L'Ode à la liberté [Livre I]
Brèche ou non, les deux cas inquiétaient un grand nombre de soldats. Partie pour une deuxième tour complet, l’armée envoya une nouvelle milice afin de clore définitivement le dossier, que le chef Zoe s’efforçait à retarder. L’un comme, l’autre, aucun ne consentait à abandonner.
Aujourd’hui, Hanji - encore absent - se jetait corps et âme dans les recherches à Ragako, accompagné de Conny, tandis qu’Eren se façonnait une carapace solide. Il se hâtait tous les matins au terrain d’entraînement, trépignant d’impatience de reprendre les expériences et poursuivre sa vendetta, sous le regard peiné de son meilleur ami.
Armin continuait d’analyser les rapports d’Utgarde. Ses camarades faisaient mention d’un Titan déviant, sortant de l’ordinaire. Tout le monde l’avait nommé le Bestial. L’ancienne amie d’Eren le citait deux fois - le rendant responsable de la mort du chef Zaccharias.
Un physique hors du commun de par sa longue toison répartie de la tête au pied, aussi grand que les Titans que possédait Annie, Eren ou Reiner. Contrairement à ces trois-là, il balançait ses projectiles aussi bien que Conny au lancer du fer à cheval. Fort probable qu’à l’intérieur de ce dernier, se cachait un autre être humain - une hypothèse à ne pas jeter à la poubelle. Armin imaginait à quoi ce Titan pouvait ressembler.
Une ombre émergea derrière lui, s’animant lentement pour se matérialiser à ses côtés. Jean salua Armin, inspectant du coin de l’œil la paperasse qu’il tenait dans les mains. Il poussa un soupir avant de lorgner sur Eren - qui fustigeait le mannequin d’entraînement.
— Je ne peux pas m’empêcher de réfléchir à ce que tu as dis à Eren, l’autre jour. Ce phénomène s'est produit lors de l’assaut… Je pense sincèrement que ton hypothèse est la plus cohérente d’entre toutes. Jean marqua une pause. Ce crétin serait capable de diriger les Titans, reste à savoir comment activer ce fameux pouvoir. À croire que le sort de l’humanité ne dépend plus que de cet idiot suicidaire. Ça me dépite…
En attendant le retour de la Garnison et de l’escouade de recherche, Armin entamait son puzzle, avec tous les éléments récoltés jusqu’à maintenant. Aucune des pièces ne collaient, et pourtant, il restait convaincu qu’elles avaient toutes un lien. Il suffisait encore de creuser pour trouver les fragments manquants. Patience, murmura-t-il.
Quelqu’un toqua à la porte, sans attendre de réponse. Mikasa, dit Armin. La jeune asiatique vînt s'asseoir au bord du lit. Ils s’échangèrent des regards silencieux, comprenant ce que pensaient l’un et l’autre, ce qui dépitait profondément le soldat Arlelt. Cette fille avait véritablement un ver au cul, alors qu’on lui avait fortement recommandé de se reposer - elle s’échinait à courir dans tous les sens…
Habituellement à l’écoute de son meilleur ami, la jeune Ackerman ne pouvait se résoudre à rester les bras ballants, encore moins quand son frère prenait ses distances.
— Tu fais quoi ? Demanda-t-elle curieuse devant cette montagne de paperasses.
Armin arrêta son travail et s’étira, avant d’observer sa camarade
— Je me mets à jour et cherche des solutions pour aider le Major.
— Hmm, hocha Mikasa. Ça va toi ?
Ses grands yeux bleus s’écarquillèrent surpris, ne comprenant pas vraiment cette question.
En vérité, elle s’en foutait de ce qu’il faisait en ce moment même, la jeune asiatique lui tendit une assiette creuse, remplie d’un bouillon encore chaud avec des morceaux de pain. Il n’avait même pas fait attention qu’elle n’était pas venue les mains vides. La fumée odorante pénétrait à l'intérieur de ses narines. Son estomac criait famine.
