se dirigent.
— Ils attendent sûrement le meilleur moment pour se montrer et nous attaquer quand on s'y attend le moins... Comment mademoiselle Smith.
— Restez concentrés, on s'en remet à Erwin de toute façon en cas de pépin. Lance Hanji qui a tout entendu.
— La faille est vraiment colmatée ? Ça parait trop facile... Dit Eren.
— Tu l'as fait toi-même, aies plus confiance en toi. Le reprend Mikasa qui court juste derrière lui.
— C'est pas fini, tant que l'ennemi est en vie les murs peuvent être abattus. Ajoute Livaï qui attire l'attention des membres des deux escouades présents à ses mots. Tant qu'on aura pas liquidé Reiner et Bertolt, on n'aura pas reconquis le mur.
Thomas serre les dents, il compte bien se venger de ces traîtres aujourd'hui pour la perte de Hurado, Adley, Anna et les mutilations sur Josh. Il s'est entraîné comme un forcené à manier la lance foudroyante et compte bien leur en mettre une dans la gorge, si profondément plantée que leur régénération de titan ne suffira pas à sauver le moindre gramme de chair.
Alors qu'ils rejoignent la porte intérieure, ils peuvent voir plus d'une vingtaine de soldats sauter du mur et se répartir en deux groupes pour aller fouiller les bâtiments près de la dernière brèche à boucher. Les traîtres seraient donc bien ici tapis dans l'ombre prêts à surgir au moment opportun ?
Après quelques minutes, un fumigène est tiré. Les deux groupes reviennent au sommet, rappelés par leur officier. Trente secondes s'écoulent encore et cette fois c'est un fumigène rouge qui s'élève dans les airs : l'opération est interrompue.
Les escouades tactique et Hanji font halte sur les contreforts du mur.
— Qu'est-ce qu'il se passe ? Demande Judith.
— Merde... Souffle Thomas qui tourne la tête vers l'intérieur du district.
— On attend les ordres en haut du mur ! Hurle le capitaine.
— A vos ordres !
Depuis leur position ils peuvent voir que les soldats du côté de la porte intérieure font de la descente en rappel en quadrillant la surface alentour de la porte.
— Qu'est-ce qu'ils foutent... C'est vraiment une bonne idée qu'on s'arrête ? Demande Conny qui est nerveux.
— Ça va un peu à l'encontre de l'attaque éclair... Ajoute Jean.
Finalement après quelques minutes d'attente sans bouger, un autre fumigène est tiré, juste en dessous de la position de l'escouade tactique. Une poignée de secondes plus tard, le soldat qui vient de donner le signal se fait transpercer par une lame : quelqu'un sort du mur.
Le Caporal-Chef n'attend pas une seule seconde et s'élance déjà vers le traître qui se montre enfin.
— Reiner ! S'écrie Armin.
En un éclair, le titan cuirassé est transpercé par une lame à la base de son cou puis en plein torse. Il s'écrase lourdement au sol.
— Il l'a eu ?! Demande Julia qui a joint ses mains devant sa bouche, les yeux grands ouverts.
— Et merde ! Râle Livaï une fois remonté. Foutu pouvoir de titan... J'y étais presque mais je n'ai pas pu lui faire la peau.
Au sol, Reiner se convulse étrangement et quelques instants plus tard se transforme en titan.
Tous les regards des membres des deux escouades qui ont vécu la trahison et ont participé à la poursuite deux mois plus tôt ont un regard plein de haine et de détermination fixé sur ce titan cuirassé qui prend forme.
Mais ils n'ont pas le temps de se concentrer sur lui, de l'autre côté une autre transformation se manifeste puis des dizaines d'autres qui rendent le paysage rayonnant de jaune et l'air saturé de ce son strident.
Le titan bestial se montre et est accompagné par une petite armée de démons de différentes tailles qui encerclent la petite ville aux pieds de Shiganshina, là où les chevaux et le ravitaillement se trouvent.
Le soldat Ralle — comme tout le monde — regarde en cette direction et a un coup au cœur : ils sont faits comme des rats. Parmi les soldats qui l'entourent certains ont une expression horrifiée, d'autres semblent absents et pétrifiés.
