Le destin des Ackerman - Tome 1
Chapitre 19 : Chapitre 18 - Révélations
7329 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 16/04/2020 05:07
Trois jours se sont écoulés et les effectifs du bataillon d'exploration sont revenus à Trost. Les temps sont calmes et les journées sont simplement rythmées d'entraînements, de corvées et autres obligations. Tout ce qu'il y a de plus banal, en somme.
Le nombre de membres de l'escouade Hanji - sans la capitaine - étant impair, Thomas s'entraîne seul lors des entraînements en duo. Moblit a pris Julia sous son aile et agit avec elle en véritable grand frère, ce qui est une bénédiction pour éviter de multiplier les silences gênants et ce malaise lorsque les deux jeunes gens se retrouvent seuls.
Distant et discret, Thomas s'est une nouvelle fois mis à s'isoler alors que les deux escouades d'élite s'entraînent ensemble. Préoccupé par cette histoire de paternité, n'ayant pas encore fait son deuil de Petra ni de Nifa et Keiji, le jeune homme préfère rester à part au grand dam de Julia qui n'arrive plus à l'approcher pour essayer de recoller les morceaux, pour faire oublier cette petite mésaventure qui la rend indéniablement honteuse. Elle sent qu'un fossé s'est créé entre eux, une distance qui ne cesse d'augmenter. La jeune femme se rejette la faute sur elle-même, pensant que ce baiser passionné qu'elle lui a donné quatre jours plus tôt en est la cause.
Entre Mikasa et Thomas la distance n'est qu'un triste écho de leur dernier échange et, bien que Mikasa doive le surveiller, leurs rapports se limitent toujours à des regards timides qui n'échappent pas à la vigilance d'Armin.
Aujourd'hui est un nouveau jour et ils sont tous attablés pour prendre un petit déjeuner avec boissons chaudes, jus de fruit et viennoiseries : un repas royal pour commencer la journée, les officiers savent prendre soin de leurs ouailles quand les temps sont durs. Sasha pioche dans tous les paniers et se fait taper sur le dos de la main par un camarade, afin d'éviter qu'elle n'engloutisse tout ce qui est mangeable avant que tout le monde n'ait sa part. Eren semble absent et pensif, ça lui arrive de plus en plus souvent en ce moment. Armin et Julia lisent en mangeant. Conny et Jean discutent et se marrent. Moblit lit quelque chose qui a l'air d'être un rapport mais Thomas n'y prête pas attention, la tête reposant dans sa main dont le coude est appuyé sur le bord de la table, faisant lentement tournoyer le liquide brûlant dans sa tasse d'un air absent.
Une nouvelle recrue entre dans le réfectoire avec une lettre à la main puis trépigne en cherchant quelqu'un des yeux. Son regard s'arrête sur la table autour de laquelle siègent les membres des escouades Livaï et Hanji et s'y dirige timidement. Quand il arrive à leur hauteur il leur lance à tous un regard brillant d'admiration. A cette table mange l'élite des bataillons, des vétérans qui ont tué des titans, des têtes brûlées qui ont affronté la division centrale : des héros.
— Tho... Thomas Ralle..? Appelle-t-il en tremblant un peu, sa nervosité atteignant son paroxysme lorsque tous les regards se lèvent vers lui.
La personne appelée se lève et s'approche du nouveau en tendant la main.
Thomas est surpris de recevoir une lettre. Étant de profil par rapport aux autres, il ne voit pas que tous se lancent un regard inquiet et méfiant, les mots de leurs supérieurs leur revenant forcément en tête puisqu'il se pourrait bien que ce document vienne de son contact au sein des brigades pour lui donner de nouvelles instructions.
Le jeune homme retourne la lettre puis revient à son recto.
Mikasa, elle, serre les dents en regardant cette missive.
Sans plus attendre, le soldat Ralle se dirige vers la sortie pour se trouver un coin tranquille afin de lire l'une des rares lettres - n'étant pas de Petra - qu'il a reçu depuis qu'il est dans l'armée. Il jette son dévolu sur l'arrière d'un bâtiment administratif, il se dit que personne ne risquerait de venir là pour le déranger contrairement aux dortoirs à l'opposé de la caserne.
Thomas s'assoit confortablement par terre et s'adosse au mur. Il brise le sceau de cire et tire la feuille de papier pliée en trois. Il la déplie d'un geste sec puis tend le papier à l'aide de son autre main.
« Thomas,
Si tu lis ces mots c'est que je ne suis plus de ce monde et je suis parti avec un profond regret. Sache que je ne t'en veux pas si tu n'éprouve plus pour moi que de la haine et du dédain aujourd'hui, je le mérite. J'ai été le pire père qui ait pu exister entre ces murs et la seule chose que j'ai réussi à faire c'est le constater et ne jamais le surpasser.
Je pense que ta mère n'aura jamais le courage de te l'avouer mais je ne suis pas l'homme avec qui elle t'a conçu. Je pense sincèrement que tu n'es pas un idiot et que si tu ne l'as pas déjà découvert tu l'aurais appris tôt ou tard.
Quatre ans après la naissance de Petra j'ai eu un accident à l'usine dans laquelle je travaillais et j'ai passé de nombreuses semaines à l'hôpital. Alors, quand trois mois plus tard ta mère m'a annoncé qu'elle attendait un autre enfant j'ai tout de suite compris qu'il n'était pas le mien.
