Kingdom Hearts III : La quête des Cœurs perdus

Chapitre 30 : La Lumière - Confession

9793 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 12/02/2024 17:39

Et bonjour pour un chapitre très spécial, publié à l'origine pour les deux ans de la sortie mondiale de Kingdom Hearts III, mais qui trouve parfaitement sa place pour une certaine date et thème de février…

Enfin bref, un peu d'action mais beaucoup d'émotion dans cette partie, en espérant qu'elle vous plaira !


Faisant des aller-retours pour voir Kairi au Jardin Radieux, Sora a pu enfin passer un moment en tête-à-tête avec la jeune fille ; mais bien que rien de déplaisant ne soit arrivé, le jeune homme semble bien insatisfait de cette soirée…

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 Plongé dans ses pensées, Sora élimina machinalement les Sans-cœurs se présentant à lui. Il n'arrêtait pas de se ressasser la soirée de la veille, avec tout ses ratés.

- Sora ! Fait attention !

Le rappel à l'ordre de Donald le fit éliminer à temps un Gladiateur volant en pleine charge, alors que le magicien lui lançait un regard réprobateur.

Ils avaient presque fini leur exploration du jour au-dessus du colisée ; l'Élu jeta un distrait coup d’œil à la mer lointaine, et involontairement repensa au regard profond et encore plus magnifique de Kairi…

Si seulement il n'était pas aussi lâche quand il la voyait ! Mais à chaque fois sa bouche s'asséchait, ses mains devenaient toutes moites, son visage risquait la surchauffe et ses mots s'emmêlaient autant dans sa tête que dans sa gorge… Bon, après tout, il n'était pas pressé, il avait du temps pour lui parler…

Et encore la faire attendre comme tu le fais toujours, hein ? Peureux.

Non, il ne devait pas trop précipiter les choses. Il voulait lui dire ses sentiments, et il allait le faire ; mais il ne fallait pas aller trop vite. Après tout, comment réagirait-elle s'il se dévoilait brutalement ? Il aurait l'air ridicule.

Il réessayerait aujourd'hui ; pendant une petite balade en ville, ou juste en se posant sur la plac-

BOUM !

L'explosion ainsi que le cri de Donald le rappela soudain à la réalité, alors que l'attaque d'une créature venait de faire s'écrouler tout un tas de rochers. L'adolescent put juste voir l'éboulement s'abattre entre lui et ses amis affolés que toute une partie de la gorge fut bouchée par des débris. Toussant à cause de la poussière, Sora appela ses compagnons cachés par les roches :

- Donald ! Dingo ! Ça va ?

- Sora ! T'es pas blessé ? put-il entendre de l'autre côté.

- Non, tout va bien ! Mais je crois qu'on pourra pas se rejoindre !

Reculant tandis qu'il entendait Donald maugréer des injures contre le mur, il chercha le moindre chemin pouvant lui permettre de surmonter l'éboulis, avant d'apercevoir une forme rouge et or caractéristique en contrebas.

- Hé, je vois le Gummi d'ici ! On peut sûrement rejoindre le colisée ! Je vais retourner au vaisseau par là et-

- Non ! On va trouver un moyen de passer et on rentre ensemble !

Sora se figea à la réplique de Donald. Il ne savait pourquoi, mais quelque chose au fond de lui était choqué de ce refus.

- On va appeler Hercule ! Avec un peu de chance il nous entendra et il nous ramènera…

- Attendez, c'est pas la peine, je suis sûr que je peux retourner au Gummi et-

- J'ai dit non ! On va pas laisser un petit mur de rien du tout nous séparer comme ça ! répéta le canard l'air très déterminé.

- Mais je vois le vaisseau d'ici ! Je peux y aller de mon côté !

- On peut pas, c'est trop dangereux ! On se fraye un passage et-

- Mais tu vas tout faire s'écrouler ! Complique pas tout quand on peut juste rentrer chacun de son côté !

- On va pas te laisser tout seul comme ça ! C'est trop dangereux et t-

- Je peux revenir de mon côté ! cria soudain l'adolescent en frappa un poing contre le mur. Pourquoi vous m'écoutez pas ? Pourquoi vous me laissez pas me débrouiller seul ? Pourquoi vous me faites pas confiance ?

Un lourd silence répondit à ses mots, alors que Sora desserrait son poing pour poser sa main contre la roche, comme tentant d'établir entre eux un contact qu'il n'avait pas. Les sourcils froncés et des larmes mouillant ses yeux, l'Élu fixa le sol, se mordant la lèvre douloureusement…

- …Tu promets de rentrer tout de suite ?

Sora écarquilla les yeux à la voix de Donald, et releva la tête vers le mur lui masquant ses amis.

- Directement au vaisseau ? ajouta celle de Dingo.

- Et d'être très, très prudent sur le chemin ? conclut Jiminy entre l'inquiétude et l'ordre.

Sora resta muet à ces mots. Ils acceptaient. Ils lui faisaient confiance, ils étaient juste… très inquiets, comme ils l'avaient toujours été.

- …Sora ?

Le garçon ravala ses larmes, et répondit enfin d'une voix déterminée et reconnaissante :

- Oui ! Ne vous inquiétez pas, c'est promis ! Et soyez prudent vous aussi !

- D'accord, alors dépêchons-nous de rentrer ! Et rappelle-toi : pas de détours !

- Pas un seul ! À plus les amis, on se revoit au Gummi ! cria une dernière fois l'adolescent en quittant les lieux, faisant un dernier signe vers le mur avant de détaler dans les gorges.

Peu à peu, son contact visuel avec le vaisseau se rompit lorsqu'il descendit la montagne, mais Sora continua ; s'il gardait le cap, il trouverai forcément un chemin. Il devait juste s'assurer de ne pas trop s'éloigner ni aller trop en aval.

Il finit par arriver à une doline aux hautes parois rocheuses, environ à la même altitude que le colisée. L'Élu reconnut le paysage alentours, sut qu'il n'était plus très loin, et pressa le pas.

Soudain l'impression terrible d'être observé le glaça, alors que la sueur se mettait à couler dans sa nuque. Cherchant des yeux le motif de sa crainte, il ne vit aucun danger, aucun ennemi en vue… Alors, pourquoi était-il si nerveux, qu'est-ce qu'il avait bien pu entendre ou sentir qui…

DERRIÈRE TOI !

La voix et un cliquetis caractéristique le fit se retourner et bondir en arrière juste à temps pour voir quelque chose s'écraser là où il se tenait précédemment. Alors que le choc d'avoir été frôlé finissait de saisir ses os, l'Élu eut le réflexe de lever les yeux vers une silhouette en noir installée tranquillement au sommet d'une paroi, le fixant de son unique œil.

- Oh oh, la souris a débusqué le chat, on dirait !


Sora ne put que se figer.

Ses pistolets combinés à la main, Xigbar, membre de l'Organisation XIII complice de sa déchéance dans les Mondes du Sommeil, était nonchalamment perché en hauteur tel un chasseur jouant avec sa proie.

Et c'était lui la proie.

