Kingdom Hearts III : La quête des Cœurs perdus

Chapitre 42 : Escale au Jardin Radieux - Le château

10767 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 24/04/2024 15:38

Bonjour à tous ! Plus qu'un chapitre ou deux avant la deuxième phase de "La quête des Cœurs perdus", et nous aurons enfin un début de réponse sur l'étrange échange entre Sora et Roxas ! Bonne lecture à tous, et à la prochaine sur Fanfiction Fr !


Roxas a à nouveau le contrôle du corps de Sora, et, ne sachant que faire en l'absence de son double, demeure au Jardin Radieux le temps de décider de la suite. Les jours se passent normalement, sans histoire, jusqu'à ce qu'un matin Léon ne vienne chercher l'adolescent, pour une raison obscure qui concernerait Sora… Serait-ce un nouveau mystère de plus sur l'Élu ?

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 Alors que Léon les menait à l'ancienne forteresse, Roxas ne put s'empêcher de s'arrêter net devant les lourdes portes de l'entrée. L'adolescent leva instinctivement les yeux vers le sommet de la bâtisse, des sueurs froides faisant frissonner sa nuque tandis qu'il scrutait sans expression l'imposante façade devant lui, sentant un désagréable nœud lui tordre le ventre.

Malgré la restauration du château, tout semblait lui crier de ne pas entrer dans cet endroit maudit.

N'entre pas ici…

- Hé, tu viens ?

Roxas arracha péniblement son regard à la contemplation de la forteresse, tandis que les trois adultes l'attendaient plus loin ; Donald et Dingo échangèrent un regard concerné, et Léon qui l'avait appelé fronça légèrement les sourcils quand l'adolescent le dépassa en lui accordant à peine un coup d’œil.

- … Ça va ? T'es tout pâle, murmura le chevalier en posant une main sur son épaule.

- …Mouais. J'aime pas cet endroit, j'ai l'impression d'être de retour dans cette grotte.

Le duo mit une seconde pour comprendre et tapotèrent d'un geste rassurant le dos de leur protégé, ne le quittant pas d'une semelle. Le couloir sombre et voûté qu'ils traversaient n'était pas très accueillant, et les torches des murs projetaient des ombres qui inquiétaient autant le magicien que le capitaine. Eux-même n'étaient pas très à l'aise en ces lieux sinistres, quoique pour d'autres raisons toutes aussi tragiques…

Enfin le passage déboucha dans un vaste hall circulaire, au fond duquel une fontaine était nichée entre deux escaliers menant à une colonnade en demi arc de cercle ; un énorme lustre éclairait la pièce, et un deuxième étage était visible juste au-dessus des piliers. Si Donald et Dingo déglutirent à leur arrivée, Roxas s'arrêta net avant même d'y mettre le pied. Léon le remarqua et leva un sourcil en voyant le visage du garçon perdre ses couleurs :

- Qu'est-ce qu'il y a ? On dirait que t'as vu une catastrophe.

- …Plus on avance et plus j'ai l'impression qu'il va y en avoir une, finit par souffler l'adolescent en fixant un point fixe dans la salle.

Juste après ces mots, un grand "Pouf !" d'étincelles caractéristiques retentit au dessus de la fontaine, suivi d'un concert de voix familières avant que le groupe ne voient se relever Riku et Lea, ce dernier faisait gentiment signe à son meilleur ami en bas.

- En parlant de catastrophe… marmonna Roxas en jetant un œil noir au Maître époussetant sa veste.

L'épéiste soupira en reprenant sa marche, tandis que Donald et Dingo s'échangeaient un regard confus à l'arrivée des Porteurs. Leur protégé resta encore immobile, fixant toujours le même endroit de la pièce sans oser entrer, mais fit enfin un pas… puis un autre, et encore un autre, gravissant les marches aux côtés de ses camarades ne le quittant pas d'une semelle.

L'adolescent savait que c'était là que Sora avait perdu son cœur et retrouvé forme humaine deux ans auparavant ; mais ce n'était pas ça qui le mettait si mal à l'aise. Non.

Il y avait quelque chose d'autre ici, quelque chose dont il sentait la présence mais ignorait l'identité, quelque chose qui se faisait plus proche à chaque pas…

Et qui semblait vivant.

Le garçon eut à peine le temps de s'inquiéter encore pour cette chose qu'il atteignit le haut des marches et remarqua une large ouverture en face de là où était apparu le nuage de Merlin ; une lumière émanait de l'endroit, intriguant le jeune homme qui s'approcha rapidement… et s'arrêta devant le spectacle.

Dans un petit couloir large se tenaient non seulement Léon et les deux Porteurs vu précédemment, mais aussi l'enchanteur et son apprentie, ainsi que le Roi ; et devant eux, une porte scellée d'un blason bleu, rouge et vert à l'effigie du symbole Sans-cœur ; et devant le blason…

Rien du tout.

Roxas haussa un sourcil en se demandant pour quelle obscure raison il s'attendait à voir quelque chose devant l'emblème qu'il ne pouvait quitter des yeux, mais n'eut pas plus le temps d'y penser que l'épéiste s'avança en scrutant toute l'assemblée :

- C'est bon, tout les Porteurs sont ici ?

- Tous comme demandé ! confirma le magicien en rehaussant ses lunettes. Bien que je doute que cette affaire soit urgente au point d'interrompre notre entraînement…

- Comment ça urgente ? C'est grave ? s'inquiéta Donald.

- Oui, sinon crucial, reprit Léon en s'avançant vers l'ouverture close. Ce matin, Cloud et Tifa ont tenté une nouvelle fois de nettoyer le château pour que nous puissions finir les restaurations, et ils ont découvert deux choses. De un, tout les Sans-cœurs présents à l'intérieur ont mystérieusement disparus, comme s'ils étaient partis. Et de deux… cette porte qui n'était pas là avant.

Tous froncèrent les sourcils, alors que l'épéiste se tournait vers eux en croisant les bras :

- Nous avons essayé de l'ouvrir, autant par la force que par la magie ; mais toute tentative s'est retournée contre nous. Littéralement.

- Donc on nous a appelés pour jouer les serruriers, hein ? intervint alors Lea, et Roxas ne put s'empêcher de sourire à son ton nonchalant.

- Mais… un seul d'entre nous devrait suffire, alors pourquoi nous faire tous venir ? remarqua Kairi.

- Je sais pas, mais je vois pas pourquoi on perdrait notre temps avec ça ! fit l'apprenti en invoquant sa Clé. Sésame, ouvre-toi !

- Non, att-!

Léon n'eut pas le temps d'arrêter l'adulte qu'il pointa Ardeur Flambante sur le battant, faisant jaillir un rai de Lumière du panneton ; une barrière apparut soudain devant le sceau de la porte, empêchant le tir d'atteindre sa cible en le revoyant sur le Porteur. Roxas conjura de justesse un Miroir, protégeant Axel et son entourage. L'apprenti allait remercier son meilleur ami quand soudain la barrière brilla fortement, tel un avertissement ; et soudain disparut. Car maintenant se tenait à sa place quelque chose qui figea le groupe.

La Keyblade Chaîne Royale.

Le Simili de Sora écarquilla lentement les yeux, l'esprit traversé d'un millier de pensées à la seconde ; mais toutes étaient tournées vers cette Clé unique, flottant en une douce rotation devant eux comme attendant qu'on la prenne, de minuscules éclats de Lumière perlant d'elle de temps à autre. Elle semblait l'appeler, l'appeler telle une puissante flamme dansante…

- Saperlotte, c'est fascinant…

Roxas cligna des yeux, détachant difficilement son attention de l'épée légendaire tandis que Léon recroisait les bras :

- C'est pour ça qu'on vous a tous appelés. Cette Keyblade est apparue quand nous avons voulu ouvrir la porte, dit-il en se tournant vers elle. Et comme peut s'en douter…

Il tendit une main, et ne put approcher l'arme à moins de dix centimètres qu'elle disparut en une myriade d'étincelles, revenant à son emplacement d'origine quand il baissa le bras en laissant les autres deviner le problème. Lea haussa les épaules et s'avança :

- Bon ben alors, viens par ici petite Keyblade !

