Le destin des Ackerman - Tome 1
Chapitre 30 : Chapitre 29 - L'héritage Ackerman
7021 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 16/06/2020 05:03
Erwin est assis à son bureau qui est minutieusement ordonné malgré la présence de nombreuses piles de feuilles et dossiers. Il consulte d'ailleurs un rapport au moment la porte de la pièce s'ouvre soudainement. Hanji déboule, ses lunettes sur le crâne.
— Erwin ! Lance-t-elle.
Le Major lève la tête et dévisage la personne qui s'approche rapidement de lui.
— Bonjour Hanji, je ne pensais pas te voir avant demain matin. Répond-il avec un calme et un sang-froid imperturbables.
En effet, il fait nuit noire et le chef du bataillon d'exploration vient tout juste de revenir à cette caserne, dans le district de Trost.
La capitaine pose brusquement ses mains sur le bord du bureau.
— Qu'est-ce que c'est que cette histoire, quel intérêt a-t-il vraiment, c'était simplement l'appât pour coincer un gros poisson ou tu as d'autres projets pour Thomas Ralle ?
— Hanji, assied-toi s'il te plaît.
Cette dernière se laisse tomber sur le fauteuil près d'elle avant de se masser les tempes.
— J'ai croisé Livaï et il m'a dit que tu voulais le mettre dans l'escouade tactique à l'origine. Il a le pouvoir de transformation c'est ça ?
Erwin Smith fixe sa subordonnée en laissant le silence retomber, deux secondes qui sont nécessaires à ce qu'elle se calme d'elle même.
Hanji soupire finalement et laisse sa colère retomber. Elle ne supporte pas qu'il lui cache des choses, d'autant plus si ça concerne un membre de son escouade.
— Pourquoi avoir parié sur lui ? Demande Hanji.
— Parce qu'il est un Ackerman. Annonce brusquement le Major.
— Ce n'est vraiment que ça..?
Le fait qu'il soit un Ackerman n'est pas rien mais elle a vraiment eu peur qu'il y ait quelque chose de plus important le concernant. Cependant, c'est vrai que les Ackerman sont entourés de mystère. Ce qui taraude l'officier c'est la façon dont Erwin compte utiliser cet atout dans le futur.
— Et... Depuis quand est-ce que tu le sais ? Quand Livaï a assemblé sa nouvelle escouade nous étions encore loin de soupçonner l'existence d'informateurs des brigades dans nos rangs ou du lien de parenté entre monsieur Müller et Thomas. Pourquoi avoir voulu le mettre dans cette escouade ?
— Pour le peu que nous savons, les Ackerman ont généralement des capacités physiques hors normes, sont de redoutables combattants et peuvent vivre cet « éveil ». Si ce pouvoir survient au bon moment, il pourrait être décisif. Explique-t-il.
— Je ne suis pas certaine que Thomas soit un Ackerman. D'après ce que tu m'avais raconté, Livaï était déjà très doué dans de nombreux domaines lorsque tu l'as rencontré et il n'avait pas encore connu cet éveil, Thomas est loin d'être aussi fort et rapide. Doute la capitaine.
Le Major du bataillon se tourne vers une pile de dossiers qu'il retourne pendant un certain temps avant de tomber sur ce qu'il cherche. Il l'ouvre et tourne rapidement les pages puis, lorsqu'il met la main sur un rapport précis, le tire et le pose devant sa seconde.
Hanji se penche en avant et parcourt en diagonale le document. Il date de l'escarmouche contre la division centrale dans la caverne sous le domaine de la famille Reiss. Un passage va attirer son attention à cause du sujet de leur conversation.
— Pour un soldat médiocre qui n'a aucun talent, je trouve qu'il s'est particulièrement bien débrouillé face à des soldats d'élite et Livaï a été formé par Kenny l’Égorgeur. Dit Erwin.
C'est vrai que, si ce rapport ne contient aucune exagération, la façon dont il s'est débarrassé de deux hommes de la division centrale montre des qualités indéniables qui sont propres à un combattant ayant un fort potentiel.
— Je vois. Donc tu paries sur un pari. Haha, t'es pas possible... Elle soupire avant de s'affaler à nouveau dans son fauteuil. Je dois le mettre au courant ?
— Son père a lui a mis la puce à l'oreille, je suppose qu'il demandera bientôt à le revoir pour en savoir plus. Mais tu le connais mieux que moi, que faire à ton avis ?
Question difficile. Hanji n'a jamais été vraiment proche de Thomas, les personnes qui le sont se comptent sur les doigts d'une main et elles-même auraient sûrement du mal à répondre.
— Aucune idée mais je dois aller voir l'avancée de notre nouvelle arme, je l'emmènerai avec moi et en profiterai pour faire un passage à Stohess.
— Bien. Approuve Erwin.
Sur ce Hanji se lève, salue le Major puis tourne les talons. Avant de sortir elle s'arrête pour jeter un coup d'oeil à l'homme à qui il manque un bras.
Thomas enfile ses bottes, passe sa veste d'uniforme, tire sur sa chemise pour qu'elle ne fasse pas un pli puis remet bien en place les sangles de cuir qui parcourent son corps. Maintenant prêt à affronter cette nouvelle journée qu'il espère plus calme que les précédentes, il sort de cette chambre et referme la porte. Le jeune homme fait deux pas et remarque qu'une petite boucle qui sert à relier trois lanières de cuir n'est pas très bien serrée. Il s'arrête alors pour la défaire puis la tirer jusqu'au bon trou.
