L'Ode à la liberté [Livre I]

Deux jours après la bataille

Les faisceaux du soleil transperçaient les stores du bureau atteignant aussi bien le teint blafard, que la feuille maculée de fluide noire découlant de la pointe d’acier - pressée de temps à autre par la force de sa main. Son écriture sied gaiement avec ses joues creuses, refusant de se sustenter à outrance afin de nourrir la population dont elle avait la charge. Rabattant une de ses mèches blondes non attaché à son élastique blanc - pourvu d'une perle en pierre rouge, cernée d'un anneau de résine noir - la commandante se dit qu’il était temps de raccourcir un peu ses cheveux, si elle ne voulait être gênée en cas de force majeure. Quel que soit son statut, elle ne pouvait se négliger.

Terminant de rédiger l’accord de contrat la liant avec son associé, elle remua légèrement sa plume au-dessus d’un chiffon et retira le résidu d’encre par le biais de celui-ci, puis trempa la plume en argent dans de l’eau, avant de la sécher avec un autre chiffon.

Se relevant de son fauteuil fraîchement moelleux et offert généreusement par son partenaire, elle s’approcha de la fenêtre et observa à travers les petits panneaux en bois, se caressant le menton finement anguleux, s’interrogeant si ces sacrifices en valaient la chandelle.

Ses yeux bleutés, autrefois naïf et béat, avait perdu toute sa vivacité, l’âge de glace ayant triomphé sur le peu d’humanité qu’elle offrait ces dernières années. Peu importe, ses décisions, le District connaissait une pérennité loin des problèmes qui s’étendaient dans l’enceinte de ses murs. L’ignorance fait le bonheur, surtout pour ses habitants délaissé par le roi et son peuple lui-même. À l'exception d’un…

Frappant à la porte de son bureau, un soldat se permit d'entrée sans qu’elle n'ait donné son autorisation, la saluant directement la main sur le cœur.

— Elle est là, dit-elle.

Autrefois inscrite dans la même Brigade d’Entraînement, puis intégré dans la même unité, la cheffe du District toisa un instant son bras droit, méditant sur l’adage qui tournait en boucle depuis quelque temps dans son crâne : chasser le naturel et il revient au galop - ne supportant toujours pas les manières trop familiers de sa subordonnée. Toutefois, il y avait plus important : « La Messie » comme certains aimaient à l'appeler revenait de son périple - vivante.

— Ouvrez la porte. J’arrive, répondit la blonde - plus petite que la brune.

La commandante récupéra sa veste en cuir brodé d’un blason orné de deux jolies roses rouges et l’enfila avant de sortir de ses appartements.

Aucun des habitants, ni même les soldats, ne comprenaient cette expédition. Sauf elle.

Traversant le District renaissant de ses cendres depuis la chute du mur, la ville offrait une végétation abondante, et des fruits et légumes proliférant aussi bien à l'intérieur que l’extérieur de ces murs, permettant de vivre en toute autonomie.

Arrivant à la porte extérieur pour accueillir son hôte, même les plus curieux rebroussèrent chemin pour ne pas gêner leur cheffe - à l’exception de ses subalternes vérifiant qu’un monstre ne rôdait dans les parages, et refermèrent aussitôt la porte du mur Maria.

Les deux femmes se saluèrent mutuellement, la première gardant son air impassible - voir arborait une expressions des plus glaciales en jetant un coup d’œil à ses anciens soldats qu’elle avait échangés en échange de ravitaillement et d’armes - la deuxième, elle, lui offrait son sourire le plus charmeur, dissimulant son côté pernicieux.

— Je vois que vous avez fait bon voyage et en êtes sortie indemne.

— Ma foi, les expériences ont prouvé leur efficacité. Heureuse que vous m’ayez prêté main-forte, répondit joyeusement la dame aux billes anilines. Si vous le souhaitez, je vous les rends sans problème, cela pourrait vous servir dans les mois à venir.

— Qu'est-ce que vous sous-entendez ? Grogna la jeune femme.

— Et bien… le Bataillon d’Exploration a réussi à repousser l’ennemi dans ses retranchements. Le District de Shiganshina est de nouveau en notre possession, déclara l’autre d'une voix mielleuse.

La blonde rentrait automatiquement la tête dans les épaules, fronçant les sourcils et quantifiant le peu d’informations données - comprenant irrémédiablement qu'elle allait recevoir de la visite dans l’année, mettant en péril l’indépendance du District de Quinta.

To be continued