L'Ode à la liberté [Livre I]
En dépit de ses cheveux mi-courts, elle piégeait un maximum de mèches dans l’élastique - une coiffure utile pour ce qui l’attendait. Les manches retroussées, elle revêtit une main d'un gant en latex blanche, puis la seconde, claquant cette dernière sur son poignet - lui procurant un léger frisson. Elle ramassa l’instrument de torture par la manche, glissant son index sur les fibres li-longues et assez dru, se débarrassent des impuretés. Le temps est venu d'exorciser cette pièce de toute souillure.
Alors que le blondinette récurait - avec hargne - le mobilier de la salle de bain commune, des voix s’élevèrent dans la pièce voisine.
— Tu ne comprends toujours pas ! Tu crois que c’est un argument valable pour le caporal Livaï ?! Déjà ce matin, si je n’avais pas fait ton lit…
— Mais lâche moi la grappe ! T’es pas ma mère !
— Pourquoi vous brailler comme ça ? demanda Æsma sortant de la salle de bain.
Sans surprise, les deux individus au cœur de cette querelle n’étaient autre que Jean et Eren.
— Ils ne se sont pas essuyez les pieds, dit Eren en pointant du doigts les coupables.
— Vous êtes sérieux là ?! S’écria-t-elle - tétanisée
— Oh tu ne vas pas t’y mettre … s’impatienta le soldat Kirschtein.
Ce dernier eut un mouvement de recul, évitant de justesse l’objet atterrissant contre le mur à ses côtés.
— Putain, t’es folle ou quoi ?!
- Essuyez vous les pieds ! J’hésiterais pas à vous dénoncer. Hors de question que je prenne votre place, poursuivit-elle.
Leur conversation fut vite interrompue à l’arrivée de Mikasa et Historia, les bras chargés de bois. Armin sermonna son amie qui devait encore se reposer. Eren calma le petit blond, ajoutant que c’était peine perdu après ces séances d’abdos du matin. Un commentaire qui n’entrait pas dans l’oreille d’un sourd - accusant le soldat Jäger de voyeurisme.
— C’est marrant, j’ai l’impression d’être revenue à la caserne d'entraînement dit Sasha.
— Je vois ce que tu veux dire, répondit Armin - un brin préoccupé. Je me demande encore pourquoi le caporal nous a recruté pour son escouade. La protection d’Eren et d’Historia ne devrait pas être confiée à n’importe qui.
— Il nous a choisi parce qu’on fait partie des meilleurs, affirma Miss Patate.
— Sasha… Qu’est-ce que tu viens de mettre dans ton sac ?
— Surement pas un p’tit pain, si c’est ce que tu penses.
Jean attrapa le bras de Sasha, pendant qu’Armin fouillait dans le sac - de sa camarade - pour trouver le pain - volé à l’instant.
— Et bienvenue dans la 104ème Brigade, section sud… chuchota Delroy à son équipière.
— C’est assez amusant, répondit Æsma, mais ça aurait été sympa de leur part de ne pas saper notre boulot.
— Le caporal est si horrible que ça ?
— Pire.
En parlant du loup, on y voyait la queue. Eren se dépêcha de les rejoindre. Æsma et lui échangeaient un regard plein d’anxiété, priant pour survivre à l’hécatombe qui allait suivre. Le caporal-chef passa la main sous la table, où quelques grains de poussière se posèrent sur ses doigts.
— Vous aviez pourtant tout le temps nécessaire, s’exclama-t-il. Laissons ça de côté, on parlera de votre manque d’entrain pour les tâches ménagères plus tard.
Persuadée d’avoir fait abstraction de toute cette histoire, Æsma s’assit le plus loin possible de son chef. Elle croisa par inadvertance le regard d’Eren, la mettant de nouveau dans un état second. À l’heure actuelle, elle se haïssait de ressentir des sentiments aussi fugaces, que futile, dans une période où l’amour n’avait pas sa place. Pour se dédouaner, elle admirait la fumée, se dégageant de sa tasse de thé - le pavot imprégnant ses narines et se décida enfin à boire une gorgée pour panser ses plaies.
