L'Ode à la liberté [Livre I]
Quotidiennement, la demoiselle se munissait de sa brosse à cheveux - en poil de sanglier - et balaya délicatement et méticuleusement, de la racine aux pointes, mèche par mèche.
Elle était d’une beauté incroyable avec ses grands cheveux, rappelant la réglisse tant pas sa couleur et son odeur, ressortant l'éclat de ses yeux bleus célestes.
Elle arrêta brusquement son action, observant étrangement son reflet dans le miroir.
Était-ce une hallucination ? Cette femme ressemblait mystérieusement à Historia. Eren se frotta le crâne, souffrant de ses amnésies passagères.
Il contempla le visage apaisé de sa camarade - endormi sur la table.
Après être partie dans la précipitation hier soir, il se retrouvait en tête à tête avec elle , caché dans un petit village non loin de Trost, le temps que le reste du Bataillon mène à bien leur mission.
Comment pouvait-elle être aussi insouciante ? Armin prenait de gros risques en se faisant passer pour elle. Au moins, elle ne faisait plus semblant de rien, ce qui la rendait plus attrayante ceci dit. Si jamais, il foirait peut-être que… Non ! Il donnerait raison à Jean. Faudrait-il encore qu’il résorbe le problème avec Æsma, plutôt que de le contourner.
Ne connaissant toujours pas la réponse, il possédait l’intime conviction qu’Hanji était la raison et la cause de toute cette histoire. Comment expliquer son attitude sinon ? Encore hier, Delroy insistait pour qu’il lui tire les vers du nez, mais elle le repoussait à chaque fois qu’il tentait de lancer le sujet. La manière dont elle l’avait repoussé hier, le contrariait.
« Entre la taciturne et la morveuse, tu as un choix de taille », « Don Juan », « Tu es jaloux. », « Moi qui pensait qu'Æsma et toi aviez le béguin l'un pour l’autre. »
Il préférait nier tout en bloc;
« Vous partagez les mêmes rêves, mais pas forcément les mêmes principes et ne réagissez pas de la même manière, pourtant, vous avez établi en peu de temps un lien très fort. Tu semble plus sage sur les décisions à prendre, quand elle est à tes côtés. Tu n’as pas l’impression d’entrer en osmose avec elle ? »
Il ne comprenait même pas de quoi voulait parler Armin avec ces mots savants;
« Votre relation est inconcevable »
mais ces paroles le révoltaient.
Quel comportement adopter maintenant ?
Eren s’affala sur le lit. Il devait bien avoir autre chose qui la différenciait de toutes ces autres filles. Æsma formait un tout. Les paupières fermées, il se reconstitua le visage de la jeune fille. Il n’oubliait pas les petites joues gonflées, pour exprimer son mécontentement ou sa gêne. Je jeune Titan continuait à réfléchir ce qui pouvait lui plaire. Son côté garçon manqué ? Mikasa et Annie aussi l’étaient. Ses cheveux blonds ? Annie et Historia aussi… Ses yeux ? Vert avec un petit éclat doré à l’intérieur. Comme ces vastes étendues d’herbes - dans les prés - éclairées par le soleil couchant. Apaisant, chaleureux, mais son regard pouvait être tout aussi intense. Comme à la rivière…
« À quoi tu penses ? ». La voix fluette d’Historia l’extirpa de ses rêveries. La petite blonde s'assit sur le lit et se pencha un peu plus en avant pour planter ses pupilles azurés dans les siens. Elle plissa les yeux, inspectant le rictus qui déformait le visage de son camarade.
— Qu’est-ce qui te fait sourire comme ça ?
— Quoi ? Rien !
Les oreilles d’Eren vivaient aux rouges. Il ne trompait plus personne.
— J’espère que tu ne pensais à rien de graveleux. Je sais que tu m’as regardé en train de dormir tout à l’heure.
— Mais non ! Répondit-il choqué.
Il lui avait semblé que la respiration d’Historia avait changé de rythme, tout à l’heure… Il s’excusa d’avoir été impoli. Eren s’excusa à nouveau de l’avoir mis dans une mauvaise posture, après ses multiples essaies foireux de la veille, toujours persuadé qu’elle souhaitait secourir Ymir.
— Dans tous les cas, dit-il, si tu ne fais rien, tout disparaîtra. On n’a pas le temps de se sentir perdus. N’oublie pas qu’Armin a pris ta place pour cette mission. Par contre, je ne comprends pas pourquoi ils ont choisi Jean ? Vraiment, on ne se …
— Oh que si vous vous ressemblez ! Affirma-t-elle sans ciller. Vu comment Æsma le regardait, une fois la perruque enfilée…
— Qu’est-ce que tu racontes ? S’énerva-t-il.
