L'Ode à la liberté [Livre I]
Pourquoi Reiner avait-il stoppé sa course ?
Le soldat Jäger vit de nouveau la lumière du jour, qui entreprenait à peine sa dernière phase. Dans cette espace-temps, les Titans cernaient le Cuirassé et pour se libérer de leur emprise, le grand blond ne lésina pas pour se frayer un chemin. Le résultat était laborieux. Les Titans continuaient d’affubler, bien que certains se précipitaient vers le gros du Bataillon. Ligoté à Bertolt, Eren n’était pas en mesure de renverser la situation.
Mikasa se présenta de nouveau à eux pour le sauver. Eren gigota et tentait de crier à travers le ballon. Il était trop tard quand elle réalisa que le danger était derrière elle. Un Titan l’avait empoigné, la pressant légèrement. L’entendre crier de douleur était insupportable pour le brun, toujours captif. Une chance que Jean soit venu à la rescousse de sa sœur adoptive.
Si tous ses camarades mourraient par sa faute, Eren ne se le pardonnerait jamais.
— On est allé trop loin pour faire marche arrière. Quel qu’en soit le prix, on va emmener Eren et on va enfin pouvoir rentrer chez nous !
Pourquoi s’obstinent-ils à vouloir m’emmener avec eux ? En quoi mon Titan et celui d’Ymir sont-ils importants à leurs yeux ? Qu’est-ce qu’ils les poussent à faire ça ? se demanda Eren. Tout comme c’est histoire de soldat et de guerrier, qu’est ce qu’ils sous-entendaient ? Qu’est-ce qu’il se serait passé, s’il avait accepté de les suivre sans rechigner ?
— Bertolt ! Appela Armin.
Eren le dévisageait inquiet. C’était bien trop dangereux. Il ne supporterait pas voir un autre de ses amis se blesser. Il n’était pas prêt à voir l’un d’eux se faire tuer sous ses yeux. Pourquoi restait-il silencieux ?
L’expression qu’affichait le blondinet lui donnait des sueurs froides. Il ne le reconnaissait pas. Qu’est-ce qui lui passait par la tête ? Il semblait avoir une idée et des plus démentes.
Annie. Eren restait suspendu aux lèvres d’Armin, pendant qu’il déblatérait des mensonges sur elle, mais contre toute attente cela provoqua son petit effet sur le jeune Hoover - éperdument amoureux d’elle. Perdant son sang froid, il s’attaqua au soldat Arlelt, laissant une ouverture au Major Erwin pour défaire les liens.
Délivrer depuis quelques minutes seulement, la situation s’empirait avec les Titans qui les encerclaient. Sans parler de ceux qui tombaient du ciel, envoyés spécialement pas Reiner, faisant tomber Eren et Mikasa du cheval.
Sur la vaste plaine, où l’herbe se perdait dans la brume - camouflant tout espoir - les ténèbres se rapprochaient. La porte des limbes surgit sous ce voile nébuleux, accueillant à bras ouvert la faucheuse. Égérie de la mort, exhibant son plus beau sourire, elle dévorait littéralement des yeux ses prochaines victimes. Après la mère, les enfants. Elle se délectait à l’avance de ce copieux repas que l’univers lui offrait.
Plongé dans un abîme de terreur, où l’espace temps n’existait plus, son cœur continuait à s’affoler. Le voilà au bord du précipice, pétrifié par l’entité maléfique. Quelqu'un extirpa hors des abysses.
Revenu à la réalité, Eren se trouvait plaqué au sol, Mikasa pour le protéger, avant qu’Hannes ne vienne faire barrage.
Après cinq longues années, la victime se trouvait de nouveau face à son bourreau. Son cœur - au bord de l’explosion - continuait de palpiter. Ce qu’allait faire le soldat de la Garnison, ne présageait rien de bon. Ce n’était pas à Hannes de les venger, ni Mikasa tentant vainement de se relever. Cette tâche incombait à Eren et à personne d’autres.
Libre de tout mouvement, l’heure de la vengeance avait sonné. Eren ouvrit grand la bouche et se mordit violemment la main - qui n’avait pas terminé sa croissance. Pas de transformation. Il recommença. Toujours rien. Il réitéra l’opération, encore et encore, jusqu’à déchiqueter sa peau. Il planta encore ses dents plus profondément. Il était trop tard. Un échec total.
L’histoire se répétait encore. Eren se laissa tomber par-terre et finit par ricaner - consterné, accablé face à sa propre faiblesse. À quoi bon être un Titan , s’il ne pouvait se transformer à volonté ? À quoi bon être un Titan, s’il ne pouvait pas se battre ? À quoi bon être un Titan, s’il ne pouvait pas protéger ses proches ?
Tu es un incapable, jura-t-il. Il n’était d’aucune utilité lors des moments importants, se méprisant au plus haut point. Il n’était pas digne de ce pouvoir. Il ne méritait pas de vivre.
— Eren, l’appela Mikasa - d’une voix douce.
Elle s’approcha de lui, les larmes aux yeux et se lança dans une myriade d'appréhensions.
— Ne dis pas ça. Tu sais très bien que c’est faux, ajouta-elle en souriant chaleureusement. Eren, écoute moi. Je tiens vraiment à te dire une chose.
Le cœur du jeune Titan s’agita, perdu dans ses yeux d’acier, qu’il ne connaissait que trop bien. Combien de fois l’avait-elle regardé ainsi ?
— Depuis le début, tu es toujours resté à mes côtés. Je t’en remercie. Tu as su comment me montrer vivre pleinement chaque jour de ma vie, et je t’en remercie. Et cette vieille écharpe, dit-elle - la tirant légèrement à elle, c’est toi qui me la passée autour du cou, merci pour tout.