Reprends-toi, bon sang !

Avalant nerveusement sa salive, l'Élu serra Chaîne Royale dans sa main. Depuis son perchoir, l'Archer contempla le garçon un sourire carnassier aux lèvres :

- Alors, le petit élu de la Keyblade se promène pépère dans les gorges ? Pas très prudent… C'est qu'il a l'air nerveux, dites donc.

L'adolescent ressentit l'urgent besoin de se dresser de toute sa hauteur et d'arrêter de trembler, même s'il savait au fond de lui que c’était impossible. Alors, pour se donner du courage et cacher sa peur, il bomba le torse en inspirant un grand coup :

- Qu'est-ce que tu me veux enc… Oh tu sais quoi ? J'en ai rien à faire, parce qu'à tout les coups tu vas encore tenter de me manipuler pour je-ne-sais-quoi ! Alors fiche-moi la paix !

Et sur ces mots qu'il voulait détachés, l'Élu tourna les talons, bien décidé à rentrer chez lui sans se laisser distraire par le Numéro II.

- Oh, c'est très méchant ce que tu dis, tu sais ? gémit insolemment l'homme en noir. Moi qui pensait qu'on pourrait juste discuter entre amis…

- Tu n'es un ami pour personne, même si je le voulais, cracha Sora en lui jetant à peine un regard.

- Ah, vraiment… Moi qui croyait qu'un génie comme toi ne ferait pas l'erreur de tourner le dos à un ennemi

L'adolescent comprit le sous-entendu avant de l'entendre complètement et darda ses prunelles outremer sur le tireur, veillant à ne pas laisser transparaître sa soudaine nervosité. Son geste ne provoqua qu'un sourire à son interlocuteur :

- Tu es malin finalement ! Toujours garder en vue son adversaire !

Et sur ces mots il disparut brusquement, pour réapparaître quelques mètres plus bas sur une corniche naturelle. Sora sentit son sang se figer en comprenant qu’il se moquait de lui. Bien décidé à ne pas se laisser entraîner dans son petit jeu, il coupa court à la discussion :

- Je t'ai dit de me ficher la paix ! En plus d'être à moitié aveugle, t'es sourd ?

- Oh, celle-là faisait presque mal, gémit faussement le borgne… mais si t'as pas compris, j'ai bien l'intention de m'amuser un peu !

Le garçon ne put retenir un mouvement de recul, alors que l'Archer faisait mine de porter son viseur à l’œil :

- Je croyais que vous teniez à affronter les Gardiens de la Lumière pour votre Guerre des Keyblades ! Nous attaquer, c'est pas un peu contraire à votre plan grandiose ?

- C'est vrai que le vieux schnoque veut sa petite guerre, admit l'homme, mais… Gardien ou non, il n'a pas encore été décidé d'où tu seras… et puis, murmura-t-il en armant sa gâchette…

Tu es la cible parfaite.

L'instinct de Sora réagit bien avant lui, le faisant détaler sans plus attendre hors d'atteinte de l'énorme projectile. Courant à perdre haleine vers la sortie de la doline, l'adolescent entendit un cliquetis caractéristique avant qu'une salve ne lui coupe la route en un barrage vertical. Se retournant vers le Simili, il le vit un sinistre sourire aux lèvres, les bras disparaissant dans des portails, et en retira un pour le pointer directement sur l'Élu qui fuit en sens inverse. Une explosion retentit plus haut, faisant lever le nez de l'adolescent vers les pierres lui tombant dessus, qu’il esquiva de justesse.

- Alors, c'est tout ce que t'as, gamin ?

L'Élu n'eut même pas le temps de répliquer ou réfléchir qu'une nouvelle salve vola dans sa direction, l'obligeant à parer pour ne pas se faire trouer la peau ; il sentit une balle lui écourter une mèche, et leva les yeux vers son adversaire… pour réaliser qu'il n'était plus là.

Une très légère douleur picota sa joue, alors qu'un effroi glacé s'abattit sur ses épaules lorsque les moqueries de l'Archer résonnèrent derrière lui :

- Surprise, Roxas

Plus par instinct qu'intention, l'adolescent roula le plus loin possible et se retourna vers la voix, sa Keyblade brandie comme une pathétique défense contre le Chercheur qui retrait son bras du portail, le narguant depuis son nouveau perchoir.

C'était très mauvais.

Il avait à peine le temps de comprendre que l'homme le bombardait de projectiles sans le laisser souffler ou se ressaisir. Et il fallait en plus qu'il soit coincé à juste quelques mètres du colisée !

Alors qu'il cherchait désespérément un plan, une nouvelle salve l'atteignit presque, l'obligeant à renvoyer en panique une balle passant trop près alors que Xigbar disparaissait encore pour réapparaître juste au-dessus du garçon. Roulant hors de portée des nouveaux tirs en pluie, l'adolescent tenta de riposter de son propre jet de Glace, manquant lamentablement sa cible qui disparut à nouveau il ne savait où.

- Admire !

Sora enclencha à temps un Miroir pour arrêter la cascade de projectiles déversée sur lui ; mais dans sa panique il relâcha la barrière trop tôt et un tir tardif s'y mêla, créant une explosion qui fit reculer le tireur et projeta en avant l'adolescent dans un cri de douleur, se vautrant à terre les genoux et avant-bras écorchés.

- Alors, ça te plaît ? ricana le Numéro II en jouant nonchalamment avec ses arbalètes.

Ses paroles allumèrent un feu dans le cœur de l'Élu, qui se retourna d'un bloc, son regard noir dardé sur l'homme qui continua de sourire :

- T'as toujours ce sale regard, hein ? Tu ferais presque peur tu sais, si t'étais pas aussi nul en combat !

- Répète un peu ? cracha Sora en se relevant, cette fois-ci piqué au vif et au cœur.

- Oh tu sais bien, le "Mes amis sont ma force" et tout ça, parodia le tireur avec une voix aiguë… donc quand ils sont pas là t'es un encore plus mauvais candidat pour la Keyblade, hein ? Bah, c'est pas comme si tes "amis" servaient vraiment à grand-chose…

- Retire ça tout de suite !

S'élançant sur l'homme, Sora tenta une attaque en Cyclone, pour ne rencontrer que de l'air quand le maître de l'espace se re-téléporta ; le garçon pivota à temps pour bloquer une salve en traître, alors que Xigbar disparaissait et réapparaissait à tout va, comme pour le désorienter ; évitant ses tirs devenus frénétiques, l'Élu loupa sa roulade et se cogna dans une paroi, manquant de s'assommer tout seul.

- Hé hé, si t'arrêtais de perdre ton temps à courir et que tu restais sagement en place pour me faciliter la tâche ? fit le sniper en visant à nouveau d'un rictus carnassier.

De justesse, Sora bondit hors de portée de la canonnade de tirs violacés qui se plantèrent dans la paroi derrière lui ; mais les projectiles explosèrent, le faisant violemment s'écraser au sol.

L'adolescent ne put retenir un couinement alors que la douleur de l'atterrissage se faisait ressentir, et un lourd sentiment d'impuissance serra son cœur.