À l’affût, Eren surveillait l’attitude de sa camarade depuis leur conciliabule, englobant toutes les informations recueillies sur une seule et même personne. « Une occasion en or ». Il examina le chef Zoe, exposant les circonstances aggravantes dans laquelle se trouvait le Bataillon d’Exploration, insistant que leur objectif ne changeait pas. Reboucher le mur Maria. Le brun se concentra de nouveau sur son amie, méditant encore sur les évènements de la veille.
Le caporal-chef frappa Eren derrière la tête lui sommant d’être plus attentif.
— Bordel, moi qui pensait que vous vous chiez dessus… Pourquoi vous vous retenez comme ça ?
— Le pasteur Nick est mort.
D’après le chef Zoe, il s’agissait d’un homicide, même si la cause de sa mort lui était inconnue. Moblit et lui ont découvert le corps tardivement, les Brigades Spéciales étant déjà sur l’affaire, interdisant l’accès aux deux explorateurs. Hanji avait pu trouver des traces suspectes sur les phalanges d’un de ces deux soldats de la Brigade, appartenant à la 1ère division, qui habituellement ne flânait jamais dans les District tel que Trost. Le chef d’escouade de recherche n’aurait jamais pensé que le Culte du Mur enverrait des militaires assassiner le pasteur, pour avoir collaboré avec le Bataillon d’Exploration.
D’autres enjeux s'immisçaient dans l’équation. Même si les Titans à l’intérieur des murs n’étaient pas la plus grande menaces, il y avait encore des zones d'ombres autour de ce fameux Titan Bestial. Delroy avait réussi à retranscrire, sous forme de croquis, les descriptions que Conny, Historia et Æsma lui avait faites. Terrible, pensa Eren.
Il n’était plus question d’Eren, mais aussi d’Historia, elle avait un rôle très important à jouer dans cette histoire. Hanji suppliait Livaï de rester cacher encore quelque temps.
renfermé. Combien d’ongles lui a-t-on arraché ?
— Hein ?
— Est-ce que tu as pu le voir ? Combien ?
— Euh… je n’ai vu qu’une seule main. Il me semble qu’ils lui ont tout arrachés.
— Il semblerait qu’il ait emporté tous ses secrets dans la tombe. Quelqu’un sur le point de confesser, le ferais dès le premier ongle arraché.
Livaï demanda ensuite à Armin d’approfondir ses plans. L’idée de sceller le mur lui était venue, après avoir longuement relu les rapports lors de la 57ème expédition Extra-Muros et la capture d’Annie. Si le Titan Féminin pouvait se cristalliser, le Titan d’Eren aussi. Un peu d’exercice et le Bataillon pourrait partir de Trost à Shiganshina pour reboucher la brèche. Le temps requis serait inférieur à une journée.
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Livaï et Mikasa avaient une fâcheuse tendance à monopoliser les êtres qu’elle appréciait énormément, ce qui commençait vivement à lui taper sur les nerfs. À croire qu’ils étaient de mèches. Quitte à créer une rixe, Æsma refusait de quitter la pièce, même si le « cadavre » lui donnait les hauts-le-cœur. C’est elle qui avait accompagné, soutenu, soigné - choyé même - Eren tout le long de son parcours - durant ces interminables et affreuses expériences qu’on lui faisait subir. Elle connaissait le processus du bout des doigts et était la plus apte. Et contrairement à certains, je ne panique pas à la moindre déconvenue, rétorqua-t-elle.
Le chef d’escouade tactique baragouinait dans sa barbe, consentant à ce qu’elle garde un œil sur l’état de santé de leur camarade. Il se résigna également face à la jeune asiatique obsédée par son frère adoptif, dispensant à Hanji de passer un sale quart d’heure.
