L'Ode à la liberté [Livre I]
Chapitre 27 : Vieilles connaissances - Part II : Stigmate
2172 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 25/04/2021 13:55
Comme un animal sauvage en cage, Æsma tournait en rond dans un de ces interminables couloirs du château, chaperonné par le magnifique tandem à tête blonde. Comme cul et chemise à la moelle épinière ces deux-là. Aussi menteur que le Major Dork - participant à l'heure actuelle au procès d'Erwin Smith.
Al lui offrit son plus beau sourire. Æsma leva son majeur en guise de réponse, lorsque Gabriel avait le dos tourné, ce qui amusait son ami, enrageant encore plus la petite sœur. Ils agissaient bizarrement depuis hier soir et comme à l'accoutumé, elle restait sur le banc de touche sans obtenir gain de cause.
La bienveillance n'existait plus dans ce bas monde, où tout le monde se tirait dans les pattes. Le lieutenant Rovdyr ne s'était jamais montré brutal à bien des égards et hier... Une drôle de façon de la protéger. Son frère n'avait pas bronché lorsqu'elle lui avait fait mention de ce fâcheux incident. Son insensibilité déprima l'exploratrice, ensevelie dans l'incertitude.
Frustrée de ne pas savoir ce qu'il se passait et ne pouvant rien faire, elle s'assit sur le banc près de la grande fenêtre qui donnait une vue sur le jardin royal.
La forêt dont elle avait rêvé réapparaissait. Une impression de déjà vu. Cette forêt, cette maison en pierre... Tout lui était familier, et pourtant, rien ne lui revenait en mémoire. Le flou total. Où aurait bien pu amener ces escaliers ? Elle se frotta le crâne. À cette allure, ses neurones ne survivront pas longtemps.
— Ça va ?
L'héritier des Rovdyr s'assit à côté d'elle.
— Tu me demandes si ça va ? Vraiment ?
— Je m'inquiète.
— Wouah ! Dixit le gars qui m'a assené un coup au bas du sternum pour me faire respirer contre mon gré un produit chimique et plutôt dangereux !
— Arf, je sens que tu vas m'en vouloir encore longtemps.
— Non mais qui se promène avec ce genre de substances dans la poche ?
Aloysius grimaça, lasse de devoir se répéter.
— Vous avez une méthode plutôt critiquable au sein des Brigades, si tu veux mon avis, ajouta la petite Traum - fusillant du regard le grand frère.
Æsma enfouit son visage dans ses petites mains pour camoufler ses émotions. Un tourbillon d'angoisse, de colère, de chagrin et bien plus encore la grignotait à petit feu. L'époque de l'insouciance était désormais révolue. Chacun des individus qu'elle côtoyait possédait sa part d'ombre. Quelle était la sienne ?
— Dis Al.
— Oui ?
— Est-ce que tu te rappelles d'une petite forêt, où un saule pleureur surplombait une clairière au bout de celle-ci ?
Les pupilles de Rovdyr rétrécirent à chaque mot prononcé, comme si celle-ci était traumatisante.
— Il y avait une maison en pierre...
— Tu ne vas pas recommencer ! Coupa Gabriel - qui épiait la conversation depuis tout à l'heure.
— Recommencer quoi ? Hoqueta la petite.
— On t'a déjà dit d'arrêter de nous bassiner avec tes histoires sans queue-ni tête. À force de lire des romans, tu mélange fiction et réalité.
Ses yeux verts étaient comme deux rond de flans.
— Tu es tellement mignonne quand tu tires cette tête. Ne change absolument rien à ta bonne humeur, se moqua le lieutenant Rovdyr - pour adoucir l'atmosphère.
D'humeur maussade, la blondinette opta plutôt pour l'option boudage et contempla le terrain jonché d'arbres et de somptueuses fleurs. Le lilas - bleu, blanc, violet, magentas - ornaient l'encadrement de la cour. D'ici, elle imaginait facilement l'odeur délicate de cette fleur, lui donnant un sentiment sécurisant. Hortensias, cyclamens et amaryllis dominaient le sol vert. À travers ce champ coloré, se trouvait dans des pots en terre-cuite, des plantes aux pétales irrégulières, parfois larges, parfois effilées. Les bulbes étaient magnifiques.
La jardin ne comportait pas autant de plantes diverses et variées, encore moins exotiques. Il n'y avait quasiment rien d'ailleurs. Seulement quelques seringats et sceau de salomon. Rien d'extraordinaire. Par contre, les arbres plantés au bord du lac étaient splendides en pleine floraison. Petite, elle adorait s'isoler là bas, être dans petite bulle, à rêvasser.