J'ai plusieurs fois pensé à partir de cette maison mais je suis un lâche et tu le sais.
Je suis resté et ai attendu ce jour où tu viendrais au monde. J'ai décidé que je devais lui pardonner, pour elle et pour l'enfant qu'elle attendait. Je me suis dit que ça ne pourrait pas être si terrible d'élever un enfant comme le sien sinon, qui pourrait bien l'aimer ? Un enfant n'est pas coupable des fautes de ses parents.
Mais j'ai été aveuglé par mes ressentiments quand je t'ai vu pour la première fois puis à chaque fois que mon regard se posait sur toi : je te voyais comme une insulte, comme si ton vrai père me souriait pour me narguer.
Aujourd'hui je sais que c'était une erreur et que, pendant toutes ces années, quand je te voyais comme un étranger et un parasite, toi tu me voyais comme ton père. Tu as dû souffrir des différences que je faisais avec ta sœur mais je n'ai jamais réussi à faire autrement.
Heureusement qu'elle était là, d'ailleurs. Quand nous avons appris sa mort ta mère et moi nous étions effondrés et, pour la première fois, j'ai pleuré pour toi aussi. Ta mère n'a jamais vraiment été là pour toi à cause de ma rancœur qui le lui interdisait et par dessus le marché tu avais un père qui te détestait. Petra était plus que ta grande sœur, c'est pratiquement elle qui t'a élevé. Il m'arrive encore de voir son regard féroce quand je te hurlais dessus, elle était si farouche quand il était question de toi... Je n'avais jamais vu quelqu'un protéger aussi fort et aussi passionnément. Je me souviens de cette fois où je t'ai vu dormir dans ses bras après avoir fait un cauchemar, elle te regardait avec un sourire tendre en caressant doucement tes cheveux. Je voyais une mère qui prend soin du fruit de ses entrailles.
Je me suis demandé un nombre incalculable de fois pourquoi je n'étais pas capable de te donner autant d'amour, pourquoi je ne pouvais pas t'accepter et te protéger pour que tu grandisses en ayant confiance en toi. Mais tu es venu aujourd'hui et j'ai vu un homme, j'ai vu quelqu'un qui a survécu à de terribles épreuves et qui ne pleurnichait pas pour le moindre bobo.
Un vieil adage dit que la haine naît de l'amour et je suis sûr que c'est vrai. Je me suis rendu compte en t'admirant que si je te haïssais tant c'est parce que je m'en voulais de t'aimer malgré tout, je n'acceptais pas de me soucier de toi et ta santé malgré les circonstances de ta venue au monde. Peut-être trouveras-tu un jour la force de me pardonner malgré tous mes torts.
Je ne suis peut-être pas celui qui t'a conçu mais je suis ton père, celui qui t'a vu grandir, et c'est pour cela que je suis fier de qui tu es devenu.
Au revoir, mon fils. »
Le silence règne, Thomas ne bouge pas. Ses doigts tremblants sont crispés sur les extrémités de la lettre, son regard écarquillé fixé sur le point final. Là, tout de suite, il est purement et simplement déchiré en deux.
Une minute s'écoule, un temps pendant lequel les conversations autour de Mikasa deviennent un brouhaha incompréhensible. Le regard fixé sur sa nourriture qu'elle n'a pas terminée, la jeune femme repense à ce qu'il s'est passé ce matin, à l'aube.
— Mikasa Ackerman ? Appela un soldat qui l'aborda dans la cour de la caserne, à peine sortait-elle des dortoirs.
— Oui ?
— J'ai une lettre pour vous. Je travaille au service des postes et on m'a donné comme instruction de vous transmettre le courrier de cette personne. Expliqua-t-il en tendant une lettre.
La jeune femme observa un instant l'enveloppe, curieuse.
— D'accord, merci. Remercia-t-elle sur ce ton détaché et neutre qui lui sert si souvent de façade.
Sur la lettre figurait l'adresse de la caserne et le nom « Thomas Ralle ». D'abord surprise, elle se mit en quête de son Caporal-Chef pour essayer de comprendre quoi faire de cette lettre.
Elle finit par le trouver dans le bâtiment administratif, sortant tout juste du bureau du Major.
— Mikasa, un problème ? Demanda Livaï, trouvant trop étrange qu'elle traîne dans le coin si Eren n'est pas avec elle.
Sans répondre elle s'approcha et tendit la lettre qu'elle a rapidement lu sur le chemin. L'officier s'en saisit et la lit à son tour avant de lever les yeux vers la jeune femme qui avait l'air crispée.
— Mmmmh... Ça ne nous avance pas à grand-chose mais il faut que tu vois sa réaction.
— Entendu. Accepta Mikasa qui venait d'obtenir l'autorisation de joindre l'utile à l'agréable, en quelques sortes.
Elle alla au service des postes militaires pour remettre la lettre et leur transmettre un nouvel ordre de Livaï : remplacer l'enveloppe et donner la lettre à son destinataire. Elle soupira en constatant qu'il fallait déployer tant d'efforts pour un simple courrier, dramatique certes, mais qui ne faisait pas avancer l'enquête d'un pouce.
Mikasa sort de ses pensées alors qu'elle marche d'un pas rapide sur les traces du soldat Ralle pour remplir sa mission mais aussi répondre à un besoin plus instinctif que désiré. Elle se dirige vers les dortoirs et frappe à la porte de la chambre où il doit séjourner mais il n'y a aucune réponse. Elle tourne la poignée et trouve une pièce vide.
