Le destin des Ackerman - Tome 1
Chapitre 32 : Chapitre 31 - La veille du combat
5685 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 02/05/2020 18:36
La caserne du bataillon d'exploration, à Trost, est en ébullition. Dans vingt-quatre heures tous les effectifs de ce corps d'armée partiront direction Shiganshina, avec sa reconquête comme objectif. C'est pour cela que nombres de soldats courent dans tous les sens pour transporter du matériel, transmettre ordres et documents, etc.
C'est dans cette agitation que Thomas se fraye un chemin vers l'armurerie pour vérifier puis nettoyer son équipement tridimensionnel en prévision du lendemain. Ce qu'il s'est passé pendant la seconde bataille de Trost lui a assez fait peur pour qu'il multiplie les vérifications et prenne d'autant plus soin de son matériel.
Lorsqu'il approche de la porte du bâtiment, quelqu'un l'interpelle.
— Tom ! Appelle une voix familière.
L'utilisation de ce diminutif le surprend puisque peu de personnes le font. Il se retourne alors et reconnaît une tête rousse qui s'approche de lui.
— Lise ?
L'ancienne camarade du soldat Ralle n'est pas en uniforme, elle porte ses vêtements de permission, ses cheveux sont arrangés comme à son habitude et elle porte même des boucles d'oreilles. D'où est-ce qu'elle revient ?
— Je te cherchais. On m'a dit que si tu n'es pas dans ta chambre je te trouverai ici. Explique-t-elle avec un petit sourire avenant.
Le jeune homme ne répond pas, dans l'expectative de savoir pourquoi elle le cherchait. La raison ne lui saute pas aux yeux, surtout que ces dernières semaines ils se sont croisés quelques fois mais ils n'ont jamais fait plus que prendre des nouvelles. Qu'est-ce qui a changé aujourd'hui ?
Dans le même temps le groupe qui a chevauché pour aller poser des questions à Keith Sadies revient. Hanji, Livaï, Eren, Armin, Sasha, Jean et Mikasa posent pied à terre.
— J'ai été transférée dans la garnison de Trost. Annonce-t-elle.
La nouvelle donne un coup au cœur au brun qui avait oublié cette histoire avec les semaines qui ont passées. La question de cet héritage Ackerman le hante encore bien sûr mais ces dernières semaines il avait des choses plus importantes à faire et d'autres choses auxquelles penser.
Mais c'est vrai que Lise a été les yeux et les oreilles de son père pendant des années pour veiller sur lui puis lui permettre de s'enrôler dans un corps d'armée. Il se souvient alors de ces questions qu'il se posait sur le compte de celle qu'il croyait être son amie et se demande donc si elle vient lui dire au revoir par politesse ou...
— Donc je suis venue te dire au revoir. Continue la rousse qui a le regard fuyant, nerveuse devant le manque criant de réaction chez son interlocuteur. Tu sais... Tout n'était pas un mensonge ces trois dernières années, je t'apprécie vraiment.
Thomas ne peut pas s'empêcher de sourire en entendant ces mots mais aussi en se rendant compte comme il a pu être stupide de croire leur amitié vide de sens pour autant. C'est logique maintenant, elle aurait très bien pu le surveiller sans jamais le côtoyer, rien ne l'obligeait à devenir amie avec lui.
— Je sais. Répond-il.
De quoi faire glousser la jeune femme qui prend son ancien camarade dans ses bras.
Il l'entoure de ses bras et l'émotion le submerge tout à coup, il n'aime définitivement pas les adieux. Ceux-ci ne sont pourtant pas totalement tristes...
Cette promesse qu'ils se sont faites il y a des semaines résonne dans le crâne du jeune homme et c'est ce qui le fait sourire. En soit, il peut maintenant se targuer d'avoir respecté sa parole : Lise ne devrait plus prendre beaucoup de risques si elle devient un soldat de la Garnison et Josh est définitivement hors-combat. Il a au moins réussi à garder des amis en vie, c'est encourageant.
— Idiot... Souffle Lise, le visage contre la torse de son ami.
Thomas soupire de façon amusée parce qu'il sait que ce mot est la marque de son affection.
Plus loin dans la cour, Mikasa passe les rênes par-dessus la tête de son cheval pour le tirer jusqu'aux écuries mais avant de se mettre en marche son regard tombe par hasard sur deux personnes qui s'enlacent. Elle reconnait tout de suite cette tignasse brune et s'attarde donc sur eux.
