Le Chevalier Oublié

Chapitre 7 : La Jumelle Sombre

Chapitre final

3954 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 21/10/2017 01:58

J’avançai dans le tunnel principal à peine éclairé par des torches. Celles-ci laissaient un panache de fumée noire dans mon sillage ainsi qu'une vague odeur de suie et d’huile brûlée. L’air vicié, emplissait mon odorat de relents putrides ne pouvant être dus qu'à la présence de cadavres en décomposition avancée.

Plus je progressais et plus j’avais la certitude de m’enfoncer dans un tombeau.

Çà et là, l’eau continuait de suinter des murs et les seules traces de vie résidaient dans de fantomatiques lichens verdâtres et maladifs. L’omniprésence des ténèbres et de la mort m’écrasaient littéralement, et le sol s’enfonçant dans le ventre de la terre ne faisait que renforcer un peu plus mon sentiment d’aller tout droit vers les enfers.


Depuis mon arrivée à Logres, l’idée d’un combat me gonflait toujours la poitrine de courage et d’envie, j’étais devenu une fine lame au fil des années et mes ennemis me redoutaient. Mais là aujourd’hui, alors que mon âme s’alourdissait au même rythme que mes pas, alors que mon cœur semblait hors de contrôle et que mon esprit était traversé par mille pensées sombres, je me trouvais vidé de tout.

Plus aucune parcelle d’énergie ou de force, rien… juste une espèce de résignation sourde qui commençait très sérieusement à m’inquiéter. Pourtant, je n’avais aucun moyen de lutter contre cela, j’étais en marche vers un destin inéluctable que seul le Dieu qui m’avait ramené et peut-être l’homme en noir semblaient connaître.

C’était terrifiant à en hurler et malgré tout je continuai, emporté par un courant contre lequel il valait mieux ne pas lutter sous peine d’être englouti à jamais.


Du fond de ma raison, seul subsistait le mince espoir qu’à un moment quelque chose allait me permettre de sortir la tête du torrent. Une espèce de miracle avant que les flots noirs ne m’avalent définitivement pour me mener vers une damnation sans fin.


Au bout d’un interminable moment, j’entrai enfin dans une espèce de pièce rectangulaire aux murs hauts et au sol jonché de ce qui me semblait être des os à demi rongés. Les murs étaient parsemés de trous aveugles qui me scrutaient. Çà et là, ces orifices étaient garnis de crânes jaunes et fêlés dont les orbites vides me pressaient de continuer vers le fond de la salle.

C’est précisément là qu’il se tenait. Seul, légèrement voûté et pourtant impressionnant, capuche sur les épaules et sourire carnassier aux lèvres. Il ne disait rien, se contentant de me fixer, de lire en moi comme dans un livre ouvert et probablement de songer à la façon dont il allait jouer avec moi avant d’en finir. Un frisson me parcourut et son œil étincela. Il prit aussitôt la parole.


- Alors mon ami, tu as pris ton temps pour arriver, j’ai failli attendre.

- Je ne suis pas votre ami, ni de près, ni de loin, plutôt crever.


Il ne dit rien et souriait toujours, il me jaugea et repris plus bas, presque pour lui-même « Ça pourrait se faire, oui, ça pourrait » Et reprenant beaucoup plus fort d’un air quasi cordial :


- Je suis certain que tu aimerais savoir ce que j’étais en train de chercher quand tu as commencé ta chasse, mais avant toute chose, comment as-tu trouvé ma petite diversion pour te faire venir jusqu’à moi ? N’était-ce pas fantastique ?


- Dois-je vraiment répondre ? Vous avez terrifié un village entier et assassiné sans pitié des dizaines de personnes innocentes avec votre magie pestilentielle juste pour me faire venir à vous. Et vous avez encore le culot de me demander ce que j’en pense ?


- Oh tout doux, tout doux seigneur, tout doux. Il est vrai que j’ai dû sacrifier quelques-uns des misérables cafards rampants qui errent sur les rives de ce lac et vivent dans ce bouge qu'ils nomment village. Mais tu fais fausse route sur deux points.

Tout d’abord, personne n’est innocent, pas même l’enfant venant d’arriver en ce monde, braillant, bavant et chiant sur celle qui lui a donné la vie.


Ensuite, ce n’était pas seulement pour t’attirer à moi, j’avais également besoin d’eux. Et puis tu n’as pas tout perdu. C’est même une grande et belle réussite pour toi ! Bravo !

Regarde autour de toi »


Montant d’un ton en écartant les bras pour embrasser le tombeau, il continuait de me scruter, ses yeux étaient tels des poignards chauffés à blanc "Tu les as retrouvés, ils sont autour de toi, ils te regardent tous. Mais je crains qu’il ne soit tout de même… un peu tard."

- Pourquoi leur avoir fait ça espèce de monstre ?

- