Les Lumières dans les Ténèbres : La Réalité de la Fée Noire
Chapitre 58 : La frontière (Riku/Kairi)
3983 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 19/11/2022 20:07
– Riku –
- Euh ? Et nous on fait quoi ?
Bonne question de la part de Boun tandis que Sisu s’en allait dans les airs avec Kairi et Raya.
- Ne fais pas cette tête, conseilla Maxwell à mes côtés. Tout va bien se passer.
Nos regards se croisèrent.
- Et toi ? Comment tu aurais réagi si Lydia avait été à sa place ?
Le brun reporta son attention sur la concernée. Adossée non loin de la proue, la blonde regardait l’horizon, l’air absente.
- Comme toi, sans doute, répondit Maxwell. Je comprends le sentiment de vouloir protéger quelqu’un à tout prix, peu importe ce qu’il faut faire pour ça.
Il m’adressa un coup d’œil entendu.
- Tu parles d’Araen, hein ?
J’avais posé la question, pourtant la réponse était évidente.
- Je ne reviendrai pas dessus, continuai-je. J’ai fait ce que j’avais à faire.
- Je sais, répondit Maxwell. Mais je sais aussi que tu n’as pas apprécié faire ça.
- Comment tu peux en être si sûr ? lui demandai-je.
Le brun me regarda droit dans les yeux ; ses iris d’un vert perçant donnaient l’impression de lire en moi comme dans un livre ouvert.
- Parce que j’ai vu votre combat.
- Quoi ?
Vraiment ? Maxwell était là depuis le début ? Pourquoi est-ce que je ne l’ai absolument pas remarqué ?
- Peut-être que tu ne m’as pas vu à cause d’Araen lui-même, dit-il. Faut dire qu’il était pas mal bruyant.
C’est là que je me souvins.
- Ce bruit que j’ai entendu pendant le combat, c’était toi ?
Maxwell eut l’air de réfléchir.
- J’imagine. Je vous ai tous laissé prendre de l’avance pendant notre fuite pour assurer nos arrières. Les soldats de Croc et les monstres de la sorcière, surtout eux, ont repris leurs esprits avant de commencer à nous chasser. J’ai fait ce que j’ai pu pour les retenir. On dirait que j’ai manqué de discrétion.
Je le regardai, incrédule.
- Tu as affronté une armée entière… tout seul ?
Il eut un sourire gêné.
- Du calme, ils n’étaient pas si nombreux que ça et puis je n’ai fait que les retenir le temps que vous finissiez vos affaires. (En voyant mon regard, il ajouta :) Je pense que tu l’as déjà remarqué, mais mon Essence repose sur la lumière environnante, j’avais l’avantage. En plus, j’ai un style plutôt défensif, alors je n’ai pu que les retarder.
Maxwell aurait donc battu le numéro III de l’Organisation tout seul… avant de s’occuper de ça aussi ? À quel point était-il puissant ?
- Pas la peine de me regarder comme ça, dit-il. Je suis sûr que Sora, toi et les autres avez fait des choses bien plus admirables, non ?
Sora, Donald et Dingo ont déjà réussi à vaincre plus d’un millier de Sans-Cœurs à eux trois, sans compter nos nombreux combats à mort face aux membres de l’Organisation XIII ou autre… Mais là n’était pas le sujet.
- Pour revenir à votre duel, reprit-il, malgré la difficulté de retenir tous ces types, je ne regrette pas de l’avoir regardé.
- Comment ça ?
Donald, un peu plus loin, essaya de manger un nouveau repas servi par Boun. Mais il avait du mal avec le bébé et les ongis qui ne cessaient de lui voler sa nourriture, notamment en se passant les morceaux de viandes entre les pattes du sorcier.
- Vos deux façons de combattre sont très intéressantes : le style bourrin d’Araen d’un côté et le tien, plus calme et posé, mais qui sait se montrer dévastateur après avoir trouvé la faille de l’ennemi de l’autre. D’ailleurs, en parlant de ça…
Le canard réussit enfin à récupérer sa nourriture après maintes vociférations.
- Tu t’es retenu, pas vrai ?
Je ne répondis pas.
- Je ne suis pas dupe, continua Maxwell. Sora et toi êtes sans aucun doute les plus forts de nos deux groupes réunis. Araen est puissant, lui aussi, mais trop imprudent et moins expérimenté. Si tu avais voulu le tuer, il serait mort à l’heure qu’il est.
- Où est-ce que tu veux en venir, Maxwell ?
Pourquoi est-ce qu’il essayait de m’analyser, comme ça ? Quel était son but ? Peut-être voulait-il juste me desta…
- Je respecte ça.