Malheureusement, cette dernière s'évapora de la même façon à peine effleurée ; l'apprenti leva les bras en déception et laissa les autres tenter leur chance. Kairi hésita, mais tendit la main à son tour, pour être autant rejetée par la Clé d'argent. Le Roi s'avança, déterminé :

- Je vais essayer de l'appeler. Si j'étais le Porteur de la Keyblade des Ténèbres, peut-être que celle de la Lumière acceptera de me répondre.

Sur ces mots, le monarque tendit la main, comme pour l'invoquer. L'épée légendaire disparut en un éclat de Lumière, et tous crurent que ça avait marché ; mais l'instant d'après, elle réapparut au même endroit, comme n'en ayant jamais bougé. Un mouvement de déception parcourut l'assemblée, alors que le Maître baissa les yeux vers sa paume, songeur :

- Je l'ai sentie, dit-il après une pause. Elle m'a entendu ; mais elle ne m'accepte pas. Je crois qu'elle refuse d'être prise par quelqu'un d'autre que son Porteur.

Disant ces mots, son regard se tourna vers Roxas… et Riku. Ce dernier remarqua bien vite son air insistant et se pointa du doigt :

- M-Moi ? Mais je… J'ai une autre Keyblade, et qui plus est j'ai perdu le droit de porter Chaîne Royale quand Sora s'en est montré légitime, je ne suis plus son Porteur…

- Mais tu l'as été, pas vrai ? ajouta Léon. Ça vaut la peine d'essayer.

Le jeune Maître grimaça légèrement, visiblement mal à l'aise entre ceux le fixant avec insistance et ceux attendant juste de voir la suite ; d'entre tout ces regards, l'aîné se tourna vers celui de la jeune fille. Les deux amis se regardèrent dans les yeux, comme pour se parler ; l'espace d'un instant, les sourcils de la Princesse semblèrent se froncer ; mais la seconde d'après, elle lui sourit doucement, hochant la tête avec encouragement.

Voyant ça, Riku eut un léger hoquet de surprise, mais hocha en retour et se tourna vers la Keyblade qui l'attendait. Il la contempla un instant, comme encore hésitant, puis fronça les sourcils, et tendit la main ; s'arrêtant juste un instant, il effleura la garde dorée, alors que rien ne se passait. Puis il avança finalement la main, refermant lentement ses doigts autour de la poignée… avant que celle-ci ne disparaisse sous ses doigts en un éclat de Lumière.

Riku soupira, baissant la main alors que Chaîne Royale réapparaissait, et haussa les épaules :

- Bon, ça valait le coup d'essayer.

- Hum, une Keyblade qui refuse autant son ancien Porteur que de celui détenant sa comparse obscure… murmura Merlin dans sa barde. On dirait qu'il ne nous reste plus qu'une seule option…

Sur ces mots, le groupe se tourna naturellement vers l'entrée… et vers Roxas. Plongé dans la contemplation de l'arme flottant devant eux, ce dernier mit quelques secondes à réaliser que tout le monde le dévisageait et sursauta légèrement, troublé de voir autant de paires d'yeux sur lui :

- H-Hein, je… C'est pas ma Keyblade !

- Mais c'est celle de Sora.

L'adolescent écarquilla les yeux en se tournant vers Kairi, laquelle avait murmuré ces mots sans flancher, et secoua la tête :

- Mais pourqu… Je ne suis pas Sora !

- …Mais tu as le contrôle de son corps, osa dire Léon. Et Sora est toujours là, dans un sens. Avec un peu de chance, sa Keyblade n'y verra que du feu.

- Mais…

Le garçon regarda tour à tour les autres, incertain : Merlin, Lea et Riku semblaient comprendre sa réaction mais l'encourageaient à essayer, Donald, Dingo, Léon et le Roi avait l'air de croire que ça marcherait forcément, et Kairi…

Elle ne le regardait plus.

Une vague de tristesse étrange prit l'adolescent alors que la jeune fille fixait obstinément le sol, et il fronça doucement les sourcils…

Puis la Lumière émanant de la Clé flottant devant le sceau le rappela à elle, alors qu'il sentait une sorte de force le tirailler entre la Princesse et la Keyblade. Il regarda sa paume un instant, incertain, regarda l'épée légendaire, serra le poing… et s'avança. Chaîne Royale semblait l'avoir rejetée dès son premier retour, quand seules Tendre Promesse et Souvenir Perdu avaient accepté de répondre à son appel ; mais peut-être n'était-ce qu'une impression.

Après tout, il n'y avait qu'un seul moyen de le savoir.

S'arrêtant juste devant l'arme, il la contempla un instant, songeur ; puis, dans un geste lent et incertain, il tendit la main vers elle. Sa paume resta en suspend au-dessus de la poignée, sentant le regard de tous sur lui alors qu'il effleurait les contours de la Clé sans oser vraiment les toucher… avant de refermer sa main sur le cuir noir l'ayant accompagné durant tout son voyage.

Pendant une seconde, il sentit le poids de la Keyblade se manifester au bout de son bras, forte mais maniable comme elle l'avait toujours été, alors qu'enfin l'épée légendaire cessait de défier la gravité en trouvant sa paume incertaine mais bien présente…

Et Chaîne Royale se dissipa en un rai de Lumière aveuglante.

Surpris par le phénomène soudain, Roxas retira sa main en sursaut, permettant à l'arme de réapparaître à sa place initiale. Un silence presque pesant accueillit ce résultat, tandis qu'il fixait encore la lame argentée reflétant presque l'expression de stupeur dans ses iris d'un bleu trompeur ; puis les traits de l'adolescent retombèrent, alors qu'il baissait les yeux.

- …Je crois qu'on est fixés, maintenant.

- …En effet, répondit froidement Léon. Cette Keyblade n'accepte que Sora comme son Porteur.

Tous se tournèrent un instant vers l'épéiste, le regard résigné et les bras croisés, avant de fixer le sol d'un air songeur. Alors qu'ils étaient plongés dans leurs pensées, Roxas jeta un dernier regard à la Clé l'ayant rejetée, puis baissa les yeux vers sa paume devenue froide ; il sentait encore dans sa main sa force rassurante qui avait accompagné son double pendant toutes ses épreuves. Il avait été sot de se croire digne d'elle, quand il avait osé se faire passer pour son maître légitime ; mais il ne pouvait s'empêcher de ressentir une profonde tristesse devant ce refus. Elle ne voudrait pas de lui ; elle voulait son Porteur. Et elle rejetait tout imposteur, aussi bon et légitime fut-il.

Le garçon soupira, contemplant le symbole Sans-cœur semblant les narguer. Personne ne savait pourquoi cette porte s'était soudain manifestée, ni pourquoi Chaîne Royale seule semblait nécessaire à son ouverture. Mais tous savaient une chose pour sûr, à présent.

Tant que l'Élu ne serait pas de retour en chair et en esprit, elle leur resterait close.