Les deux amis se reculent et se sourient franchement.
— Par contre, ne me demande pas de te pardonner quoi que ce soit, je te vois venir. Parce qu'il n'y a rien à pardonner. Quand j'ai appris la vérité j'ai douté de tout, j'étais partagé entre la colère et la reconnaissance. Mais au final, si tu n'avais pas été là pour moi, quoi que tu aies fait, je ne serais rien aujourd'hui. Alors merci.
Ce discours touche la rousse dont les yeux s'humidifient rapidement. Non seulement il avait lu dans ses pensées mais il la soulage d'un énorme poids dans le même temps. Elle est heureuse qu'il sache faire la part des choses et que rien ne puisse entacher leur amitié. Après tout, même si elle suivait les ordres d'un homme louche, elle était elle-même le reste du temps.
Lise avait rapidement déchanté en constatant que ce Thomas Ralle n'était qu'un faible, pleurnichard et sans aucune confiance en lui. Mais les semaines puis les mois ont passés et leur groupe d'amis s'est formé. Elle a appris à tous les apprécier et ces trois années sont maintenant de précieux souvenirs.
Il est difficile de mettre un nom sur leur relation, afin de la définir. Ce qui est certain, c'est qu'elle s'estime être assez proche et lui pour ressentir de la fierté. Lise est heureuse de constater ce qu'il est devenu, de voir son regard plus mature, dur et endurci.
— Merci à toi... Essaye de ne pas te faire tuer. Termine-t-elle.
Elle se hisse sur la pointe des pieds pour déposer ses lèvres sur la joue de son ami, affichant ensuite un sourire entre timidité et malice.
Mikasa a assisté à toute la scène et, si son visage se montre impassible, sa main se serre sur les rênes. Agacée par cette petite rousse, jalouse de sa proximité avec ce jeune homme, la jeune Ackerman essaye de contenir la colère qui gronde dans son cœur.
— Je ferai attention. Promet-il.
Lise acquiesce puis tourne les talons en essuyant ses yeux larmoyants.
Thomas la regarde s'éloigner puis se tourne vers la cour. Il croise alors le regard de Mikasa qui n'a aucune émotion apparente. Lui, il arbore toujours ce sourire franc provoqué par cette petite conversation qui lui a fait beaucoup de bien.
Mikasa comprend une seconde plus tard qu'il la regarde et affiche soudainement une expression surprise. Ses yeux dévient sur les commissures des lèvres étirées du brun aux yeux bleus et remarque ce sourire qu'il lui offre, intentionnellement ou non.
Son cœur fait un bond dans sa poitrine l'instant suivant parce que ce sourire ne disparaît pas, au contraire.
Consciemment ou non, Thomas sourit maintenant finement et l'expression de son regard s'imprègne de tendresse. Même s'il y a foule dans cette cour, à ses yeux il n'y a qu'elle. Toutes les autres silhouettes qui s'animent autour deviennent floues et sans intérêt.
Mikasa détourne les yeux lorsqu'elle se souvient que c'est cette façon si particulière qu'il avait de la regarder quand ils étaient seuls, un regard qui lui donnait cette impression d'être aimée, admirée et désirée. Elle prend finalement le chemin des écuries en avalant difficilement son aigreur et sa mélancolie.
[ Le soir-même ]
Tous les effectifs du bataillon enrôlés pour l'opération de reconquête se trouve dans cette grande brasserie qui a été privatisée par le bataillon. Plus de deux cents soldats sont présents et assis à attendre le début des festivités.
Thomas est avec les membres de son escouade.
Un officier s'avance finalement alors que de grands plats sont servis par le personnel de l'établissement.
— Ce soir c'est la fête mais évitez que les civils le remarquent. Faites le plein d'énergie avec discipline et ne buvez pas trop, demain vous devrez tous être en pleine forme !
La majorité des gens sont abasourdis en voyant que le plat n'est pas une soupe ou des légumes. Des tranches de viande saignante, dont l'odeur suffit à faire baver et donner une sensation d'extase, sont disposées sur les tables.
— Je rêve ou ce sont des tranches de... Commence Judith qui a des étoiles dans les yeux.