Ces mots le troublaient, jusqu’à l’incommoder. Dans une autre vie, il aurait bu ses paroles sans vergogne. Curieusement, une partie de lui ne pouvait accepter la marque de tendresse offerte avec dévotion, comme la personne qui s’adressait à lui n’était pas la bonne. Cependant, il tenait profondément à elle. Peu importe le prix et les sacrifices, il remettrait le couvert - avec cette écharpe - autant de fois qu’il le faudra.
Soudainement, Eren se laissait entraîner par son corps, qui instinctivement se releva pour défier le Titan Souriant. La rage au ventre, il hurla à pleins poumons, avec pour seule et unique pensée de la tuer, qu’elle se fasse tuer.
Au premier contact, le garçon sentit une décharge électrique envahir son corps, lui procurant un plaisir inégalé jusqu’à aujourd’hui. Il se sentait vaillant et puissant, prêt à en découdre.
Brusquement les Titans attaquèrent le Titan souriant, comme répondant au souhait d’Eren - stupéfié par cette scène surréaliste. Il ne chercha pas à comprendre plus longtemps et se dirigea vers sa sœur adoptive, pour la transporter sur son dos. C’était le moment de battre en retraite.
Au même moment, Reiner se dirigeait vers lui. Il hurla à son encontre, lui promettant une mort atroce.
Encore guidés par une force invisible, les Titans s’attaquèrent maintenant aux deux traîtres après avoir réduit en charpie le bourreau de sa mère.
Les soldats de la Garnison aidaient les rescapés à remonter le mur, prenant en charge les blessés.
Eren observait Mikasa - blessé pendant le combat. D’après le soldat qui l’examinait, elle avait subi de multiples fractures au côtes. Les longs et tumultueux mouvements à cheval n'avaient pas arrangé les choses.
Ses yeux émeraudes plongèrent dans cet océan grisâtre. Le jeune Titan s’en voulait énormément de ne pas avoir pu la protéger. Il glissa sa main dans la sienne en signe d’excuse. Le soldat Ackerman la serra très fort pour le rassurer.
Il se remémora les paroles de sa sœur lors du chaos. Lui avait-elle fait une déclaration d’amour ? Il enfouit son visage dans sa main, gêné de penser à une chose pareille. C’est absurde, pensa-t-il.
Des éclats de voix surgissaient au pied du mur, réveillant Eren, qui se leva péniblement - le corps endolori par les évènements de la veille. Il crut reconnaître la voix du chef Hanji. Ce dernier semblait se quereller avec le Major, qui malgré son piteux état, était déjà debout. Il n’entendait pas la conversation depuis le sommet.
Moblit arriva depuis le monte-charge. Il avait très mauvaise mine. Il se chargeait de distribuer la nourriture aux soldats blessés lors de la bataille à l’extérieur du mur Rose. Quand il arriva à hauteur d’Eren, le jeune titan le questionna, se demandant ce qui pouvait mettre autant en colère Hanji.
Le lieutenant se murait dans un silence palpable, gardant les yeux grand ouverts, puis les baissa tristement.
— Nous avons fini de faire le bilan des soldats morts au combat. Hanji souhaite rester encore quelques jours pour voir si il n’y aurait pas des survivants qui auraient raté l'ordre de repli, mais nous avons encore beaucoup à faire.
— Oh, je vois …
Autre chose semblait turlupiner le lieutenant Berner. En temps normal, il n’aurait pas fait plus attention que ça, or son expression était plus grave qu’à l’accoutumé. Le brun l’invita à dévoiler le fond de sa pensée. Moblit hésita de longues et sempiternelles minutes, avant de prendre une grande inspiration, expiration et ouvrir la bouche.
— Traum fait partit de ces soldats.
Une douleur des plus désagréables se formait dans sa poitrine, jusqu’à ce qu'un son cœur se dérobe jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une coquille vide, qui tomba dans cette brèche ancrée au sol l’entrainant dans une spirale infernale.
Ce jour-là, il n'avait perdu qu’un être cher, ni deux, mais trois. Il avait été obligé d'accepter la mort de de Hannes, puisqu’il avait été témoin de la scène, mais pour les deux autres… Personne ne parlait d’eux explicitement. Ils ne faisaient que supposer, car aucun de ses compagnons n’avaient réapparu.
Dans le bureau des soldats, Eren feuilletait de nouveau les derniers rapport. Il avait épluché chacune d’elles sous toutes les coutures possibles, rêvant secrètement de trouver une faille pour sortir de ce cauchemar.
Il ne supportait pas le goût infecte qui le rongeait, que même son instinct lui hurlait de ne pas baisser les bras. Une petite graine d’espoir substituait dans son esprit, la dernière chose dont il pouvait s’accrocher pour ne pas tomber dans la démence.
C’était une blague. Une blague de très mauvais goût. Æsma n’était pas partie en mission suicide pour aller le sauver. Elle avait bien plus important à faire. Comme rester sagement au côté d’Hanji, pour l’assister dans ses recherches. On lui avait seulement ordonné de résoudre le mystère Titan à Ragako, ni plus, ni moins. Ensuite, ils se retrouveraient et profiteraient pour se ressourcer dans un endroit éloigné de tout, rien que tous les deux et… Pourquoi diable sa mort l’affectait autant ?
Le brun secoua la tête pour chasser cette image saugrenue de son esprit. Tout ce qu’il lui restait à faire était de la venger et les autres. Et le plus important, protéger Armin et Mikasa.