Armin jeta un coup d’œil à la fenêtre. La nuit dominait la ville de Trost. Il ne se fit pas prier et rangea le bureau pour goûter à cette délicieuse soupe. Il remerciait sa camarade, heureux qu’elle ait pensé à lui. Une chance que Sasha n’ai pas tout dévoré sur son passage.
Ce n’était pas l’unique raison de sa venue, Mikasa ressentait le besoin de parler d’un sujet un peu plus tabou, sur lequel Armin cherchait à évincer par-dessus tout. L’un comme l’autre, ils avaient besoin de déballer ce qu'ils pesaient sur le cœur. C’était à elle de faire le premier pas.
— Delroy.
Une saveur âpre se dispersait dans sa bouche, s’emparant de son palais jusqu’à combler le fond de son gosier, échouant dans son organe musculaire - moteur essentiel de sa propre existence - parti en lambeau.
Ces parties d’échec passées dans les chambres jusqu’au petit matin, car il était inconcevable que le conscrit Henchmann reparte la queue entre les jambes sans avoir gagné au moins une manche. Le grand brun apprenait très vite de ses erreurs et se transformait en un véritable prédateur, obligeant le petit blond à ne jamais rien négliger. Maintenant, les batailles psychologiques périssaient avec Delroy.
La dissension dévorait ses entrailles à petits feux.
Armin se mordit l’intérieur de la jour, évitant soigneusement de croiser le regard bleu gris de son amie. À quoi bon évoquer les mauvais souvenirs ?
Jean rentra en trombe essoufflé.
— Les gars… faut que vous veniez ! Haleta-t-il. De… La Garnison… La Garnison a retrouvé des survivants… Ils viennent tout juste d’arriver.
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Quelques minutes avant le repli du bataillon lors du raid
Les soldats tombaient comme des mouches. Les Titans étaient bien trop nombreux. Delroy se déchaîna autant qu’il pouvait contre ses monstres. Quitte à ne pas pouvoir tuer le Cuirassé, autant réduire en bouilli les Titans à porter de mains.
Il effectua une attaque en piqué - suffisamment puissante pour détruire la nuque du premier Titan. Il accéléra ensuite pour faire une taillade tournante pour détruire une main, puis l’autre du deuxième Titan. Il acheva le troisième Titan avec une attaque multi-frappe, aidé par Æsma.
Il ne restait plus qu’un Titan à achever, mais ce dernier se tourna brusquement pour se diriger où se trouvaient encore d’autres titans. Æsma le poursuivit mais le monstre balança son bras, l’éjectant par-dessus le ravin, ratant l’occasion de manger son déjeuner.
Remarquant que cette dernière ne cherchait pas à se rattraper, le jeune homme se précipita et sauta dans le vide. Il activa le filin pour ne pas tomber et son épaule heurta de plein fouet le mur de pierre, serrant un peu plus la jeune blonde contre lui - qu’il avait rattrapé in-extremis.
Un petit filet de sang coulait sur son front. Elle ne bougeait plus, mais il sentait encore les faibles battements de son cœur.
— Merde, plus de gaz, grogna-t-il.
Ce n’était vraiment pas le moment de rester bloqué. Delroy analysait les environs. Il n’y avait pas, ne serait-ce, un petit endroit pour se poser. Comment remonter la haut, tout en transportant un poids mort ? De plus, son bras droit lui faisait affreusement mal. Par chance, une tête brune apparut tout en haut et s’adressa à eux.
— Tout va bien ?
— Ça aurait pu être mieux. J’ai plus de gaz.
— Attends, j’arrive pour vous aider. Hé Gérard, viens m’aider !
— Y’a pas le temps Kurt, répondit une voix un peu lointaine. Le Major a donné l’ordre de se replier.
Le soldat Kurt ne cessait de regarder en direction des deux individus, puis derrière lui. Il avait peur. Il hésitait durant une éternité avant de se décider. Alors qu’il semblait vouloir les abandonner, le soldat de la Garnison prit son courage à deux mains et descendit du ravin.
— Passe moi ta camarade, je vais d’abord la remonter. Je viens te récupérer après.
