Les Lumières dans les Ténèbres : La Réalité de la Fée Noire

Chapitre 50 : Course-poursuite à Griffe (Riku)

5324 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 27/03/2022 20:32

Voilà quelques instants que Araen, Maxwell et Lydia étaient partis pour des raisons plus ou moins obscures. En les voyant s’éloigner, Kairi fut tentée de les suivre mais elle hésita. Araen voulait un peu de temps pour lui tout seul, comme je l’avais compris un peu plus tôt. Quant à Maxwell, je ne savais pas ce qu’il avait vu pour se comporter aussi étrangement, or cela m’intéressait. Il semble être un type calme et réfléchi, alors pourquoi agir comme ça ?

Pas la peine de s’y pencher pour l’instant, me disais-je. Je lui demanderai plus tard.

-         Tu penses que ça va aller pour eux ? me demanda Kairi, ne pouvant contenir son inquiétude. Si jamais ils rencontrent d’autres monstres…

-         Aussi… spécial qu’Araen puisse être, lui répondis-je, il se débrouille plutôt bien. Quant à Lydia, d’accord, elle manque d’expérience mais elle doit avoir retrouvé Maxwell à l’heure qu’il est donc tout ira bien.

En supposant qu’il soit revenu dans son état normal.

-         En plus, ajouta Donald, s’il y a des monstres, les habitants le remarqueront et on passera à l’attaque illico !

Mon amie parut se détendre un peu. Elle nous adressa un sourire à moi et à Donald.

-         Merci vous deux.

Nous lui rendîmes son sourire avec bienveillance.

Décidément, Kairi est vraiment une personne aimante et soucieuse des autres. Cela fait des années que je la connais et je peux vous assurer qu’elle n’a pas changé à ce niveau-là. Au même titre que Sora, d’ailleurs. J’en suis très heureux, bien sûr… mais je crains aussi que cela se retourne un jour contre eux.

-         Espérons qu’ils nous rejoignent assez vite, intervint Raya. Nous, il faut qu’on se charge de prendre la pierre à Dang Hai.

-         Allons-y, lui répondis-je.

Du coin de l’œil, je remarquai que Sisu nous lançait un regard mêlant à la fois inquiétude face à notre mission et déception de ne pas pouvoir nous accompagner. Je faillis en faire la remarque à l’épéiste, mais elle l’avait déjà vu.

-         Nous serons de retour très vite, lui assura-t-elle.

-         Faites attention à vous, dit Donald. Je ne saurais pas quoi dire à Sora s’il vous arrivait quelque chose.

-         Tout ira bien, lui promis Kairi avec son doux sourire habituel.

-         C’est plutôt lui qui devrait faire attention, commentai-je.

Nous commençâmes à marcher tous les quatre – Raya avait décidé d’amener son énorme animal de compagnie cuirassé avec nous – en direction de la ville. C’est à ce moment que Boun nous lança :

-         Si vous croisez des ventres vides, dit Boun, envoyez-les-moi.

-         D’accord, capitaine, répondit Raya.

 

 

Le village de Griffe du Dragon était pour le moins animé. De nombreuses personnes se pressaient autour de nous pour aller faire des emplettes aux innombrables stands de poterie et autres artefacts locaux ou de nourritures, dont l’odeur, je le reconnais, était loin d’être désagréable. Contrairement à Raya, qui marchait d’un pas décidé vers notre destination sans vraiment prêter attention au village, Kairi, elle, ne pouvait s’empêcher de jeter un œil partout. Je sentais qu’elle mourrait d’envie de s’arrêter acheter des souvenirs, et moi aussi. Le truc, c’est que je me suis rappelé que Raya nous avait dit que Griffe est une ville d’escrocs. Mis à part cela, la visite aurait pu être agréable… si on n’était pas en train de chercher à déjouer les forces du Mal.

Pour le reste, je ne m’étendrai pas sur ce lieu ; il me semble qu’Araen vous l’a déjà assez décrit. En parlant de lui : durant notre chemin, nous avons croisé un couple en sens inverse. L’un d’entre eux déclara :

-         Tu as vu ce blondinet, tout à l’heure, chérie ?

-         Il était génial avec ces éclairs ! répondit sa compagne, émerveillée. Tu penses qu’ils sont réels ?

Je les interrompis immédiatement pour essayer d’en savoir plus sur le fameux blondinet, me demandant bien ce qu’il pouvait encore bien avoir fichu. Je fus rassuré de savoir que rien de grave ne s’était passé.