Il n'y arrivait pas. Il n'y arriverait jamais.

- Accepte la vérité, Sora : sans tes précieux copains, t'es rien. Tu vaux rien sans tes amis, et il n'y a que toi et moi ici. T'es rien seul, et là, tu es tout seul.

L'Élu écouta sans pouvoir les arrêter les dures paroles du Chercheur… et ne put rien trouver à lui répondre. Car il avait raison.

Il était à présent tout seul.

Et sans Donald ou Dingo, ou Riku, ou Kairi

Arrête.

Sora rouvrit soudainement les yeux à l'écho de cette voix. Instinctivement il en chercha l'origine, et ce faisant tomba soudain sur un petit objet tombé de sa poche dans la volée.

Le porte-bonheur en coquillages.

Reprenant aussitôt l'amulette dans sa main, l'adolescent admira encore une fois le visage dessiné à même la nacre et se souvint soudain des mots.

N'oublie jamais. Où que tu ailles, je serai toujours à tes côtés.

Et il se rappela la promesse de revenir. Les rendez-vous qu'il comptait toujours avoir.

Et ce quelque chose qu'il avait à dire, quoi qu'il arrive.

Eh, tu vois ? Tu n'es pas tout seul, pas vrai ?

Oui, nous sommes là nous aussi !

Ouais… qu'on le veuille ou non…

Sora… on ne va pas t'abandonner.

Jamais

Alors que deux larmes s'échappaient furtivement de ses iris outremer et qu'un étrange sentiment s'agitait tel un écho dans le lointain de son cœur, Sora serra le porte-bonheur contre lui, sentant un bref instant comme un battement universel et commun résonner dans sa main et son être ; et déclara, de la voix la plus sûre et résolue qu'il n'ait jamais eue :

- Non. Je ne suis pas tout seul.

Et, relevant son regard troublé mais déterminé vers l'homme en noir derrière lui, l'Élu affirma :

Je ne suis jamais tout seul.

Xigbar le fixa un instant, son unique œil écarquillé comme s'il avait perçu quelque chose, ou quelqu'un d'autre que l'adolescent, avant d'avoir un nouveau rictus malfaisant :

- Huh ! T'en veux encore, à ce que je vois ?

- Ce que je veux, c'est que tu fiches le camp et que tu me foutes la paix, borgne à deux balles, déclara froidement le garçon dressé de toute sa hauteur.

- Y'a deux secondes tu chialais presque après t'être ramassé, et maint-

- Maintenant j'en ai marre de t'entendre m'insulter moi et mes amis, le coupa l'Élu. Je me fiche de ce tu dis, je ne suis pas seul et je peux te botter les fesses si je veux.

- Ah oui ? Et si on voyait ça tout de suite ? s'écria le Numéro II en faisant tourner puis fusionner ses pistolets, chargeant un de ses fameux tirs géants.

Sora se campa immédiatement sur ses jambes, prêt à réagir ; il savait quoi faire, désormais, et il ne fuirait pas comme un enfant terrorisé.

Il allait lui montrer encore une fois sa vraie force, et il rentrerait chez lui.

Il l'avait promis.

- Voyons si tu sais danser ! clama l'homme d'un sourire carnassier.

Xigbar finit de charger son tir ; l'Élu reconnut le bruit caractéristique et leva sa Keyblade étincelante en un geste parfaitement maîtrisé pour dévier le projectile.

Mais au tout dernier moment, le Chercheur sépara ses arbalètes et ses bras disparurent dans des portails, rendant l'angle du tir imprévisible.

- Prends ça !

Un frisson subtil saisit l'adolescent sans le figer ; il leva ses mains pour former un Miroir et se protéger.

Il eut le temps de sentir l'énergie affluer hors de lui en un flot familier, et une douleur soudaine et cuisante lui saisir les flancs.


Enfin arrivés à leur point de départ, Dingo s'arrêta pour reprendre son souffle, mais dût écourter sa pause quand Donald le devança sans même s'arrêter une seconde :

- D… Donald, a… attends un p… peu… on a fait q… que courir depuis qu…

- C'est Sora qui va nous attendre si on se dépêche pas ! Bouges-toi !

- M… mais on se retr… retrouve au Gummi, pas la peine d… de se précipiter…

- Si justement ! On aurait déjà dû être rentrés, et ensembles !

Comprenant qu'il ne pourrait pas le raisonner, le chien lui emboîta le pas, pour voir qu'il n'étaient de toute évidence pas les premiers arrivés au vaisseau :

- La rampe est sortie… Sora doit être là, remarqua Jiminy depuis l'épaule du chevalier qui acquiesça.

- Combien de fois on lui a dit de la rentrer ?

- Donald, il vient peut-être d'arriver…

Le capitaine allait hocher la tête quand il s'arrêta net, fixant quelque chose. Donald se cogna contre lui, et s'apprêtait à râler encore plus quand il baissa les yeux vers ce que pointait son ami, et se figea à son tour.

Des gouttelettes rouge sombre. Éparpillées sur la rampe et menant à l'intérieur du Gummi.

Les trois amis se fixèrent un moment, pétrifiés.

Puis d'un seul mouvement se précipitèrent dans le vaisseau.

- SORA !

Le trio suivit les taches de sang dans le couloir, regardant de tout côtés pour espérer voir leur ami, ne découvrant qu'une trace de main sanglante sur le battant de la salle de bain. Alors que Donald se précipitait dans la pièce où continuait la macabre piste, son bâton brillant déjà d'une lueur de Soin, Dingo remarqua une Keyblade blanche posée contre le comptoir du salon.

Tendre Promesse, avec quelques marques rouges sur la poignée et la garde.

Presque hésitant, le chevalier saisit en tremblant la Clé abandonnée ; à son contact, le porte-clé se détacha et tomba dans ses mains, tandis que Chaîne Royale reprenait sa forme originelle. Le capitaine contempla avec effroi l'arme en sang, craignant le pire pour leur cher protégé.

- Il est pas dans la salle de bain, déclara le magicien en en sortant en trombe, mais y'a des traces un peu partout et la trousse de secours est vide.

- S'il est blessé, il est sûrement allé dans sa chambre ! raisonna Jiminy.

Mais la pièce était vide, elle aussi. Personne dans le lit, personne sur le pouf ou même effondré au sol. Par intuition, le trio vérifia aussi la chambre de Roxas, toute aussi vierge des traces d'un éventuel passage.

- Il peut pas être bien loin ! Blessé ou pas il a pas pu aller bien loin ! s'exclama Donald au bord de la crise de panique.

- Peut-être qu'il est rentré au colisée, proposa le chroniqueur…

- Mais on était censés se retrouver ici, se lamenta le chevalier en se tordant les mains.

Le canard réfléchit deux secondes, avant de se tourner vers le couloir :

- Je fouille le vaisseau, allez voir si Sora n'est pas au colisée !

Son ami acquiesça et traversa en trombe le salon… avant de revenir lentement sur ses pas.