— Merde... Souffle-t-elle, elle a mal anticipé.
La brune marche rapidement pour sortir du bâtiment et croise une nouvelle recrue adossée là, ne semblant pas faire grand chose à part regarder les gens qui passent avec un empressement variable. Elle l'attrape par le bras.
— Hé toi, t'aurais pas vu un brun, une lettre dans la main et l'air un peu pressé ?
La nouvelle recrue ouvre la bouche mais aucun son n'en sort, cette jeune femme aux cheveux blonds reconnaît son interlocutrice au nom célèbre. Elle finit par pointer une direction : le bâtiment administratif.
Mikasa en fait le tour puis trouve sa cible assise contre le mur, à l'arrière du bâtiment, les jambes repliées et ses avant-bras reposant sur ses genoux. La tête basse, Thomas tient dans l'une de ses mains une lettre dépliée. En approchant elle comprend que le jeune homme a pleuré, en témoignent ces tâches sombres d'humidité sur le sol.
Mikasa s'arrête à sa hauteur et s'agenouille à ses côtés : il semble ne pas l'avoir remarquée.
— Thomas... Appelle-t-elle.
Aucune réaction mais une larme heurte silencieusement l'un des pavés irréguliers qui couvrent le sol.
La jeune Ackerman fait face à une impression de déjà vu, une vision familière qui ne lui rappelle que trop bien ce qu'il s'est passé quelques jours plus tôt. Elle l'observe, tout anéanti et absent qu'il est, sans savoir quoi dire ni quoi faire à cause des risques de rejet si jamais elle tente quoi que ce soit.
Malgré cela, Mikasa ne parvient pas à se résigner. Pourrait-elle le laisser souffrir seul en connaissance de son malheur ? Non, définitivement elle ne peut pas rester de marbre face à sa douleur. C'est un besoin plus instinctif qu'autre chose qui la pousse à poser sa main sur son épaule gauche, nouvelle tentative d'attirer son attention. Malheureusement, encore une fois, il ne réagit absolument pas et ça la fait d'autant plus douter.
Elle serre les dents et balaie ce doute handicapant. A quoi bon rester sur une mauvaise expérience et ainsi s'obliger à refouler sa nature, à quoi bon essayer de se convaincre qu'il la rejettera à chaque fois ?
Les doigts de la jeune femme se crispent sur cette épaule, nerveuse à cause de son incapacité à trouver le meilleur moyen de le réconforter dans l'instant. C'est pourtant sa poigne qui le réveille de sa paralysie due au chagrin. Il lève lentement un regard humide vers elle puis se laisse mollement tomber de côté jusqu'à ce que sa tête heurte doucement le haut du torse de Mikasa. Les doigts de cette dernière glissent alors rapidement jusqu'à la naissance de la chevelure brune du jeune homme. Son bras libre vient l'entourer pour le serrer contre elle. Les sanglots de Thomas deviennent sonores bien qu'étouffés par sa relative retenue.
La situation est déchirante et, comme la dernière fois, Mikasa ne sait pas quoi lui dire. Pourtant, elle ne devrait pas se torturer pour trouver quelque chose à déclarer afin de lui remonter le moral, elle devrait comprendre que sa présence seule suffit à la façon dont il s'agrippe à elle.
En lisant la lettre elle a mesuré toute l'importance qu'avait Petra pour lui. La jeune femme conclut que Eren ne devra pas l'apprendre, il pourrait encore moins se pardonner ce qu'il s'est passé lors de la cinquante-septième expédition extra-muros.
Thomas se laisse aller pendant une bonne minute. Mikasa ressent elle aussi cette tristesse mais demeure incapable de faire quoi que ce soit, malgré le fait que ses doigts se soient perdus entre les mèches soyeuses de son camarade. La seule personne qui ait jamais été là pour lui a quitté ce monde il y a deux semaines et, comme elle il y a six ans, il a tout perdu.
Thomas finit par se calmer et se redresse, quittant l'étreinte avant d'essuyer ses yeux en reniflant.
— Pardon... Je suis encore en train de chialer dans tes bras... Dit-il.
La phrase est mal tournée et vexe Mikasa sur le coup, la faisant froncer puisqu'elle a l'impression qu'il le déplore.
— ...Mais il n'y a qu'avec toi que j'arrive à me laisser aller. Termine l'adolescent.
La deuxième partie de sa phrase fait bondir le cœur de l'Ackerman dans sa poitrine mais elle garde son expression dure.
— Tu pourrais savoir ce que tu veux ? Demande-t-elle, passablement énervée parce qu'elle en a marre qu'il change d'avis comme de chemise. Sa main quitte le cuir chevelu de son interlocuteur et retombe sur sa cuisse.
Elle soupire ensuite, consciente que le moment est mal choisi pour exprimer cette frustration qu'elle a en travers de la gorge. En plus de cela, malgré son besoin manifeste de lui faire comprendre qu'il a été stupide, elle se rend compte qu'elle lui a déjà pardonné. Mikasa réalise qu'elle éprouvait tout de même le besoin d'avoir son attention, que son regard se pose sur elle.