Æsma poussa légèrement le lit, dans lequel comatait Eren, non loin de la fenêtre.
— Qu’est-ce que tu fais ? L’interrogea la jeune asiatique - méfiante.
— J’accélère la régénération, répondit-elle - irritée.
La blondinette ouvrit les rideaux en grand, laissant les rayons du soleil pénétrer dans la chambre. Vu son état calamiteux, autant profiter des dernières lueurs du jour, avant qu’elles ne s’estompent. La blondinette ouvrit les rideaux en grand, laissant pénétrer les derniers rayons du soleil et se poser sur Eren.
Assise au bord de lit, elle glissa sa main dans celle de son camarade, jetant un rapide coup d’œil en direction de Mikasa, qui l’observait mitigée.
Habituellement, le bilan ne se terminait pas aussi de façon désastreuse. Il ne se rétablirait pas aussi promptement. La peau manquait partiellement et palper la chair demeurait désagréable, mais aujourd’hui Æsma ne s’en souciait guère, apprivoisant même la chaleur que dégageait son corps, oubliant même le désordre qui régnait dans son cœur.
— Eren. C’est Æsma. Je sais que quelque part dans ton subconscient tu m’entends Diriges toi vers ma voix. Mikasa est avec moi, si ça peut permettre de te bouger le cul.
Æsma marqua une pause et regardait Mikasa - toujours nerveuse.
— Tu as fais un bide total aujourd’hui, mais c’est pas grave. Souviens-toi à tes débuts. Tu ne maîtrisais absolument rien, et maintenant, tu es capable de tenir la distance.
Elle s'interrompit de nouveau, fixant de nouveau le soldat Ackerman pour jauger le niveau de son humeur. Elle se tenait toujours debout, immobile, au pied du lit. Lasse de son incapacité à prendre les choses en mains, la blondinette fit signe à sa collègue de venir à ses côtés et reprit la parole.
— Aujourd’hui, on a expérimenté quelque chose de totalement insolite, c’est donc normal que tu n’es pas réussi du premier. Personne ne t’a appris quoi que ce soit depuis le début. Un vrai autodidacte. Et rien que pour ça je t’ai.. t’admire ! Alors ne doute pas de toi. Maintenant, concentre toi uniquement sur ta régénération. On se tient à tes côtés quoi qu’il arrive.
Lorsqu’elle termina sa phrase, la main d’Eren pressa la sienne, la relâchant à la seconde qui suivit. Était-ce une réponse de sa part ou simplement un spasme ? Elle ne saura probablement jamais…
Elle récupéra son sac au pas de la porte, fouillant l’intérieur, et mit enfin la main sur le roman parmi ce beau bordel. Heureusement que le capitaine ne voyait pas ça, il mourait d’une crise cardiaque, bien que cette idée l’enchantait fortement.
— Merci, murmura Mikasa.
— L’important est de maintenir son inconscience éveillé, répondit Æsma - regagnant sa place.
— Cette andouille ne cessera de m’inquiéter.
— Si je puis me permettre, sans vouloir te vexer, tu devrais lui lâcher un peu la grappe.
Irascible, Ackerman se contenta toutefois de réajuster son écharpe autour du cou, attendant la suite.
— Cette andouille, ici présente, est plus douée qu’on ne le pense. Il faut juste l’aider à exploiter à son plein potentiel et lui faire confiance. C’est primordial pour qu’il réussisse, sans ça, il n'avancera jamais.
— Cette andouille à tendance à foncer tête baissée, si je n’étais pas là pour le surveiller, il ferait n’importe quoi. Gamin, quand Armin se faisait embêter par les autres enfants du quartier, Eren s’énervait et allait se battre contre ses bourreaux. À chaque fois, je devais intervenir avant qu’il ne se fasse laminer.
Æsma se redressa intrigué.