Les jours qui suivirent furent ordinaires. Roxas occupait toujours ses journées aux leçons d'école et de Synthèse, et ses soirées aux coucher de soleil avec Axel. Et surtout, il évitait autant que possible la présence de Riku et Kairi ; l'aîné n'avait d'ailleurs pas plus tenté de rentrer en contact avec lui, même pour demander s'il se rappelait quoi que ce soit qui expliquerait leurs échanges encore mystérieux (non pas qu'il aurait voulu le lui dire, embarrassé qu'il était à décrypter ses rêves avec Donald et Dingo). Il avait plutôt l'air de lui ficher la paix, tant mieux pour lui. Quant à la jeune fille…

L'adolescent ne pouvait s'empêcher de suivre ses progrès de loin. Jamais il ne lui demandait en personne de ses nouvelles ; mais si, d’aventure, quelqu’un du comité soulignait les avancées combatives de la Princesse ou qu’Axel ressassait leurs interminables heures d’entraînement de Porteurs, il écoutait avec intérêt, commentant juste assez pour en savoir plus sans en avoir l’air. Il soupçonnait, vu l'incident arrivé la dernière fois qu'ils s'étaient parlés, qu'un certain Élu soucieux de l'état de sa bien-aimée était "quelque peu" impliqué dans cette attention soudaine. Enfin, il ne pouvait que le supposer ; malgré tout ses efforts, il n'avait aucun retour de Sora depuis ce jour-là.

Mais même sans ça, Roxas voulait s'assurer que Kairi allait bien. Rien ne réparerait le mal qu'il lui avait fait ; mais il voulait éviter qu'autre chose lui en fasse. Alors il veillait sur elle de loin, sans que jamais leurs routes ne se croisent.

Ce qui, pour un temps, fut le cas.


Cet après-midi-là, l'adolescent déambulait dans les jardins, seul. Il venait de passer devant un carré de fleurs violettes vaguement familières, quand il remarqua une silhouette rose un peu plus loin ; Kairi, accroupie devant de jolies fleurs bleues aux cinq pétales dansant dans la brise. Elle semblait mélancolique, comme si ces étoiles florales lui rappelait quelque chose… ou quelqu'un.

Le garçon dû faire un effort terrible pour ne pas s'avancer tant son regard le peinait. Ils ne devaient pas se voir, il le savait… pourtant, il pouvait bien faire quelque chose pour elle, à la fin ! Secouant la tête pour se sortir cette envie du crâne, il fit un pas en arrière et tourna les talons, quittant presque sans un son la scène et la Porteuse solitaire.

- …Roxas ?

Le jeune homme sentit toutes les couleurs quitter son visage. Figé, il eut il ne sait comment le courage de se retourner pour faire face à la Princesse derrière lui…

Ses iris couleur de ciel trouvèrent immédiatement les siens marine violacés.

Les deux adolescents se fixèrent, leurs regard rivés l’un dans l’autre, Roxas n’osant plus bouger tandis que Kairi continuait de le regarder sans flancher. Il remua les lèvres sans pouvoir produire un seul mot ni rompre leur contact, avant d'enfin retrouver sa voix et détourner maladroitement les yeux :

- J-J-Désolé, c'est u-un accident…

- Attends.

Le garçon se figea, et releva lentement la tête vers la jeune fille aux poings serrés. Un silence pesa quelques instants ; puis le regard de la Princesse s'adoucit légèrement, avant de revenir se poser sur les fleurs à ses pieds :

- Viens. Je voudrais te parler.

L'adolescent mit plusieurs secondes à comprendre qu'elle acceptait-non, requérait sa présence, et la rejoignit non sans appréhension. Muet, il l'observa un moment, ne sachant s'il devait approcher ou rester à distance, tandis qu’elle continuait de contempler les pétales en étoiles ployant sous la brise. Puis, après un silence incertain, elle releva quelque peu la tête vers un point invisible et prit doucement la parole :

- Il y a un mois, une vieille dame est arrivée au comité de restauration, disant qu’elle recherchait quelqu’un qui vivait ici avant l’invasion des Ténèbres. Quelqu’un qui avait disparu juste avant que Maléfique ne fasse sombrer ce Monde dans le chaos, il y a à peu près douze ans ; quelqu’un qui était sa petite-fille de quatre ans, qui avait subitement disparu sans que personne ne comprenne pourquoi.

Roxas écarquilla peu à peu les yeux en comprenant à quoi la jeune fille faisait référence, tandis qu’elle continuait maintenant sa tirade en fixant l’horizon rose devant eux :

- Sauf que cette dame n’est pas venue toute seule au comité. Il y avait quelqu’un qui l’a accompagnée, mais qui est parti tout de suite après sans rien dire ; un jeune garçon, d’environ une quinzaine d’années, dont elle n’a pas pu connaître le nom.

Kairi inspira un grand coup, sourcils froncés, puis tourna son regard violacé vers le jeune homme à ses côtés et prononça une seule phrase, sans jamais flancher :

- Roxas… est-ce que c’est toi qui a ramené ma grand-mère ?

Le garçon écarquilla les yeux, contemplant malgré lui ces iris marine où il décelait un miroitement humide, avant d’avoir un geste de recul involontaire en se tenant le bras, incertain ; mais il finit par retrouver sa voix, et déclara enfin :

- Ce… Oui, c’est moi, mais si Sora avait p-

- Merci.

Roxas hoqueta, pris de court par ce mot, ce petit mot si simple, que venait de prononcer Kairi sans détourner un seul instant son regard bleu violacé empreint d’une gratitude et d’une reconnaissance qu’il n’aurait jamais cru pouvoir lui être adressée ; il lui semblait même qu’elle courbait très légèrement ses lèvres en un… Elle souriait ? Attends, est-ce qu’elle lui souriait ? Et est-ce que… est-ce qu’elle venait vraiment de le remercier lui ? Pour de vrai ?

Ne sachant plus que dire (ni que croire), l’adolescent bredouilla en détournant ses yeux célestes vers le sol, essayant d’avaler sa salive et parvenant enfin à marmonner un maladroit "de rien" en se frottant le bras…

- J’espère que tu as bien écouté, parce que je sais pas si j’aurai envie de te le répéter encore une fois.

Ces paroles, plus sèches mais néanmoins dépourvue des reproches habituels, firent à nouveau lever les yeux du jeune homme vers la Princesse qui avait repris une attitude plus froide, fixant encore les fleurs en serrant d’une main son bras dans le dos et le poing serré ; son regard triste lui fit à nouveau mal au cœur, et cette fois même la crainte de rompre leur accord ne fut pas assez forte pour l'empêcher de s'avancer vers elle :

- Kairi, je sais ce que tu m'as dit, mais je veux quand même te le dire ; je suis désolé, pour absolument tout. Pour t'avoir attaquée aussi fort, pour t'avoir blessée, pour être revenu quand tu voulais tellement revoir Sora, p-

- Tais-toi, dit-elle fermement mais pas froidement.

Le garçon eut un hoquet de surprise, alors qu'elle s’agenouillait pour regarder mélancolique les fleurs à ses pieds ; sans vraiment savoir pourquoi, il s’accroupit non loin d’elle, respectant néanmoins son espace. Pendant un moment, seul le vent chuchota dans les jardins, tandis qu'ils observaient chacun l'autre ou les pétales aux teintes vibrantes. Puis enfin la voix douce et triste de la Princesse s'éleva en un soupir :

- Je retire ce que je t’ai dit quand tu es revenu me voir. Tu ne briseras plus notre accord, Roxas.

Le garçon eut un hoquet de surprise, et ne put rien faire d'autre que balbutier, comme craignant qu'elle ne revienne sur sa décision :

- T-Tu, alors on… On peut se voir ?

Elle hocha la tête, avant que sa voix familière ne s’élève à nouveau alors qu'elle tournait lentement les yeux vers le corps adolescent près d'elle :

- En fait, je voudrais surtout te dire, que… Je te vois, Roxas.

Le jeune homme resta bouche bée, réalisant la portée véritable de ces mots. Le temps sembla s'immobiliser autour d'eux, alors que la jeune fille le fixait doucement dans les yeux sans flancher. Stupéfait, il détacha ses iris des siens pour contempler le vide, avant de relever son regard azur encore écarquillé :

- Tu… tu peux ?