Devant le canapé central, assis à même le sol et une couverture drapée sur les épaules, se trouvait une petite silhouette à la tête brune en pétard.

- Donald ! Il est là ! appela Dingo en se précipitant vers le garçon inerte, le visage caché dans ses bras bandés.

Manquant de renverser la tasse posée non loin, le chevalier s'agenouilla et prit l'adolescent par les épaules, priant pour qu'il réponde ; son mouvement dévoila une frimousse aux yeux paisiblement clos, un petit pansement barrant sa joue gauche. Instinctivement, le capitaine l'inspecta, découvrant des bandages aux genoux et un gros cernant son ventre et rougi aux flancs. Alors que Donald arrivé sur les lieux lançait un Soin X sur leur protégé, Dingo le secoua doucement pour le réveiller. Un léger bougonnement s'échappa des lèvres de l'adolescent, mais il demeura endormi.

Ses amis vérifièrent son pouls, sa respiration : tout était normal, il n'avait pas de fièvre et hormis ce bandage géant, il allait bien.

Le trio ne put retenir un profond soupir soulagé ; ce n’était que supposition, mais Sora s'était probablement blessé pendant son retour et était parvenu à se soigner tout seul, avant de s'installer ici en les attendant.

- …J'ai cru que c'était plus grave, soupira Donald en s'asseyant contre le canapé. Je l'examinerai plus tard, mais il doit juste être épuisé.

- On devrait le mettre dans sa chambre, non ? proposa doucement Dingo.

Son ami se contenta d'acquiescer, laissant le chevalier soulever avec délicatesse le corps assoupi du garçon dans ses bras. Se frayant un chemin entre les livres et machines à hologrammes étalées au sol, le capitaine songea que Sora avait dû les attendre ici un moment… Et d'après le bazar, il avait même eu le temps de se préparer à manger ! Entre la tasse de chocolat, le sachet de pop-corn et le pot de glace vanille agrémenté de fraises et de chantilly, l'Élu avait eu de quoi patienter.

- Il rentre blessé et tout ce qu'il trouve à faire c'est manger, tu parles d'un gamin… marmonna le canard en ramassant ledit bazar, l'air agacé mais soulagé.

Dingo ne put s'empêcher de sourire ; peu importe ce qu'il avait rencontré, si Sora avait pu se soigner et passer tranquillement le temps en les attendant, c'est qu'il ne pouvait qu'aller bien.


L'adolescent ouvrit des yeux rouges et fatigués, puis se redressa doucement sur un coude. Son cerveau s'étonna un instant de se trouver soudain dans son lit au Gummi… Ah oui ! Xigbar.

Les souvenirs étaient flous, mais l'Élu se revoyait élever le Miroir autour de lui, et sentir quelque chose lui lacérer les flancs. La riposte de la barrière avait été suffisamment forte pour atteindre l'Archer, et il en avait profité pour lui jeter sa Keyblade gelée dessus. Puis il avait utilisé l'ouverture pour détaler en vitesse.

Après ça, il se revoyait vaguement retourner au vaisseau pour soigner ses blessures, se laver (il avait oublié à quel point l'eau chaude ça soulageait une fois la première douleur passée), et… et regarder quelques vieux albums holographiques en attendant. Il avait dû finir par s'assoupir. D'ailleurs pourquoi il était ici et pas au salon ? L'adolescent comprit rapidement à ses bandages neufs que ses amis avaient dû le déplacer pour qu'il soit mieux.

Il ne pourrait jamais assez les remercier de prendre autant soin de lui avec tout ce qu'il leur faisait voir.

Se rallongeant, Sora se passa une main sur le front, l'immense soulagement d'avoir échappé aux griffes du Numéro II l'envahissant encore ; même s'il ne saurait dire si c'était lui ou ceux qui habitaient son cœur qui étaient les plus rassurés…

Il rouvrit les yeux, et tomba immédiatement sur un papier collé au plafond de son lit.

La lettre de Kairi.

Sora contempla le poème accroché au toit de son repaire, et relut encore une fois les tendres lignes.

Il n'avait jamais oublié le sentiment qui l'avait envahi à sa première lecture, ni celui qui avait eu en voyant s'ouvrir la Porte de la Lumière à la fin de son dernier périple.

Riku avait beau dire que c'était lui (ou son cœur, qui sait) qui avait ouvert la Porte pour les ramener chez eux, l'Élu savait que ce n'était pas entièrement vrai.

Sans cette lettre, le lien ne se serait jamais fait entre eux et les rivages du Destin. Sans Kairi, ils ne seraient jamais rentrés.

Elle l'avait encore sauvé, sans même vraiment le savoir.

Un doux sourire s'étira sur les traits fatigués de l'adolescent. Un sourire qui se mua bientôt en une profonde réflexion, avant qu'il ne s'asseye au bord du lit.

Pendant quelques instants, il ferma les yeux et médita, repensant à ce qu'il s'était passé aujourd'hui.

La soirée de la veille.

Les jours précédents.

Tout ce temps écoulé depuis son retour.

Depuis six jours maintenant, il faisait des allées et venues dans un but bien précis. Un but qu'il n'avait toujours pas accompli.

Par peur ? Lâcheté ? Stupidité ? Il ne savait pas.

Mais maintenant il savait.

Peu importe la suite, il devait le faire. Avant qu'il n'en ait plus jamais l'occasion.

Sora chercha l'amulette en coquillage et la prit dans ses mains, la contemplant d'un regard tendre et… inquiet.

Il avait bien cru perdre aujourd'hui, tout comme il s'était cru perdu face à Ansem quelques semaines plus tôt. Quoi que veuille l'Organisation, il se faisaient de plus en plus agressifs.

Il avait attendu, cherché le bon moment, n'avait pas voulu précipiter les choses… mais il venait de le comprendre. Caressant le porte-bonheur dans ses paumes, il le regarda avec appréhension mais détermination.

Il devait agir, et tout de suite.

Aujourd'hui était déjà tard, et Donald ne le laisserait sûrement pas y aller même en insistant beaucoup.

Mais demain… Demain, il lui dirait.

Il n'avait plus le temps d'hésiter maintenant.


Une nouvelle fois, le vaisseau Hautvent se posa dans le hangar central, et trois silhouettes en descendirent. L'Élu sembla hésiter, puis se tourna vers ses amis et déclara :

- Je dois être seul, mais… faites ce que vous voulez en attendant, d'accord les gars ? On se retrouve à la maison de Merlin !

Et sur ces mots l'adolescent détala, plantant là ses camarades un peu perturbés par son soudain empressement à vouloir y aller tout seul. Surtout Donald ; il avait déjà du mal à accepter que sa seule explication donnée pour être rentré hier en saignant au point de laisser des taches dans tout le Gummi soit un simple "J'ai croisé un ennemi vraiment agressif mais je vais bien", alors le voir partir comme ça sans prévenir ! S'il avait su ils seraient restés tranquilles au Colisée !

Alors que le canard ruminait son mécontentement, une voix bourrue les appela :

- Eh, Donald, Dingo ! Qu'est-ce qui vous amène ?