Thomas reçoit les mots de mademoiselle Ackerman comme un coup de masse. Cela dit, il accepte sa colère et s'en mord d'autant plus les doigts de l'avoir rejetée injustement. Que faire, que dire ? Il lève les yeux vers elle, l'espace d'un très bref instant, en réfléchissant au meilleur moyen d'enterrer définitivement la hache de guerre et dissiper tout doute. Alors, dans une pulsion, le jeune homme attrape Mikasa par le bras et l'attire soudainement à lui. Pourtant détentrice de réflexes affûtés et d'habitude toujours alerte, Mikasa est surprise de se retrouver dans les bras du soldat Ralle.
Cette surprise provoquée par la douce maladresse du jeune homme, conséquence de sa pulsion de franchise, fait rapidement place à quelque chose d'inattendu. Les premiers instants Mikasa a les yeux écarquillés, paralysée par cette initiative, par ce geste et par l'étonnant soulagement de se retrouver dans cette position inespérée. Là, lovée dans ses bras, se sentant protégée par un armure de tendresse à toute épreuve qui l'entoure de chaleur humaine apaisante, Mikasa ne peut ni ne veut bouger et ses doigts se crispent par réflexe sur la chemise du jeune homme pour s'accrocher à lui, de peur que cette douce sensation ne s'évanouisse comme un mirage. Elle peut d'ailleurs sentir le cœur agité du soldat Ralle au creux de sa main.
Il y a tant de sensations agréables qu'elle avait oubliées au point de ne plus se rendre compte qu'elles lui manquaient...
Toutes ces années à protéger les autres et se fondre dans cette mission qu'elle s'est donnée seule, tout ce temps à répudier ses propres désirs, ses propres manques affectifs...
Sa vie et son histoire l'ont menée à devenir cette personne forte et indépendante, cette force de la nature qui n'a peur de rien. L'envie même de pleurer ou de se réfugier dans les bras de quelqu'un pour un petit moment était inimaginable et c'est certainement là que se trouve l'explication de son attirance pour ce jeune homme qui aime beaucoup trop mettre sa vie en danger : il n'a jamais été intimidé par les apparences et a bravé ses défenses pour l'aider.
Une évidence s'impose à Mikasa : elle n'a pas peur de s'oublier contre lui, elle n'est pas terrorisée à l'idée de lui montrer ses faiblesses, elle sent qu'au fond ils sont semblables, qu'il pourrait la comprendre et être cette personne dont elle a tant besoin.
Mais, avec le peu de recul qu'elle parvient à avoir, la situation est devenue étrange. C'est lui qui pleurait, c'est lui qui avait besoin de réconfort et pourtant c'est bien elle qui est contre lui, le visage à moitié enfoui dans son cou où elle s’enivre de l'odeur de sa peau. Mikasa s'en veut d'accepter ce retournement de situation mais elle n'arrive pas non plus à lutter et souhaite que ce moment se prolonge.
Thomas de son côté apprécie tout autant ce moment et espère que cela prouve certaines choses à la jeune femme, il espère que c'est plus efficace que n'importe quels mots. Et ça l'est. La sentir entre ses bras est tout aussi réconfortant que l'inverse. Si cette étreinte peut les soulager tous les deux et donc faire d'une pierre deux coups, c'est parfait.
A son tour, Mikasa sent l'émotion la saisir. Est-ce de la rancœur ou du bonheur ?
La brune relâche le tissu qui couvre le buste du jeune homme et s'appuie contre lui pour se redresser puis le regarder droit dans les yeux, une larme coulant le long de sa joue parce qu'elle aussi n'a qu'un seul endroit où elle peut se laisser aller, à présent. Malgré cela, un obstacle se dresse toujours entre eux, à ses yeux.
— Arrête... Si c'est pour me rejeter encore une fois, arrête. Souffle-t-elle, sur la réserve même si elle en aimerait encore, ravalant les larmes qui perlent aux coins de ses yeux.
Thomas hésite.
Il est dos au mur, tant physiquement que métaphoriquement. Il doit lever tous ses doutes, il doit lui prouver que cette fois il ne sera pas un idiot, qu'ils doivent apprendre à avancer ensemble quelque soit la nature de leur relation. Malheureusement, quelque chose l'attire indéniablement, une envie contre laquelle il ne peut pas lutter. Son regard dévie sur l'objet de ses convoitises et dès lors il se sent chavirer, perdre le contrôle.
Il tend sa main vers elle et la pose sur la base de son cou. Très lentement, ses doigts s'échappent le long de sa nuque puis se logent dans ses cheveux. Mikasa se sent frissonner toute entière et ferme les yeux sous cette douce impulsion. Si sa raison lui hurle de le repousser pour éviter de subir une autre déconvenue, son cœur — qui prend irrémédiablement le dessus — la pousse à apprécier ce moment qu'elle appelait de ses vœux sans oser se l'avouer.
Le soldat Ralle admire son visage, ses traits fins, ses lèvres pulpeuses, le sillon tracé par cette larme qui commence à sécher, cette mèche qui encombre son visage... Il s'approche lentement d'elle et, quand Mikasa rouvre les yeux, elle sursaute brièvement de surprise à cause de la proximité de leurs visages.
Rapidement rouge jusqu'à la racine, perdue, confuse, incapable de réfléchir, submergée par des sensations qu'elle ne saurait nommer, incontestablement figée sur place, la jeune femme n'a qu'une seule certitude en cet instant : elle veut qu'il s'approche encore.