— Thomas, mon ami ! Salue une voix malheureusement familière.
Il n'a pas besoin de se retourner pour savoir que c'est ce Kyle Brandt. Est-ce qu'il vient de sortir de sa chambre lui aussi ou l'attendait-il ?
Le soldat Ralle stoppe les mouvements de ses doigts, il se fige en sachant qu'il va de nouveau passer un mauvais quart d'heure. Les insultes prononcées la fois précédente résonnent dans son esprit tout comme le souvenir du bruit des coups qui heurtent ses côtes.
Le son caractéristique que produisent les talons de bottes sur le plancher parvient jsuqu'à lui : Kyle s'approche.
Thomas se voit déjà être attrapé par les comparses de ce type, se faire immobiliser puis frapper jusqu'à ce qu'il estime s'être assez défoulé. Il serre les dents, sent de la sueur froide couler dans le creux de son dos.
Paralysé et impuissant, les mots de Mikasa lui reviennent soudainement. Mais est-ce qu'il a vraiment la force et le mental pour respecter cette promesse, peut-il prendre sa revanche sur ces années passées dans la médiocrité et la dévalorisation ?
Il se tourne alors assez pour regarder derrière lui et reconnaît Kyle. Il a un sourire vicieux, les yeux fixés sur sa victime.
Le soldat Ralle fait le vide dans son esprit et se décide à agir, maintenant. Il se retourne et, d'un pas rapide, se dirige vers l'escalier pour sortir du bâtiment.
— Attends ! S'écrie Kyle.
Thomas presse le pas, dévale les marches aussi vite qu'il le peut et passe la double porte.
— Où est-ce que tu cours comme ça ? Demande son agresseur avec une voix rieuse, amusé de faire cet effet à quelqu'un et de le voir prendre ses jambes à son cou.
Il se dépêche lui aussi parce qu'il ne compte pas le laisser filer.
Le brun aux yeux bleus contourne le bâtiment, son poursuivant sur les talons mais distant de quelques mètres.
— Hé, j'aimerai juste qu'on discute un peu ! Ajoute Kyle.
Thomas passe un nouvel angle et il se retrouve à l'arrière de la bâtisse. Il se colle au mur, de dos, et attend que le soldat Brandt passe pour agir.
Son esprit s'aiguise et il devient attentif à tout ce qu'il perçoit. Les pas rapides de Kyle Brandt et la sensation d'adrénaline qui submerge rapidement son corps lui permettent de se concentrer pour se préparer à ce qui va arriver.
Kyle s'imagine déjà flanquer une bonne raclée à ce soldat qui n'a rien à faire dans l'élite, cette pleurnicheuse incompétente à cause de qui il a perdu son frère pendant la seconde bataille de Trost. Certes ses compagnons ne sont pas avec lui cette fois mais étant donné la faiblesse et la fragilité de celui qu'il poursuit, il sait qu'il ne risque absolument rien.
C'est à se demander comment une raclure comme lui a réussi à tenir tête à la division centrale et tuer des titans. A son avis, ils lui inventent des faits d'armes pour que personne ne se doute qu'il y a des soldats médiocres dans l'élite des bataillons mais aussi pour participer à l'admiration qu'ont les nouvelles recrues à leur égard. Si ça se savait, ces escouades n'auraient plus de prestige ni de sens.
Lorsqu'il passe l'angle derrière lequel Thomas Ralle a disparu, il se sent être brusquement attrapé par le bras puis, sans même avoir le temps de comprendre ce qu'il lui arrive, se fait plaquer contre le mur. Le texture rugueuse du torchis lui griffe le côté de son visage appuyé contre cette façade du bâtiment des dortoirs. Son bras droit est replié dans son dos et maintenu en place par une poigne ferme : il est immobilisé.
— Je t'écoute. Dit Thomas avec un ton menaçant.
— Lâche-moi ! S'écrie Kyle.
Thomas fait remonter de quelques centimètres le bras du soldat qu'il maintient sous son emprise et celui-ci gémit de douleur en se hissant par réflexe sur la pointe de ses pieds.
— Fils de...
— Tes potes ne sont pas là ? Qu'est-ce que tu vaux tout seul hein ?
L'instant suivant il le relâche et Kyle tombe à genoux. Il se masse son bras douloureux.
— Sale lâche tu m'as pris en traître... Dit le soldat Grandt qui se relève.
Thomas recule brusquement pour esquiver un crochet du droit puis se baisse à temps pour que le poing gauche passe au dessus de sa tête. Quand il se redresse il attrape Kyle par le col des deux mains puis le tire brusquement avant de lui mettre un puissant coup de genou dans le ventre. La nouvelle recrue s'effondre.
— Effectivement, tu ne vaux pas grand-chose. Prononce Thomas.
Le blond s'est dressé sur ses genoux et ses bras, le souffle court.
— Tu as déjà fait face à un titan ? Tu as déjà vu des camarades se faire bouffer en entendant leurs cris d'horreur alors que d'énormes mâchoires se referment sur eux ? Tu as déjà été couvert de sang ? Nan, ça m'étonnerait. T'es qu'une pisseuse, un bleu qui n'a rien prouvé, tu te chieras dessus à ta première sortie.