-         Le jeune garçon nous a fait un spectacle du tonnerre ! s’exclama la femme. C’est le cas de le dire.

-         Où est-il allé ensuite ? demanda Kairi, qui nous avait rejoint entre temps.

Nos deux interlocuteurs se mirent à réfléchir.

-         Je crois… dit l’homme. Je crois l’avoir vu manger des brochettes pas très loin du stand.

-         Lequel ?

Il répondit à ma question en pointant du doigt un stand de brochettes loin devant sur notre route. Raya avait eu la gentillesse de nous attendre, mais je lus dans son regard qu’on tirait un peu sur la corde à parler aussi longtemps. Nous prîmes congé du couple en les remerciant poliment avant de continuer notre chemin.

Ce qu’avait fait Araen était facile à deviner… et je dois reconnaître que, pour le coup, il avait été plutôt ingénieux. Comme quoi, il a quelque chose dans la tête quand il le veut.

En passant devant le stand mentionné plus tôt, Kairi et moi ne vîmes qu’une foule de gens très enthousiaste à l’idée de manger les brochettes servies par le marchand, un grand type musclé à la peau bronzée. Kairi huma l’air.

-         Je me demande quel goût ça a… glissa-t-elle, évasive.

-         Moi aussi, admis-je après avoir senti la délicieuse odeur de viande braisée à mon tour.

Raya nous ramena à la réalité en nous disant :

-         Bon… Voici la maison de Dang Hai.

Elle n’eut pas besoin de nous montrer quelle maison était celle du chef. Quelques dizaines de mètres plus loin, au beau milieu d’une grande place, se trouvait un édifice un peu spécial. Déjà, la maison devait facilement faire trois ou quatre fois la taille de celle de tous les autres habitants. Le bâtiment arborait bien plus d’ornements aussi, à savoir des espèces de longs et larges tissus rectangulaires de différentes nuances de roses ainsi que de très nombreuses lanternes qui pendaient à partir de l’immense toiture, fournissant une lumière assez puissante pour que la maison seule éclaire suffisamment les alentours.

Notre guide nous regarda.

-         Pas de détour avant de récupérer la gemme du dragon.

Mon amie et moi acquiesçâmes avec détermination, ce qui eut l’air de lui plaire. Vu notre allure, nous étions bien partis pour arriver dans les prochaines minutes. Le souci, c’est que nous allions avoir quelques problèmes avant d’enfin pouvoir nous atteler à notre mission. Dès que Raya eut terminé sa phrase, nous entendîmes les pleurs d’un bébé. En tournant la tête, nous vîmes ledit nourrisson, une petite fille, toute seule au beau milieu d’une ruelle qui nous tendait les bras en suppliant du regard.

Ça sent pas du tout le coup fourré, pensais-je.

Vous pouvez me trouver bizarre de me dire qu’un nourrisson serait capable de tendre un piège à des gens, pourtant j’avais déjà vécu des choses bien plus étranges, alors je m’attendais à tout. Je pensais que Raya passerait son chemin, mais elle hésita ; son regard fit quelques aller-retours entre la maison de Dang Hai, notre destination, et la gamine.

-         Raya, intervins-je, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.

Kairi m’adressa un petit coup de coude.

-         Tu vois le mal partout, Riku. Regarde comme elle est inoffensive.

Comme pour confirmer les dires de mon amie, la petite me regarda en suppliant de plus belle.

-         Peut-être, répondis-je. Mais…

-         Bon… O.K., fit Raya.

Elle s’approcha de l’enfant et la saisit délicatement.

-         Salut, bébé, gamin, machin… quel que soit ton nom.

Pendant qu’elle essayait de trouver comment appeler le nourrisson, Tuk Tuk regarda quelque chose à nos pieds avant de montrer les dents. J’avoue que je fus un peu surpris de voir trois singes de tailles variées – un petit, un moyen, et un dernier avec un chapeau semblable à celui de Raya plus grand que les deux autres – au pelage blanc nous dire bonjour. Je faillis ne pas leur accorder plus d’attention que ça, jusqu’à ce qu’ils se mettent à agiter des espèces de fruits rouges, ce qui eut pour effet de calmer le mastodonte qui servait d’animal de compagnie.

-         Il est tard, continuait Raya. Qu’est-ce que tu fais dehors ? Et pourquoi est-ce que ton haleine sent la viande braisée ?