Ses mains qui sont encore posées à plat sur les pectoraux de Thomas se serrent sur le vêtement à mesure que la distance se réduit, par un curieux mélange de peur et d'impatience.
Les secondes deviennent des heures, chacun se dévore d'un regard mi-clos. Tous deux s'impatientent du moment où leurs lèvres s'uniront mais ce court chemin qu'ils parcourent lentement impose une délectable torture qui n'est autre que l'attente de l'inéluctable. Ils plongent dans une transe où les émotions sont légion, l'envie et l'abandon sont rois. Le monde qui les entoure devient flou et superflu, effacé de leur perception par la tension qui se noue entre leurs corps tremblants.
Quand leurs lèvres s'effleurent enfin, ils se lancent un dernier regard complice et timide aux portes de la tentation.
Thomas, ne pouvant plus attendre de répondre à cette envie qui le ronge depuis plusieurs jours, s'adjuge le droit de se saisir des lèvres de Mikasa.
Le baiser est doux et lent, une union simple mais puissante par la sensation de libération qu'elle procure et qui les immerge tous deux sous une vague de chaleur incomparable. Mikasa se laisse embarquer puis submerger jusqu'à répondre avec maladresse au baiser à cause de son inexpérience. Elle accentue leur échange en s'appuyant sur lui sans contrôler sa force ni sa fougue, auxquelles Thomas ne s'attendait pas et se retrouve ainsi pressé entre le mur et la jeune femme, sentant les aspérités du crépi s'enfoncer dans son crâne.
Leurs lèvres se détachent ensuite d'une pincée de centimètres. Hébétée, frémissant encore de ce contact suave, la jeune femme a les yeux juste assez entrouverts pour fixer ces lèvres qui ont un goût qui lui plaît plus que de raison. Elle les voit ensuite s'étirer finement en un sourire, ce qui lui fait lever les yeux vers ces deux billes bleues. Mikasa comprend alors ce qu'il vient de se jouer mais l'expression qu'elle arbore laisse entendre l'inverse à son partenaire.
Le rouge aux joues, son regard tombant de nouveau sur ce pêché de gourmandise auquel elle n'a pas assez goûté, la brune sent que tout ce qui la compose l'appelle à céder de nouveau, à unir encore une fois leurs lèvres pour s'assurer que c'était bien réel. Alors elle se laisse tenter, désirant ardemment que cette sensation exquise continue de lui faire tourner la tête.
Les mains du jeune homme tombent machinalement sur les hanches de Mikasa. Un violent frisson s'empare d'elle quand il s'infiltre par mégarde sous sa chemise qui commençait déjà à s'échapper de son pantalon à cause de la position. Lui aussi prit dans l'élan du contact de leurs lèvres, il remonte machinalement ses mains le long de ses flancs endoloris. Elle n'oppose pas de résistance et est même obligée de mettre un terme à leur baiser pour reprendre son souffle, étonnée que ce geste ne lui ait pas infligé la moindre douleur, au contraire. La sensation de ses mains chaudes touchant sa peau lui a asséné un coup derrière la tête. Elle reconnaît alors comme elle est vulnérable et comme il semble qu'il ait asservi son corps avec une facilité déconcertante, grâce à ce sortilège déroutant infligé du bout de ses doigts.
Mikasa est surprise de n'avoir senti qu'un plaisant frisson, comme si la caresse était un sédatif aussi efficace que délicieux. Une fièvre se saisit d'elle au contact prolongé sur ses côtes et sent une nouvelle vague de chaleur l'immerger puis se concentrer en bas de son ventre. Est-ce ça, le désir ?
Thomas se rend compte de ce qu'il était en train de faire et fixe les côtes de Mikasa où son vêtement blanc est déformé par ses mains. Il les retire rapidement par peur d'être allé trop loin, de l'avoir brusquée. Il n'y a pourtant aucune colère dans les yeux embués et fuyants de la jeune femme mais elle lui est reconnaissante de mettre fin à tout cela, d'endiguer ce flot de frissons dans lequel elle commençait à se noyer.
Thomas cherche son regard mais elle est décidée à l'esquiver, honteuse qu'il ait tout le loisir de voir la chaleur qui s'est invitée sur ses joues, toute gênée et encore désireuse, inlassablement ensorcelée par son partenaire.
— Mikasa... Appelle-t-il.
Elle frissonne de nouveau à l'appel de son nom par ce murmure agréable. La brune se redresse un peu et l'interroge du regard.
Thomas lui adresse un regard tendre. Il lève une main vers son visage pour caresser délicatement sa joue du pouce, essuyant l'humidité laissée là par son lâcher prise.
La jeune femme se demande à cet instant pourquoi elle est passée à côté de ça pendant tout ce temps et pourquoi elle a oublié comme c'est plaisant d'exister dans le regard de quelqu'un, parce que les deux yeux bleus qui la fixent scintillent comme elle ne les avait jamais vu étinceler auparavant, comme si elle était pour lui aussi captivante qu'un ciel étoilé d'été brillant de mille feux.
— Tu devrais... Retourner là-bas. Propose le jeune homme qui ne veut pas écourter ce moment mais peut s'en contenter pour éviter tous soupçons.
Mikasa hoche la tête en pinçant ses lèvres l'une contre l'autre, encore agitée à cause de ce qu'il vient de se passer, sa fébrilité l'empêchant de se mettre en mouvement.