Se retournant vers Cid qui pour une fois n'était pas collé à son ordi mais sous un vaisseau en réparation, le trio se rapprocha :

- Sora voulait venir on sait pas pourquoi et il nous a laissés tout seuls, bougonna le magicien.

- Hum… Ça ferait pas la troisième-quelqu'chose fois que vous revenez ces temps-ci ?

- Au moins la cinquième en une semaine, précisa le chevalier, on vient presque tout les jours du Colisée de l'Olympe…

- Tout les jours ? De ce coin paumé ? s'étrangla l'homme en sortant de sous son engin.

Ils acquiescèrent, faisant s'écarquiller encore plus les yeux de l'ingénieur qui se redressa et se gratta la nuque, en pleine réflexion :

- Nan mais c'est pas possible, comment vous faites pour faire un trajet pareil sans… Je peux pas vous laissez perdre votre temps comme ça ! Attendez un peu !

Et sans vraiment attendre la permission des propriétaires, Cid se rua sous Hautvent et commença à trifouiller divers circuits et blocs.

- Hé ! Touche pas, et d'abord qu'est-ce que tu…

- Je suis ingénieur Gummi et j'ai déjà programmé cette merveille ! Je peux y toucher si je veux ! menaça-t-il le canard d'une clé à molette.

- On sait, mais Sora a passé beaucoup de temps à tout régler, tempéra Dingo inquiet. On voudrait juste…

- Dites où y sont passés vos navigummis ? le coupa sans ménagement l'ingénieur en bidouillant quelque chose.

- Hein ? Ben… vu que les Mondes ne sont plus accessibles comme quand on cherchait les Serrures, ils… je crois qu'ils se sont un peu désintégrés quand on a fermé la Porte des Ténèbres…

- QUOI ! beugla l'informaticien.

- Hé c'est pas notre faute s'ils se sont détruits tout seuls ! cria à son tour Donald, agacé par le manège de Cid.

L'homme se calma un instant, sembla réfléchir, puis retourna à ses circuits en marmonnant dans sa barbe :

- Bon… je peux pas inventer un navigummi par magie, mais j'dois pouvoir faire un truc… Attendez deux secondes.

Les deux secondes se changèrent en minutes, tandis que le trio regardait l'ingénieur aller et revenir entre le vaisseau et la remise, trifouillant régulièrement dans les engrenages du Gummi et râlant régulièrement sur le manque de connaissance des propriétaires, juste sous leur nez.

Ce qui ne manquait pas d'agacer Donald ; bon, OK, c'était Cid qui avait fini par les aider avec le vaisseau et leur avait même permis de vraiment l'aménager en un espace de vie durable au lieu de la simple cabine volante qu'elle était durant leur premier périple, et il avait même initié Sora à l'assemblage Gummi ; mais sa manie de s'immiscer dans tout ce qui touchait aux engins spatiaux était franchement énervante !

Finalement après une longue attente, l'ingénieur ferma le capot et se tourna vers le trio, essuyant sa figure pleine de graisse :

- J'ai pu installer un bloc de téléportation, vous pourrez arrêter de traîner entre les Mondes pour rien ! Et comme ça vous irez aussi plus vite pour explorer, par contre ça consomme beaucoup d'énergie alors en abusez pas, OK ?

- On sait comment se servir d'un Gummi, merci ! bougonna le canard en croisant les bras.

- Et on a une excellente source de rire avec nous en cas de panne, t'inquiète pas ! fit le chien avec un sourire.

Donald comprit qu'il parlait de Sora, et se rappela du même coup qu'ils devaient l'attendre chez Merlin le temps qu'il fasse ses mystérieuses affaires. Laissant l'ingénieur à ses machines, les adultes se ruèrent à la maison de l'enchanteur, tout juste pour voir leur ami revenir des remparts :

- Hé Sora ! Qu'est-ce que tu…

- On rentre.

Les trois amis restèrent figés devant la réponse brute du garçon. Il avait le regard bas, comme s'il ne voulait pas croiser le leur, et les dépassa pour se rendre au hangar.

- Mais, tu…

- On rentre au Colisée, j'ai dit, répliqua-t-il d'un ton sec, un tremblement dans la voix.

Le trio se regarda, puis lui emboîta le pas, inquiet ; l'Élu prit les commandes et démarra l'appareil, s'envolant d'une traite vers leur destination qu'ils atteignirent en moins d'une heure grâce aux modifications de Cid. Mais Sora ne les remarqua même pas ; il ne dit pas un mot de tout le voyage, se contentant de serrer la manette d'une main tremblante et crispée. Dès leur arrivée, le garçon quitta prestement la cabine, sous les protestations du magicien qui dû s'occuper d'éteindre l'appareil. Malgré sa colère, le canard était inquiet du comportement de l'adolescent ; lui et le chevalier partirent aussitôt à sa recherche et apprirent de la bouche d'Hercule qu'il s'était enfermé dans leur dortoir dès son arrivée.

Les adultes s'y précipitèrent aussitôt. Au moment de passer la porte, ils entendirent des bruits étranges et tendirent l'oreille.

C'était des pleurs.

De plus en plus inquiets, les deux camarades poussèrent prudemment le battant et jetèrent un coup d’œil dans la pièce, craignant le pire.

Sora était allongé dans son lit, un bras en travers du visage et la main serrée sur sa poitrine, à l'emplacement du cœur. Il sanglotait, murmurant des propos incompréhensibles.

Les trois adultes se regardèrent, peinés, puis entrèrent doucement dans la pièce, essayant de trouver quelque chose qui puisse réconforter leur cher ami. Ils s'approchèrent et virent alors que Sora serrait contre lui le porte-bonheur de Kairi. Alors c'était pour ça…

Aucun d'eux ne savait plus quoi dire.

Alors qu'ils désespéraient de trouver quelque chose qui aiderait leur protégé, un faible murmure s'éleva dans l'air :

- Elle m'aime…

- Hein ? fit instinctivement Donald, grillant par la même occasion leur entrée discrète.

Le groupe se figea, appréhendant la réaction de Sora suite à leur intrusion ; mais le garçon semblait ne pas les avoir entendus et continua de pleurer en répétant sans cesse les mêmes mots :

- Elle m'aime… elle m'aime…

Dingo décida alors de s'approcher un peu plus de son ami, et tendit une main pour lui signaler sa présence ; il n'eut même pas besoin de le toucher que l’Élu retira son bras de ses yeux pleins de larmes, tremblant :

- Sora, hésita le capitaine… ça va ?

- Elle m'aime… répéta-t-il en tremblant.

Ses yeux d'outremer se mirent à briller de joie, alors qu'un tout petit sourire éclairait son visage :

- Kairi m'aime…

Les trois compagnons s'échangèrent un regard surpris un instant, mais furent soulagés en entendant ces paroles de la part de leur cher ami.

- Félicitations, alors ! fit Dingo avec un sourire compatissant.

- Je suis ravi de l'apprendre, acquiesça Jiminy d'un air rassuré.