Kyle lève vers lui un regard plein de haine.
— Tu as déjà tué un homme ? Demande Thomas qui affiche maintenant une expression froide. Moi, oui. Et le point commun que tu as avec ces gars que j'ai trucidé c'est qu'ils se croyaient supérieurs eux aussi.
Le soldat Grandt écarquille les yeux, soudainement saisit par la peur lorsqu'il voit cet air sinistre, cette expression menaçante qu'arbore le brun.
— Tu... Tu n'oserais pas me faire du mal..! Rétorque Kyle d'une voix tremblante.
— Tu crois..?
A ces mots, Thomas s'approche du blond qui vient de se relever tant bien que mal. Encore une fois il l'attrape par le col mais d'une seule main cette fois, avant de lui asséner deux directs du droit en plein visage.
Kyle s'étale de tout son long au sol après qu'un craquement se soit fait entendre. Du sang se met à ruisseler de son nez cassé. Il gémit de douleur mais n'a pas assez de forces pour se relever.
— N'hésites pas à revenir avec les autres que je vous montre à quel point on est des fêlés dans les escouades. Répond Thomas avant de cracher au sol, près de l'homme au sol.
Il plante Kyle ici et se dirige maintenant vers le réfectoire pour aller prendre son petit-déjeuner.
Lorsqu'il y arrive, le jeune homme remarque immédiatement l'escouade tactique au grand complet. Il les rejoint après avoir pris de quoi grignoter. Sur le chemin il croise le regard des amis de Kyle Grandt qui l'observent avec des yeux ronds. Ils devaient savoir que leur compagnon voulait trouver puis corriger Thomas avant de venir ici et ils sont donc surpris de voir le soldat Ralle mais pas de Kyle à l'horizon.
Mikasa remarque cet échange de regard et comprend tout de suite ce qu'il se passe. Ses yeux se posent sur Thomas qui salue d'un signe de tête ceux qui l'ont agressé en leur souriant. Ceux-ci se lèvent rapidement et sortent de la salle.
— Salut les gars. Lance Thomas à l'intention de ses camarades qui l'accueillent chaleureusement.
Mikasa s'écarte pour lui laisser de la place à ses côtés et il s'y pose. Ils échangent un regard, elle fronce légèrement en désignant d'un signe de tête les types qui sortent à la hâte. Le brun montre alors son poing droit qui présente quelques traces de sang séché.
La jeune femme hoche la tête et ils finissent par se sourire finement.
Deux personnes fixent les deux amants en grimaçant à cause de la colère qui se réveille en eux en voyant que ce Thomas est beaucoup trop proche de la jeune Ackerman. Jean et Eren les fixent, dégoûtés de voir ce sourire complice qu'ils échangent, bien trop lourd de sens pour être anodin.
Quand ils ont tous fini de se restaurer et qu'ils sortent du réfectoire, Hanji vient les trouver.
— Thomas ? Appelle-t-elle.
— Capitaine ? Répond le jeune homme.
— Viens avec moi, il faut qu'on parle. Ordonne l'officier.
Le sang de Thomas ne fait qu'un tour. Il s'était préparé à être puni à cause de ce qu'il s'est passé avec Kyle Grandt. Il aurait pu être plus discret et ne frapper que dans le ventre mais ce qui est fait est fait. Pourtant, ce stress n'est pas vraiment dû au fait d'être réprimandé mais plutôt au fait qu'il aurait voulu profiter d'une journée tranquille et en sera sûrement privé.
Elle l'emmène un peu plus loin, à l'écart des oreilles indiscrètes.
— Je vais à la capitale pour ces prochains jours, tu vas m'accompagner.
Thomas ouvre la bouche pour dire quelque chose.
— Vas te préparer nous partons dans trente minutes. Continue Hanji.
— Oui capitaine. Répond le soldat.
[ Cinq jours plus tard - District de Trost ]
Mikasa et Armin sont assis sur un banc à profiter des dernières chaleurs de cette journée d'été, juste après un entraînement. Une légère brise souffle et met en mouvement leurs chevelures. La jeune femme a les jambes repliées contre elle et Armin semble inquiet, le regard fixé sur elle.
Cela fait quelques minutes qu'ils sont là tous les deux et il a forcément remarqué qu'elle est préoccupée à en juger par sa position et l'air abattu qu'elle affiche.
— Qu'est-ce qui ne va pas Mikasa, je te sens ailleurs depuis quelques jours. Demande le blond pour briser la glace.
Il sait très bien que c'est en lien avec Thomas.
Elle fixe le sol avec un regard vague. Mikasa ne sait pas par où commencer ni comment elle pourrait se faire comprendre. Armin pourrait-il seulement l'aider à y voir plus clair ?
Cela fait plusieurs jours qu'elle est perdue. La jeune femme s'est mise à douter de sa relation avec Thomas, à cause de Eren, juste après qu'il soit parti pour la capitale.
Son frère vint la trouver juste avant l'entraînement et affichait un air grave.
— Mikasa. Appela-t-il.
Elle se retourna et resta dans l'expectative, comprenant bien qu'il avait l'intention de lui poser une question.
— Qu'est-ce que Thomas te voulait tout à l'heure ? Demanda-t-il, le visage un peu tendu.