Thomas pose ses mains sur celles de la jeune femme, ce qui lui vaut une nouvelle question silencieuse. Au sourire qu'il lui offre et par ce bref tapotement qu'il exerce sur le dos de ses mains, la jeune femme comprend qu'elle doit se lever pour le libérer et ainsi lui permettre de faire la même chose. Toute penaude, elle s'exécute et se redresse rapidement.
Le soldat Ralle époussette ses vêtements alors que Mikasa n'ose pas le regarder, nerveuse et perdue, ne sachant pas quoi faire ni quoi dire. La jeune Ackerman ne sait pas ce qu'il doit se passer ensuite, elle n'a que ce désir et le goût de ses lèvres qui s'efface lentement auxquels s'accrocher. Doivent-ils se tenir la main jusqu'au réfectoire ? Elle se sent idiote en se posant la question puisqu'elle sait pertinemment que les débordements affectifs sont mal vus au sein de la caserne et que ça leur vaudrait au minimum des remontrances.
Thomas fait un pas pour s'approcher d'elle et lève ses mains vers son visage, ses doigts glissent dans les cheveux noirs et lisses de la jeune femme depuis son front jusqu'à ses joues, lentement, pour dégager ses traits fins des mèches rebelles qui veulent les dissimuler.
Il échangent un regard, Mikasa frissonne de cette caresse.
— Merci. Murmure-t-il en la fixant droit dans les yeux avec intensité, ce qui la fait chavirer. Il recule ensuite d'un pas. On se retrouve tout à l'heure à l'entraînement.
— D'accord. Répond-elle avec un petit sourire maladroit, incapable de faire autre chose pour le moment.
Alors qu'elle le regarde s'éloigner, les mots du Caporal résonnent dans son esprit.
— Restez naturels et ne cherchez pas à éclaircir les choses sans notre aval.
Sa main descend jusqu'à son cœur contre lequel elle serre son poing. Elle se demande si ce qu'il vient de se passer était une bonne chose vis à vis de cette affaire. Que fera-t-elle si les soupçons s'avèrent fondés ? Il sera sûrement arrêté puis jeté dans une cellule pour y croupir le restant de ses jours.
— Ils se trompent... Finit-elle par dire pour elle-même à voix basse. Tu ne peux pas être celui qu'ils croient...
Elle parvient tout de même à balayer tout ceci de ses pensées : pour l'instant cela importe peu, ce qu'ils viennent de vivre est gravé dans sa mémoire et dans son cœur.
La jeune femme retourne au réfectoire pour suivre le conseil de Thomas. De toute façon elle a besoin de boire quelque chose pour se rafraîchir.
Quand elle entre dans le bâtiment, toute son escouade est encore là, à la même place et faisant les même choses. Le temps s'était vraiment arrêté ?
Armin — qui fait face à l'entrée — lève les yeux et reconnaît Mikasa qui approche. Il découvre avec surprise son expression étrange, quelque chose qu'il ne pensait pas revoir de si tôt chez elle : elle sourit sans raison apparente alors qu'elle est plongée dans ses pensées.
— Mikasa, où étais-tu ? Demande-t-il.
Elle sursaute en comprenant que l'on s'adresse à elle, reprenant son sérieux.
— Comment..?
Armin penche la tête sur le côté et sourit à son tour, il se doute bien que quelque chose a dû se passer avec un autre membre des escouades d'élite qui a quitté la salle quelques instants plus tôt.
— Tu avais quelque chose à faire pour le Caporal ? Demande-t-il pour la tester.
— Oui-oui. Dit-elle précipitamment avant de reprendre sa place. Ce n'est même pas un mensonge, en soi.
Le soleil se couche, les deux escouades d'élite viennent de terminer leur entraînement. Tous se dirigent vers le réfectoire pour manger quelque chose mais Thomas traîne en rangeant son équipement pour être un peu plus tranquille quand il ira se sustenter.
Se retrouver un peu seul lui fait du bien et le contenu de la lettre qu'il a reçu le matin-même lui trotte dans la tête. Il a réussi à garder son calme et contenir ses émotions pendant la journée mais ce fut difficile. L'idéal serait pour lui de passer une journée entière dans les bras de Mikasa pour que tous ses soucis disparaissent comme par magie, parce qu'il est maintenant persuadé qu'elle exerce un pouvoir surnaturel sur lui.
L'homme qu'il croyait être son père n'est plus de ce monde et il ne sait pas quel sentiment domine à son sujet, l'amour ou la haine ?
Mais sa mère est certainement au plus mal. Il aurait pu obtenir un jour de congé exceptionnel dès ce matin s'il avait montré sa lettre mais le jeune homme a préféré se laisser une journée pour prendre du recul.
Son équipement maintenant désolidarisé et chaque branchement minutieusement retiré, il se hisse sur le bout des pieds pour se saisir de cette malle qui porte son nom sur un papier cartonné fiché dans un étui en cuir relié à la poignée par une ficelle. Il la pose au sol, l'ouvre puis attrape le chiffon rangé dans la poche intérieure du couvercle afin de commencer le nettoyage des différentes pièces. Concentré sur sa tâche, il n'entend pas que quelqu'un approche et il sent qu'on le tapote deux fois juste sous l'omoplate gauche.
Inutile qu'il se retourne pour savoir qui c'est, il sourit.