Deux des macaques se précipitèrent vers Tuk Tuk et grimpèrent sur sa carapace. Le dernier d’entre eux sauta vers Kairi et prit quelque chose en forme d’étoile dans sa poche, avant de rejoindre ses congénères.

-         Hé, fit-elle, vraiment en colère. Rends-moi ça !

Raya fit immédiatement volte-face, juste à temps pour voir quelque chose qui l’interloqua. En suivant son regard, je compris sa réaction : les singes étaient en train de voler des objets d’un éclat bleuté contenus dans le sac que transportait Tuk Tuk ; les morceaux de la pierre du Dragon.

-         Quoi ? s’exclama Raya. Des ongis ?

Le plus petit essaya maladroitement de cacher la pierre qu’il tenait dans son dos.

-         LÂCHEZ… 

L’épéiste ne put pas finir sa phrase, car le bébé abattit le chapeau circulaire sur le visage son propriétaire avant de la faire tomber en lui donner un coup de pied un peu trop technique pour un supposé enfant. Une fois les deux au sol, la gamine lança de la poussière à la pauvre Raya qui essayait de reprendre ses esprits avant de détaler. Elle passa entre mes jambes, rejoignit ses copains singes et ils s’enfuirent tous les quatre en nous narguant.

-         Un bébé escroc, fis-je, moi-même un peu perdu. Vraiment ?

-         Il faut les rattraper !

-         Compte sur nous ! répondit Kairi, très déterminée.

Sur ces mots, elle se lança à leurs trousses. Tuk Tuk se changea en boule et l’accompagna tout de suite Raya, moi sur ses talons. 

Je pensais que nous allions les rattraper en quelques secondes, mais la poursuite s’avéra plus compliquée que prévu. D’abord, les singes, y compris celui qui portait le bébé, étaient vraiment rapides. Nous aussi, sauf que leur petit gabarit leur permettait de se faufiler entre les passants. Ils nous distançaient alors sans trop de problèmes.

C’est pas bon. Si on continue comme ça, on va vraiment finir par les perdre !

Je pensai à utiliser ma Keyblade, mais pour quoi faire ? Je ne pouvais décemment pas les attaquer comme de vulgaires Sans-Cœurs ou autres monstres. La magie peut-être ? Et quel sort utiliser ? « Aimant » me paraissait être la meilleure option, cependant je risquais d’attirer autre chose que nos poursuivants. Et en plus, de leur faire mal.

Le sol de bois robuste laissa place à quelque chose de plus étroit : un pont. En me retournant, je remarquai que Tuk Tuk ne parvenait pas à passer. Il réfléchit deux secondes avant de changer de direction.

Pas bête, l’animal.

Je reportai mon attention sur nos cibles, qui riaient aux éclats en nous semant. Elles n’avaient rien vu. Parfait.

-         Ils nous distancent trop, me dit Kairi. Il faut qu’on…

-         VOUS VOILÀ ! tonna une voix masculine et familière.

De l’autre côté du pont, je reconnus ce qui me sembla être un adolescent à la chevelure blonde. Je ne voyais pas bien son expression de là où je me trouvais, mais je n’en avais pas besoin : il était furieux.

-         Araen ? devinai-je.

-         Attrapons ces sales petits voleurs de brochettes, Boucles d’Argent !

-         « Voleurs de brochettes ? » répéta Raya.

Je pensais savoir ce qu’il voulait dire par là, or je n’avais pas le temps de lui expliquer. Voyant qu’ils ne pouvaient plus avancer, ni reculer, le quatuor décida de sauter par-dessous les bois qui servaient de rambarde, pour atterrir en plein dans l’eau. Enfin, ça, c’est ce que je croyais avant de les voir atterrir dans une barque, réveillant au passage le propriétaire qui s’exclama « Hé, faites gaffe ! » avant de se rendormir aussitôt.

Immédiatement, Kairi et moi les imitâmes pendant que Raya et Araen les suivaient par un petit passage longeant le bord du fleuve.

Je savais bien que sauter sur une barque de plusieurs mètres de haut n’étaient pas forcément la meilleure idée, mais il fallait que je tente. Heureusement, elle survécut à mon passage et à celui de mon amie, contrairement au sommeil du type qui s’y trouvait toujours. Il nous lança plusieurs insultes à base de « gamins mal élevés » et de « couleurs de cheveux bizarre » avant de tenter une nouvelle fois de se rendormir. Les singes, très agiles, transportèrent le bébé en se servant des fondations d’un autre pont via des figures et autre sauts impressionnants aussi facilement que s’ils avaient fait ça toute leur vie.