Julia rigole doucement avec sa main devant la bouche en regardant l'expression de sa camarade.
— Tu ne rêves pas, c'est vraiment de la viande. Confirme Moblit avec un grand sourire.
— Ce soir on célèbre la future reprise du mur Maria ! Reprend l'officier qui a une choppe à la main. Santé !
Dès l'instant où il donne le feu vert, tout le monde se jette sur la viande et une euphorie générale s'empare de la salle.
Certains prennent plusieurs tranches sans se soucier de faire parts égales, d'autres ne prennent même pas la peine de manger proprement en se jetant sur une tranche comme une bête sauvage.
A la table de l'escouade Hanji, Moblit prend tout de suite les devants pour prévenir d'éventuels abus de la part de ses camarades. Il repousse les fourchettes qui se plantaient déjà dans ces morceaux de viande fumants.
— Du calme, je m'occupe de la distribution. Dit-il avec autorité.
Julia ne fait forcément pas partie des morfales qui se sont jetés sur le plat, elle patiente tranquillement les mains jointes sur la table. Thomas de son côté laisse les goinfre se servir avant de prendre une petite part : il ne mange pas beaucoup.
Le second d'Hanji coupe les premières tranches en deux et donne à chacun une moitié. Certains savent d'avance que c'est trop peu mais ça évite que le chaos s'installe à cette table aussi.
Thomas se tourne vers Julia avec sa choppe pleine et la lève.
— Santé.
La jeune femme sourit et fait de même pour qu'ils trinquent.
— Santé.
A la table derrière eux où l'escouade tactique est assise, ce qui devait arriver ne rate pas : Sasha se jette sur le plat et se saisit de l'intégralité du rôti de son côté de la table et mort dedans à pleines dents. Conny et Jean se débattent pour lui faire lâcher prise mais elle est devenu complètement folle, hors de contrôle.
— Arrête Sasha, pitié ! Ne me force pas à te tuer ! S'écrie Conny qui s'est saisit de sa gorge mais rien n'y fait.
Jean parvient finalement à lui arracher le morceau de viande de la bouche et la jeune femme échappe un cri de terreur.
— C'est pas ta portion morfale !
Sasha se saisit alors de la main de son camarade qu'elle mort aussi fort, à sang.
— AaAAAaAaaaAaaAAaah ! Hurle Jean qui essaye de retirer sa main. Elle me bouffe la cannibale !
— Sasha c'est Jean ça, me dis pas que tu confonds ! Dit Conny, impuissant.
— Vous n'avez même plus de viande au bataillon ? Mes pauvres... Commente Marlo qui mange tranquillement sa part. L'instant suivant le poing de Sasha percute violemment son nez qui produit un craquement sinistre avant de saigner abondamment.
Mikasa les regarde, désespérée.
— Conny, dépêche-toi de la maîtriser. Ordonne-t-elle avec tout son calme.
— J'essaye ! Panique le jeune homme. Mais c'est son subconscient qui commande là !
Finalement, après cinq minutes de lutte, ils parviennent à l’assommer et l'attacher solidement à l'un des piliers de la salle.
La soirée bat son plein et les minutes s'écoulent mais pas aussi vite que la viande sur les tables. Quand tout le monde s'est restauré, Thomas se lève ensuite et se dirige vers la table de l'escouade tactique où il sait qu'il a une place après ce qu'ils ont partagé plusieurs semaines plus tôt. Depuis que les lances foudroyantes sont opérationnelles et qu'ils s'entraînent à utiliser cette nouvelle arme, les entraînements ne sont plus communs mais cet éloignement n'efface pas le reste.
Quand Thomas arrive à leur hauteur Jean explique la formation de reconnaissance à Marlo.
— T'es bouché ou quoi ? Les bleus comme toi restent à l'arrière-garde.
— C'est sûr que je suis inexpérimenté mais c'est parfait pour dévoiler la stratégie ennemie. Répond Marlo.
— Tu veux la jouer grand héros prêt à mourir en martyr c'est ça ?
— Il faut être prêt à se sacrifier pour que le plan fonctionne non ? Se défend le brun à la coupe au bol.