Mikasa tire sa malle puis la pose sur une table non loin de là, collée contre le mur entre deux hautes étagères en bois remplies de caisses de matériel. Pendant qu'elle retire son équipement — et que Thomas continue de nettoyer le sien — ils ne disent rien et ne se regardent pas mais tous les deux ont un petit sourire aux lèvres, comme s'ils jouaient en cet instant : qui sera le premier à céder ?
Ce petit jeu dure une bonne minute puis le jeune homme soupire avant de briser le silence.
— Demain je ne serai pas là. Déclare-t-il.
Mikasa s'y attendait mais perd tout de même son sourire. Leur premier baiser puis l'entraînement lui ont changé les idées mais il devrait effectivement aller retrouver sa mère. C'est là qu'elle se sent honteuse et déchirée : ce serait lui mentir de lui demander le motif de son absence en jouant l'ignorante mais si elle lui avoue qu'elle a lu sa lettre il réagira certainement mal et, en plus de mettre l'opération en péril, cela l'encouragerait à la repousser une nouvelle fois.
— Tu as obtenu une permission ?
— Une exceptionnelle, oui. Répond évasivement le soldat.
La jeune femme se demande pourquoi il ne lui en dit pas plus. Est-ce qu'il veut vraiment garder ça secret ? Elle l'a réconforté tout à l'heure, elle l'a vu pleurer, il doit se douter qu'elle aimerait savoir pourquoi mais elle respecte néanmoins son choix, elle le connaît assez pour savoir qu'il n'aime pas s'étendre sur ses problèmes.
— D'accord. Dit-elle en plaçant les boîtes métalliques servant de fourreau dans la malle.
Ce qui la déroute c'est ce comportement curieusement distant, il n'a pas l'air de vouloir la toucher, être dans ses bras ou échanger un nouveau baiser. Comment fait-il pour être aussi détaché ? Elle peut comprendre qu'il soit resté froid devant les autres mais là... Ils sont seuls, il peut lâcher prise.
Une goutte de sueur froide coule le long du creux de son dos quand elle fait le parallèle avec la nuit suivant la débâcle de Trost. Est-il sur le point de la répudier, aurait-elle été assez bête pour tomber une fois de plus dans le panneau ?
Thomas termine de ranger son équipement, remet le chiffon à sa place puis reste là, assit par terre, à observer le contenu de cette grande boîte, pensif.
Occupée à dévisser les écrous du câble qui relie une poignée à la ceinture, elle ne remarque que tardivement qu'il est absent. Elle finit par se tourner puisqu'elle ne l'entend pas bouger et le trouve avec une main serrée au niveau du cœur, ses doigts autour de ce bijou qu'il porte constamment avec lui.
Elle pose la poignée dans la malle puis marche lentement vers lui, inquiète. Elle s'accroupit puis penche la tête de côté jusqu'à ce que celle-ci soit à la hauteur de la sienne. Son regard dévie sur cette arcade qui a été ouverte par sa faute. Ayant l'envie irrépressible de le toucher, par besoin d'être plus près de lui, elle se décide une nouvelle fois à lever sa main vers cette blessure, même si le premier essai quelques jours plus tôt fut un échec. Aujourd'hui pourtant il ne détourne pas la tête et se laisse faire, il en soupire même de contentement en fermant les yeux, un fin sourire aux lèvres. L'index de Mikasa effleure cette partie de son visage et c'est la première fois qu'elle s'essaye à une caresse. Sa réaction la motive à prolonger la distance que parcourent ses doigts. Elle effleure les contours de son visage puis, une fois arrivée à son menton, fait dévaler son index le long de la courbe de son cou pour enfin terminer sa course là où sa chemise forme un léger décolleté, à cause de ce premier bouton qui n'est pas attaché.
La jeune femme aimerait en profiter pour agripper ce col puis l'attirer à elle et ainsi lier leurs lèvres pour lui faire oublier sa peine, ne serait-ce qu'un petit moment. Mais elle ne peut pas nier que c'est aussi parce qu'elle veut continuer d'expérimenter cela, elle aimerait sentir à nouveau toutes ces choses nouvelles et déroutantes. Toutefois elle a peur d'en prendre l'initiative, timide et peu assurée.
Lorsqu'elle rompt le contact puis s'agenouille, Thomas lui sourit tristement. Il enfouit ensuite sa tête dans le creux du cou de Mikasa pour s'y réfugier, comme si c'était pour lui l'endroit où il se sent le plus à l'abri au monde. Ils passent une longue minute ainsi, la jeune femme faisant monter une main dans le haut son dos qu'elle parcourt timidement, se contentant de tracer de petites allées et venues d'une omoplate à l'autre.
Soudain ils entendent le bruit caractéristique de talons de bottes qui résonne contre la pierre.
L'intendant arrive à leur hauteur et leur jette un regard suspicieux. Il doit avoir l'habitude que des soldats profitent de cet endroit pour se bécoter sinon plus. Il les détaille rapidement avant que Thomas ne se relève. Il s'incline devant l'homme d'âge mûr.
— Pardon monsieur, je vais me dépêcher de ranger. S'excuse le jeune homme.
Quand il se redresse, l'intendant remarque les yeux rougis et marqués par la douleur du soldat. Son envie de le réprimander s'estompe avec cette vision puisqu'il comprend qu'après ces quelques jours, il est normal que certains aient besoin de réconfort, tant que ça se limite à une simple étreinte amicale.
— Faites vite. Dit-il avant de tourner les talons, laissant couler pour cette fois.