La jeune femme ouvrit de grands yeux, surprise, en se rendant compte qu'il avait dû les voir se sourire et discuter brièvement. C'est vrai que malgré son intention d'être discrète, elle a tendance à oublier le monde qui l'entoure quand elle est avec le soldat Ralle.
— J'ai l'impression que vous vous entendez bien finalement. Ajouta le jeune Jäger et elle crut percevoir un ton de reproche.
Elle hocha simplement la tête.
Son frère adoptif acquiesça lentement sans cacher sa déception et tourna les talons sans rien ajouter.
— Eren. Appela-t-elle, soudainement paniquée.
Mikasa soupire et tourne la tête vers Armin qui attend toujours une réponse à sa question. Ces quelques mots d'Eren ont semé le trouble dans son esprit alors qu'elle ne se posait aucune question jusqu'à maintenant. Elle s'est rendue compte que son idylle pourrait la rendre aveugle à son devoir, à sa mission de veiller sur sa famille.
Elle pensait que l'absence de Thomas lui permettrait d'y voir plus clair puisqu'elle ne serait plus dans l'euphorie de leurs premiers moments et de toutes ces choses qu'elle a découvert récemment avec lui. Malheureusement c'est l'inverse qui s'est passé. Son esprit est confus et tiraillé. Elle a fini par s'en vouloir de s'être laissée tenter par la tendresse et la sensation d'être aimée : elle en manque maintenant qu'il n'est plus là, certes, mais elle a l'impression de trahir des promesses et de tromper quelqu'un.
— Tu sais, l'autre jour j'ai accompagné le Caporal-Chef à Karanes. Dit-elle enfin.
— Oui. Confirme Armin qui attend la suite du récit.
— C'est parce que Thomas devait rencontrer son père. Je voulais faire d'une pierre deux coups. Aider à capturer Erik Müller s'il s'enfuyait et soutenir Thomas. Explique la brune.
Le jeune homme acquiesce. Il se souvient qu'elle avait été là après la fusillade pour le réconforter, quand il a appris qu'une partie de son escouade avait été tuée, mais il se rappelle aussi de la reconnaissance et de la joie qui brillaient dans ses yeux après lui avoir raconté comment il l'a sauvée des griffes d'un titan. C'est ce qui l'a persuadé que tous les deux s'entichaient l'un de l'autre.
— Il m'a proposé de... De passer par la maison de sa mère parce qu'il la voit très peu et... Quand nous sommes entrés j'ai eu l'impression de revenir six ans en arrière, de retrouver quelque chose qu'on a laissé à Shiganshina.
Son ami d'enfance baisse tristement la tête, lui aussi aimerait parfois revenir à cette époque où ils étaient encore enfants et ne se doutaient pas une seconde qu'une horde de titans allait déferler sur leur ville. Tout n'était pas parfait mais ils étaient insouciants, plein de rêves, émerveillés par toutes ces choses qui aujourd'hui ne sont plus des mystères. Leur vie était simple.
— On a parlé quelque fois de nos rêves et il m'a dit qu'il voulait survivre pour fonder une famille et vivre paisiblement. Je me suis rendu compte que c'est le mien aussi mais...
Mikasa se coupe et serre les dents, resserrant ses jambes contre elle et ses bras autour de celles-ci. Prononcer ces mots s'avère être plus douloureux encore que de les penser.
— Mais quoi ?
C'est rare que Mikasa se confie, qu'elle montre ses émotions et états d'âme. Si elle le fait aujourd'hui il s'attend à quelque chose de grave.
Toutefois elle reste silencieuse pendant un long instant, torturée par la triste réalité des choses.
— Mikasa dis-moi... Qu'est-ce qu'il y a entre Thomas et toi ?
La question accentue sa souffrance et elle se réfugie contre ses genoux. Cela lui rappelle à quel point elle s'est emballée au point de perdre de vue son objectif premier, de faire faux bond à ce que son cœur lui a toujours hurlé, depuis que cette écharpe est autour de son cou. Elle s'est laissée prendre à un jeu hors de son contrôle même si y participer n'était pas désagréable, au contraire...
— On est... Un couple. Dit-elle sur un ton timide et hésitant.
Armin est surpris par cette révélation, il les savait proches, il les voyait se tourner autour mais à aucun moment il n'aurait imaginé que les choses en soient à ce stade.
— Je croyais que je m'attachais à lui parce qu'il m'apporte des choses que je ne pensais jamais avoir. En sortant de cette maison, j'ai essayé de m'imaginer plusieurs années plus tard, j'ai essayé d'imaginer ma famille et...
Mikasa sent sa gorge se serrer et les larmes lui monter, elle renifle bruyamment avant de reprendre.
— ...Ce n'est pas lui que j'ai vu comme étant mon mari, comme étant le père de mes enfants... Confie-t-elle difficilement.
Armin soupire. Tous les trois n'ont aucune expérience côté sentiments et si Mikasa prend maintenant de l'avance il est clair qu'elle va très vite en besogne.
— Tu ne dois pas t'affoler Mikasa, vous ne vous côtoyez pas depuis longtemps c'est normal de ne pas vous imaginer mariés avec des enfants c'est... Commence le soldat Arlelt.