— Écoute mec, on commence tous par être des troufions... Si on envoyait la bleusaille à l'abattoir qui prendrait notre suite ? Alors votre mission c'est d'observer depuis l'arrière et de rentrer en vie. Explique Jean et ça a l'air de bien plus percuter dans l'esprit de la nouvelle recrue que les arguments précédents. Les pires soldats sont les suicidaires qui ne savent que foncer tête baissée, tu vois ? Taquine Jean en se tournant vers Eren qui boit tranquillement.
Eren porte son attention à Jean et prend un air de défi.
— De qui tu parles là ? Demande-t-il.
— T'en connais d'autres que toi des suicidaires ? Questionne-t-il en retour.
Eren désigne monsieur Ralle d'un signe de tête alors que celui-ci s'installe à leur table.
— Ben tu vois j'ai réalisé récemment que j'étais plutôt normal en fait. Du coup si tu veux mon avis, c'est toi qui est un peu trop un pleutre, Jean. Renchérit Eren.
Pendant un instant Jean observe Thomas qui discute avec Armin puis revient à Eren avant de se lever d'un bond pour chopper l'hôte d'un titan par le col.
— Tu t'y crois là face de sanglier ! Hurle-t-il.
— Va faire couper ta tignasse espèce de flambeur ! Répond Eren qui l'attrape aussi.
Mikasa les regarde et semble amusée, Armin se baisse pour ne pas prendre un coup.
— Ne vous amochez pas trop... Dit Conny en les regardant d'un air exaspéré alors qu'ils commencent à en venir aux mains.
— Connard !
— Lâche mes fringues !
Ils sont partis, comme au bon vieux temps.
— Bon... Santé. Dit Thomas à l'intention d'Armin en levant sa boisson.
Le blond détourne le regard de la bagarre qui commence et trinque avec son camarade.
— Santé.
Le brun se tourne ensuite vers Mikasa et lui sourit en levant sa choppe.
L'espace d'une seconde elle observe ce qu'il lève puis détaille son visage avant de sourie maladroitement pour trinquer.
— Santé... Dit-elle.
Armin observe ce moment de flottement entre eux, cette timidité et cette retenue qu'il capte dans leurs regards. C'est difficile de comprendre quelque chose à leur histoire mais ça a toujours été le cas en même temps... Pourtant, si Mikasa refuse d'en parler depuis quelques semaines, le soldat Arlelt est préoccupé par leur éloignement soudain.
A les regarder, ce qu'ils éprouvent l'un pour l'autre n'a pas l'air de s'être effrité, au contraire. Les yeux bleus de Thomas brillent toujours d'une intensité particulière quand il se posent sur Mikasa. Il a aussi remarqué que son amie d'enfance laisse toujours traîner un regard en direction du soldat Ralle, comme si elle attendait quelque chose.
Il revient à Eren et Jean qui s'envoient de sacrés coups dans l'estomac. Toute l'assistance se tourne bientôt vers eux en encourageant l'un ou l'autre, provoquant une seconde euphorie générale.
— Sérieusement dis-moi, sans ton pouvoir de titan tu serais mort combien de fois ? Lâche Jean. C'est toujours Mikasa qui te sauve la peau !
Cette dernière les observe sans broncher et la remarque ne semble même pas la faire réagir.
— Si t'es si pressé de crever, alors je vais te buter ! Termine Jean en reprenant du poil de la bête et assène une énième coup dans le ventre de son ami avant de prendre immédiatement la contre-attaque.
— Et toi pense un peu à ta mère, Jeannot !
— Laisse ma mère en dehors de ça ! Réplique une nouvelle fois monsieur Kirschtein.
Si la majorité de l'assistance encourage le combat, les personnes autour de la table de l'escouade tactique ont un air exaspéré ou neutre, voire inquiet.
— On les laisse continuer ? Demande Armin.
Mikasa acquiesce et sourit finement.
— Mh. Ca leur fait du bien.
Rapidement les deux adversaires se fatiguent et sont à bout de forces.
— Hé. Dit Livaï qui apparaît comme par magie près d'eux avant de donner un bon coup de savate dans le ventre de chacun.
Ils s'écroulent et vomissent chacun leur dîner ce qui calme immédiatement tout le monde.
— Vous faites trop de raffut. Au lit. Puis il se tourne vers un groupe de nouvelles recrues. Nettoyez ça.
— A vos ordres !