-         Qu’est-ce qu’on fait, Riku ? me demanda Kairi.

Les rejoindre allait être bien trop compliqué pour nous deux. Ils prenaient tellement de distance que je n’étais pas sûr qu’Araen et Raya puisse les rattraper assez vite. Aussi, impossible d’atteindre une autre embarcation de là où nous étions pour l’instant. Enfin, peut-être pas pour moi. Il fallait agir maintenant.

Je regardai le groupe s’éloigner. En les voyant, je m’aperçus que le quatuor ne se séparait pas beaucoup…

-         Quand je te donne le signal, essaie « Rafale », lui conseillai-je. Mais pas trop fort : il ne faut pas les blesser.

-         Compris !

À mon tour, je bondis sous le pont en direction d’un des piliers de bois le soutenant. Emporté par mon élan, je tournai autour avant de me balancer à l’aide des rondins qui constituaient le pont lui-même. Je fis un ultime salto avant suffisamment loin pour atterrir sur une autre barque.

-         Maintenant !

Kairi s’exécuta et invoqua à l’aide de sa Keyblade une tornade juste en-dessous de nos cibles, en plein saut. Le sort était juste assez puissant pour presque complètement arrêter leur mouvement dans les airs. Je pris le maximum d’élan que possible et fit un énième saut. En plein vol, je parvins à les atteindre et à prendre un morceau. Malheureusement, au moment où j’allais m’occuper de l’autre, la magie s’arrêta et nous retombâmes pêle-mêle sur des barques, au grand dam des marchands. Je pensais que c’était enfin terminé, jusqu’à ce que j’entende ce qui ressemblait à des ricanements. Malgré leur perte, les quatre compagnons ne s’avouèrent pas vaincus et continuèrent leur course. J’allais dire à Kairi de réessayer lorsque je reçus en pleine face toutes sortes de fruits provenant des vendeurs sur les barques. Je fis de mon mieux pour m’en protéger et vis Raya faire de même avec son épée, Araen toujours à ses côtés.

Pas le temps de rester là, il fallait continuer à les poursuivre.

Pendant que Kairi et moi enchaînions les sauts entre les barques au même titre que le bébé et ses singes, notre duo allié arriva à des marches de bois qu’ils montèrent, passant juste au-dessus du quatuor. Les yeux de l’enfant suivirent Raya d’un air inquiet lorsque celle-ci glissa sur le bois avant d’atterrir sur l’esquif d’une vieille femme, leur barrant la route en compagnie du blond.

-         Ils ont réussi ! se réjouit Kairi, après m’avoir rejoint.

Elle avait parlé trop vite. Nos… « adversaires » eurent une idée.

Très vite, ils se tinrent les uns les autres et utilisèrent un poteau pour… bondir par-dessus Raya et Araen. Nous prenant tous par surprise, nous n’avons pu que les regarder passer. Sous nos yeux ébahis, la gamine nous lança un regard malicieux ; puis, elle nous fit un « Au revoir » de sa main encore libre, se délectant de notre moment de stupéfaction.

Ils atterrirent plusieurs mètres plus loin et continuèrent à courir.

-         Raah ! ragea Araen. On y était presque !

-         Pas le temps de s’apitoyer sur son sort, lui dit Raya, même si je voyais très clairement qu’elle aussi était irritée. Dépêchons-nous !

Raya prit la tête et s’élança à leurs trousses, suivi de près par Kairi, Araen et moi. Il n’y avait pas beaucoup de monde sur la route, mais le quatuor nous distançait quand même. Je ne savais pas que des singes et des bébés pouvaient se déplacer aussi vite.

Soudain, l’enfant porta les mains à sa taille. Heureusement, Raya et moi vîmes assez vite ce qu’elle faisait.

-         Couche ! avertit Raya.

Effectivement, le bébé nous balança une couche – pleine, j’imagine – que nous pûmes éviter à temps.

Sauf Araen, qui la reçut en pleine tête. Heureusement pour lui, elle ne s’est pas ouverte.