La jeune femme laisse échapper une exclamation de tristesse étouffée qui transperce douloureusement le coeur du jeune homme. Il est si rare de voir Mikasa dans un tel état qu'il se sent incapable de lui venir en aide d'une quelconque façon.
— Ce n'est pas... Le problème. Coupe-t-elle d'une voix étranglée.
Armin a peut-être raison, car même si leur situation les mène à marcher aux côtés de la mort et rend donc tout plus intense, c'est insensé d'imaginer un futur commun avec un jeune homme qu'elle fréquente depuis deux semaines. C'était pourtant une suite logique dans sa tête, dans sa vision naïve et romantique du couple et de l'amour. Mais...
— J'ai peur de ne pas l'apprécier lui mais l'affection qu'il me donne. Conclut-elle brutalement.
La révélation laisse Armin pantois parce que les mots sont durs.
— J'ai pensé que ces quelques jours sans se voir allaient me permettre d'y voir plus clair. Je me dit que ce n'est qu'un ami pour qui j'ai mélangé les sentiments...
Armin a pourtant remarqué que ces derniers jours Mikasa est un peu désorientée. Il a compris qu'elle souffre de l'absence du soldat Ralle à sa façon de regarder régulièrement en direction de l'escouade Hanji parce qu'elle le cherche.
L'autre chose qu'il a remarqué c'est la veille lorsqu'ils sont tous allés aider à l'orphelinat qu'a créé Historia pour les enfants défavorisés de la ville souterraine. Eren et Historia se sont beaucoup rapprochés et ça n'a bien sûr pas échappé à la vigilance de Mikasa qui s'immisce souvent entre eux. Comment pourrait-elle être jalouse d'Historia alors qu'elle même se permet de batifoler avec Thomas ?
C'est à n'y rien comprendre. Il ne peut pas avoir le recul nécessaire pour juger de quel côté son cœur balance véritablement. Avec le temps il a su que la jeune femme confondait ses sentiments pour Eren à cause de sa reconnaissance et de leur relation atypique. Pour lui Eren ne l'a jamais considérée autrement qu'en tant que sa sœur.
— ...Mais il me manque. Termine-t-elle.
Le blond observe Mikasa en réfléchissant. Ce qu'il trouve étrange c'est qu'elle ne remet pas en doute ce qu'elle ressent pour Eren, à aucun moment. Pourtant ça fait sens dans l'esprit analytique du jeune homme : ça devrait être logique de remettre en question les deux relations pour savoir laquelle est à même de lui apporter ce qu'elle recherche.
Il ne sait pas comment ça se passe entre elle et Thomas mais ça crève les yeux que Mikasa y trouve son compte. Pour la première fois depuis des années il la voit sourire et s'épanouir.
— Qu'est-ce que tu comptes faire ? Demande-t-il.
— J'en sais rien... J'en sais vraiment rien putain... Ses mains se logent dans ses cheveux où ses doigts se crispent, elle souffre. Je suis terrifiée. J'ai l'impression qu'il n'y a pas de bon choix.
La jeune femme pense au moment où son amant rentrera de sa mission. Il viendra naturellement vers elle avec l'intention de lui donner de l'affection et de l'embrasser sinon plus... Il y a cette sensation dérangeante que se comporter comme elle en a l'habitude avec lui serait mentir à Thomas mais aussi à elle-même. Pourtant le repousser lui serait impossible tant elle a besoin de sa chaleur, de son attention et de son sourire. Quoi qu'il arrive elle pense devoir trahir une partie d'elle-même.
Elle soupire et s'essuie les yeux avant de reprendre.
— Après tout peut-être que le temps qu'on a passé tous les deux n'était qu'un mensonge, peut-être que je me suis menti à moi-même en croyant que je pourrai vivre ce genre d'histoire qu'on ne voit que dans les livres. Peut-être que je me suis laissée emporter dans tout ça en reniant qui je suis vraiment, ainsi que mes sentiments...
Ce discours est difficile à entendre pour Armin. Elle est comme sa sœur et c'est pour ça qu'il veut le meilleur pour elle. Bien qu'il n'ait pas mesuré à quel point elle et le brun suicidaire s'étaient rapprochés, c'est pour lui une évidence quand il les voit tous les deux. Les regards et sourires complices qu'ils se lancent, leur capacité à se comprendre sans un mot, leur complémentarité évidente au combat qu'ils renforcent jour après jour à l'entraînement... C'est pour lui une source d'espoir si même la personne la plus discrète et renfermée du groupe peut s'ouvrir de nouveau et aller de l'avant.
L'idéal serait qu'elle se rende compte de tout cela, parce que ce sont des signes qui ne trompent pas. Effectivement, peut-être que leur histoire n'est pas faite pour durer mais, aux yeux du soldat Arlelt, ils sont faits pour être un duo, c'est évident.
— Mikasa... Pour moi tu te ne te poses pas les bonnes questions. Tu devrais essayer de prendre du recul et d'écouter ton cœur. Est-ce que, quand tu es avec Thomas, tu te sens toi-même, libre et plus légère ?
Pendant un instant elle réfléchit à cette question mais pour le moment c'est un questionnement insurmontable : mettre de l'ordre dans ses sentiments lui semble au dessus de ses forces.
— Je ne sais pas... Je ne sais même plus qui je suis ni qui est la vraie moi... Avoue-t-elle.