Quoi ?
- Tu aurais pu terminer ce combat… autrement. Au lieu de quoi, malgré le danger qu’il constituait pour Kairi, tu as laissé une autre chance au blond.
- C’est juste… que je pense que tout le monde mérite une occasion de se racheter.
Là-dessus, il m’observa.
- Je comptais te demander ce que tu voulais dire par là mais, te connaissant, tu ne répondras pas.
Il avait raison.
- Laisse-moi te dire ceci. Lors de votre duel, l’agressivité que j’ai vue de ta part n’était pas celle d’un combattant de la Lumière.
Je le regardai, attendant des explications. Je ne savais pas quelle expression je faisais, mais Maxwell leva les mains en l’air en signe de paix.
- À mon avis, ce n’est pas forcément une mauvaise chose.
- Crois-en mon expérience, si. Laisser nos Ténèbres libres est la pire chose qui puisse arriver.
- Pourquoi ça ?
Pas étonnant que Maxwell se pose la question. Beaucoup d’autres ne comprendraient pas… Pas tant qu’ils n’en auraient pas fait l’expérience. Le seul qui pourrait en avoir une idée, c’est Thomas avec sa forme obscure.
- Les Ténèbres ne sont pas juste une force quelconque, mais une véritable addiction. Ces dernières envahissent ton cœur, rejettent toute once de bonté en toi et ne font ressortir que les pires aspects de ta personnalité. Toutes tes peurs, tes doutes, ta rancœur inavouée, ta jalousie, ta haine s’en retrouvent amplifiées ; à tel point que tu en perds la raison. Et le plus effrayant… c’est que tu aimes ça. Tu aimes ce sentiment d’invincibilité et tu ne penses qu’à toi. L’égoïsme entraînée par cette désinhibition te sépare de tout le monde et tu t’en moques, du moment que tu assouvis tes désirs enfouis en gagnant une force phénoménale. C’est pourquoi… C’est pourquoi les laisser nous envahir est dangereux.
Maxwell leva un sourcil.
- Qui a parlé de les laisser nous envahir ?
Devant mon regard interrogateur, il expliqua :
- Pourquoi ne pas les utiliser juste pour ce qui est important ? Protéger nos êtres chers par exemple.
- Je comprends ce que tu veux dire. Cela dit, c’est semblable à errer autour d’un gouffre en attendant d’y sombrer un jour.
- Alors autant rester à la limite de ce gouffre, à la frontière entre la Lumière et les Ténèbres aussi longtemps que possible. Si je ne m’abuse, (nos regards se croisèrent) c’est exactement ce que tu fais, non ?
Aucune réponse de ma part.
- Et on dirait que ça ne date pas d’hier, observa Maxwell.
Sentant le regard de Maxwell, j’eus l’impression qu’il ne lâcherait pas l’affaire. Des images défilèrent dans ma tête, des évènements qui datent de ma sortie d’un certain manoir il y a longtemps. Sans que je ne le sache, mes yeux se posèrent d’eux-mêmes sur l’horizon.
- J’ai fait une promesse, déclarai-je. Avant, je pensais n’avoir que deux choix pour protéger mes amis : la Lumière ou l’Obscurité. Je refuse de retourner dans les Ténèbres sous peine de perdre une nouvelle fois le contrôle, mais je ne peux pas non plus prendre le chemin du Bien car je n’y appartiens pas complètement. Plus maintenant.
- Alors quel chemin as-tu choisi, Riku ?
- Aucun des deux. Ou plutôt, les deux en même temps.
Je tendis la main et mon arme, Point du Jour, y apparut.
- Et cette Keyblade en est le symbole.
Oui. C’était le cas.
La garde de mon épée se composait à moitié d’une aile d’ange et de l’autre, une aile de démon entourant la poignée, surplombée d'un œil d’un bleu électrique, fendu d’une longue pupille verticale. D’un côté, elle était liée via une chaîne à un porte-clé ressemblant à un cœur noir aux bordures rouges : le symbole des Sans-Cœurs. De l’autre, sa lame, une aile de démon rouge sang et bleue ardoise cette fois, se terminait par une autre aile d’ange, plus petite. Les Keyblades représentent le cœur de leur propriétaire d’origine et la mienne ne fait pas exception.
Une aile d’ange, une aile de démon.
La Lumière et les Ténèbres.