Il n’a suffit que de quelques secondes d’attente pour Delroy avant de retrouver la surface. Il remerciait l’homme. À peine il regardait les chevaux partir, qu’ils disparaissent dans la forêt des arbres géants. À leur droite… Delroy restait pantois face à ce spectacle surréaliste. Reiner et Ymir se battaient contre les autres Titans.
— Je vois que tu es blessé au bras. Je vais transporter la petite sur mon dos. Tu peux courir ?
Delroy acquiesça, il fallait se dépêcher, avant qu’on ne les repère. Les deux soldats parcouraient le cimetière - autrefois vert - teinté de rouge. L’enfer disparaissait, laissant place aux ténèbres - moins barbare que son frère.
Ils arrivaient enfin à la sortie de la lisière.
— Échanges tes cartouches de gaz, avec ta camarade, dit le soldat Kurt.
— Quoi ?
— Elle doit encore avoir du gaz sur elle, mais dans son état actuel, ça ne lui servira à rien. Prends les, et on va se poser deux-trois heures sur les branches avant de reprendre la route. Le soldat de la garnison fouilla dans ses poches. Heureusement, j’ai encore deux-trois biscuits secs…
Æsma s’éveilla sous un ciel étoilé, légèrement dissimulé à travers les feuilles - qui se mouvaient sous une bise glaciale. Elle grelottait dans ce mutisme sibyllin. Son cerveau s’activait doucement, que l’unique sujet qui arpentait son esprit, se nommait Eren. Peu préoccupée par son propre destin, elle espérait qu’il était hors de danger. Elle s’assit pour inspecter les alentours. La dernière chose dont elle se souvenait était… Pourquoi se trouvait-elle dans la forêt ?
Une silhouette à sa gauche ne semblait pas faire attention à ce qui l’entourait, se perdant dans la voûte céleste. En s’approchant de cette dernière, elle reconnut Delroy - qui griffonnait sur son carnet. Il tournait la page et esquissa un autre croquis. Dans sa bulle, il ne sentait pas la présence derrière lui. La blondinette déroba son calepin.
— Hé !
— C’est toi qui dessine comme ça ?! Quelle question… C’est…
— Rends moi ça !
La blondinette eut un mouvement de recul, tout en créant un barrage avec son bras libre.
— Pourquoi tu dessines Mikasa ? souriait-elle malicieusement.
— C’est pas ce que tu crois !
— Vraiment ?
Delroy souffla comprenant qu’il avait déjà perdu d’avance.
— Feuillette un peu et tu comprendras.
Æsma ne se fit pas prier et s’assit pour admirer son travail, ne manquant pas de la complimenter à chaque dessin, avant de se taire et s’arrêter sur l’un d’eux - pendant de longues minutes. Delroy décelait dans l’obscurité, les joues de sa collègue se colorer. Intrigué, il jeta un coup d’œil derrière son épaule.
Le soldat Henchmann se souvenait encore de ce jour. Une des rare fois où Jäger souriait pleinement.
Lors de leur entraînement à la montagne - en plein été - Shadis les congédiait pour cette journée. Un repos bien mérité. Le petit groupe en avait profité pour aller se baigner dans le lac. Une journée mémorable, qui se terminait par une énième altercation entre Jean et Eren - se chamaillant pour savoir qui était le meilleur nageur. Annie qui faisait trempette tranquillement dans coin, fut éclaboussée par ces deux énergumènes. Fidèle à elle même, elle les fusillait de son regard le plus noir. Cette beauté glaciale s’était approchée d’eux en agrippant férocement leur cheveux avec une poigne de fer. Elle avait cogné leur tête l’une contre l’autre et les plongea dans l’eau. Avant que l’un deux finisse par mourir noyé, Armin et Reiner vinrent à leur rescousse.
— Je leur fais juste quelques exercices d'apnée, avait-elle dit nonchalante.
Ce souvenir rendait Delroy nostalgique. Ils étaient encore jeunes et insouciants, il y a à peine un an de cela.
Il examina à nouveau le dessin.