Quand le bruit de ses pas est assez éloigné, Mikasa se tourne et observe son camarade qui est dos à elle. La jeune femme hésite, encore et toujours insatisfaite, continuellement désireuse de le serrer dans ses bras par peur qu'il n'oublie sa présence et sa capacité à être là pour lui. Elle s'avance donc et enroule ses bras autour du ventre de Thomas pour le presser contre elle, la tête posée de profil sur sa nuque.
Elle repense à cette lettre et se demande si elle ne devrait pas lui demander pourquoi il est si triste et, s'il daigne lui répondre, lui proposer de l'accompagner le lendemain pour tenir sa main. Il aura sûrement besoin de réconfort et fera tout son possible pour rester fort et digne devant sa mère qui sera anéantie... Mais qu'en est-il de lui ? Et serait-ce vraiment raisonnable ? Madame Ralle ne l'accepterait peut-être pas ou pourrait croire que tous les deux sont en...
...
Le sont-ils..?
L'adolescente s'interroge en cet instant, elle se demande si avoir échangé un baiser fait d'eux un couple. Si non, qu'est-ce que ça veut dire... Qu'ils sont en quelques sorte des amis avec certains avantages ? Elle grimace, ce concept ne lui plaît pas du tout puisqu'il sous-entend une sorte de liberté. Mikasa veut quelqu'un pour elle toute seule, elle considère que les lèvres de Thomas lui appartiennent à partir de maintenant, elle veut détenir le droit exclusif de les étreindre.
Le soldat se retourne doucement et lance un sourire qui se veut réconfortant.
— Merci d'être là pour moi, je te rendrai la pareille, je te le promet. Jure-t-il.
Elle acquiesce lentement puis baisse les yeux. Thomas passe alors sa main sous le menton de la brune et relève délicatement son visage pour que leurs regards se croisent de nouveau. Lorsque c'est fait, il lui sourit de nouveau jusqu'à ce qu'elle fasse de même puis la lâche pour terminer son rangement.
— Thomas... Appelle Mikasa, à demi-voix, à peine s'est-il déjà mis en mouvement. Il lui est toujours un peu étrange de prononcer son nom et elle ne se rend pas compte qu'il tremble de façon brève mais intense lorsqu'elle l'appelle. Tu seras rentré quand ?
— Demain soir. Répond-il.
— D'accord. Acquiesce-t-elle.
Elle retourne à sa malle puis la referme avant de la soulever. Elle se tourne pour aller la ranger. A ce moment là son regard tombe sur le jeune homme et il regarde tristement ce pendentif. Elle a déjà remarqué les yeux du Caporal-Chef se poser dessus avec la même expression torturée, plusieurs fois.
Le jeune homme attend qu'elle range sa malle pour s'avancer vers elle et déposer un baiser sur sa joue, au coin de ses lèvres.
— A demain. Assure-t-il avec un autre sourire puis tourne les talons.
En revenant vers les dortoirs, Mikasa marche rapidement. Elle passe devant le bâtiment administratif.
— Mikasa ! Entend-elle. La jeune femme s'arrête et se retourne. Viens avec moi. Ordonne Hanji.
La jeune femme suit sa supérieure jusqu'au bureau du Major Erwin Smith. Livaï l'accueille avec une once de ressentiment dans le regard.
— Tu as oublié que tu as une mission ? Demande le Caporal-Chef.
— Pardon Caporal, je...
— Comment a-t-il réagi à cette lettre ? Coupe Livaï.
— Comme quelqu'un qui a perdu son père. Répond-elle de façon agacée et insolente, ce qui ne lui ressemble pas, mais elle ressent maintenant le besoin de protéger la personne qui la rend si confuse ces derniers temps.
Pour calmer le jeu, Hanji prend la parole.
— Nous savons quel est le nom qui a filtré, nous sommes fixés sur la taupe.
— J'ai chargé Julia de révéler sa véritable identité à Thomas puis de venir me voir ici pendant que je discutais avec la deuxième personne que nous soupçonnions. Et... Il se trouve que le nom donné à Thomas n'est pas réapparu. Explique Erwin.
Mikasa pousse un soupir de soulagement.
— Cependant, nous savons que Thomas Ralle et la taupe étaient très proches pendant les trois années dans leur bataillon d'entraînement. Il n'est pas encore tiré d'affaire. Ajoute le Major.
— Il m'a dit ne pas être là, demain. Lâche Mikasa.
— Effectivement, avant votre dernier entraînement de la journée il est venu me demander une permission exceptionnelle en me montrant la lettre. Confirme Hanji.
Mikasa acquiesce et n'ajoute rien.
— Tu peux disposer. Conclut Erwin.
Mikasa fait un salut militaire puis sort du bureau.
— Livaï, as-tu du nouveau sur la piste que t'as laissée Kenny Ackerman ?
— Sur l'autre Ackerman ? Oui. Après avoir cuisiné quelques gros bonnets des brigades spéciales que vous avez arrêté hier, un nom est ressorti : Erik Müller.
— L'homme que j'avais déjà identifié, donc. Nous savons qu'il trempait dans beaucoup d'histoires condamnables mais nous n'arrivons pas à rassembler de preuves suffisantes.
— J'ai l'impression que t'es prêt à faire un nouveau pari. Spécule Livaï.
— J'ai un plan en tête pour le faire tomber et pour ça nous allons proposer un marché à notre coupable.