Ma Keyblade possédait les deux, comme si elle provenait de la frontière entre ces deux mondes, pourtant si différents. De même que mon cœur. Il était né dans la Lumière, mais renfermait encore tellement d’Obscurité que sa nature même en devenait incertaine. Ce combat perpétuel que je menais depuis si longtemps, quand arrivera-t-il enfin à son terme ? Ou peut-être, suis-je fait pour rester tel quel ? Un être n’ayant sa place dans aucun des deux camps ?
- Je vois, fit Maxwell, coupant le fil de mes pensées. Te battre pour les tiens en utilisant la Lumière et les Ténèbres…
Le brun sourit ensuite avec mélancolie.
- Tu lui ressembles tellement.
- De qui est-ce que…
- Je comprends ce que tu veux dire, continua-t-il. Tu te crées ton propre chemin.
- Oui… c’est l’idée. Mais…
- Tu as peur de te laisser engloutir un jour.
Je ne répondis rien, mais Maxwell avait vu juste. Et je pense qu’il le savait.
- Aucun souci à te faire, dit-il en m’adressant un sourire. Avec les amis que tu as, je suis sûr que ça n’arrivera jamais.
Son assurance réussit à m’arracher un sourire.
- Décidément, tu es plus optimiste que tu en as l’air.
Il me répondit en souriant lui aussi.
- C’est juste que… (Son regard se fit absent.) Je pense comprendre un peu ce que tu ressens. Il y a des gens que je dois protéger moi aussi. Peu m’importe un camp ou l’autre, je ferai mon possible pour atteindre mon objectif.
Les yeux de Maxwell brûlaient d’une détermination sans faille.
D’où lui vient une telle force à un âge pareil ?
Maintenant que j’y pensais…
- Maxwell.
Le feu dans ses yeux disparut lorsqu’il me regarda.
- Lors de ton arrivée au château avec Lydia, Sa Majesté t’a présenté comme « Le plus jeune Garde Royal de l’Histoire » … Pourquoi ça ? Depuis combien de temps le connais-tu ?
Le jeune garçon s’attendait manifestement à cette question. Gêné, il détourna le regard.
- Désolé, mais j’ai promis d’en parler d’abord à Lydia et Thomas quand on sera tous réunis. Je leur dois bien ça. (Il reporta son attention sur moi.) Je sais que tu as besoin d’informations me concernant car tu doutes de moi. Et tu as raison : même moi je ne sais pas si je peux me faire confiance. Mais sache une chose : je ne ferai jamais rien qui puisse nuire à Thomas ou Lydia. Je te le jure sur ma vie.
Maxwell m’avait dit ça en me regardant droit dans les yeux. Il ne mentait pas, ça, j’en étais certain.
- Et ce faisant, reprit-il, je ferai mon possible pour gagner ta confiance.
- Je te préviens, lui dis-je, ce ne sera pas facile.
- Ce ne serait pas drôle sinon.
Maxwell… Ce type ne devait pas avoir plus de quatorze ou quinze ans mais il semblait déjà très mature et fort. Pouvais-je baisser ma garde avec lui ? Non. Il était encore beaucoup trop tôt pour ça. Je connaissais Maxwell depuis peu, pourtant dans ce laps de temps si court, il n’avait rien fait de suspect, rien de direct en tout cas. Il avait lutté à nos côtés et protégé Kairi à plusieurs reprises, sans parler de son soutien moral. Si Maxwell avait voulu nous causer du tort, il l’aurait fait depuis un moment ; les occasions ne manquaient pas. Pourtant, les paroles du roi quand nous lui avions demandé ce qu’il avait ressenti dans le cœur de Maxwell résonnaient encore dans ma tête : « Absolument rien. ». Et que dire de sa connexion étrange avec le Numéro III ou de leur prétendu combat ? Tant de questions sans réponses… Je n’aimais pas ça.
Le jeune garçon était toujours là, l’air d’attendre quelque chose, sans se méfier de moi.
- Très bien, concédai-je. Je veux bien faire un effort mais si un jour, tu faillis à ta promesse…
Je regardai mon interlocuteur dans les yeux ; Maxwell ne céda pas. Je ne savais pas trop pourquoi, mais Lydia et le reste de l’équipage se tournèrent vers nous, inquiets.
- Tu le regretteras, finissais-je.
- Eh bien, fit-il, quelle aura !
Il reprit son sérieux et soutint mon regard, sans broncher.
- Ça me va, acquiesça-t-il. Et si ce jour arrive… Je te laisserai faire.
Sa réponse me prit complètement au dépourvu.
- Décidément, tu es quelqu’un d’intéressant, Maxwell Raittor, déclarai-je en m’adossant sur le plat-bord.
- Qui se ressemble s’assemble, comme on dit, répondit-il en m’imitant.
