L'Ode à la liberté [Livre I]
Le plus dur était derrière eux et l’air de rien, Delroy avait réussi à manipuler l’esprit de sa coéquipière, l’obligeant à faire le premier pas. Maintenant, il pouvait bouger les autres pions à sa guise. Or, l’une des pièces lui faisait défaut. Deux mêmes. Armin et Mikasa. Ackerman ne se souciait guère des autres, excepté ses deux meilleurs amis et Arlelt voyait clair dans son jeu.
Enfin, le petit blond avait eu l’amabilité de détourner l’attention de la jeune asiatique pour laisser les deux simplets de l’amour ensemble pour une petite journée en tête-à-tête. Il lui restait encore à creuser avec le duo de comique.
— Tu devrais laisser faire les choses naturellement entre ses deux-là, lui murmura Armin - arrivant à sa hauteur.
— Ouais, mais… Tu penses que si Conny se déguise en patate ça fonctionnerait ? Blagua Delroy.
— Qu’est-ce que vous complotez tous les deux, intervint Kirschtein curieux.
— Delroy veut absolument jouer les entremetteurs, soupira l’intello.
Jean ne disait rien, bien qu’au fond, il ne refuserait pas un petit coup de pouce pour que Mikasa le voit autrement qu’un camarade. Avant tout, il serait préférable qu’elle remarque qu’Eren est un gros idiot suicidaire, arrogant et par-dessus le marché, un ingrat de service, préférant regarder sur la carte de tous les menus avant de choisir. Non, l’explorateur n’était pas jaloux de son rival, il était tout simplement réaliste. Sauf qu’il était le seul à penser ça. Ses collègues n’étaient pas dupe, encore moins les deux clowns qui se moquaient régulièrement de lui dans leur petit coin.
Les deux quartz bleutés observaient le grand frère de la bande. Grand, corpulent, parfaitement robuste. Aussi bien de profil que de face, ses traits de visage étaient parfaitement bien dessiner. Il l’enviait un peu, il possédait une assurance à toute épreuve.
— T’es un petit rigolo quand même toi, s’exprima enfin Jean - sur un ton offensif. Monsieur joue les cupidons, mais il n’a jamais eu de partenaire malgré le nombre de soupirantes qui ont toqué à ta porte.
Comme s’il avait lu dans ses pensées, Armin profita de l’ouverture pour attaquer par-derrière.
— C’est vrai ça. Ça joue les gars sûr de lui, mais c’est le plus grand timide d’entre nous.
— Oui, et mon petit doigt me dit, que tu as des goûts similaire que l’autre face de sanglier, répliqua le cheval humanoïde.
— Qu..
— Et peut-être bien plus masochiste qu’il ne le prétend, ajouta l’ami d’Eren - affirmatif
— Hé, je ne vous permets pas !
— Annie, chantèrent en cœur les deux explorateurs.
Les yeux levés vers le ciel, le grand brun basané se gratta la pomme d’Adam, sentant le regard insistant de ses deux confrères. Il avait le don de piocher les mauvaises cartes à ce jeu-là.
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Le Titan s’efforçait de garder une expression neutre, tiraillé par une panoplie de sentiments aussi fourbe les unes que les autres, rêvant que les battements de son cœur arrêtent de lui faire autant mal. Une sortie entre très bons amis, ni plus, ni moins.
Le jeune étalon avait une drôle de manière de marcher aujourd’hui. Il arpentait le chemin granuleux, agrippant le derrière de son pantalon, ce qui avait la faculté à attirer l’intention de sa camarade reluquant le plus discrètement possible son fessier - forçant même à ralentir sa démarche pour mieux examiner attentivement sa croupe. Tout de même étrange, puisque son pantalon ne semblait ni trop large, ni trop serré. Un peu trop fasciné par ce postérieur, l’ingénue se heurta à un pilier fait de chair et d’os. Elle se frotta le bout du nez et leva les yeux. Pourquoi l’adonis s’était arrêté en si bon chemin ?
Alors que les émeraudes se baladaient momentanément dans tous les sens, elles furent attirées par la vaste nécropole sans toit, où deux individus s’y trouvaient pour se recueillir. Il reconnut entre mille, cette tignasse noire, à la coupe bol.
—Qui est cette femme à ses côtés ?Pensa Eren à voix haute.
Æsma, obligée de suivre le mouvement, regarda le terrain nébuleux et observa à son tour les deux créatures côte à côte. Si son collègue devinait parfaitement la race de la première, la blondinette n’avait aucune difficulté à déterminer l’identité de la deuxième. Combien de fois avait-elle pu contempler cette crinière zigzaguant jusqu’au bas du dos ? Combien de jours et de nuits sont apparu depuis leur dernière rencontre ? Ses muscles se contractèrent involontairement, contraignant la gamine à retenir son coude gauche pour ne pas greloter. Que faisait-elle ici ?