Æsma ferma les yeux pour se retrouver auprès de ces arbustes, histoire d'un instant.
— Alors, toi aussi ? L'interrogea la gamine - des larmes dans sa voix.
Aloysius caressa le haut de son crâne souple et soyeux. Une consolation bien maigre pour la petite sœur.
— Mais comment je vais faire sans vous ?
Le petit Rovdyr se gratta la joue, évitant de regarder plus longtemps son petit air de chien battu.
Al autant que Gabriel, comptait à ses yeux. Et inversement. Le garçon considérait les Traum comme sa seconde famille, malgré les conflits internes. Il ne souhaitait pas abandonner la sangsue.
Le frère de sang encore moins. Malgré toutes les conneries qu'elle commettait, il préférait prendre à sa place - mais à partir de maintenant, il n'avait plus la possibilité de la protéger et devant accepter qu'elle grandisse. il devait se montrer plus ferme et distant. Les obligations familiales avant tout.
Une fois les deux adolescents partis en formation, Æsma se retrouva seule.
Et depuis leur intégration à l'armée, ces deux idiots avaient bien changés. Pour le meilleur et pour le pire.
« Ce fameux jour, j'aurais dû m'en douter que nos familles trempaient dans de sales affaires ». À moitié éveillé, c'était la seule bribe de conversations qu'elle avait pu saisir.
Des pas résonnaient dans le couloir. Le général Zackley accompagné de ses hommes défilaient armés. Il n'était pas censé participer à l'audience. Qu'est-ce qu'il pouvait bien se tramer encore ?
— Allons dehors, dit Gabriel.
À peine franchissent-ils la porte de sortie, qu'un bon nombre de soldats appartenant à la division centrale se virent maîtriser par la Garnison et du reste de l'armée - sous les ordres direct de Zackley.
Les civils commençaient à affluer et dans cette foule, elle repéra des têtes connues - accompagnées de journalistes. Enfin, elle pouvait se délester d'un poids et se libérer des Brigades Spéciales pour rejoindre ce séduisant scientifique expert en titanologie et son acolyte.
Elle examina les deux associés qui semblaient se porter à merveille.
— Quand vous aurez terminé, envoyez vos journalistes et leurs familles au District de Trost, comme prévu. La compagnie Reeves s'occupera de vous.
Hanji remarqua la présence de sa petite protégée - un peu dérouté.
— Tu n'es pas censé être avec Livaï et les autres ?
— Ce n'est pas ce que vous croyez chef, répondit-elle - levant ses mains en signe d'innocence.
Longue histoire...
Son mentor la sondait, tentant de déceler le moindre signe de boniment, il n'en était rien, puisque Gabriel et Aloysius arrivèrent à leur hauteur pour expliquer la petite mésaventure, omettant beaucoup de détails. Le grand frère tapota le crâne de sa sœur pour se dédommager de ce petit anicroche, ce qui ne consolait guère la fillette, toujours prompte à la révolte.
Malgré toutes ses controverses, voir ses supérieurs sain et sauf la décharge d'un nouveau poids, mais l'histoire était loin d'être terminée.
— Nous devons allé jeter un coup d'œil au point de rendez-vous. Livaï nous aura peut-être envoyé un message. Æsma, tu viens avec nous. Ça nous laissera l'occasion d'avoir une petite discussion.
Main sur le cœur, la blondinette suivit ses supérieurs, quelque peu soulagée.
Arrivés au lieu de rendez-vous, les trois membres de l'escouade de recherches s'avancèrent à l'intérieur de l'écurie.
— Hé. C'est bien l'écurie de Moplel ?
— Non... Celle de Telgelhien, dit un homme à la coupe au bol à la frange superbement droite.
— Marlo ! S'écria Æsma.
Quelle surprise que de retrouver d'anciens camarades après toutes ces agitations. Comment se sont-ils retrouvés à jouer les messagers ?
Hitch et Æsma se regardaient en chien de faïence, mais avant de régler leur compte, la peste et le naïf devaient les mener aux caporal-chef et le reste de l'escouade, ainsi elle pourra découvrir qui sont les victimes collatérales...
En selle, les soldats chevauchèrent en direction du nord ouest.
Les sabots piétinaient machinalement la terre et l'herbe sur cette grande ligne droite, sans obstacle, ni déviation. Les chevaux cavalaient tel des Titans affamés, à la recherche de chair fraîche, écrasant tout sur leur pulvérisant tout sur leur passage, jusqu'à faire voler en éclat les tertres isolées.