Quelques heures plus tard, Thomas est allongé dans son lit et il ne ressent pas une once de fatigue. Il est nerveux et impatient à la fois à l'idée de partir à la reconquête du mur Maria.
Après des semaines d'entraînement intensif et des épreuves dures à encaisser, ce sera l'accomplissement d'années de souffrance et de rancœur. Les titans vont subir une défaite si retentissante qu'ils ne s'en relèveront jamais, voilà ce à quoi aspire Thomas.
La nuit est très avancée et, alors qu'il regarde à travers la fenêtre, il entend la poignée de la porte se tourner puis quelqu'un entrer. Thomas est seul dans cette chambre ce soir, Moblit passe la nuit dans le bâtiment administratif pour terminer les derniers préparatifs avec Hanji.
— Tu... N'arrives pas à dormir..?
Le jeune homme reconnaît cette voix et se dresse sur son coude pour la regarder.
— Nan. Répond-il en s'asseyant finalement.
Elle s'avance encore jusqu'à arriver au pied du lit, il remarque alors ses jambes nues puis comprend qu'elle ne porte que ce haut large tombant sur ses épaules.
— Tu flippes pour demain ? Demande-t-il.
La jeune femme baisse la tête et triture sa robe de nuit.
— Je suis terrorisée... Avoue-t-elle en détournant le regard.
Thomas sourit et reprend place dans son lit, se poussant contre le mur, avant de tirer la couverture et lui faire signe de s'installer.
Elle ouvre grand ses yeux, pas certaine de vouloir accepter. Elle doute que la nuit puisse se passer innocemment, sans qu'elle ne laisse ses pulsions prendre le dessus une nouvelle fois. Mais elle est là, elle est venue, pour quoi d'autre sinon ce qu'on lui propose actuellement.
Finalement elle s'avance, s'assoit sur le bord du lit, se glisse sous la couverture puis prend place.
Ils sont obligés de se coller l'un à l'autre dans un lit simple mais ça ne la dérange pas vraiment, au contraire. Cette chaleur corporelle et cette sensation d'être entourée de ses bras, protégée, lui permet de calmer un peu sa nervosité.
Maintenant qu'elle est là, la jeune femme ne peut pas s'empêcher de rougir un peu et n'ose pas bouger, à peine respirer. Thomas au contraire n'hésite pas à la prendre des ses bras.
— Je suis sûr qu'après-demain soir Shiganshina sera à nous. On subira peut-être de lourdes pertes, mais je serai là pour te protéger. Murmure Thomas.
Elle ne répond pas mais ce qu'il dit lui convient et elle lui fait de toute façon aveuglément confiance.
Ces dernières semaines elle a pu constater qu'il a gagné une petite réputation et c'est le fait de s'en être rendu compte qui le pousse à se montrer plus sûr de lui et à être plus propice à écouter et aider les autres pendant les entraînements.
La jeune femme est heureuse qu'il ait enfin accepté sa place. Les attentes que Hanji, Livaï, Erwin et elle-même placent en lui seront comblées sinon plus, elle en est certaine.
Pour le moment elle est là, dans ses bras. Une simple étreinte est une sensation qui lui avait manqué et elle soupire profondément en se détendant. A l'origine elle voulait discuter avec lui pour évacuer sa peur mais elle devrait savoir avec le temps que ce n'est pas son fort.
Thomas se réveille lentement aux premières lueurs du petit matin et sent quelqu'un contre lui. Il ouvre les yeux et voit une masse de cheveux blonds qui ont une agréable odeur de fleurs qu'il ne saurait pas nommer.
La jeune femme est collée à lui et dort profondément, son souffle profond et régulier étant la seule chose qui se fait entendre dans la quiétude de cette pièce qui commence à être éclairée par le soleil qui se lève.
Thomas va, avec la plus grande précaution, retirer son bras qu'elle garde prisonnier sous sa tête. Il se fait ensuite glisser jusqu'au fond du lit et se lève. Il reste immobile pendant quelques secondes, s'assure que tout va bien puis soupire doucement.
Il se dirige ensuite vers l'armoire. Là encore il doit faire attention : il tourne délicatement la clé, redoutant ce moment où le cliquetis caractéristique d'une serrure qui s'ouvre se produira. Encore quelques secondes d'attente puis il ouvre la porte du côté où se trouvent ses affaires.
Trois minutes plus tard il est en uniforme. Il s'approche du lit et regarde Julia dormir paisiblement.