De quoi pouvaient-ils bien discuter ? Quels liens unissaient ces deux individus hors-normes ? Impossible pour le brun de détachée son regard, encore moins quand la belladone consentit à regarder dans leur direction. Plus la fleur sauvage s'approchait, plus il avait l’intime conviction de l'avoir déjà rencontré dans une autre vie. Il continuait à l’admirer pendant qu’elle avançait, un sourire féroce sur son visage de porcelaine. Une fraction de seconde suffisait pour perturber le Titan, lorsqu’il croisa son regard.
— On devrait y aller Eren, murmura Æsma.
Les sourcils noués, le soldat Traum n’eut pas la chance d’avoir retenu ne serait l’espace d’une nanoseconde l’intention de cette femme. La petite fille commença à tracer des traits sur le gravier pour atténuer ses maux de cœurs.
— Qu'est-ce que vous foutez là tous les deux ?
Le caporal les fixait, arborant le même air insensible de tous les jours. Remarquant que son ami était toujours ailleurs et pour réprimer sa propre curiosité, Æsma haussa la voix.
— On ne faisait que se promener et ce gros nigaud, dit-elle - frappant l'épaule de son camarade, à cru bon de s'arrêter en chemin pour vous espionner
— Quoi ? Mais non ! S’exclama le concerné.
Juliette colla sa main sur les pectoraux de son Roméo. Même avec son haut favori, elle pouvait sentir cette partie du corps, qui se développait superbement bien depuis quelques mois, provoquant une montée d’hormone bouleversante dans son petit corps, mais ce n’était pas le moment de se laisser déstabiliser de la sorte.
— Désolé, pour ce petit désagrément, capitaine, s’excusa sincèrement la demoiselle au petit teigneux - qu’elle haïssait tant. Nous ne vous embêtons pas plus longtemps.
N’ayant pas la force et aucunement la volonté de se battre, Eren laissa Æsma mener la danse. Même s'il n’avait aucune probabilité que leur relation évolue plus qu'il ne le désirait, inconsciemment, il profitait de cette contiguïté qui l’émoustillait de plus en plus. Il finit par virevolter à cent-quatre-vingts degrés pour faire face à la peste, qui l’avait accusé à tort et à travers d'un acte purement inoffensif. La dénonciatrice semblait être autant curieuse que lui, puisqu’elle regardait sans cesse derrière elle.
Ne voyant pas par le mur auquel elle ne tardait pas à emboutir une fois de plus, la blondinette fut obligé de levé à nouveau les yeux vers le beau brun, qui la jugeait avec cette paire magnifique d’émeraude. Décidément…
— Je peux savoir pourquoi tu as dit au caporal que je l’épiais ? L’interrogea-t-il une moue boudeuse.
Une grimace qui faisait chavirer son petit cœur. Pourvu qu’elle ne rougisse pas.
— Parce qu'on a décidé de passer la journée ensemble, juste tous les deux comme au début de notre intégration au Bataillon, répliqua-t-elle - les deux mains sur les hanches, rehaussant ses épaules et sa poitrine. Puis, je pense que tu as besoin de te changer les idées avec ce qu’il s’est passé ces derniers temps.
Le soupirant passa sa main droite sur le vertex de son crâne, fuyant ses yeux étincelants qui le sondaient. Pourquoi lui dire des choses pareilles ? Ce n’est comme ça qu’il pourra faire le deuil de cette relation mort-née.
Après avoir déambulé dans les bois, les deux Jouvenceaux arrivèrent au milieu d’une clairière, prêt d’une source d’eau. Pas de concours de ricochet cette fois-ci, Æsma tenait encore à sa vie et ne voulait pas se risquer une fois de plus à éprouver des choses aussi bien physiquement qu’émotionnellement, comme tout à l’heure. Puis, elle ne voulait pas goûter de sitôt à l’amertume de l’échec amoureux. De même pour le jeune Titan qui était encore novice sur le sujet.
Ils se prélassaient au soleil, dans les hautes herbes entourés d’arbres. Le printemps à son paroxysme, sa végétation abondante chatouillaient leurs narines.
Ils s’amusaient à comparer la forme des nuages.
— Ça me rappelle les journées que je passais aux côtés de Gabriel et Aloysius, dit la blondinette - un peu rêveuse.
Gabriel… Eren avait complètement occulté celui-ci, refaisant ressurgir ces douloureuses paroles « Votre relation est inconcevable. Tu es bien loin de la connaître. ». Le grand frère n’avait pas tort, son amie ne parlait très peu d’elle… Il l’observa du coin de l’œil. C’était le moment idéal pour creuser un peu.
— Tu ne m’as jamais parlé de ton passé. Du moins, très peu.
Abasourdie par la question, la petite Traum regarda Jäger, ne cachant pas son air ahuri.
— Ah… euh … Qu’est-ce que tu veux savoir ?
— Tout ! Et c’est qui cet Aloysius ? Interrogea Eren - pas très sur de vouloir connaître la réponse.
— Al ? C’est juste le meilleur ami de mon frère. Nos familles se connaissent depuis quelques générations maintenant. Ahah, dire que je voulais me marier avec ce crétin, rit nerveusement Æsma.
Pour le Titan, il n’y avait rien de drôle, affichant une grimace de dégoût.