Le singe ramasse un rocher qu'il lance de toutes ses forces. Un bruit assourdissant retentit dans la plaine et tout tremble aux alentours : le rocher s'écrase au pied du mur et un épais nuage de poussière se forme. Quand il se dissipe ils peuvent voir un éboulis obstruer la porte intérieure du district.
— Qu'est-ce que... Il s'est manqué ? Se demande Thomas qui ne comprend pas.
Hanji et Livaï courent directement en direction de la position de Erwin, suivis par leurs escouades.
— Erwin, le cuirassé s'apprête à grimper. Dit Livaï.
Sur ces mots des pas lourds résonnent et font trembler la terre : le titan à l'intérieur de Shiganshina court vers le mur et une fois arrivé, commence à l'escalader.
— Attention, évitez toute confrontation avec lui ! Ordonne le Major.
— Hanji, quand est-ce qu'on passe à l'offensive, qu'attend le Major ? Demande Eren qui est un peu paniqué.
— Il observe la stratégie ennemie. Répond-elle. Apparemment Reiner et compagnie nous ont préparé un accueil en grande pompe.
Soudain le titan bestial hurle puis frappe le sol du poing : tous les petits titans s'élancent vers les chevaux qui pour l'instant sont uniquement protégés par les nouvelles recrues et l'une des nouvelles escouades d'élite formée le mois dernier.
— Ça bouge, les trois-quatre mètres sont en approche !
— Mais merde c'est quoi ce bordel... Stress Judith.
Thomas tire ses lames et fait deux pas vers le bord du mur mais il se fait arrêter par Moblit.
— Attends, ce n'est pas encore le moment de foncer tête baissée. Dit-il.
Le jeune homme serre les dents et fixe avec fureur tous ces titans parfaitement alignés en arc de cercle puis le cuirassé qui est déjà à mi-hauteur. Il finit par soupirer et se défait brusquement de la poigne de son lieutenant.
Mikasa s'est tournée vers lui en entendant ce son caractéristique de lames qui sont tirées de leur fourreau. Elle observe la fureur qui luit dans son regard bleu, une agressivité qu'elle ne lui connaissait pas et cette insolence envers la hiérarchie non plus.
Pour une raison qu'elle ne connait pas il l'a énervé sur la route en venant lui rappeler ce qu'il lui avait déjà dit il y a quelques temps, elle lui en voulait de paraître aussi détaché, désintéressé et... Amical. Pourtant, à voir comme il bout de l'intérieur, elle comprend que ce n'est qu'une façade et qu'il exprime là une frustration qui s'accumule depuis longtemps.
Judith s'approche de son ami et pose sa main sur son épaule.
— Du calme, garde tes mauvaises idées pour plus tard.
Il ne répond pas alors elle prend ça pour un accord de principe.
Le Major bouge enfin et se tourne vers les escouades sur son côté droit.
— Dirk et Marlene, rejoignez Klass avec vos équipes et protégez les chevaux ! Ordonne-t-il puis se tourne vers les deux escouades à sa gauche. Escouade Hanji et Livaï, chargez-vous du cuirassé. Vous pouvez utiliser les lances foudroyantes, arrêtez-le par tous les moyens !
Thomas qui porte un chargement de lances sur le dos sourit encore une fois : c'est le moment d'exploser ce traître.
— C'est maintenant, sur cette bataille, que se joue la survie de l'humanité ! Pour l'avenir de notre peuple... OFFREZ VOTRE COEUR !
Tous s'élancent du mur pour prendre leur poste. Livaï et Armin sont retenus par Erwin qui leur donne des instructions supplémentaires.
Thomas est près de Julia et il voit l'appréhension sur son visage.
— Ne t'en fais pas, aujourd'hui nous aussi avons de la ressource, on va leur montrer... Il se tourne vers Judith. Pour Anna, Adley et Hurado.
Son amie de longue date acquiesce et partage le même vœu.
Eren se transforme de nouveau une fois que Reiner et au sommet du mur.
— Eren va faire l'appât pour faire descendre notre vieil ami Reiner puis on lui tombe dessus, compris ? Explique Hanji.
Tout le monde acquiesce et se tient prêt.
Thomas et Mikasa échangent un regard résolu, déterminé et confiant. Ils hochent en serrant leurs mains sur leurs armes.
Il est l'heure pour l'humanité de se relever, de montrer sa rage et son instinct de revanche qui se cristallisent dans la colère que ces deux anciens amants sont prêts à déchaîner.