-         POUAH ! fit le blond après s’être débarrassé de la couche. Tu vas me le p…

Ses yeux se posèrent sur quelque chose au niveau des toits de maisons juste au-dessus des singes. Une expression de surprise apparut sur son visage. Je suivis son regard. C’est là que je compris sa réaction. Des monstres semblables à ceux qui nous avaient attaqués à notre arrivée dans ce monde poursuivaient depuis les airs nos cibles ; trois créatures humanoïdes au corps composé de flammes vertes munis d’ailes de feu et de deux épées. L’une d’elle s’apprêta à attaquer le bébé. La Keyblade d’Araen apparut aussitôt dans ses mains dans un bruit de tonnerre. Son épée se mit à crépiter et il l'envoya sur les monstres avec une certaine précision. En un lancer au bon moment, la totalité de nos ennemis furent réduits en cendres. Leurs restes tombèrent derrière la petite qui, n’ayant absolument rien remarqué, continuait de rire aux éclats.

Raya, impressionnée, ne dit rien. Ce fut Kairi qui le complimenta :

-         Bien joué, Araen !

Le concerné, toujours concentré sur notre course-poursuite, répondit néanmoins avec un sourire triomphant :

-         C’est normal pour un héros. Maintenant, allons récupérer ma nourriture !

Le quatuor arrivait devant ce qui me semblait être un cul-de-sac, au beau milieu de tonneau de fruits en tout genre. Je pensais qu’ils allaient s’arrêter, or ils utilisèrent la seule ouverture rectangulaire disponible pour passer de l’autre côté. Le bébé en profita pour nous narguer en pétant. Charmant. En courant, je levai les yeux. Impossible de sauter par-dessus à moins de trancher le toit.

Quant au passage, Araen et moi, contrairement à Kairi et Raya qui étaient assez fines, n’avions aucune chance de pouvoir l’emprunter.

-         Riku ! appela Kairi, sans doute pour me faire part du problème.

Le temps que je réfléchisse, Raya, qui avait un peu d’avance sur nous, passa avec un saut durant lequel elle resta le plus droit possible, l’épée le long du corps. Araen siffla.

-         Elle est agile, Raya ! commenta-t-il.

J’étais d’accord avec lui, mais cela ne réglait pas notre problème. Nous nous rapprochions du cul-de-sac et je n’avais toujours aucune solution.

-         Que faisons-nous ? demanda mon amie. En continuant comme ça, nous allons être bloqués !

Elle avait raison, seulement…

Un sourire dangereux se dessina sur les lèvres du blond. Quelques éclairs bleus crépitèrent autour de lui.

-         Tu en es sûre ?

Il ne me fallut que quelques instants pour comprendre ce qu’il avait en tête.

Araen accéléra. La foudre se manifestait de plus en plus.

-         Araen, commençai-je. NE FAIS PAS…

Trop tard.

Cet imbécile explosa avec un coup d’épaule le mur en bois qui nous empêchait de passer.

Par une chance inouïe, personne ne fut blessé. Cela dit, nous dûmes essuyer les regards apeurés et la colère des villageois de Griffe. Je ne pouvais pas leur en vouloir : j’aurais probablement fait la même chose si un étranger sorti de nulle part saccageait mon paysage.

Raya lança à Araen un regard noir. Même Kairi le réprimanda en lui disant que ce qu’il avait fait était très dangereux.

Le blond ignora royalement les deux filles.

Il va falloir que je lui parle, me notai-je intérieurement. Et vite.

Pour l’heure, nous avions une pierre cruciale à récupérer ainsi que l’objet mystérieux de Kairi.

Le quatuor se trouvait encore loin devant nous en train de foncer à toute vitesse, obligeant les gens à s’écarter. Ils se demandaient sans doute ce qu’un bébé fichait à courir avec une pierre brillante dans la main accompagné de trois singes blancs et poursuivit par des adolescents/jeunes adultes dans les rues en pleine nuit. Alors que je réfléchissais à un moyen de terminer cette course-poursuite absurde, l’animal de compagnie de Raya régla la question. Il surgit du détour de la rue un peu plus loin devant nous et ferma la porte qui le séparait du bébé et ses alliés d’un coup de son arrière-train. Voilà donc ce qu’il avait en tête en nous faussant compagnie au pont. Nos cibles ne purent faire autre chose que de recevoir la porte en bois de plein fouet, les stoppant net – enfin ! – dans leur course. Elles tombèrent comme des pierres sur le sol de bois. Raya s’approcha d’eux lentement avant de planter son épée. Les voleurs croisèrent le regard d’une Raya complètement détendue qui leur faisait signe de leur donner la pierre restante. Kairi la rejoignit et l’imita. Le bébé tapa de ses petits poings chacun des singes à ses côtés : l’un recracha la pierre scintillante qu’il avait dans la bouche, récupérée par l’épéiste, et l’autre rendit, sous le regard insistant de Kairi, son mystérieux trésor : l’objet en forme d’étoile. En le récupérant, elle l’observa consciencieusement quelques instants avant de pousser un profond soupir de soulagement. Quand elle vit mon regard interrogateur, elle mit l’objet dans sa poche et articula silencieusement : « Je t’expliquerai plus tard. »

-         Merci bien. (Raya garda son sourire satisfait et rangea son épée dans son fourreau.) Bon, ça ne me regarde pas, mais user de ton charme de bébé pour détrousser des gens…

-         Et voler leur nourriture, glissa Araen.