- C'est pas constant, dit aussitôt la Porteuse en rabaissant la tête vers les fleurs bleues. Je vois le corps de Sora la plupart du temps, comme les autres, mais, parfois… c'est bien toi que je vois. Avec les vêtements de Sora ; mais ton visage est le tien. Différent.

Roxas se tut encore un instant, avant de murmurer :

- …Comment je suis ?

Kairi leva brièvement les yeux vers lui, puis dit :

- Des cheveux blonds, en pétard mais plus droits que Sora. Le visage moins rond, pointu. Des yeux plus… durs, anguleux. Le regard sincère, et bleu comme un ciel sans nuage.

Involontairement, l'adolescent se sentit rougir devant cette description et tourna rapidement la tête ; mais en même temps, il se sentait rassuré, heureux de savoir qu'il y avait toujours une part de lui qui lui était propre. Levant les yeux vers la jeune fille pour la remercier d'un léger sourire, il remarqua soudain son regard sombre et se retint.

- …La toute première fois que je t'ai vu comme ça, murmura-t-elle alors, c'était quand… tu m'as dit que je n'étais pas prête.

Ouille.

- Tes yeux ont toujours été différents de Sora ; mais à ce moment-là, quand je t'ai vu te jeter sur moi, que j'ai vu autre chose que le visage de Sora… C'était juste après qu'Ax-Lea se soit fait posséder et que j'avais failli vous perdre tout les deux, et ç… Ça a été un choc.

Le garçon fronça les sourcils en réalisant combien il l'avait blessée ce jour-là, tandis que la Princesse serrait doucement ses bras sans quitter des yeux les fleurs.

- Depuis, je… je crois que je t'ai vu en tant que toi quand tu es venu t'excuser, et quand tu es revenu l’autre jour… Mais j-J'étais tellement fâchée que ce soit toi, toi qui me dise que je n'étais pas prête, que je n'ai pas voulu y prêter attention. Mais je te vois, Roxas. Je te vois.

Un silence s'installa après qu'elle eut dit ces mots, alors que les deux adolescents fixaient chacun le vide. Roxas fronça soudain les sourcils, comme comprenant quelque chose ; puis, ouvrant la bouche un instant, comme hésitant, le garçon se tourna légèrement vers la jeune fille, confiant d’une voix où chaque syllabe vibrait d'hésitation :

- J-Je… Kairi, moi aussi je… Je l’ai vue une fois.

Elle haussa un sourcil, et le garçon osa la fixer dans les yeux malgré son regard nerveux :

- J… Tu te souviens quand tu m'as séparé de Riku quand on s'est battus, la première fois que je suis revenu ? Q-Quand tu m'a demandé pourquoi j'avais fait ça, j… c'était pas toi que j'ai vu me parler.

Kairi écarquilla les yeux, et demanda stupéfaite :

- T-T veux dire… Tu l'as vue elle ? Tu as vu Naminé ?

Le Simili sembla faire un imperceptible "Non" de la tête, puis se figea, et opina du chef en rompant leur contact visuel. La jeune fille contempla le vide un instant, puis se retourna vers lui :

- Et… tu l'as revue depuis ?

Il la fixa, inexpressif ; puis son regard s'assombrit, et il secoua lentement la tête. Elle fronça les sourcil, puis baissa la tête vers les pétales bleus devant eux.

Un long moment passa en silence, tandis qu'ils pensaient tout deux à ce qu'ils venaient d'apprendre l'un de l'autre ; et peut-être aussi à ce que tout cela impliquait. Puis la Porteuse serra les poings sur ses genoux, et leva la tête, résolue :

- …Roxas. Tu t'en veux vraiment de m'avoir attaquée ce jour-là ?

Il ouvrit des yeux immenses, mais fronça à nouveau les sourcils et acquiesça, sans jamais la quitter du regard :

- Bien sûr. Plus que ce que tu veux croire.

Elle trouva son regard, et le fixa en retour un bref instant ; puis Kairi se releva, semblant contempler le ciel, et d'un ton fébrile mais déterminé déclara :

- Alors prouve-le-moi.

Et d'un élégant geste du poignet, appela à elle Appel du Destin, ses yeux marine rivés dans ceux célestes de l'adolescent.

- Attaque-moi de toute ta force.

Roxas, levé en même temps qu'elle, contempla stupéfait la Keyblade qu'elle tenait si fermement mais si craintivement dans sa paume, puis se tourna vers la Princesse ; elle lut dans son regard une hésitation immense, sans doute plus grande que la sienne, et surtout plus agaçante.

- Si tu veux pas m'affronter, ne reviens pas me voir tant que t'as pas retrouvé un corps qui t'appartienne, murmura-t-elle les lèvres pincés.

- Non, je… Kairi, je n'ai pas peur de t'attaquer. Mais je dois savoir : es-tu sûre de vouloir que je te combatte avec absolument toute ma force ?

- Je te l'aurai pas demandé sinon. Si tu veux pas me prendre au sérieux, c'est pas la peine de t'engager.

Il prit alors une expression indéchiffrable, comme pour masquer ses émotions alors que la Princesse serrait d'autant plus les poings devant son silence exaspérant ; puis il leva la main, déclarant d'une voix douce mais ferme alors qu'apparaissait en une myriade de cristaux quadricolores et de rayons crépusculaires une Clé qu'elle n'avait encore jamais vue :

- Très bien. Mais ne viens pas dire que je ne t'ai pas prévenue.

Ses doigts se refermèrent résolument sur Souvenirs d'été.

Et en un éclair, Roxas se jeta sur Kairi.


Riku ne savait plus quoi penser, à présent.

Lorsque Roxas était revenu après une Non-Forme que personne n'avait vue venir, l'aîné avait été pris au dépourvu ; seul Maître Yen Sid n'avait pas encore été consulté pour son voyage avec ses amis d'enfance, et bien qu'il sache le retour du Simili accidentel, il n'avait pas vraiment su comment le prendre. Après tout, son projet avait été ruiné par sa faute, en un sens. Mais il ne lui avait rien reproché. Il ne l'avait même pas forcé à venir lorsqu'il de l'inévitable réunion du sorcier ; l'adolescent n'en avait de toute façon ni l'envie, ni quoi que ce soit à dire sur sa situation.

La découverte de la mystérieuse porte au château avait aussi été bien intrigante, tout comme le fait que seule Chaîne Royale, laquelle n'acceptait que la main de Sora pour la brandir, puisse l'ouvrir. C'était trop beau pour n'être que des coïncidences, mais Roxas n'avait de toute évidence aucune idée pour expliquer ce portail ni ce qui s'y cachait derrière. Aussi bizarre que c'était, il n'avait rien à voir là-dedans.

Mais quand il avait vu Kairi revenir d’une promenade dans les jardins couverte de terre et d’herbes comme si elle s’était roulé dans tout les parterres de fleurs, c'en faisait trop pour lui. Surtout quand sa meilleure amie refusait de lui dire précisément pourquoi elle se retrouvait dans cet état.

Bon, elle n’était pas blessée, mais ses réponses vagues n’aidait vraiment pas à calmer l’esprit préoccupé du jeune Maître. Son œil aiguisé n’avait aussi pas pu s’empêcher de remarquer que Roxas, habituellement cantonné aux alentours du Gummi depuis son retour, avait fait un crochet par le QG où il s’était fait passer un savon par Donald devant son allure déplorable, laquelle aurait été provoquée par un "petit" combat contre des Sans-cœurs locaux… exactement comme ce qu’avait prétendu Kairi en revenant l’air d’être passée au rouleau compresseur et lessivée.