— J’avais quoi, quatre ans ! Se rattrapa Æsma. Puis, il m’a toujours considéré comme sa petite sœur. Une chose fragile et sans grand intérêt…
Comme Hanji d’ailleurs… Lâcha la demoiselle dans un murmure inaudible, mais qui ne rentra pas dans l’oreille d’un sourd. Le ciel s’obscurcit brusquement, assombrissant le visage juvénile et séduisant, que le soupirant aimait tant savourer dans son coin. Désormais, il s’aventurait dans une voie périlleuse en contemplant de plus près l’objet de ses désirs, se permettant de divaguer dans un fantasme des plus candides. Ce ne sont que des bouffons qui ne voient pas plus loin que leur bout de leur nez, se dit-il silencieusement, s’engageant dans les eaux profondes jusqu'à s’égarer dans les abysses. Il se sentait capable de surmonter les pires épreuves pour atterrir dans ce monde onirique, où ils pourraient folâtrer en toute insouciance, isolé du reste du monde.
La tête brûlée perdait toute sa témérité face à ses yeux de merlan frit, semant - comme il savait si bien le faire - le désordre dans son insignifiante existence. La pulpe de ses doigts se ramollissait à mesure que la chaleur de son corps augmentait. Les organes dans son ventre s’agitaient autant que celui dans la prison ossuaire.
Tandis que ses yeux verdoyant descendirent lentement sur l’objet brillant qui pendait au cou de l’éphèbe, ce dernier toujours muer dans un silence contemplatif.
Eren s’humecta les lèvres, luttant contre une envie dévastatrice, de lui prouver qu’il n’était pas du même acabit que les autres. À ses yeux, elle était comme le lierre qui s'agrippait d’une facilité déconcertante à un support. Il souhaitait être cette structure dont la plante avait tant besoin pour grandir. Il voulait être couvert de ses lianes. Être sa structure. Son armature dont la plante avait grandement besoin pour grandir et vivre avec panache. Il arroserait autant de fois qu’il le faudrait pour conserver leur lien.
L’amoureux transi brûlait d’envie de céder à la tentation, mais il n’avait pas l’audace de braver les dangers. Pas maintenant. Pas en voyant sa camarade, qui se mordait la lèvre inférieure complètement pétrifiée. Abruti de merde, s’injuria-t-il. Profiter d’un moment de faiblesse pareille…
— C’est pour ça que tu m’évitais, dit Eren, brisant un silence sans fin - c’est tout ce qu’il trouvait à dire.
Æsma se mordit plus intensément la lèvre inférieure et ferma les yeux pour remettre de l’ordre dans ses idées et trouva enfin la force de repousser son camarade, reprenant une grande bouffée d’oxygène.
— Je ne t’évitais pas, rétoruqa-t-elle - regardant les amas de cumulus se promener dans les cieux.
La sotte souhaitait définitivement disparaître de ce monde. Comment avait-elle pu penser un seul instant qu’il se passerait quelque chose ?
— Æsma, je peux te poser une autre question ?
La blondinette frissonna, peu enclin à se faire piétiner davantage.
— Si c’est sur Hanji…
— Non.
Pour oublier ses méfaits, Eren préféra retourner sur le sujet qui le turlupinait tant.
— Tu m’as déjà parlé de ton père, j’ai eu l’occasion de rencontré ton frère, mais tu ne m’as jamais parlé de ta mère, demanda le Titan - le plus naïvement du monde.
— Ma mère ..?
— Comment est-elle ? Qu’est-ce que vous faisiez ensemble avant que tu ne partes de l’armée ? D’ailleurs, comment a-t-elle réagi quand tu lui as annoncé vouloir intégré le Bataillon ?
La blondinette se redressa et passa une main dans sa crinière, se remémorant un souvenir qui remontait à loin. Très loin. Elle voyait encore les objets valdinguer dans la pièce à l’encontre de son frère. Qu’est-ce qui avait pu l’énerver autant ce jour-là ? Que pouvait-elle bien répondre à Eren ? Sa mère ? Il avait déjà rencontré quelques heures plus tôt. Comment lui annoncer que la femme qui les a superbement bien méprisés était sa mère ? Depuis son enfance, c’est madame Hortense et Gabriel qui s’occupait d’elle, voyant rarement les parents à la maison. D’ailleurs, l’amour entre ses deux parents n’existait plus. Cependant, ils ne s’était pas séparés pour continuer à fructifier les affaires familiales. Son père orchestrait tout ce qui touchait à la fabrication d’armes et sa mère s’occupait des affaires et de la trésorerie, ce qu’il ne lui laissait pas non plus le temps de trop s’occuper du reste. L’occasion ne s’est jamais présentée pour nouer les liens avec cette femme.
— Ma mère… Répéta-t-elle. C’est une femme splendide et somptueuse. Comme toute petite fille, je lisais, jouais, cueillais des fleurs avec… Il arrivait aussi qu’on cuisine ensemble. Des moments très simples de la vie quoi. À part que j’ai toujours pu éviter les soirées mondaines. À chaque fois, je réussissais à me faire punir, mentit Æsma - un sourire espiègle.