L'être humain ne serait-il pas les Titans pour l'espèce animal - à une autre échelle ? Simple et complexe à la fois. Une chaîne alimentaire interminable. Le début et la fin de toute chose, comme ce serpent qui se mordait la queue pour maintenir l'univers dans son cercle. Que se passerait-il si Jorungmand décidait de lâcher prise ? se demanda-t-elle se rappelant d'un chapitre, dont son roman faisait mention.
— Donc, tu disais que vos familles respectives seraient également dans le coup, qu'est-ce qui te fait dire ça ? L'interrogea Hanji.
— Ce n'est pas à cent pour cent sûre, mais je suis sûre d'avoir entendu Al dire : Ce fameux jour, j'aurais dû m'en douter que nos familles trempaient dans de sales affaires.
— Ce fameux jour ? Tu sais à quoi ils faisaient allusion ?
Æsma secoua la tête de gauche à droite. Beaucoup de choses lui échappaient et personne ne voulait répondre à ses questions.
— Hmm. On s'en occupera plus tard. Nous avons une urgence de plus grande envergure.
Voilà un bien bel euphémisme. Historia allait littéralement dévorer Eren - d'après les conclusions du chef Zoe, ayant lu attentivement les notes du jeune Titan. Æsma donna un coup de talon pour accéder la cadence. Jamais, Ô grand jamais, la petite protégée ne laisserait une telle chose se produire. Son camarade était bien trop précieux à ses yeux - ainsi que pour l'humanité toute entière.
Un poil trop téméraire, elle distança ses collègues n'entendant pas les avertissement de Moblit. Beaucoup d'ennemies pouvaient vagabonder dans les parages. Ses sentiments en effervescence, elle ne pouvait envisager une liberté d'esprit sans lui à ses côtés, Eren étant le seul à comprendre cette partie d'elle.
Grave erreur de sa part, quand surgit des bois - à sa gauche - une ombre sprintant droit sur elle, stoppant net sa course lorsque cette dernière, en plein vol, lui donna un coup de pied au niveau après avoir reçu de sa part, un coup de pied au niveau des épaules provoquant une vive douleur, n'arrangeant pas sa respiration quand dos heurta le sol granuleux dissimulés dans les hautes herbes. L'ennemi l'attrapa par le col, s'apprêtant à la rouer de coups.
— Putain, grogna l'homme.
— Caporal... toussota Æsma - quelque peu étourdi
Le hasard faisait bien les choses, se disait Hanji mécontent. Le savant fou se félicitait de ne pas vouloir et s'occuper d'enfants, réalisant ensuite, pour son plus grand malheur, que si. Qu'est-ce qu'il allait faire d'elle ? Cette gamine touchait du bois comme jamais. Le mentor se contenta de poser la main sur le crâne soyeux de sa protégée, la pressant légèrement.
Jamais deux sans trois, médita Traum, commençant par s'habituer à être maltraiter de différente manière, bien que se faire rudoyer par Hanji ne la charmait guère, se remémorant également la scène au sommet du mur.
Le chef Zoe tendit une feuille à son compère, narrant ce qu'il s'est passé aujourd'hui. Erwin Smith s'était conformé à son nouveau statut pour renverser les pièces majeures de l'échiquier. Un coup d'état, magistralement orchestré par son Major. Le pouvoir est actuellement entre les mains du chef Zackley. D'où sa présence, s'exclama silencieusement Æsma - frappant la paume de sa main avec l'autre.
— On ne constate aucun soulèvement chez les nobles. Pour l'instant.
— Et pour l'affaire Reeves, s'enquit Armin. Qu'est-ce que ça a donné finalement ?
— Tout est rentré dans l'ordre. Un témoignage nous lave de tout soupçon. Flegel a vraiment fait des pieds et des mains pour pouvoir être entendu. Ce journal relève absolument tout. Les fausses accusations, les pressions du gouvernement, il dévoile même l'imposture du roi Fritz. Vos actions sont également reconnues comme légitime défense. En d'autres termes, ça veut dire que nous sommes tous libres.
L'escouade tactique sauta de joie à cette annonce, délivrée de l'énorme boulet accroché à leurs pieds. Certains d'entre eux ne manquèrent pas à martyriser leur camarade disparu quelques jours plus tôt. Jean et Delroy énuméraient toutes les absurdités qu'elle avait commises depuis la 57ème expédition, révélant à Hanji certaines bourdes qu'elle lui avait caché - qui ne lui en tint pas rigueur, préoccupé par la suite.