Quelque chose était louche, et Riku sentait clairement que l’adolescent n’était pas net dans cette affaire.

Et une découverte tout à fait fortuite quelques temps plus tard faillit bien lui faire définitivement changer d'avis à son sujet.

Lors d'une patrouille avec Squall, les bruits d'un combat les attira vers les réacteurs de la ville. Le groupe passa par l'aqueduc pour avoir une vue plus dégagée des lieux ; Riku ne trouva d'abord rien d'anormal, puis baissa les yeux vers la plate-forme qu'ils surplombaient.

Et les écarquilla immédiatement d'horreur.

En contrebas, Keyblades tirées et se déplaçant tel un prédateur, Roxas tournait autour de Kairi peinant à suivre ses gestes éclairs. Elle eut juste le temps de contrer un assaut en traître, avant de reculer pour essayer vainement de retrouver son adversaire. Sans lui laisser une seconde de répit, il entoura de flammes son épée grise et la jeta sur elle, l'obligeant à se retourner précipitamment pour parer ; l'ennemi n'hésita même pas pour brandir son arme stellaire crépitant d'électricité, lançant une Foudre qu'elle évita de peu en roulant de côté, non sans recevoir au passage une étincelle résiduelle.

Le sang de Riku ne put même pas faire un quart de tour ; toute l'amertume retenue contre Roxas depuis ce jour où il avait osé blesser la jeune fille remonta dans ses veines, et il perçut plus qu'il ne sentit Cœur vaillant apparaître dans sa main alors qu'il s'avançait vers cette ordure en bas, déterminé à l'empêcher une bonne fois pour toutes d'attaquer Kairi-

Quand brusquement une main ferme s'abattit sur son épaule, le retenant sèchement en arrière.

Sonné un bref instant par ce geste inattendu, le Maître foudroya immédiatement du regard Squall l'ayant arrêté, sa poigne toujours serrée sur l'adolescent.

- Relâche-moi immédiatement, j-!

- Attends, déclara alors l'épéiste.

- Qu-? Kairi est en danger, regarde !

- Toi regarde. Regarde bien.

Riku sentit ses oreilles chauffer et aurait volontiers balancé sa Clé dans le flanc de Squall quand un léger cri le fit se retourner vers l'horrible combat ; Kairi tituba légèrement, alors que Roxas croisait ses Keyblades, prêt à l'achever. L'aîné aurait déjà bondit si la poigne de l'épéiste ne l'avait pas retenu.

Mais alors qu'il s'apprêtait à défoncer les côtes de l'adulte pour aller secourir son amie, la jeune fille releva des yeux déterminés et brandit sa Clé, invoquant un puissant tir de Glace qui força l'adolescent à utiliser sa posture de manière défensive. Profitant de l'aveuglement causé par le givre, la Princesse se jeta sur lui, portant un coup bien placé dans le flanc. Il riposta, mais elle recula tandis qu'il reprenait sa danse effrénée autour d'elle ; sa Clé azurée fusa pour un coup en traître, mais la Porteuse s'entoura d'un Miroir, le forçant à esquiver la contre-attaque. Elle en profita pour lancer son arme, laquelle fut déviée d'un coup de Keyblade avant de revenir dans les mains de la Princesse en un éclat de pétales roses et jaunes.

Les deux adversaires s'arrêtèrent alors, essoufflés mais ne se quittant pas des yeux. Même d'ici, le Maître voyait la sueur perler de leurs fronts rougis sous l'effort, signe qu'ils étaient là depuis un moment. Mais s'ils étaient là depuis un moment, pourquoi Kairi n'avait-elle pas tenté de fuir ? Et surtout, pourquoi les deux Porteurs souriaient ?

C'est là qu'il réalisa : ce n'était pas une embuscade. C'était un duel.

Trop absorbé par la sécurité de Kairi et son ressentiment envers Roxas, le Maître n'avait pas envisagé une seule seconde que ce combat puisse être un exercice amical.

Alors qu'il abaissait sa propre Keyblade, les deux Porteurs repartirent à l'assaut en une volée d'étincelles. Tandis qu’ils continuaient de se battre, Riku sentit la main de Squall se desserrer doucement de son épaule et leva lentement les yeux vers lui :

- …Roxas n'a pas attaqué Kairi, concéda enfin l'adolescent encore un peu surpris.

L'adulte sembla soupirer, puis se tourna à son tour vers le Porteur :

- Riku, as-tu déjà affronté Kairi avec vraiment toutes tes forces ?

L'aîné allait répondre oui, avant de se rétracter ; s'il n'y était pas allé de main morte, il n'avait jamais déployé sa puissance maximale contre sa meilleure amie. Squall sembla deviner cela, car il se retourna vers le duo en contrebas, ses sourcils se fronçant doucement :

- Moi non plus, même si je n'ai jamais été délicat pendant les exercices. Roxas reste plutôt louche à mes yeux, mais j'ai compris quelque chose en les voyant aujourd'hui.

Comme répondant à ces mots, l'intéressé tourna encore autour de la jeune fille, laquelle contra une attaque avant de reprendre sa garde, suivant péniblement l'adolescent qui à chaque assaut la touchait presque mais n'y parvenait jamais.

- Il utilise toutes ses ressources contre elle, dit enfin l'adulte, et ce faisant l'oblige à employer toutes les siennes. Il n'hésite pas à aller à fond contre elle, et ainsi… Il la pousse à aller plus loin.

En bas, un coup plus fort que les autres envoya la jeune fille au sol, alors que le garçon poursuivait sans relâche son attaque. Un nouveau Miroir l'arrêta net, tandis que la Princesse en profitait pour se redresser lentement, mains serrées sur sa Keyblade et un éclat de détermination dans ses yeux marine. Le cœur de Riku s'affola, mais les mots de Squall résonnèrent dans sa tête ; et alors que Kairi invoquait un Sidéral qui força l'adolescent à reculer, le Maître ne put qu'admettre qu'il avait raison.

Jamais encore il n'avait vu son amie poussée dans ses limites, pas même lorsqu'ils avaient affronté Xehanort quelques mois auparavant ; et là, il voyait combien elle se battait pour tenir bon, combien elle luttait pour ne pas flancher si elle était toute seule.

Combien elle pouvait donner à son plein potentiel.

Un nouvel échange eut lieu entre les deux Porteurs, avant qu'une puissante frappe ne les repoussent mutuellement ; encore une fois, les deux adversaires s'arrêtèrent, essoufflés et ne se quittant pas des yeux. Puis ils échangèrent un sourire satisfait et se redressèrent, laissant leurs Keyblades disparaître en myriades d'étincelles fleuries ou éclats d’azur dans leurs mains ; et bientôt, les deux adolescents reprirent chacun leur route, tels deux vieilles connaissances promettant de se revoir.

Riku regarda le garçon s'éloigner, son regard turquoise suivant songeur l'hôte du corps de Sora. Il n'était pas très sûr des intentions du jeune homme. Mais ce dont il était sûr, maintenant, c'était que Kairi réagissait étrangement bien à sa présence.

Et si elle y réagissait bien, c'était que Roxas avait autant gagné sa place à ses côtés que Lea auparavant.


Roxas n'avait aucun problème avec le fait de cogiter sur quelque chose. Par contre, il avait un gros problème avec le fait d'y cogiter au beau milieu de la nuit.

Depuis son combat avec Kairi aux jardins, la tension entre eux s'était apaisée ; ce jour-là, après qu’elle ait accepté sa présence et lui avait dit pouvoir voir son vrai visage, elle lui avait ordonné de se battre sans retenue avec elle, et c’est ce qu’il avait fait.

Et quel combat ça avait été.