Donald quant à lui sembla vouloir réprimander l’Élu pour les avoir inquiétés, mais se ravisa et lui tapota l'épaule à la place :

- C'est super, Sora !

Leur protégé leur sourit en hochant doucement la tête, puis son regard s'embruma encore alors que sa lèvre tremblait comme s'il allait éclater en sanglots :

- Elle m'aime… alors pourquoi je pleure ? Je devrais pas plutôt sourire ? geint-il la voix brisée par l'émotion.

Ses amis eurent alors un regard attendri, avant que Dingo ne réponde :

- Tu sais Sora, parfois ça fait du bien de pleurer, même quand tout va bien.

- Mais j'ai pas envie de pleurer ! Je suis heureux… Je vous le jure ! pleurnicha le garçon en versant encore des larmes.

- On te croit, Sora ! On te croit, répondit le magicien. Et on est vraiment très heureux pour toi.

L'adolescent eut comme un gémissement surpris, puis s'assit, renifla et tenta d'essuyer ses grosses larmes, sans succès. Devant sa réaction, ses trois amis vinrent poser leur main sur son épaule ou lui tapoter le dos, compatissants :

- Allez, ça va passer, mouche-toi un bon coup, fit Dingo en lui tendant un mouchoir dans lequel l'Élu souffla bruyamment.

- Était-ce pour cela que tu tenais à revenir quotidiennement au Jardin Radieux ? demanda Jiminy sur l'épaule du garçon.

Un vigoureux hochement de tête lui répondit, alors que Sora ne semblait pas prêt d'arrêter de pleurer comme une fontaine. Donald lui donna un petit coup de coude, un sourire taquin au bec :

- T'en as mis du temps pour lui dire, gros timide !

- J-Je savais pas trop comment faire ça a-après tout ce qu'il s'est passé…

- C'est pas grave, le plus important est que tu lui ais dit ! le rassura le capitaine. Donald aussi était très timide au début avec Daisy, tu sais ?

- Hé !

Tandis que le canard faisait la tête à son ami dénonciateur, un léger hoquet entre le rire et le pleur s'échappa des lèvres de l'adolescent qui essuyait ses larmes. Ses amis reportèrent leur attention sur lui, alors qu'il bredouillait entre deux hoquets :

- J-Je me sens stupide, à p-pleurer com-comme ça alors que t-tout va bien…

- Mais non, l'arrêta Donald en posant une main sur son bras, y'a rien de stupide à pleurer parce qu'on se sent bien !

- Et qui plus est, il est très courageux d'avouer ses sentiments profonds quand on ignore quels sont ceux de l'autre, renchérit Jiminy.

Sora essuya une dernière fois ses yeux rougis, et regarda ses amis avec un grand sourire tremblant derrière ses grands iris outremer larmoyants.

- …Merci à vous.

- Mais de rien, Sora.

- C'est à ça que servent les amis !

- Tu peux compter sur nous, quoi qu'il arrive !

L'Élu fixa tour à tour Jiminy, Dingo et Donald, son sourire encore plus grand, son regard brillant plus fort qu'avant, son cœur empli d'une joie que rien n'avait auparavant égalé.


Kairi l'aimait.

La pensée n'avait cessé d'occuper l'esprit de Sora, et ne s'était toujours pas estompée malgré l'heure tardive. Ses amis ronflaient depuis longtemps déjà, et la lune éclairait doucement leur dortoir, mais rien n'y changeait.

L'Élu était censé dormir, surtout s'il voulait attaquer l'entraînement du lendemain sans tomber de fatigue, mais il n'arrivait pas à fermer l’œil.

Encore et encore, la scène se rejouait dans sa tête, chaque détail se dévoilant sans fin devant ses yeux…

Il était allé directement au QG, déterminé à trouver Kairi. Il avait croisé Lea, qui manifestement n'avait pas très envie de lui parler vu comment il s'était esquivé, et son amie d'enfance était arrivée peu après. L'impulsion occasionnée par son combat de la veille l'avait poussé à entamer une confession, mais les mots s'étaient bloqués net dans sa gorge. Il n'avait pas pu lui dire.

Mais il ne pouvait pas renoncer.

Ne se sentant pas à l'aise ici, entouré de tout ses amis, il avait demandé à la jeune fille de venir avec lui ; enfin, plutôt, si elle voulait "faire un tour" avec lui.

Et à sa surprise, elle avait immédiatement accepté.

Ils étaient alors montés sur les hauteurs, longeant les remparts séparant la ville des reliefs bleutés l'entourant. Au loin, on entendait ça et là les claymores s'activer, preuves de quelques rares Sans-cœurs se manifestant ; Sora priait intensément pour qu'aucune ne s'active dans les parages, près d'eux. Pas maintenant.

Ne sachant que dire pour arriver au sujet tant important, il avait laissé Kairi lui conter ses entraînements quotidiens, prêtant une oreille attentive à ses divagations sur les meubles agressifs de Merlin et les exercices intensifs de Tifa, les cours d'escrime de Léon, les escapades avec Youfie quand ça devenait trop barbant, et les conseils attentionnés d'Aerith, sans oublier l'immanquable glace quotidienne avec Lea.

Le jeune homme n'avait pas pu s'empêcher de grincer silencieusement des dents à la mention de l'apprenti, mais se tut. Son amie sembla néanmoins remarquer sa gêne et lui demanda si quelque chose n'allait pas ; et si ça concernait son partenaire d'entraînement.

L'Élu lui dit juste qu'il espérait que tout se passait bien, et qu'il n'y avait pas de problème. Kairi sembla contrarié par cette réponse, mais répondit néanmoins que ça allait. Elle leva alors les yeux vers le ciel, comme triste :

- …Ça ne fait que quelques jours, mais Riku me manque énormément…

Le cœur de l'adolescent se serra sans qu'il ne puisse s'en empêcher ; mais il ne sut dire si c'était aussi de tristesse, ou d'irritation d'entendre parler de son meilleur pote à ce moment précis.

- T'en fais pas, il est pas seul, dit-il pour rassurer son amie. Et puis, c'est lui qui a réussi l'Examen de Maîtrise ! Il est super méga fort maintenant !

L'espace d'un instant, la jeune fille eut un sourire reconnaissant, mais ses sourcils se froncèrent ensuite :

- …Je suis triste que vous n'ayez pas pu le réussir tout les deux.

Sora se figea malgré lui : une espèce de regret, mêlé d'irritation et de peine venait de le piquer au cœur, en même temps qu'une sorte de gratitude. Avalant difficilement sa salive, il pressa le pas en essayant de chasser le désagréable sentiment qui lui prenait la poitrine :

- C'est rien, c'est du passé, et… on s'en est sortis tout les deux, c'est le principal.

Il entendit derrière lui Kairi le rejoindre rapidement après une pause, tandis qu'ils arrivaient à un point de vue sur l'ancienne forteresse. Le panorama des étranges reliefs extérieur replongea l'Élu presque deux ans en arrière, alors qu'il songeait sans trop faire exprès :

- Tu sais… Ma vie a complètement viré de bord quand je suis arrivé ici ; enfin, plus qu'elle ne l'avait déjà été depuis la destruction de notre île.