— C’est vrai qu’Eren est un homme plutôt bien bâti. Avec ces abdos en béton, toutes les filles lui courent après, dit-il sournoisement.
— Qu’est-ce que tu racontes ?! S’exclama Æsma, fermant instinctivement le carnet - honteuse d’être prise en flagrant délit.
Elle plaqua le carnet du grand brun contre son torse.
— Abdos ou non, aucun homme ne peut égaler le chef Hanji ! Aucun. Souligna-t-elle le regard fuyant.
Il n'y avait vraiment pas un pour relever l’autre. Aucun des deux ne semblait avoir conscience de leurs sentiments respectifs. À ses yeux, elle confondait amour et admiration envers d’Hanji. Certes, elle pourrait dévouer sa vie au chef Zoe, mais son comportement envers Eren ne trompait personne. Et inversement. Cette petite étincelle dans les yeux d’Eren, qui s’agitait à chaque fois qu’il la regardait…
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Ils ne se quittaient pas des yeux un seul instant. Eren était à la fois soulagé de la revoir et à la fois terrorisé par le désir qu’il l’envahissait. Il brûlait d’envie de la prendre dans ses bras, la rassurer et être au petit soin. Il réfrénait ses ardeurs, se contenant de lui sourire, témoignant toute l’affection qu’il éprouvait à son égard.
— Bon, on va aller à l’infirmerie que je soigne ton bras, lâcha Hanji.
— Vous devriez m’examiner aussi, dit Æsma tirant sur la veste de son chef - légèrement jalouse qu’il porte toute son attention sur Delroy. Je crois que je me suis blessé en marchant.
— Pourtant tu as l’air en pleine forme, rétorque Livaï, compressant le crâne de la jeune fille. D’ailleurs, je sais comment te soigner la morveuse. Si tu crois que je n’avais rien remarqué, tu t’es bien fourré le doigt dans l’œil. En tant que médecin du Bataillon, je vais te prescrire une journée de ménage intensif dans les baraquements. Et ne compte pas sur Eren ou Nifa pour t’aider.
Eren observait la scène sous un œil mi-amusé, mi-soucieux. Il sollicita son chef d’escouade de d’accompagner ses camarades à l’infirmerie.
Une fois les petites éraflures désinfectées et pensées, il proposa à sa camarade de la reconduire jusqu’à sa chambre. D’après les chefs d’escouade, Erwin et lui restaient dans le collimateur du roi et du reste de l’armée. Ils méritaient donc - aussi bref soit-il - de passer du temps ensemble.
Elle devait être heureuse de retrouver l’homme qu’elle convoitait temps. Complètement perdue dans ses rêveries, elle ne lui laissait pas l’occasion de lire entre les lignes, murée dans le silence tout le long du chemin.
Est-ce qu’au moins, il y avait une place pour lui, aussi petite soit-elle. Il refoula de nouveau ce sentiment obscur et indéchirable qui le torturait intérieurement. Il déclina son offre pour ce soir, préférant ne pas souffrir davantage à l’écouter parler d’Hanji et des expériences. Et il souhaitait ne plus entendre parler de ce fanfaron qui lui avait sauvé la vie et de sa reconnaissance éternelle.
Le lendemain, le jeune Titan regrettait amèrement d’avoir refusé de passer la nuit avec sa camarade, se voyant obligé de passer la journée à errer dans le centre ville avec la nouvelle escouade Livaï.
Pour ne pas changer, Sasha et Conny faisaient les pitres. Jean les surveillait de très près, - surtout Miss Patate, toujours prête à chiper des fruits ou légumes sur la place du marché. Eren lui claqua la main, quand cette dernière tenta de voler un pain. Il se frotta le front, exaspéré par le comportement puéril de ces deux clowns. Ils n’étaient clairement pas conscients de ce qui les attendait avec leur nouveau capitaine. Le jeune Titan se voyait déjà affublé d’un tablier et d’un bandana sur la tête, à balayer une maison de fond en comble, ramassant un à un les grains de poussière. Cette vision ne l’enchantait guère. Il priait pour que le reste de l’équipe se tienne à carreau.