Notre alliée toucha le nez de la gamine énervée du doigt ; cette dernière agita ses mains pour s’en débarrasser.

-         … c’est très mal, termina Raya.

La jeune femme regarda autour d’elle pendant que Tuk Tuk nous rejoignait.

-         Au fait… Où est ta famille ?

Le bébé, toujours boudeur, lui tira la langue et fit signe à ses camarades de la suivre. Les singes s’exécutèrent sauf un, le plus petit, qui, un air triste au visage, se redressa avant de joindre les mains, comme s’il demandait quelque chose. Ensuite, il se précipita vers ses amis. L’expression de Raya s’adoucit.

-         Je vois…

-         Qu’est-ce que cela veut dire ? lui demandai-je.

Mon interlocutrice prit quelques secondes avant de me répondre.

-         Sa famille a été… transformée en statue par le Druun.

-         Comme celle de Boun, se souvint Kairi qui, manifestement, ne semblait plus ressentir une once de colère pour les voleurs.

En entendant ça, Araen regarda ailleurs, laissant le quatuor le dépasser ; il n’avait même plus le cœur de leur demander sa nourriture. Je comprenais son état d’esprit. La petite fille, seule au monde, n’avait pas d’autres choix pour survivre que de s’emparer des biens des gens. Heureusement, elle avait rencontré ces singes qui devinrent ses compagnons, sa nouvelle famille. Combien de gens au juste perdirent leurs proches à cause de cette calamité qu’est le Druun ? Je lançai un regard furtif à Raya, perdue dans ses pensées. Avant que l’on arrive ici, elle nous avait dit qu’il y a six ans, le fléau fut libéré une nouvelle fois. Se pourrait-il que…

Deux ombres bougèrent. Juste au-dessus de Raya et sa pierre. En une fraction de seconde, je tranchai l’une d’elle pendant que Kairi s’occupait de l’autre, protégeant la jeune femme. Heureusement qu’elle avait été là, parce que je ne sais pas si j’aurais pu détruire l’autre à temps.

Je regardai ma meilleure amie, stupéfait :

-         Tu t’es vraiment renforcée. Bien joué.

Elle, très fière d’elle-même – et à raison – répondit en souriant :

-         Evidemment, Riku ! Mon entraînement commence à payer !

Je lui rendis son sourire. J’avais bien vu, depuis un certain temps déjà, qu’elle était devenue bien plus forte que depuis le jour où elle avait obtenu sa Keyblade. Pour tout vous dire, j’étais – et suis encore – très curieux de voir jusqu’à quel point.

Les cendres des assaillants se déposèrent au sol.

Des cendres émeraudes.

Maléfique.

Raya nous observait en silence depuis un moment déjà, regardant tour à tour nos armes et les restes des monstres qui disparaissaient peu à peu. Son visage reflétait un mélange de surprise et d’incrédulité, comme si elle avait du mal à croire que de parfaits étrangers venaient de lui sauver la vie. Encore. Avant qu’elle ne puisse dire quoi que ce soit, je lui rendis la deuxième pierre volée jadis par le bébé et sa bande.

-         Il faut vite partir d’ici, lui dis-je. Je n’aime pas le fait que ces monstres se manifestent de plus en plus. Au plus tôt on s’occupera de voler Dang Hai, mieux ce sera.

Mon avertissement parut lui faire retrouver ses esprits. Elle fourra la pierre avec l’autre dans une sacoche à sa taille avant de regarder derrière elle. Encore visible dans la direction de son regard, la maison du chef de Griffe se trouvait plus loin devant nous, avec toutes ses lumières.

Quand elle se retourna vers nous, son expression avait changé : elle avait une idée.

-         Hé !

Elle ne s’adressait pas à moi, ni à Kairi ou Araen, mais au bébé et ses compagnons. Ils se retournèrent, un air de surprise légèrement mêlé de méfiance au visage.

-         Ça vous dirait de gagner de l’argent honnêtement ?


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