- …Quoi ? entendit-il murmurer la jeune fille.

L'adolescent se tourna vers elle, la voyant le fixer de ses yeux doux et froncés. Il leva un bref instant les yeux vers le château du Jardin Radieux, avant qu'il ne disparaisse alors qu'ils pénétraient dans les fortifications, et baissa les yeux pour murmurer, peut-être juste à lui-même :

- En à peine une journée j'ai perdu ma Keyblade, Riku a été possédé par le faux Ansem et j'ai découvert que t'avais toujours été avec moi depuis le début de mon voyage et que tu ne pourrais jamais te réveiller si je te libérai pas.

Ces derniers mots, Sora se rendit compte qu'il les avait prononcés à regret ; se rappeler sa transformation en Sans-cœur n'était décidément pas la meilleure idée de conversation. Le soupir triste que n'avait pu retenir Kairi en était la preuve. Pressant le pas, il essaya de penser à autre chose, quand il sentit une main légère sur son bras, et leva les yeux pour croiser ceux profonds de la jeune fille :

- Sora, qu'est-ce qui ne va pas ? N'essaye pas de me le cacher, je l'ai bien vu quand on était ensemble avant hier et je sais quand tu ne vas pas. Qu'est-ce qui t'arrive ?

Qu'est-ce qui m'arrive ? C'était une excellente question.

- Qu'est-ce qui m'arrive ? rit presque l'adolescent en haussant nonchalamment les épaules, devant l'air confus de son amie. C'est marrant, je me demandais exactement la même chose depuis des mois.

La Princesse écarquilla les yeux, et l'Élu en profita pour se détourner et aller regarder le paysage bleuté à travers les ouvertures dans la muraille, les mains dans les poches.

- En fait… Un peu tout s'est enchaîné quand je t'ai sauvée, dit-il distraitement en fixant la silhouette de la forteresse ténébreuse dans le lointain. Tu m'as ramené des Ténèbres, puis je suis allé arrêter le Sans-cœur de Xehanort et fermer la Porte, j'ai dormi un an pour ensuite passer des mois à parcourir les Mondes pour vous chercher toi et Riku et vous retrouver à Illusiopolis, on a battu Xemnas avant de rentrer…Et à peine rentrés je suis reparti pour l'Examen, j'ai appris que Xemnas et le Sans-cœur de Xehanort étaient pas morts et que je devais devenir le Treizième Chercheur ou je sais pas, j'ai sombré dans le sommeil avec un cœur en miettes, Riku a tout remis en place et il est devenu Maître, et puis il est parti chercher Aqua dans les Ténèbres et moi j'ai… je suis retourné m'entraîner avant qu'on affronte Xehanort pendant que tu apprenais à manier ta Keyblade…

Sora fit une pause, fixant vaguement le paysage devant lui sans vraiment rien en voir, puis se tourna un peu vers Kairi. Elle n'avait pas bougé, une main sur le cœur et son regard violacé froncé et perdu. Elle devait se demander ce qu'il pouvait bien vouloir dire avec tout ça.

Bravo, t'as juste réussi à la rendre confuse avec tes monologues…

L'Élu baissa les yeux, soupira, avant de se retourner complètement pour s'avancer lentement :

- Puis j'ai failli y passer au temple, avant de rentrer avec toi à la Tour… et de disparaître encore pendant des mois, alors que Roxas était là et que Lea se faisait posséder sans que je puisse aider… En fait, pour tout dire, ça fait un moment que… que je sais plus trop ce qui m'arrive, réellement. Un coup je suis là, un coup je suis plus là, et Xehanort et sa clique en profitent pour vous faire du mal et je peux rien faire…

L'adolescent s'arrêta à hauteur de son amie, sans pour autant la regarder, alors qu'il la voyait du coin de l’œil froncer encore plus les sourcils, l'air inquiète. S'en faisait-elle autant pour lui ?

Ce n'était pas la question. Il avait commencé à parler de tout ça un peu au hasard, comme s'il voulait juste meubler la conversation avant le grand moment, mais mine de rien il ne trouvait aucun moyen efficace et logique d'amener le sujet qui lui tenait à cœur.

Sortant ses mains de ses poches, il inspira à fond, laissant échapper un presque silencieux murmure :

- En fait… Je sais plus exactement où j'en suis, avec tout ça… et avec moi. Mais…

Cette fois-ci, il se tourna vers la jeune fille, au regard tendre plus perdu que jamais, et osa soupirer :

- Je sais pas ce qui se passe. Je sais même pas ce qui m'arrive vraiment, ou si je peux y faire quoi que ce soit, mais… Ça fait trop longtemps que ça dure.

La Princesse pencha la tête, confuse, et sans qu'il ne sache trop pourquoi il leva les mains et lui prit doucement les bras ; elle se figea un bref instant devant son geste, à son désarroi.

Et voilà, tu lui fais peur…

Mais il ne pouvait plus reculer. Il ne pouvait plus faire marche arrière maintenant, après tout ce temps. Le regard encore bas, un peu caché par quelques mèches de sa frange ébouriffée, il murmura, peut-être plus pour lui-même que pour elle :

- Peu importe la suite… Je ne peux plus hésiter. C'est trop tard pour ça. Alors… voilà.

Il leva alors les yeux vers elle, les plongeant dans les siens couleur bleu marine teinté de violet et de confusion craintive, emplissant son esprit de leur beauté irréelle. Plus le moment de reculer…

Tout aller changer, mais il l'aurait fait. Plus de regrets.

Fermant ses paupières, il s'avança vite et toucha ses lèvres des siennes, juste un bref instant. Comme hésitant finalement, il se retira aussi vite et ouvrit ses yeux pour la voir, une toute dernière fois ; à son contact elle s'était pértifiée, son regard écarquillé dans une surprise immense et peut-être un peu apeurée.

Elle ne bougeait pas. Alors, mû d'une petite impulsion, comme une dernière insolence avant la fin, il referma ses yeux et posa encore ses lèvres sur les siennes, restant ainsi sans reculer ni s'avancer, attendant l'inévitable réaction en imprimant dans sa mémoire ce court instant qui bientôt ne s'arrêterait que brusquement.

Il resta ainsi immobile, les yeux clos. Le temps lui sembla infini, et il en conservait chaque courte seconde. Car il n'en aurait plus jamais après.

Soudain un mouvement imprévu s'imprima sur ses propres lèvres, comme une tendre pression en retour. Surprit par cet évènement, Sora rouvrit ses yeux pour comprendre ce qui pouvait bien se passer.

Il vit le visage tendre de Kairi tout près du sien, ses propres yeux clos dans une expression totalement détendue et ses lèvres s'appuyant doucement sur les siennes, tandis que ses mains jusqu'alors restées le long de son corps se levaient lentement vers le torse et le col du jeune homme qui l'embrassait, effleurant la chaîne royale suspendue à son cou.