Il n’avait pas hésité une seconde de plus, comme lorsqu’il l’avait attaquée pour montrer qu’elle n’était pas encore assez forte pour rejoindre les Gardiens. Mais cette fois, elle avait répliqué avec détermination, malgré sa surprise de départ. Elle avait rendu coup sur coup, autant qu’elle le pouvait ; et il l’avait senti passé, il fallait le dire. Même avec toute sa force, la fougue de la Princesse l’avait surpris, plus qu’il n’aurait voulu l’avouer. Après un duel plus long qu’il ne s’y attendait, un coup les avait mutuellement envoyés bouler l’un l’autre aux deux extrémités du jardin ; Roxas avait terminé sa course en plein dans le parterre de fleurs violettes, où il était resté un moment sonné tant par le choc que par la stupéfaction du combat. Il aurait probablement continué à contempler le ciel (et peut-être aussi le sens de son existence) un long moment si une tête rousse aux pétales bleu fluo et aux yeux marine ne s’était penché vers lui, Keyblade serrée dans son poing tremblant. Honnêtement, il était même surpris qu’elle se soit relevé si vite comparé à lui.

Leur duel en était resté là aujourd’hui, malgré l’envie visible d’en découdre de la jeune fille ; ils étaient tous deux trop fatigués pour ça, même si Roxas aurait volontiers avoué que c’était lui le plus épuisé des deux.

En fait, après cet affrontement, elle avait carrément demandé à ce qu'ils se retrouvent tout les jours après l’entraînement, pour qu'ils se battent encore. Il ne pouvait d'admirer sa ténacité, malgré leur large différence en expérience et puissance ; et puis, lui tenir autant tête dès leur premier combat, c'était quelque chose ! Il hésitait toujours à se trouver en sa présence, mais il était soulagé que la jeune fille accepte de le voir. Et s'il restait mal à l'aise avec elle, c'était purement par gêne personnelle ; malgré tout ses efforts, c'était dur pour lui de se sentir à sa place quand il venait de voler (involontairement, certes) celle de son double auprès de ses amis.

Et c'était justement ça qui le travaillait ce soir (ou plutôt matin)-là. En plus de bien d'autres choses.

Il s'était réveillé au beau milieu de la nuit et n'avait pu se rendormir avec toutes ces pensées intempestives ; Roxas avait bien essayé de les calmer à coup de musique, mais une heure après rien n'avait changé. Et il avait toujours aussi sommeil.

Presque par réflexe, il s'était levé pour minimum essayer de faire quelque chose de son temps de veille, et il se rendait maintenant compte que faire un travail requérant de la précision et de la délicatesse en pleine insomnie, c'était pas très malin. Contemplant les lettres encore plus mal tracées que d'habitude, il reposa la douille en soupirant et se passa une main dans les cheveux, consterné. Pourquoi fallait-il qu'il repense à ces souvenirs flous et à ces derniers jours et sa relation avec Kairi et à cette stupide porte bizarre à la forteresse et qu'est-ce qu'il foutait là à essayer de refaire un gâteau en pleine nuit-

Une sensation humide sur sa main lui fit baisser les yeux vers son verre, et réaliser qu'il faisait déborder son jus. Se maudissant pour être aussi endormi, l'adolescent nettoya son bazar et sirota sa boisson au bar. Le liquide frais lui redonna un petit coup de fouet, remettant de l'ordre dans ses pensées hasardeuses sans vraiment les organiser. Décidant de réguler le flot, il attrapa la première qui passait et s'y concentra.

Cette fameuse porte à la Forteresse.

Roxas faillit se gifler pour entre tout les sujets avoir réussi à prendre le plus mystérieux, mais soupira et se força à s'y concentrer. La porte. Elle était apparue quelques jours après son dernier retour ; sept, si l'on voulait être précis. Une barrière empêchait son ouverture ; et une simple Keyblade ne convenait pas. Seule Chaîne Royale semblait capable de la déverrouiller. Chaîne Royale refusait la main de tout les Porteurs autres que Sora. Y compris celui contrôlant son corps. Et la porte était restée close.

Chaîne Royale avait rejeté Roxas.

L'adolescent se surprit à penser à cette phrase, et avec une amertume étrange. Après tout, il avait bien dit lui-même qu'il n'était pas Sora ; pourquoi s'étonner que sa Keyblade refuse sa main ? Et pourtant, une douleur sourde continuait de résonner dans sa poitrine. Et quelque chose tel une aiguille invisible ne cessait de titiller sa paume rien qu'à y penser.

Le garçon la tourna machinalement vers lui, essayant de déterminer d'où pouvait bien provenir cette pique constante ; mais évidemment, ne trouva rien que le vide et le manque. Il songea brièvement à invoquer Souvenirs d'été pour soulager cette absence ; mais son propre cœur lui dit que ce n'était que chimère. Ce problème était causé par une seule chose. Et une seule chose pourrait remédier à ce manque qui le tiraillait.

Dommage que ce soit aussi l'exact même chose qui le rejetait si vivement.

Roxas contempla sa paume vide, puis y cacha son visage fatigué. Un long moment passa ainsi, alors qu'à l'extérieur l'aurore pointait tout doucement ses premiers rayons sur la ville et le château à la porte parfaitement close.


Elle luisait autant qu'au premier jour, remarqua le Porteur. Tout comme il remarqua combien c'était stupide et dangereux de s'y rendre tout seul à cette heure.

Roxas soupira ; le manque de sommeil lui faisait vraiment très mauvais effet. Obsédé par cette image de la porte et de Chaîne Royale, il n'avait pas trouvé d'autre solution pour se calmer que de traverser toute la ville pour rejoindre les lieux tant mystérieux. Bon, il avait limité les risques en laissant un mot à Donald et Dingo avant de partir, mais il y était quand même allé tout seul. Une chance qu'aucun Sans-cœur ne se soit manifesté en route, d'ailleurs.

Le trajet était encore plus inquiétant que la première fois ; les ombres projetées par la lueur des torches semblaient encore plus vivantes qu'avant, sans compter cette constante impression glaçante d'être observé à chaque pas. Seule la vue de l'éclat provenant de la porte scellée avait pu rassurer le Porteur, qui avait aussitôt pressé le pas.

Mais une fois arrivé là-bas, l'adolescent sentit son cœur battre plus fort en voyant à nouveau l'emblème Sans-cœur luisant comme pour le narguer. Son expérience de glaçon et punching-ball n'avait pas arrangé son appréhension envers ces monstres, alors une porte verrouillée en portant l'insigne, ça lui disait rien de bon. Cependant, un étrange tiraillement dans son cœur le fit se rapprocher, plus près, plus proche de cette ouverture scellée par les Ténèbres.

Un écho sembla résonner dans son être, alors qu'il fixait captivé la lueur hypnotisante de la serrure…

Et comme la dernière fois, Chaîne Royale apparut devant lui, flottant doucement à portée de main.

L'adolescent s'arrêta net, un vif émoi embrasant son cœur. Puis l'ardeur ressentie à sa vue s'éteignit bien vite en se rappelant qu'elle n'était pas sienne, et il soupira doucement.

Pendant un moment, l'adolescent contempla la Keyblade de la Lumière devant lui, admirant tout ses contours étincelants de mille étoiles. Il le sentait, il sentait l'appel dans son cœur… et savait que ce n'était pas lui qu'elle l'appelait.

Et pourtant, il s'avança vers elle.

Après un pas hésitant, il baissa les yeux. Il sentait l'appel de Sora à sa Keyblade légitime, mais elle… Elle refusait sa main, sachant mieux que quiconque qu'elle n'était pas celle de son Porteur. Mais peut-être que…

Roxas releva la tête vers Chaîne Royale, un éclat déterminé mais implorant brillant dans ses iris célestes.