— Je ne crois pas qu'elle se soit perdue, elle est là quelque part. Affirme monsieur Arlelt. Il suffit de la retrouver.
Après ces mots, Sasha fait irruption là où ils se trouvent.
— Ah, bah vous êtes là ! Je vous cherchais. Lance madame patate qui remarque ensuite la position dans laquelle se trouve Mikasa. Quelque chose ne...
— Problème du mois. Ment Mikasa sur un ton sec pour éviter toute question supplémentaire.
Sasha est rassurée parce qu'elle s'attendait à un drame avec son amoureux.
[ Deux jours plus tard - District de Stohess ]
— Capitaine, on ne rentre pas à Trost ? Remarque Thomas parce qu'ils prennent le ferry Est et non le Sud.
— J'ai reçu de nouvelles directives ce matin, nous allons à Stohess.
— Mh ? S'étonne le jeune homme qui voit l'air sérieux sur le visage de sa supérieure.
— Nous avons peut-être fait une avancée significative. Répond-elle.
Thomas baisse la tête, les traits du visage de la traîtresse sont profondément ancrés dans son esprit et ça réveille forcément des sentiments négatifs.
— Entendu.
Pendant les premières heures de voyage c'est silencieux entre eux, Hanji épluche minutieusement un dossier et le jeune homme observe le paysage défiler.
— Dites, capitaine...
— Oui ?
Hanji relève la tête de ses documents, elle avait presque oublié que Thomas l'accompagnait. Il est tourné vers le paysage, appuyé sur le bastingage à bâbord, de profil par rapport à elle.
— Vous pensez que l'on a de bonnes chances de reprendre Shiganshina ?
— Bonne question, on ne sait pas à quoi s'attendre. Pourquoi, qu'est-ce qui t'intéresse là-bas ? Demande-t-elle, curieuse de nature.
Thomas se rend compte qu'il a peut-être parlé un peu vite, s'il donne la véritable raison il sera ridicule aux yeux de la capitaine.
— Ça serait bien que tout le monde reprenne espoir. Dit-il.
Hanji sourit et pose ses papiers pour se lever et rejoindre son protégé.
— Ce sera un combat décisif qui pourrait se jouer sur des détails mais j'ai confiance. Reprendre le mur nous permettra de préparer une succession d'expédition pour vider les terres de tous les titans qui s'y trouvent et donc les rendre de nouveau habitables. Explique-t-elle.
Thomas hoche la tête pour lui signifier qu'il comprend bien ce qu'elle lui dit. Purger toute la surface entre les deux murs de tous les titans sera certainement une tâche longue et fastidieuse mais ça ne sera pas cher payé vu le nombre de personnes qui retrouveront leur liberté, leur chez eux, leur quotidien.
Il pense à cette maison dans les montagnes dont rêve Mikasa, peut-être que pendant les nombreuses expéditions ils trouveront l'endroit parfait où tous les deux projetteraient de s'installer une fois que tout serait terminé.
Le jeune homme secoue la tête alors que l'un de ses cauchemars lui revient en tête. Cette petite fille était si réelle et ce futur si crédible...
— Qu'est-ce qui te tracasse vraiment, mh ? Demande Hanji en voyant le brun se perdre en pensées.
— Je me demande juste ce qu'il se passera après. Quand le mur sera repris, que les titans seront éliminés, est-ce qu'on s'arrêtera là, est-ce qu'on pourra vivre en paix ?
Hanji ne répond pas mais comprend bien l'interrogation du soldat. C'est le genre de question qu'elle ne se pose pas mais elle est légitime. Dans l'état actuel des choses s'ils parviennent à faire tout ça ils ne devraient plus avoir de raisons de se battre.
— Nous verrons... Mais souviens-toi du nom que porte notre corps d'armée. Nous ne sommes pas le bataillon d'extermination de titans mais le bataillon d'exploration. S'il s'avère que les titans ne sont plus une menace pour l'humanité nous serons alors des explorateurs, c'est excitant non ?
Thomas sourit et acquiesce, cette perspective lui plaît déjà plus qu'une vie à se battre contre des monstres.
Finalement ils arrivent à Stohess et deux soldats du bataillon les attendent sur le quai avec deux chevaux afin qu'ils rejoignent rapidement ce souterrain. Ils finissent par passer la porte du couloir qui mène à cette grande cellule où dort paisiblement Annie dans ce cocon impénétrable fait de cristal.
Lorsqu'ils arrivent dans la salle il y a une odeur désagréable, chimique, qui les prend au nez et est agressive. Plus loin un groupe de quatre soldats sapés en laborantins s'activent derrière des alambics.
— Capitaine Hanji ! S'écrie l'un des leurs qui trottine en leur direction en retirant ses gants et son masque de protection. Nous sommes ravis que vous ayez pu venir aussi vite.
— Ça semblait important, vous avez du nouveau ?
— Nous avons mit au point un liquide qui abîme le cristal, il est très corrosif.
— Oh ?! Montrez-moi ça !
Hanji fait signe à ce qu'on lui ouvre la cellule telle une furie, pour aller voir de ses propres yeux l'effet de ce nouveau produit, elle sautille d'excitation. Thomas la suit de près et quand il pénètre dans la cellule, un soldat lui tend des lunettes.