Le jeune homme jeta un petit coup d'œil en direction d’Historia - murée dans le silence depuis leur retour. Maintenant qu’elle avait fait table rase sur son passé, elle était une tout autre personne, l’apprécient telle est maintenant. Il s'inquiétait de ce mutisme. Le départ d’Ymir devait y être pour quelque chose.
— Un problème ?
— Désolé. Je me disais simplement, que tu avais … changé, avoua-t-il.
— Je suis simplement moi, maintenant. Historia resta silencieuse, un long moment, avant d’ajouter, Je vous envie tous. Toi… les autres … Vous savez ce que vous voulez. Pour ma part, je ne sais plus quoi faire.
— Tu ne voulais pas sauver Ymir ?
— Si, mais … Elle est partie de son plein gré. Je lui en veux énormément depuis ce jour. Elle n’a plus besoin de moi, alors que moi…
— Enfin, tu t’exprimes à nouveau ! Je suis soulagé. Tu n'as plus souri, ni desserré les dents, depuis que tu as parlé de ton passé.
— Christa Lenz est morte.
— Et tant mieux. Tu es beaucoup mieux au naturelle. T’étais vraiment flippante à jouer les gentilles filles. Je pensais même que tu étais quelqu’un de superficiel et sans intérêt.
La petite blonde surprise, ne se sentait pas plus vexée que ça. Hanji et lui sont les premières personnes à s’être montré amical depuis ce jour. Alors qu’elle s’apprêtait à lui répondre, elle se ravisa en voyant Eren fixer deux individus au loin.
— Oh mais c’est Æsma. Elle est encore avec lui.
Le sang qui coulait dans ses veines tremblait frénétiquement dans ses veines, augmentant son rythme cardiaque. Lui ? Encore ? Qui était-ce ? Une vif sentiment d’anxiété et de colère s'emparait d’Eren.
Miss Patate qui passait dans les parages se rapprocha d’Eren et d’Historia toute pimpante en voyant aussi la scène qui se déroulait sous ses yeux.
— Oh, mais c’est le gars de la dernière fois. Je le savais ! La petite Æsma à plutôt bon goût en matière d’homme, ricana bêtement Sasha.
Un superbe mal de crâne assaillit le soldat Jäger, quand Braus se gaussait en supposant que ces deux-là étaient très proches et qu’ils avaient probablement fait des cochonneries. Cette simple pensée, lui donnait envie de vomir.
Même si cet amour était à sens unique, il ne pensait pas sa camarade aussi volatile - elle qui prétendait n’avoir que d’yeux pour Hanji.
Eren abandonna les deux jeunes filles pour se planter face à sa camarade, toujours en pleine conversation.
— Ah salut Eren ! Souriait Æsma. Ça...
— On pactise avec l’ennemie maintenant ?!
— Hein ?
— Franchement, c’est pas cool de m’avoir caché ça.
— Qu’est-ce que tu racontes ..? demanda la jeune fille, confuse.
— Je pensais qu’on pouvait tout se dire en tant qu’ami.
Le jeune fille restait comme deux ronds de flans, avant de regarder le grand blond aux yeux verts.
— C’est pour cet avorton que tu as pété un scandale la dernière fois ? rétorqua celui-ci
— L’avorton à un prénom. Et il est capable de t’écraser, s’il le souhaite, répliqua-elle.
Les deux hommes échangèrent un regard plein de mépris.
Un mec des Brigades Spéciales en plus. Elle baissait subitement de son estime, se sentant dupé. Pire, il avait la sensation qu’on lui avait piétiné son cœur.
Sasha et Historia se joignaient à eux.
— Bah alors tu nous présentes pas ton chéri ? Demanda Miss Patate un sourire malicieux.
Æsma manqua de s’étouffer, affichant une mine écœurée. Elle désigna le soldat des Brigades Spéciales pour savoir si elle parlait bien de lui.
La blondinette se frappa le front et se pinça le nez. Visiblement il y avait un quiproquo. Elle se colla au soldat, en leur demandant de bien les regarder tous les deux.