Plus de surprise que de volonté, le garçon recula, rompant le doux contact de leurs lèvres d'un geste tremblant alors que c'était au tour de la jeune fille d'ouvrir ses yeux tendre et étonnés sur lui, comme surprise que cela s'arrête si tôt.

L'adolescent respira fébrilement, bouleversé, son amie fronçant les sourcils inquiète en lui portant le plus beau regard que la terre ait jamais porté :

- Sora…?

- K… Kairi, je…

Kairi, je t'aime. Je t'aime, Kairi.

Les mots étaient sortis, hésitants, apeurés, de la bouche de Sora, alors que deux larmes solitaires partaient, comme traîtresses, de ses yeux d'outremer tremblants. Et c'est là qu'il réalisa.

Il l'avait dit. Il l'avait montré.

Il avait enfin dit à Kairi ses sentiments.

La jeune fille était restée muette à sa déclaration tremblante, semblant presque surprise. Mais bientôt elle lui sourit, de ce sourire à en mourir rien que pour le voir, et entrouvrit ses propres lèvres d'un tendre soupir :

- Sora…

Soudain une alarme inconnue retentit dans le lointain, poussant les deux jeunes adolescents à se retourner, sursautant. L'adolescente fronça les sourcils, contrariée :

- C'est l'alerte externe, dit-elle. Ils vont bientôt fermer les fortifications. Il faut qu'on rentre.

Encore sous le choc de la confession et de l'acte, le garçon ne bougea pas, incapable d'assimiler les évènements. Seule la très légère poussée de Kairi sur son bras le fit avancer, alors que ses larmes se tarissaient au vent.

Ils sortirent des fortifications, tandis que l'alarme se taisait enfin, et s'arrêtèrent en vue de la maison de Merlin. Là, Sora ne plus put bouger encore une fois, son cœur battant trop vite pour qu'il parvienne à en compter les battements ; sa main tremblante resta suspendue en l'air lorsque la jeune fille qui ne suivait pas son mouvement continua, avant d'enfin remarquer son arrêt et se tourner vers lui.

Leurs yeux se croisèrent, et Sora crut se noyer dans ceux marine violacés qui le regardaient si affectueusement, si tendrement malgré leur confusion. Il ne voyait plus qu'eux, et le sourire léger qui éclaira ces lèvres roses qu'il avait osé goûter. Soudain une main fine vint lui cacher doucement cette bouche bien dessinée en un geste timide, et il vit le rougissement qui rehaussait à merveille le teint parfait de la jeune fille qui fixait un point au sol, troublée mais pas craintive.

Elle se racla légèrement la gorge, avant de murmurer de la voix la plus belle qui lui soit donné d'entendre sur cette terre :

- Sora, je… On se voit bientôt.

Et avec un nouveau sourire qui fit chavirer son cœur déjà ravi, la Princesse se recula et détala au loin, faisant un dernier tout petit signe de la main dans sa direction avant de s'échapper de sa vue.

Sora resta figé, pétrifié, bouleversé ; dans sa tête et dans son cœur un millier d'émotions et de pensées se bousculaient et s'entrechoquaient et se battaient sans ordre, le faisant trembler sous le choc.

Elle lui avait sourit. Elle l'avait embrassée en retour. Elle l'avait accepté.

S'il était si choqué, ce n'était pas juste parce qu'il venait d'avouer tout haut et à l'élue de son cœur ses sentiments profonds. C'était parce qu'elle les avait acceptés.

Il avait pensé, avait cru que c'était trop tôt, trop brusque, trop… impossible pour qu'une telle confession passe aussi bien. Il avait tout envisagé, s'était imaginé, préparé, attendu à tout de sa part, du refus ou recul choqué à la gifle pure et simple ; sauf à ça. La tendre acceptation et retour de ses propres sentiments envers elle, à l'instant précis où il les lui dévoilait réellement.

Il ne pouvait y croire. Il sentait encore ses lèvres appuyées sur les siennes, sa main effleurant sa chaîne et sa peau, la chaleur de son corps s'étant rapproché au contact interdit mêlé à l'amour tendre qu'il lui transmettait et qu'elle lui avait rendu si chaleureusement. Son cœur s'était affolé et réchauffé et gonflé et agité et chamboulé et-

Et c'était trop pour lui.

Trop choqué, trop incertain de croire ses propres sens, ses propres souvenirs, l'Élu n'avait pu que rentrer directement au vaisseau, tentant de remettre de l'ordre entre le vrai et le faux et ses espoirs et ses désillusions et…

Et une fois rentré, au calme du dortoir, Sora avait sorti le porte-bonheur comme une réponse sûre à ses questions.

Et il s'était rappelé la douce chaleur du baiser, et les frissons au ventre que le simple et léger contact peau à peau entre les doigts et son cou avait provoqués, et la joie et légèreté qui avait envahi son cœur quand les mots étaient enfin sortis de sa bouche en un flot libérateur. Et il sut que c'était vrai.

Elle l'aimait.

Et là soudain, sans qu'il ne puisse l'empêcher, un lourd torrent de larmes l'avait saisi, alors que ses doutes et ses peurs et ses regrets s'étaient dissipés en cette simple minute où tout avait changé.

Encore maintenant, il sentait le tendre contact des lèvres sur les siennes et les flots de larmes inondant ses joues, tel un brusque mais doux contraste chaud-froid dans son cœur apaisé.

Une partie de lui s'en voulait énormément de n'avoir pas avoir expérimenté cette merveille plus tôt ou d'y avoir mis un terme si vite, mais la voix timide en lui ne cessait de le rassurer que c'était bien, que c'était pas grave et qu'il devait être fier d'y être enfin arrivé. Et encore une autre partie de lui était soudainement devenue très alléchée par ce contact intime et en demandait plus pour assouvir sa faim nouvelle.

Sora se sentait encore trembler : de joie, de surprise, d'impatience, sous le choc ? Il ne le savait pas, mais il s'en fichait.

Oui, il s'en fichait.

Kairi et lui s'étaient enfin avoués leurs sentiments l'un envers l'autre, et c'était tout ce qui comptait.

Maintenant, quoi qu'il puisse se passer, plus rien ne lui faisait peur. Xehanort et sa clique pouvaient bien le menacer, l'attaquer, voire essayer de le changer en l'un des leurs, il s'en fichait ! Ils ne lui faisaient plus peur. Il avait l'amour de Kairi pour lui, et ça lui ferait bien affronter tout les dangers possibles et imaginables.

Même un satyre exigeant pas du tout content de voir son élève star traînasser au lit.

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Sora a réussi ; il a enfin avoué son amour à Kairi, qui lui a rendu ses sentiments d'un tendre baiser…

*Dans le cœur de l'Élu, Roxas s'est enfui en courant avant de s'évanouir au moment du baiser, Xion s'est cachée embarrassée et Ventus a crié d'euphoriques encouragements tandis que Vanitas qui d'abord n'en avait rien à f**tre a soudain très envie d'assommer son cœur d'origine toujours en plein dans ses bruyantes félicitations*

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