Thomas tire sur la couverture pour couvrir l'extrémité de ses pieds nus et se surprend à avoir un sourire tendre en l'observant.
Le jeune homme se sent de bonne humeur aujourd'hui et ce bien être est de bonne augure pour l'expédition, se dit-il.
En effet, sa relation avec Julia est de nouveau au beau fixe et ils ont pu reprendre cette amitié qu'ils avaient mit en pause là où ils l'ont laissée. Il est aussi heureux que la promesse qu'il a fait à Lise et Josh trois mois plus tôt ait pu se réaliser.
— Je vous promet qu'on survivra à cette guerre contre les titans, qu'on verra le jour où le dernier d'entre eux sera abattu. On pourra aller voir tous les trois cette falaise où tu as vécu Josh. Et toi Lise on pourrait prouver à tes parents que l'humanité a bien plus gagné à t'avoir parmi ses soldats plutôt que parmi son aristocratie.
Il sourit avant de s'étirer, faisant craquer quelques articulations au passage.
Malheureusement, il y a encore une ombre qui plane sur sa vie malgré toutes ces choses qui vont en s'améliorant.
Regardant encore la jeune femme qui fait partie de son escouade, il en vient à se dire qu'il aurait aimé qu'une autre vienne le rejoindre cette nuit. C'est horrible de penser cela mais il est lucide, quelque part. Thomas sait très bien qu'il y a de très grandes chances qu'il ne survive pas à cette journée alors, s'il y a bien quelques chose qu'il aurait aimé par dessus tout, c'est passer une nuit dans les bras de Mikasa.
Effleurer sa peau douce, la sentir contre lui, étreindre ses lèvres... Rien que s'enivrer une dernière fois de son odeur lui aurait suffi.
Avait-elle les même désirs, avait-elle aussi besoin d'un ultime moment de complicité pour aborder cette journée fatidique avec plus de légèreté ? Difficile à dire. Une part de lui-même s'accroche à l'idée qu'ils auront beau faire tout ce qu'ils peuvent pour se tenir à l'écart l'un de l'autre, quelque chose les relie à jamais. Un attachement mutuel et indéfectible, un lien indestructible forgé par le destin.
Il soupire.
Presque deux mois se sont écoulés depuis les révélations sur ses origines et leur séparation. Sûrement qu'elle a déjà tourné la page et ne voit plus en lui qu'un bref interlude, moment hors du temps qui lui a été donné de vivre pour oublier succinctement la cruauté de ce monde magnifique.
Environ trois quarts d'heure plus tard, trois timides coups résonnent contre la porte de cette pièce. Le bruit réveille Julia qui soupire profondément en se retournant dans ce lit qui lui semble plus confortable que d'habitude.
Elle laisse le temps à ses sens de retrouver leurs repères puis se frotte doucement les yeux. La jeune femme observe la pièce dans laquelle elle se trouve et rougit soudainement. Julia avait oublié qu'elle avait passé le reste de la nuit avec Thomas.
La porte s'ouvre et se referme rapidement, quelqu'un entre.
— Bonjour. Salue un jeune homme aux cheveux bruns et au regard bleuté.
— Bonjour... Répond timidement la blonde dont les cheveux en désordre s'étalent sur l'oreiller.
Elle passe rapidement ses mains dans ses cheveux pour dégager les mèches qui encombrent son visage après s'être assise. Ses yeux se posent ensuite sur son camarade qui est déjà en uniforme.
— Bien dormi ?
— Oui, merci... Répond Julia, incapable d'oublier la chaleur sur ses jours alors qu'il lui rappelle comment elle a passé la nuit, lovée dans ses bras protecteurs.
— Je devrai aller me préparer... Dit-elle.
— Tu veux vraiment traverser les dortoirs dans cette tenue ?
— Mh ? Interroge-t-elle avant de baisser les yeux sur son propre corps, se souvenant qu'effectivement elle ne porte que deux couches de tissu sur elle. La jeune femme n'avait pas prévu qu'elle dormirait là, encore moins moins jusqu'à cette heure.
Thomas se tourne vers son armoire qu'il ouvre puis se saisit d'une chemise et d'un pantalon qu'il tend ensuite à son amie.