Je ne pus retenir un petit rire, suivi par le brun, en ignorant les regards curieux qui nous étaient adressé.
Ce jour-là, j’avais décidé de commencer à avoir confiance en Maxwell ; lui laissant une chance de me prouver qu’il en était digne. Peut-être avais-je eu tort ou peut-être raison. Je ne sais pas. Cette fois, je décidai d’écouter mon cœur et non mon cerveau. Après tout, ces nouveaux porteurs, je devais les protéger, pas vrai ? En attendant, il fallait me concentrer là-dessus et ensuite…
L’avenir me dira si j’ai fait le bon choix.
– Kairi –
Sisu passa par le toit en morceaux d’un bâtiment abandonné et nous déposa Raya et moi. M’efforçant d’ignorer la pluie qui tombait en trombe sur nous, je me mis à observer les lieux. Il faisait sombre et ce, malgré le toit quasiment absent. Cela était en partie à cause du ciel, gris, qui ne laissait pas passer un seul rayon de soleil.
Etrange. Le ciel était pourtant bleu quand nous sommes partis, non ?
Quant à ce qu’il y avait autour de moi, c’est assez difficile à décrire, puisque la végétation occupait la quasi-totalité des lieux. Mis à part que nous nous trouvions dans la région natale de Raya : Cœur du Dragon, le lieu où le Druun aurait fait son retour il y a six ans, je ne savais rien de plus.
- Sisu, dit Raya, pourquoi nous avoir amené ici ?
- C’est ici que tout a commencé, expliqua-t-elle.
- Oui, fit la jeune femme d’un air triste. Je le sais…
Raya observa les alentours.
- J’étais là. C’est à cause de moi que…
- Je ne parle pas de ça, coupa Sisu.
Le dragon se dirigea vers des feuillages en face de nous.
- C’est ici que tout a commencé... il y a cinq cents ans.
Raya et moi échangeâmes un regard, sans savoir où elle voulait en venir. Manifestement, elle était aussi perdue que moi. Sisu écarta des lianes et découvrit quelque chose auquel aucune de nous ne s’attendait, surtout Raya : la statue d’un dragon ressemblant beaucoup à Sisu. Raya, les yeux grands ouvert, s’approcha, moi sur ses talons.
- Je vous présente mes frères et sœurs, déclara Sisu avec fierté. Ce sont eux, les plus grands. (Son visage s’assombrit.) Ils me manquent.
- J’ignorais qu’ils étaient là, dit la jeune femme.
Sur ces mots, elle se tint droite et forma un cercle au-dessus de sa tête avec ses doigts. En même temps, elle se courba légèrement en fermant les yeux. Je fis de même. En relevant la tête, je m’aperçus que Raya et Sisu m’observaient, surprises.
- Qu’est-ce qu’il y a ? leur demandai-je.
- Rien, finit par dire l’épéiste en souriant.
Sisu montra d’autres statues de dragon, choses que je n’avais pas remarquées avant.
- Tu vois cette élégante dragonne ? C’est Amba, c’est elle qui me fait briller. Et là, c’est Pranee, la métamorphe, dont le pouvoir me permet de prendre forme humaine. Puis, il y a Jagan, le brouillard et enfin…
Elle reporta notre attention sur la statue en face de nous.
- Pengu. Notre frère aîné.
- La pluie, me souvins-je.
Après avoir observé toutes les statues, je différenciais avec difficulté les dragons les uns des autres, jusqu’à ce que mes yeux se posent sur la corne au sommet de leur crâne : elles étaient toutes différentes. Aussi, je sentais dans la pièce une légère chaleur bienveillante. Elle était extrêmement faible, mais bien présente. Mon cœur n’en doutait pas. On aurait dit qu’elle venait des statues elles-mêmes. Ce qui voulait dire que…
- Sisu, (elle se tourna vers moi pendant que Raya continuait d’admirer Pengu) quand tu dis que ces statues sont tes frères et sœurs… Il s’agit vraiment d’eux, n’est-ce pas ? Pas juste de représentations ?
Elle hocha tristement la tête.
- Que leur est-il arrivé ?
- Tu le sais déjà, répondit-elle. Le Druun. Mais avant d’en arriver là, je voulais vous raconter quelque chose.
- De quoi parles-tu ?
Raya écarquilla les yeux, l’air de comprendre, pourtant elle resta silencieuse. Sisu reporta son attention sur Pengu à nouveau et déclara d’une voix qui trahissait un mélange de tristesse et de… culpabilité ?
- De ce qui s’est véritablement passé il y a cinq cents ans. La raison derrière la première disparition du Druun… et le sacrifice de ma famille.