— Oh, oh, les garçons ont vu juste. C’est clair comme de l’eau de roche, maintenant que j’y pense. Vous aviez mis un temps fou pour rentrer la dernière fois, se moqua Historia. Vous étiez où ? Qu’est-ce qu'il se passe exactement entre vous deux exactement ?
— Il ne se passe rien du tout ! Grommela Eren, les paumes jointes sur la surface de la table ronde.
— Sur ce point là, je t’envie aussi Eren, continua-t-elle tristement.
Le jeune titan l’interrogea du regard.
— J’étais amoureuse d’Ymir. Je dis bien « j’étais » puisque maintenant il ne se passera plus rien entre nous… C’était la seule à me voir et à m'accepter telle que je suis réellement. Toi, tu es toujours resté fidèle à tes principes. Tu as toujours des épaules sur lesquelles tu peux te reposer. Tout le monde t'apprécie, et d'autres bien plus encore.
— Arrête de dire n'importe quoi. Les autres t'apprécient toujours autant. Je te l’ai déjà dit, mais je te préfère comme ça. Naturelle. Ces petits défauts que tu ne cesses de chanter depuis notre dernière conversation, ils font partie de ton charme. C’est indéniable. Je t'aime telle que tu es.
Les mots avaient dépassé sa pensée. Eren se sentait piquer un fard. Il se frappa le front. À croire qu’il déclarait sa flamme.
— Toujours aussi direct… répondit Historia d’un air faussement embarrassé.
— C’est pas ce que tu crois…
— T’inquiète, je ne répéterai rien, souriait-elle malicieusement.
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Entendre les paysans insulter le caporal de petit l’aurait bien fait marrer, s’il n’avait pas enchéri et commenter leur situation actuelle, accusant le Bataillon d’Exploration d’être responsable de tous les maux, mais Livaï semblait préoccupé par autre chose.
— Faites attention ! cria-t-il.
Æsma observait les alentours, guettant le moindre danger, mais ces bougres commençaient à s’en prendre au capitaine. À cause d’eux, elle n'apercevait pas le chariot qui fonçait droit sur eux. Tout comme le reste de ses équipiers, elle se retrouva dans la boue, pendant que les hommes kidnappèrent Eren et Historia - enfin Jean et Armin sous couverture.
Les explorateurs profitaient de ce tohu-bohu pour se défaire de leur longue veste et utiliser leur équipement pour poursuivre les malfaiteurs.
— Bordel, j’aurais jamais cru qu’un jour que le gouvernement stopperait un jour toute expédition. Voilà que le Bataillon est devenu l’ennemi numéro un de l’humanité, dit Delroy
— Ce n’est pas la première fois qu’on menace de dissoudre le Bataillon d’Exploration.
— Ah ouais ?
— Cette histoire remonte, il y a environ soixante-dix ans de cela, répondit Æsma pensive. Le Bataillon s’est réformé suite à l’intrusion d’un Titan dans les murs. Bref, le Bataillon d’Exploration est reparti en expédition. À l’époque, ils ne connaissaient même pas le point faible des Titans. T’imagine le bordel… Et pendant ce temps-là, les Brigades Spéciales cherchaient déjà à dissoudre définitivement le corps armée. Maintenant, je comprends un peu mieux pourquoi. Ils savent des choses depuis le début, que nous ignorions jusqu’à présent et le simple fait de se rapprocher d’un des fragments de la vérité, ils sortent les griffes, comme aujourd’hui. Reste à savoir quel est le rôle des Reiss dans cette histoire…
— Comment tu sais tout ça ?
— Hmm, tout le monde n’est pas au courant de cette histoire… C’est pas quelque chose qu’on raconte dans les manuels non plus, tu me diras. Un de mes ancêtres faisait partie du Bataillon d’Exploration à cette époque là et… c’est marié avec une femme qui à contribué à la fabrication de l’équipement tridimensionnel que nous connaissons aujourd’hui.
— Wouah. Je ne m’attendais pas à ça ! C’est… J’aimerais en savoir plus !
— Plus tard peut-être...
— C’était quand même moins une hier soir.
— Ouais… Entreprendre des expériences en journée dans la nature était vachement risqué. Sans le soleil, les Titans ne sont pas capables de quoi que ce soit.
Æsma s’arrêta, se remémorant les événements à Utgarde.
— Ceci dit, les Titans Intelligent gardent un contrôle absolu. La nuit n’est pas forcément un problème pour eux.
— Comment ça ?
— Lorsqu’on s’est fait attaquer dans les ruines… Nous combattions les Titans dans l’obscurité et le Bestial était présent. Et je ne peux m’empêcher de faire un lien entre lui et le Féminin. Le Titan de cette Annie était capable d’appeler les Titans. Est-ce que ce ne serait pas le Bestial qui aurait permis aux autres Titans de se comporter comme des déviants ?
— Je n’y avais pas songé, mais je croyais que vous aviez déjà fait des tests la nuit.
— Pas avec Eren.