Je sais que je ne suis pas Sora. Je sais que je ne suis pas ton maître. Je n'en ai pas la prétention. Mais…

Avec un nouveau pas en avant, puis un autre, et encore un autre, il s'approcha de la Clé lévitant sous ses yeux, absorbé par sa Lumière intense et priant de tout son cœur pour qu'elle l'entende.

Je ne suis pas ton ennemi, et Sora est avec moi. Je suis sûr que tu l'as senti quand je suis venu. Sora est là, aussi. Et nous avons besoin de ton aide. Laisse-moi te porter, rien qu'une fois. Juste une fois.

Quelque chose se mouva dans son cœur, et l'adolescent crut entendre un vague murmure résonner dans le vent ; ou dans son être ? Il n'en était pas certain. Mais il était juste devant Chaîne Royale.

Ses yeux de ciel contemplèrent une nouvelle fois la Keyblade lui faisant face ; une sorte d'hésitation le prit encore, mais il la ravala. Doucement, sa main se leva, restant un instant suspendue en l'air tandis qu'il fronçait les sourcils.

S'il te plaît. Aie confiance en moi.

Puis Roxas inspira profondément, et tendit le bras vers elle, refermant délicatement ses doigts autour de sa poignée comme pour la rassurer sur ses intentions.

À nouveau, la Clé quitta sa lévitation et laissa son poids peser dans la main du jeune homme, cette fois une seconde de plus qu'auparavant…

Et Chaîne Royale disparut en un rai de Lumière.

Le double de Sora resta figé, le bras tendu et la main refermée sur du vide ; puis son membre s'abaissa presque de lui-même, alors que la Keyblade du champion de la Lumière réapparaissait à son emplacement d'origine.

Le vide dans son cœur s'agrandit encore tandis qu'il baissait les yeux vers sa paume ouverte, douloureusement vierge de toute Keyblade de la Lumière. Il avait essayé, mais c'était vain.

Chaîne Royale ne faisait confiance qu'à son seul Porteur.

Aucun imposteur n'avait de droit sur elle.

Peu importe à quel point cet imposteur pouvait être bien intentionné ou lié à son maître.

Fermant douloureusement les paupières, Roxas laissa pendre ses bras, tentant d'ignorer les ridicules larmes qui picotaient ses yeux. Il aurait dû savoir, il aurait dû se douter que ça ne marcherait pas. Et pourtant…

Poussant un soupir, l'adolescent tourna les talons, avant de se retourner un instant vers la Lumière du portail. Il sentait sa lueur autour de lui, rassurante et pourtant si mystérieuse, froide… à l'image de Chaîne Royale flottant toujours devant la porte.

Il sentait encore le tiraillement de son appel dans son cœur.

Le jeune homme fronça douloureusement les sourcils, puis tourna définitivement le dos à la Keyblade de la Lumière attendant son maître et rejoignit l'aube et ses lueurs familières au-dehors.


Le garçon se frotta les yeux au sortir des couloirs, grommelant sur la nouvelle luminosité et sa stupide idée de faire des balades nocturnes en pleine crise d'insomnie. Retenant un bâillement, il traversa mollement le chantier, se jurant d'arrêter de vadrouiller en pleine nuit juste parce qu'il arrivait pas à dormir et envisagea une bonne sieste sur le canapé du salon…

Avant qu'une lame ne passe à deux centimètres de sa tête.

Reculant d'instinct, le Porteur invoqua paniqué son arme et frappa hasardeusement le Carapaçon ayant failli le toucher. L'assaut atteignit sa cible, mais pas assez fort pour l'éliminer tandis que quelques uns de ses semblables le rejoignait pour encercler leur cible. Roxas pesta ; sa nuit blanche l'avait beaucoup trop affecté s'il n'avait même pas senti leur présence avant l'attaque ! Encore heureux qu'elle l'ait raté, ou…

Se forçant à ne pas y penser, le garçon profita d'une opportune claymore pour percer les rangs des faux chevaliers et déguerpir vers la ville, là où les dispositifs de défense seraient plus nombreux. Mais d'autres monstres lui barrèrent la route, le forçant plusieurs fois à changer de trajectoire ou attaquer directement.

C'était très mauvais : l'adolescent ne tombait pas de sommeil, mais ses réactions étaient bel et bien affectées, et les Sans-cœurs ne faisaient que croître. À ce train-là, il serait vite submergé. Il devait fuir, ou prier qu'on le trouve avant ça…

Éliminant un Soldat se jetant sur lui, il arriva enfin aux fortifications. Reprenant espoir en se sachant tout près de la ville, le garçon grimpa la pente inégale, jetant sa Keyblade pour ralentir les quelques créatures sur ses talons ; déjà les grilles étaient en vue, le rapprochant peu à peu de son refuge tant espéré…

Quand soudain son pied bascula sous une pierre instable et le fit glisser inexorablement vers le gouffre.

Déséquilibré, l'adolescent dévala les rochers gravis sans pouvoir s'arrêter, s'écorchant sur les reliefs inégaux. Finissant par agripper d'une main crispée la pente, il parvint à arrêter sa descente infernale après un long dérapage. Relevant son visage couvert de poussière grimaçant sous la douleur, il s'apprêtait à repartir de plus belle pour atteindre la ville quand son visage se décomposa en réalisant ce qu'il était arrivé : sa folle dégringolade l'avait entraînée hors des remparts, presque jusqu'aux ruines des anciennes portes. Déjà les Carapaçons et Androïdes sautaient du haut des décombres pour rattraper le Porteur esseulé, barrant dans le même temps sa route vers un lieu sûr.

Roxas se releva en vitesse, Keyblade à la main pour se frayer un chemin, avant qu'un autre bruit ne le fasse se retourner vers deux Roto-tanks apparut derrière lui, rampant péniblement sur leurs minuscules jambes pour attaquer le garçon.

C'était encore pire. Il était complètement encerclé par les monstres et les claymores n'existaient pas au-delà des murs. Il était absolument tout seul.

Alors que les Sans-cœurs se rapprochaient lentement, leurs griffes levées pour dévorer ce cœur solitaire, Roxas sentit un étau glacial figer son être, et tourna malgré lui ses yeux célestes vers la forteresse.

Pitié…

Aidez-moi !


Kairi marchait dans les jardins, profitant de son réveil matinal pour humer l'air frais avant l'entraînement. Passant devant le parterre de myosotis, elle ne put s'empêcher de repenser à son combat contre Roxas le jour où ils s'étaient enfin reparlés.

Oh, et les jours suivants aussi.

Elle n'était pas encore certaine de lui avoir vraiment pardonné, mais une chose était sûre : il faisait un excellent partenaire d'exercice, comparé à Sora. Car lui au moins, n'hésitait pas un seul instant quand on lui demandait d'aller à fond. Dès qu'il avait l'autorisation, il fonçait sans attendre, fusant et attaquant tel face à un adversaire ne faisant pas de cadeaux. Et si cette agressivité sans retenue l'avait effrayée la toute première fois, la jeune fille lui était reconnaissante de ne pas prendre de gants avec elle ; il agissait comme un véritable ennemi, comme agirait l'Organisation XIII. Pas de pitié, pas d'hésitations, seul un combat acharné où l'unique issue était la domination de l'adversaire.

En général, ils se quittaient une fois qu'ils estimaient s'être suffisamment battus, mais pas toujours. Elle avait réussi à lui tenir tête le premier jour, au prix de s’envoyer mutuellement valser avec l'adolescent en plein dans l’arbre où elle avait surpris Sora endormi ; mais les fois suivantes, il n'était pas rare que ce soit lui qui l'envoie au sol. Ce n'était pas ses premières défaites, Axel les lui ayant décernées dès leur apprentissage commun ; mais quelque chose chez Roxas faisait qu'elle voulait toujours se relever juste après et le vaincre, même si c'était pour finir au sol l'instant suivant. Et jusqu'à présent, aucune séance ne s'était terminée sur la victoire définitive de la Princesse. Hier seulement, elle était parvenue à terminer leur duel sans jamais être envoyée par terre ; mais sans y avoir non plus envoyé l'adolescent.