— C'est un peu grand mais au moins tu ne vas pas passer dans l'aile des garçon avec trois fois rien sur le dos.
Elle acquiesce vivement et sourit pour le remercier de son attention. Julia attrape le bas de son haut et, avec le plus grand naturel du monde et sans complexe, le tire pour le retirer.
Lorsque Thomas comprend ce qu'elle est en train de faire et que son corps se dévoile jusqu'à la naissance des courbes de sa poitrine, il fait volte-face en plaquant ses mains sur ses yeux.
Il entend les sons caractéristiques de vêtements qui se déplie et le bruissement du tissu qui passe sur la peau puis, une bonne minute plus tard, il sent que l'on tiraille sur sa veste.
— C'est bon. Affirme-t-elle.
Il se retourne et, comme il l'avait prévu, ça ne lui va pas du tout. Les coutures des épaules tombent sur ses bras. Elle s'affaire à retrousser soigneusement les manches pour les ajuster sur ses poignets.
— Mmmmh... Ça ira pour aller jusqu'à ta chambre. Allons-y, on ira prendre notre petit déj' ensuite. Propose Thomas.
Julia acquiesce avec un petit sourire et ils sortent tous deux de la pièce.
En arrivant dans le couloir où se trouve la chambre de Julia, le jeune homme se souvient qu'elle partage de lieu de vie avec Judith. Il espère alors qu'elle ne s'y trouve pas sinon ils se feront charrier par cette emmerdeuse qui ne les lâchera pas avec ça pendant plusieurs jours.
Julia ouvre la porte et, soulagement, il n'y a personne à l'intérieur.
— Je t'attend là. Dit-il en s'appuyant contre la balustrade en bois.
Elle hoche la tête et referme la porte.
Quelques minutes s'écoulent et une porte s'ouvre un peu plus loin : Mikasa et Sasha en sortent.
— Merde... Se dit-il, conscient que sa présence ici est suspecte.
Il sent le regard inquisiteur de Mikasa qui se pose sur lui et ça lui glace le sang à l'idée qu'elle puisse s'imaginer qu'il est passé à autre chose et prend du bon temps avec une autre.
Quand elles passent devant lui, Sasha lui lance un sourire pour le saluer et il le lui rend.
— Salut. Dit madame patate.
Mikasa est beaucoup moins chaleureuse. Les mâchoires serrées, détournant brièvement le regard vers cette chambre dont elle connait les occupantes, elle se demande bien ce qu'il fout ici.
Deux pas de plus et la porte s'ouvre, laissant apparaître Julia qui s'avance dans le couloir en tendant une pile de vêtements soigneusement pliés à Thomas.
— Merci de m'avoir prêté ça, je suis prête. Dit-elle avec un doux sourire.
La brune détaille les vêtements : une chemise et un pantalon. Son regard s'assombrit quand elle comprend ce que ça signifie. Julia lève les yeux vers elle en se sentant épiée et capte l'expression sinistre qu'affiche Mikasa.
Sasha est un ou deux mètres plus loin, observant aussi les deux membres de l'escouade Hanji en attendant son amie pour qu'elle aillent prendre leurs repas matinal. A son air impatient, Thomas comprend qu'elle a beaucoup trop faim pour attendre une minute de plus pour s'enfourner deux viennoiseries dans le bec en même temps.
Mikasa tourne finalement les talons et passe devant Sasha d'un pas décidé. Mademoiselle Braus la rattrape.
— Tu crois qu'ils... Commence-t-elle.
— Je m'en fou. Coupe sèchement Mikasa dont le comportement laisse comprendre le contraire.
Tout comme Armin, Sasha ne connait pas la raison de cet éloignement soudain et extrême entre ces deux bruns qui sont pourtant encore accrocs l'un de l'autre, ça crève les yeux.
— Pourquoi vous n'êtes plus ensemble..? Demander la goinfre.
Mikasa serre ses poings parce que cette question ravive une blessure qui ne s'est pas refermée.
— On n'est pas faits l'un pour l'autre, c'est tout. Répond-elle de façon catégorique.
— Ok... Soupire Sasha qui abandonne l'idée d'en savoir plus un jour.
Mikasa est rongée par la jalousie en voyant ces jeunes femmes tourner autour de Thomas. Cette traîtresse hier et cette blondasse aujourd'hui. Elle a toujours vu cette Julia rôder, traîner dans les pattes du soldat Ralle, à ne jamais manquer une occasion de se jeter dans ses bras ou lui sourire avec cet air naïf et...