— Ta théorie tient la route. Même Armin n’y a pas pensé. D’ailleurs… Jamais, je n’aurais pensé dire ça un jour, mais Armin m’a rendu tout chose aujourd’hui. Une perruque, une robe… c’est à s’y méprendre. dit Delroy.
— Hein ?
— Bah quoi ? Avoir deux Chris… Historia pour le prix d’une, je dis pas non, plaisanta-t-il.
— C’est dégueulasse.
— Ah oui, excusez-moi Mademoiselle, qui ne jure que par Hanji. Ah non, pardon. Eren. Eren et personne d’autre maintenant. Enfin, si...Jean. Il est grand, tout aussi beau…
Æsma frappa la tête de son coéquipier.
— Je ne suis pas d’humeur à écouter tes conneries et c’est vraiment pas l’heure de faire des blagues.
La blondinette pointa du doigt, le bâtiment où Armin et Jean étaient pris en otage. Posés sur les toits, ils pouvaient voir ce qu’il se passait à l’intérieur.
Un frisson d’effroi parcourut toute son échine. Un des bandits tournait autour du soldat Arlelt - toujours sous les traits d’Historia - et se collait à lui, comme une sangsue, baladant ses mains sur lui. Écœurant. Ce mec méritait qu’on lui coupe les couilles sans plus tarder. Jean tournait la tête. Il devait tout aussi être dégouté qu’eux, sans parler que lui et Armin étaient ligotés et ne pouvaient se défendre.
Qu’attendait le caporal pour réagir ?
Ce dernier donna enfin le signal d’intervenir.
Pendant que lui et Mikasa s’occupaient des malfrats à l’intérieur; Conny, Delroy et elle - en retrait, surveillaient les alentours, tandis que Sasha alternait entre les deux.Miss Patate leur indiqua que tout était ok à l’intérieur. Il ne restait plus qu’à attendre les invités, n’arrivant qu’au bout de trente minutes. Conny se hâtait de prévenir leur collègue.
Æsma n’en revenait toujours pas que Mikasa et Livaï avaient mis au tapis à eux seuls une bonne quinzaine de ces bandits, réussissant à mettre la main sur le marchand à la tête de ce groupuscule. Le temps de les ligoter et discuter affaire, Æsma et Delroy continuaient de guetter les alentours.
Une fois l’identité du « président » révélé, les explorateurs se cachèrent au sommet du mur, pile au - dessus de la porte - pour discuter affaire avec lui. Tous écoutèrent attentivement la conversation.
— Un marché. Il n’y a pas de marché. Nous suivons les ordres. Nous les exécutons, si nous ne voulons pas tout perdre. Mais vu que nous avons échoué pour le raid et le kidnapping aujourd’hui, c’est mort pour nous. Mes employés vont se retrouver à la rue, dit le marchand Reeves. Et pour couronner le tout, nous allons mourir dans de mystérieuses circonstances très bientôt. Ils sont peut-être idiot, mais il tiennent les rennes et enverront des gars sans uniformes vous tuer.
— Et alors ? Nous sommes des tueurs de Titans. Peu importe, on a l’habitude d’échouer chez nous. Ne vous souciez pas de ça, répondit Livaï. Trost est au bord de la faillite, et pourtant, en dehors des soldats qui réparent les murs, des gens restent encore ici. C’est vous qui fournissez le travail aux habitants si je ne m’abuse. Si jamais elle venait à disparaître, la ville ne s'en remettrait pas, ce qui, en plus de vos hommes et soldats, implique aussi les habitants. Combien d’entre eux survivront à l’hiver ? Être tué par les Brigades en est presque préférable.
— C’est ce qui va se passer, si vous refusez d’obtempérer et de nous livrer Eren et Christa.
— Exact. C’est pour ça que j’accepte de vous les livrer.
— Quoi ? S’écria Mikasa.
Delroy retint sa camarade.
— Uniquement à trois conditions, continua le caporal. Dès à présent, la compagnie Reeves va se soulever au côté du Bataillon d’Exploration, contre la police militaire et le gouvernement.
— Quoi ? Vous voulez déclencher une guerre ?
— Deuzio, votre compagnie va entièrement nous faire confiance.
— Ce n’est pas comme ça que fonctionne le commerce…
— Je m’adresse directement à vous Dimo Reeves, l’homme que vous êtes réellement. Nul de peut dire quel est le bon choix. C’est à vous de choisir, pas le marchand qui est en vous.
— Il n’y a que les amateurs qui signeraient un contrat dans lire les clauses…
— Tertio. À partir de maintenant, dès que la compagnie Reeves obtiendra de la nourriture ou des biens de luxe, elle en fera d’abord profiter le Bataillon. Du thé noir par exemple.
Æsma se frappa le front. Malgré cette offre saugrenue, l’homme accepta, serrant la main du caporal.
Le plan B se déroulait comme prévu.