Qu'à cela ne tienne : elle finirait bien par l'avoir un jour.

En dehors de cela, ils ne se voyaient ni se parlaient beaucoup. Kairi l'attribuait au fait que Roxas ne voulait pas être avec elle, visiblement par honte. Même après lui avait confié que c'était lui qu'elle percevait lorsqu'ils étaient seuls, il semblait trouver ça inconsidéré de lui parler avec la voix et le corps de Sora.

C'était prévenant de sa part, mais elle percevait plus les iris bleu ciel et le ton plus aigu du jeune Simili que ceux outremer et familiers de son ancien ami d'enfance. Enfin, si c'était son choix…

Soupirant, elle se dirigea vers le QG : c'était bientôt l'heure de leur entraînement, et Axel devait l'attendre. S'il ne s'était pas déjà rendormi sur son canapé…

Une brusque douleur lui enserra soudain les tempes, alors qu'elle portait une main à la tête ; un étrange sentiment déjà ressenti auparavant oppressa son cœur (ou sa poitrine ?), alors qu'elle luttait pour rester debout malgré le vertige.

Aidez-moi !

Soudain la migraine disparut, et seul fut laissé l'écho d'un murmure dans le vent. Rouvrant les yeux, la jeune fille regarda tout autour d'elle, certaine d'avoir entendu quelqu'un l'appeler. Et certaine d'avoir reconnu la voix, même si elle ne pouvait y mettre de nom ni de visage.

Se tournant instinctivement vers les remparts, elle contempla les quelques reliefs bleus, se demandant pourquoi elle était subitement intéressée par cet endroit. Mais quelque chose en elle lui disait que c'était pour une excellente raison, et elle s'y dirigea sans attendre.

Alors qu'elle approchait des fortifications, un nouveau mal de tête, plus léger cette fois, vint titiller ses tempes. Et exactement en même temps, elle entendit à nouveau la voix tel un murmure puissant dans la brise :

Non, lâchez-moi ! Fichez-moi la paix !

Aux mots plus alarmés malgré leur agressivité, la Princesse se dépêcha de traverser les remparts, entendant au loin de multiples claymores en action comme si un énorme rassemblement avait lieu près de la brèche. En arrivant sur place, elle vit effectivement le système de défense abattre quelques Soldats avant de se dissiper une fois sa tâche accomplie. Mais son cœur de Lumière pure lui fit sentir la présence imminente et nombreuse des Ténèbres, et elle scruta les environs pour en trouver la source.

C'est là qu'elle le vit.

Le corps adolescent au mèches brunes reconnaissables entre toutes malgré ses yeux d'une teinte semblable au ciel dégagé, au cœur même d'une mêlée de créatures noires se jetant sur lui.

Il repoussait chaque assaut ; mais ne pouvait empêcher tout les coups de le toucher, et recevait la griffe de l'un en parant la charge de l'autre. Sa veste déjà déchirée aux manches montrait qu'il était là depuis un moment ; et vu son visage sale et désespéré malgré sa détermination, il ne tiendrait pas plus longtemps.

Je t'en prie, aide-moi !

L'appel résonna dans son cœur et dans sa tête comme une seule voix, et la Princesse n'attendit pas un seul instant de plus.

Sautant au bas des gravas, elle dévala le reste de distance qui la séparait des monstres et de Roxas, invoquant dans une gerbe de pétales lumineux Appel du Destin à son poing ; d'un puissant lancer, elle jeta sa Keyblade dans la mêlée, traçant une véritable ligne de Lumière qui décima les créatures sur sa route. Tout les regards furent aussitôt tournés vers elle, en particulier celui bleu et stupéfait du jeune garçon alors qu'elle le rejoignait par la brèche lumineuse, non sans l'avoir au passage béni d'un sort curatif.

Se plaçant dos au jeune homme, elle fit face au innombrables monstres alléchés par leurs deux cœurs réunis, alors que l'adolescent murmurait, presque coi :

- Tu… tu es venue me sauver ?

La Princesse lui renvoya un instant un regard agacé, avant d'avoir un sourire narquois et de lui lancer avec malice :

- Que veux-tu, toi et Sora êtes tous les deux des fainéants à ce que je vois !

Le garçon ouvrit de grands yeux et sembla se vexer, mais eut un regard de compréhension et esquissa un rictus complice avant de se tourner vers la foule de créatures qui se jetaient à nouveau sur eux.

Sans attendre, la jeune fille profita de leur léger moment de répit pour invoquer un Sidéral et s'occuper autant des monstres que de l'état du garçon. Le sort de Lumière dégagea une bonne partie d'entre eux, mais elle n'eut pas le temps de s'assurer qu'il ait soigné son camarade que le reste leur barra la route, les séparant l'un de l'autre. Kairi eut tôt fait de les repousser, et se reporta sur Roxas toujours aux prises avec ses adversaires.

Juste quand elle se retournait vers lui, une drôle de sensation agita sa poitrine, comme si une main intangible l'avait traversée pour fouiller dans son cœur ; elle sentit une sorte de tiraillement, semblable à celui ressenti après une séance d'exercices intenses, mais qui saisissait tout son être magique comme physique. En même temps, elle vit l'adolescent tourné vers elle, une main tendue comme pour demander de l'aide et une étrange lueur entourer ses vêtements ; une lueur semblable aux Fusions de Sora.

Quelque chose en elle se sentit offusqué par ce qu'il faisait ; tout comme elle se sentit obligée de croiser son regard. Dans les yeux du garçon, elle lu une profonde détresse, et une imploration navrée mais sincère.

Elle n'appréciait pas ses agissements impulsifs ; mais d'un battement de cœur, elle lui dit qu'elle comprenait.

Cependant elle ne put jamais voir si l'adolescent avait reçu son message ; car d'une puissante griffe en traître, un Soldat poignarda sauvagement le garçon dans le dos, le faisant ployer sous le choc.

La sensation de tiraillement quitta aussitôt la Princesse tel un fil que l'on coupe, mais un sinistre pressentiment prit le pas dans le cœur de la jeune fille.

Et sous ses yeux se passa alors l'inimaginable ; la lueur blanche indéfinie des parures du garçon céda la place à une horrible teinte sombre aux tons de violet ; la vague noire s'empara même de la peau du jeune homme, grignotant chaque parcelle encore épargnée telle une implacable infection éclair. La Princesse vit le regard écarquillé de l'adolescent fixer le vide de douleur et de stupeur, avant de disparaître derrière le nuage obscur.

Et à cet instant, elle comprit tout.

- NON !

Se ruant sur l'adolescent encore debout, elle abandonna sa Keyblade et jeta ses bras autour de lui, le serrant contre elle comme pour l'empêcher de disparaître alors que ses yeux marine se fermaient avec force en priant la grâce du garçon dans ses bras, ne prêtant même pas attention à la lueur blanche qui émanait de sa poitrine en un drastique contraste avec la vapeur noire qui drapait son bien-aimé tandis qu'autour d'eux les Sans-cœurs se jetaient avec avidité sur Roxas et Kairi ne faisant plus qu'un.

Et en un brusque éclat de Lumière et de Ténèbres, une extraordinaire explosion retentit aux anciennes portes, engloutissant créatures comme êtres sur son passage.

Puis, dans un silence de mort, la lueur s'effaça du grand vallon comme si elle n'avait jamais existé.


Et dans un lent mouvement épuisé, les yeux outremer du garçon s'ouvrirent enfin doucement sur sa main inerte, gisant avec l'inconnue sur le sol étranger.

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