Historia claqua des doigts après avoir percuté.
Sasha, toujours dans son délire, ne comprenait toujours rien à rien.
Eren encore moins. Tout ce qu’il voyait était un rival.
— Ce grand con est mon frère, s’impatienta Æsma.
— Ah ! s'exclama Eren ahurii.
— Non, jure ! S'égosillait Sasha.
— Mon dieu, ça m’a donné mal à la tête tout ça. Vous êtes une belle brochette d’idiots dans le Bataillon. lâcha le grand frère et s’adressa à nouveau à sa petite sœur. J’ai pris note de ce que tu m’as dit. Je verrais avec mon chef et Nail. J’ai cru comprendre que le Major Smith et Dork étaient d’anciens camarades de promotion. Je ne pense pas qu’ils verront d’inconvénient pour qu’une partie des Brigades Spéciales viennent s’entraîner avec vous.
Gabriel se retourna vers Eren, le regard assassin. Il s’approcha de lui, veillant à ce que lui seul entende.
— J’ai bien remarqué ton petit manège. Ma petite sœur s’est peut-être entichée de toi , mais c’est peine perdu. Votre relation est inconcevable. Tu es bien loin de la connaître. Je veillerais moi-même à la rappeler à l’ordre, si elle venait à s’égarer.
Le soldat Traum tapota l’épaule du garçon avec un grand sourire sadique :
— Heureux de t'avoir rencontrer Eren Jäger.
Ces paroles laissaient Eren pantois.
Pourquoi s’était-il emporté de la sorte ? Il craignait de croiser le regard désapprobateur de son amie. Il n’avait aucune excuse à lui fournir pour ce comportement puéril.
Le ménage terminé, Eren se dépêchait de ranger les outils dans le placard. S’apprêtant à sortir, il se stoppa net et renifla subitement ses fringues. Il ne pouvait pas rester dans cet accoutrement. Il se dirigea dans les douches, s’empressant d’enlever toute la saleté et d’enfiler des vêtements propres. Maintenant présentable, il partit rendre visite à Delroy.
Vivre pendant des années avec les meurtriers de leurs parents - qui se prétendaient être des amis - devait l’avoir sérieusement bouleversé… Eren se mordit la lèvre inférieure, tendant d’estomper la douleur qui infestait son cœur. Seul lui était capable de le comprendre son calvaire.
Eren déposa une oreille sur la porte. Il entendait des éclats de rire provenant de l’intérieur - une voix féminine reconnaissable entre mille... Il ouvrit la porte, pour vérifier par lui-même. Il inspira silencieusement, légèrement irrité.
Delroy assis sur le lit et Æsma, contre au rebord de la fenêtre observèrent le jeune Titan, étonnés.
Réalisant qu'il n’avait pas frappé avant d'entrer, il regardait nerveusement Henchmann droit dans les yeux.
— Euh Salut. Je voulais te parler, Delroy. Seul à seul, souligna-t-il.
Æsma observait Eren, espérant que celui daigne lui adresser un petit bonjour. Elle jeta un regard interrogatif à son ami, qui l’ignorait de plus belle - une moue boudeuse. Quelle mouche l’avait piqué ? La blondinette croisa ses bras, les resserrant contre sa poitrine et se dirigea vers la porte de sortie.
— Ouh là… Y’a de l’eau dans le gaz, on dirait ! souria Delroy - une fois le soldat Traum parti.
— De quoi tu parles ?
— Y’a deux jours à peine, tu la dévorais des yeux, prêt à lui sauter dessus, et là, t'es aussi glacial que le cul d’une bonne sœur.
— Qu’est-ce que tu racontes comme connerie ? S’exclama Eren choqué. Je ne sais pas à quoi tu fais allusion, mais je suis venue te voir, pour qu’on puisse discuter un peu.
Le jeune Titan prit la chaise, s’asseyant à cheval dessus. Les bras croisés sur le dos de la chaise, il posa le menton en observant son camarade qui gardait bonne mine. La trahison de Reiner ne l’affectait pas autant que lui semble-t-il. Faut dire qu’avec Æsma dans les pattes, il y avait de quoi oublier les tracas de la vie, pensa-t-il amèrement.