— Les vapeurs sont dangereuses, protégez vos yeux.
Il acquiesce et les met en place.
Une fois à hauteur de ce cristal qui retient une jeune femme prisonnière, un endroit précis leur est montré : il y a une sorte de tout petit trou dans la paroi, comme s'il avait fondu.
— Quelle quantité a été nécessaire pour ce résultat ?
— Un demi-litre. Annonce le laborantin.
Hanji soupire, c'est une fausse joie.
— Nous n'aurons jamais les moyens de produire assez de cette substance pour la libérer...
— Non mais nous avons pensé qu'un contact avec l'air ambiant serait peut-être suffisant à la réveiller. Il nous suffirait donc de creuser de façon verticale jusqu'à elle.
— Mh, c'est pas bête, on peut toujours essayer.
Hanji va accompagner le soldat jusqu'à son poste de travail où il prépare l'acide. Tout ce charabia de chimiste est loin d'intéresser Thomas qui préfère sortir, rendre ses lunettes et se balader un peu dans ce souterrain.
Au détour d'un couloir il croise le Caporal-Chef Livaï qui sort d'une salle.
— Thomas, qu'est-ce que tu fous ici ? Demande-t-il, surpris qu'il ne soit pas accompagné.
— Oh euh... J'accompagnais Hanji mais elle discute chimie alors j'ai préféré m'éclipser. Répond sincèrement le jeune homme.
— Ah... Tu as bien fait, ça me gonfle aussi. Mais j'ai cru pendant un instant que tu étais là pour voir ton paternel.
— Il est ici ? Il semble vraiment surpris. Je le pensais encore à Karanes.
Livaï acquiesce.
— Je sors d'un interrogatoire avec lui. L'officier toise le petit frère de Petra et soupire. L'autre jour tu m'as demandé quelque chose et je pense être en mesure de te répondre aujourd'hui. Je l'ai moi-même appris il y a peu.
Thomas ouvre de grands yeux, attendant avec impatience.
— Tu as déjà entendu parler du clan Ackerman ?
— La famille de Mikasa ?
— C'est ça. Du peu que l'on sait, il y a plusieurs dizaines d'années cette famille était très proche du roi et faisait partie de ses meilleurs soutiens mais, pour une raison qu'on ignore, les Ackerman ont trahit le roi et pour les punir ils sont persécutés depuis.
Thomas ne moufte pas et attend la suite.
— C'est pour ça que les descendants de ce clan se sont cachés. Certains sont allés vivre dans des endroits reculés, d'autres ont changé de nom ou encore se sont réfugiés dans la ville souterraine. C'était mon cas.
— Les persécutions ont encore lieu..? Demande Thomas.
— Depuis que Historia est sur le trône je pense que les Ackerman peuvent de nouveau être libres. J'ai moi-même appris que je suis issu de ce clan récemment, de la bouche de Kenny Ackerman. Nous ne savons pas vraiment quels sont nos liens de parentés entre nous avec l'éloignement et les générations qui ont suivi mais nous ne sommes plus beaucoup.
— Je vous avais entendu en parler avec Mikasa, vous lui demandiez si elle avait déjà ressenti une force insoupçonnée venir du fond de ses entrailles, quelque chose comme ça.
Livaï acquiesce et s'éclaircit la voix pour reprendre.
— C'est une capacité qui a l'air d'être commune aux membres de ce clan. Kenny, Mikasa et moi l'avons vécu : lorsque nous avons traversé un état émotionnel intense nous avons soudainement gagné en force et en clairvoyance pour venir à bout de la menace, en sachant exactement comment agir. Nous appelons ça "l'éveil".
Le jeune homme fronce, ça lui paraît un peu fumeux. Il a déjà du mal à croire que tous les titans sont humains à la base alors que des humains puissent avoir une sorte de puissance cachée qui se révèle seulement dans des cas extrêmes...
Le caporal tape deux fois contre la porte de la cellule dans son dos et la porte s'ouvre. Un soldat apparaît dans l'ouverture.
— Demandes donc à ton père de t'en dire plus, ce n'est pas à moi de tout te dire.
Thomas est surpris par la tournure des choses. Il regarde Livaï puis le garde de la porte avant d'entrer dans la cellule.
Il trouve son père attaché à une chaise mais il n'a pas l'air blessé, juste que ses vêtements n'ont pas été changés depuis cinq jours.
— Thomas, c'est bien toi..? Entend le jeune homme, la voix est un peu faiblarde.
— Oui monsieur Müller. Répond-il.
L'officier des brigades soupire.
— S'il te plaît, arrête de m'appeler comme ça, c'est encore pire que d'être enfermé ici... Appelle-moi Erik, ça suffira.
Thomas acquiesce.
— Vous m'avez dit l'autre jour que notre famille a un talent inné, est-ce que les Müller sont comme les Ackerman ? Demande-t-il naïvement.
Erik glousse puis tousse grassement.
— Ça m'étonne que tu n'aies pas encore fait le rapprochement.
— Hein ? S'étonne le jeune homme qui se sent soudainement idiot.
— Est-ce que tu ne vois pas un point commun entre les Ackerman que tu as croisé ?
— Euuuh... Il se gratte le nez en réfléchissant et après quelques instants ça lui apparaît comme une évidence. La couleur des cheveux et des yeux ?