Elle soupire.
C'est la colère qui parle et se laisse être emportée par elle alors qu'elle sait pertinemment qu'elle n'a rien à craindre de la cousine du Major. Ça fait des semaines qu'elle voit Thomas s'occuper d'elle comme un grand-frère et ne l'a jamais vu lui prodiguer la moindre caresse ou produire une marque d'affection au delà de poser sa main sur son épaule quand il la félicite.
Mais elle n'est pas dupe. La jeune Ackerman sait bien que Julia, à la façon dont elle regarde ce brun aux yeux bleus, éprouve plus que de l'amitié à son égard.
Peu importe. Mikasa a bien failli s'emporter en croyant qu'ils avaient passer la nuit ensemble et ont sûrement fait...
Elle secoue la tête pour chasser cette pensée qui la répugne puis pour empêcher ses propres souvenirs de refaire surface, afin d'éviter que son corps ne lui rappelle ses besoins.
La jeune femme n'imagine pas une seule seconde que quoi que ce soit puisse se passer entre Julia et Thomas, jamais, il ne peut pas être aussi idiot... Du moins elle l'espère. Peut-être est-ce de la vanité mais elle ne peut pas concevoir qu'il puisse se tourner vers quelqu'un d'autre même si, aussi douloureux que ça puisse être de l'admettre, il serait dans son droit.
Elle se rend alors compte qu'elle raisonne comme s'il y avait encore quelque chose entre eux, comme si elle avait encore le droit de quoi que ce soit sur lui. Mikasa doit se faire à l'idée qu'il n'y aura plus rien d'autre entre eux que ces sentiments encore vivaces mais qui ne pourront plus jamais s'exprimer.
— Idiote... S'insulte-t-elle en pensée.
Cela fait plusieurs heures que les monte-charges emmènent matériel, chevaux et soldats d'un côté à l'autre du mur. Alors que les cent-cinquante nouvelles recrues et autres soldats ne faisant pas partie des escouades sont déjà pratiquement tous de l'autre côté du rempart de Trost, un hurlement résonne.
— Hanjiiii ! Bon couraaaaaage ! Hurle Flegel, au sol, entouré de bon nombre de civils qui habitent dans les alentours.
— On compte sur vous pour reprendre le mur Maria ! Continue la foule. On vous confie le sort de l'humanité !
Les effectifs encore au sommet du mur se sont tournés vers cet attroupement et ces encouragements.
— Débrouillez-vous pour tous revenir entiers !
— Et surtout reprenez nos terres aux titans !
— Facile à dire... Dit Livaï, entouré par Erwin et Hanji.
— Vu le raffut d'hier, pas étonnant qu'on soit grillés. Commente le capitaine.
— C'est surtout que la viande venait de la compagnie Reeves... Explique l'un des chefs d'escouade.
Conny, Sasha et Jean se prennent au jeu et hurlent pour répondre à la foule.
— Comptez sur nous, on s'en occupe !
— C'était quand la dernière fois que le bataillon a été acclamé comme ça ? Demande un autre officier.
— Ben... Est-ce que c'est même déjà arrivé ? Lui répond-on.
Erwin toise tous ces gens qui encouragent le bataillon.
— A ma connaissance c'est une première. Dit-il avant de lever son bras et de produire un cri rageur et guerrier pour leur répondre.
La foule devient euphorique et fait la même chose.
Les soldats et officiers qui entourent Erwin le regardent, surpris mais ils ne peuvent pas nier que ça leur donne du courage et une combativité supplémentaire.
Thomas est à côté de Julia et la jeune femme serre les dents. Il passe son bras autour de ses épaules. Elle sursaute et lève les yeux vers lui avant de découvrir son sourire.
— Il est l'heure d'apprendre aux titans que nous ne sommes plus du bétail. Prononce-t-il avec assurance.
Julia acquiesce et lui rend un sourire. Son regard se pose ensuite sur son cousin qui continue d'exciter la foule.
— L'opération de reconquête du mur Maria débute maintenant ! S’exclame Erwin en dégainant son sabre.
Dix minutes plus tard la totalité de cette petite armée est à cheval et galope en direction de Shiganshina.