— Arrêtes de me dévisager comme ça, c’est embarrassant.
— Je m’inquiète seulement pour toi.
— Oh bordel Eren, cesse de t’occuper des autres comme ça et pense un peu à toi. Je suis sûr que là maintenant, tu te flagelle intérieurement pensant que tout est de ta faute.
— Mais…
— T’es tellement prévisible. C’est même plus drôle de te taquiner là dessus. Et ne crois pas que tu vas réussir à me tirer les vers du nez.
— J’ai appris qu’Hanji t’avais recruter, dit Eren - suspicieux.
— Ouais, sous les recommandations d’Æsma.
Eren se redressa aussitôt, la mine sombre, ressentant une décharge électrique parcourir le long de son échine. Le simple fait qu’il évoque son nom, l’irritait.
— Ah…
— Je commence un peu à le regretter.
— Pourquoi ? L’interrogea Jäger.
— Je savais qu’il était un peu fou furieux, mais après ce que m’a raconté Æsma…
Préférant refouler le sentiment désagréable qui l’opprimait, Eren se laissa distraire par le carnet posé sur la table de chevet. Il demanda l’autorisation à son camarade de le feuilleter. Comme à l’accoutumé, c’était la pagaille. Les pages foisonnaient d'annotations, de dessins et de ratures. Il tomba sur un de ses récents croquis. Mikasa… Il regarda Delroy du coin de l’oeil - qui admirait l’extérieur. Voilà donc le coupable qu’il avait mis sa sœur dans tous ses états.
— Je peux savoir ce qu’il s’est passé avec Mikasa ?
Delroy soupira.
— Par pitié… pas toi non plus. Je me suis déjà fait remonter les bretelles par Jean. Je te laisse imaginer avec Jean. Armin n’a pas manqué à me faire la morale à sa façon. Je vais déjà attendre que mon bras guérisse. Après, j’irais me jeter dans la gueule du loup. Enfin, elle serait capable de me casser le deuxième bras. Non… Le chef Zoe compte sur moi. À la rigueur, les deux jambes… Peut-être aurait-il mieux fallu que je me fasse bouffer par un Titan. Ils sont bien moins effrayants, plaisanta Delroy. Promis, j’irais parler avec elle une fois sortie. Ça me laissera le temps de me préparer psychologiquement.
Le jeune Titan haussa les épaules ne cherchant pas à creuser plus loin. Il tourna la page pour tomber sur deux jolis croquis… Le premier illustrait une Æsma qui souriait à pleine dent et le deuxième montrait une Æsma de profil, légèrement rêveuse. Le sourire d’Eren se crispait en un grimace de dégoût.
— Vous êtes devenus copains comme cochon, dit Eren en balançant le carnet à Delroy.
Le grand brun examina le contenu pour savoir de qui il parlait.
— Vu que tu lui fais la gueule, c’est pas trop compliqué, ricana-t-il. Même Annie n’avait pas eu le droit à ce traitement de faveur. Je t’ai jamais vu autant jaloux.
Lui, jaloux ? N’importe quoi ? Et puis, quoi encore ? Delroy avait dû se prendre un sacré coup à la tête. Enfin de compte, ça ne lui fera vraiment pas de mal de se faire frapper par sa sœur, se dit-il
À la recherche du sommeil, le jeune Titan gesticulait dans son lit, souhaitant que son cerveau cesse de fonctionner.
Les paroles de Gabriel continuaient à le tourmenter depuis le repas. À quoi faisait-il allusion ? À bien y réfléchir, il ne connaissait pas grand chose du passé de sa camarade, elle n’en parlait quasiment jamais. Même pas de son frère - ou peu. Jusqu’à la, leur conversation tournait autour des trois années de formation, des connaissances acquises et de leurs rêves.
Dans les bras de Morphée, il fantasmait d’une liberté. Traum à ses côtés…