— Exact... Nous avons les cheveux très bruns et les yeux de la même couleur aussi, généralement. Mais avec la grande purge lancée contre notre famille il y a presque un siècle, cet héritage s'est peu à peu perdu et confondu avec les autres.
Thomas fronce puis se rend compte que l'homme qui se trouve en face de lui présente les même caractéristiques physiques... Le jeune homme écarquille les yeux et se fige. Erik remarque qu'il comprend enfin.
— Mon véritable nom est Erik Ackerman. Annonce-t-il.
Ces mots heurtent Thomas qui est si choqué que son esprit est curieusement silencieux, sonné. Après un instant il lève les yeux vers son père biologique.
— Ça veut dire que... Commence Thomas.
— Que le tiens n'est pas Thomas Ralle ni Thomas Müller mais Thomas Ackerman.
Thomas ne sait pas quoi dire. Il porte le même nom que le Caporal-Chef et que Mikasa, qu'est-ce que ça veut dire, est-ce que ça veut dire que... Non...
— Je ne pourrai pas te dire quel est ton lien de parenté avec mon geôlier mais je crois que tu as une cousine dans son escouade. Mon frère Simon avait épousé une femme asiatique et ils avaient élu domicile dans les montagnes pas loin de Shiganshina. Leur fille a survécu, Livaï vient de me le confirmer.
Thomas a la brusque sensation que le monde s'écroule.
Livaï — qui a tout écouté — regarde la détresse du soldat qui se lit sur son visage et ça confirme les soupçons qu'il avait sur la relation entre lui et mademoiselle Ackerman.
— C'est pour ça que j'ai prononcé ces mots, les Ackerman sont plus forts que la moyenne, plus résistants aussi. Je ne pouvais pas te laisser t'enfermer dans les horreurs que tu as entendu toute ta vie pour gâcher ce potentiel que tu as en toi, grâce à ton héritage.
— Je vois... Répond enfin Thomas, hébété et ne sachant plus de tout ce qu'il doit faire.
[ Le lendemain - District de Trost ]
Le jour se lève et Mikasa est seule dans sa chambre, Sasha est déjà partie se préparer. La jeune femme est assise près de la fenêtre à regarder et manipuler doucement ce bracelet que Thomas lui a offert. Après ce temps collés l'un à l'autre une séparation soudaine de huit jours se ressent comme un trou béant laissé dans sa vie, malgré toutes les questions qu'elle se pose. Elle sait qu'elle a besoin de ses lèvres au plus vite parce que, avant d'être une sorte de test pour que des choses soient prouvées, elle a besoin de sentir le réconfort de ses bras une fois encore, de se sentir désirée et aimée.
Est-ce malsain ?
Oui, sûrement...
Elle soupire. La jeune femme ne sait même pas pourquoi il est absent aussi longtemps, elle ne sait pas ce qu'il fait ni où il est, sinon qu'il accompagne Hanji à la capitale mais en huit jours beaucoup de choses peuvent se passer là-bas...
Les mots de Armin lui reviennent.
— Tu dois essayer de prendre du recul, écouter ton cœur. Est-ce que, quand tu es avec Thomas, tu te sens toi-même, libre et plus légère ?
Son regard se lève vers ce ciel dans lequel un panache de couleurs chaudes a explosé pour annoncer ce jour naissant.
— Me sentir moi-même, me sentir libre... Dit-elle à voix basse, pour elle-même.
Comme elle l'avait dit à son ami d'enfance, elle ne sait pas qui est la véritable Mikasa mais ce sentiment de liberté elle l'a déjà senti, oui.
Pendant qu'elle admire la voûte céleste, la porte s'ouvre. Ne s'attendant à personne d'autre que Sasha elle ne prend même pas la peine de regarder en direction de la personne qui vient d'entrer.
Thomas referme la porte et regarde la jeune femme. La voir provoque en lui un nombre incroyable d'émotions contradictoires. Comment lui dire et comment surmonter ça, s'ils le peuvent ?
Il n'a aucune réponse. La seule chose qu'il ressent c'est ce poids impossible à supporter qui s'abat sur ses épaules et l'écrase littéralement. C'est à se demander s'il aura un jour le droit de garder près de lui quelqu'un qui compte pour lui.
Est-ce qu'il paye pour quelques chose ?
Elle est là, à quelques mètres de lui, ses cheveux bruns qui couvrent sa nuque, les lignes de son cou, le profil de son visage fin, ses lèvres, ses yeux sombres... Il n'ose pas l'observer plus parce que son corps lui donne le vertige et se l'avouer lui fait mal. Il se sent trahit par quelque chose qu'il ne peut pas nommer, une chose qu'il ne peut pas combattre.
Pendant sept jours il n'attendait qu'une chose : revenir pour la serrer dans ses bras, l'embrasser comme si sa vie en dépendait et sentir sa chaleur. Mais il n'en a plus le droit, aujourd'hui.
Le jeune homme prend son courage à deux mains même s'il sait pertinemment qu'au moment où son regard noir se posera sur lui, il sera soudainement sans défense, il n'est même pas sûr de pouvoir résister.
— Mikasa... Appelle-t-il avec appréhension.
La brune se tourne brusquement quand elle entend un timbre de voix plus grave qu'elle ne le pensait, reconnaissant celui de Thomas.