— On ne connaît pas la même andouille alors…
— Mais c’est la même andouille qui m’a sauvé, lorsque mes parents se sont fait assassiner sous mes yeux. Il m’a donné cette écharpe pour me réconforter et je suis allée vivre avec lui et sa famille.
Æsma écoutait attentivement ses paroles.
— Grâce à lui et sa famille, j’ai retrouvé goût à la vie... Et maintenant, j’ai perdu ma famille une deuxième. Il ne me reste plus qu’Eren.
Dans toute sa spontanéité, le soldat Traum posa une main sur l’épaule d’Ackerman, participant à la douleur de cette dernière.
— Je vais me répéter, mais fais lui confiance. C'est un grand débrouillard.
Dans l'enclos de Gymir
J'ai vu marcher
Une fille après qui je languis ;
Ses bras brillaient
Et faisaient resplendir
Air et mer tout entiers
Un jour Freyr passa outre les interdictions et alla s'asseoir sur le trône d’Odin et Frigg, admirant les Neufs Mondes.
Le soleil venait de se lever, elle n’avait toujours pas mangé, ni dormi. Les heures défilaient à une vitesse folle, Eren avait déjà retrouver toute sa splendeur, mais séjournait encore chez Hypnos - également rejoint par Mikasa, camouflée dans écharpe.
Longue est une nuit,
Plus longues, deux nuits,
Comment languirai-je trois nuits?
Souvent un mois
M'a paru moins long
Que cette demi-nuit d'ardente veille
Æsma comprenait mieux l’importance de cette dernière, réprimant la jalousie qui la rongeait, préférant se terrer dans les ténèbres pour ne pas y songer, résistant à ne pas céder au gardien de la nuit, qui tournoyait autour d’elle pour l'amener dans son royaume. Elle s’efforça de terminer les dernières lignes :
Enfin les noces eurent lieu dans le temps imparti. Neuf nuits plus tard, symbole des neuf mois d'hiver nordique, Gerd devint la femme de Freyr.
et tourner la page.
Æsma émergea lentement, réalisant qu’elle s’était assoupie. « Eren ! » Elle bondit de son lit pour voir comment il allait, mais le lit était vide.
Le garçon regardait par la fenêtre, un livre vert en main. Il se retourna aussitôt à l’appel de son prénom. Il semblait aller mieux, même s' il n’était pas dans une forme olympique. Il referma le bouquin et salua son amie.
— Tu as une mine effroyable. Même les Titans décamperaient sur le champ.
— Bonjour Eren, merci beaucoup de ce compliment, ça me va droit au cœur.
Eren regarda longuement sa camarade, enjambant le lit pour ne pas réveiller Mikasa. Il leva légèrement les bras, se parant à toute éventualité, tout en contemplant ses yeux vert, éclater par le manque de sommeil. Elle se frottait les yeux, aggravant son cas.
— Comment tu te sens, lui demanda-t-elle en baillant.
— Bien, mais je ne me souviens de rien.
— Pas étonnant. Tu as dormi presque une journée entière, dit-elle - continuant de bailler au corneille. La première transformation, impossible pour toi de solidifier ton corps. On a passé des tests d’endurance et d’intelligence. Niquel. Tu as réussi le test d’équilibre, la construction d’un grand objet en bois et les tests d’écriture. Quand Hanji t’a demandé d’écrire, tu as commencé par « parler » de ton père. « Mon père était… par moi… », puis tu as commencé à pleurer, au moins une bonne trentaine de minutes. On a réitéré les expériences, mais dès la deuxième transformation, ça s’est empiré et ne parlons pas de la troisième.
— Je me rappelle de ce qui était prévu, mais du reste… maugréa Eren.
— Ce n’est pas grave. En une journée…
— Ouais, impossible de reconquérir le mur Maria. Tout est de ma faute…
— Eren ne dis pas ça… Tu as fait de ton mieux ! Ça nous a tout de même compris de comprendre un peu mieux le mécanisme de ton Titan, la rassura Æsma. On va simplement devoir passer au plan B.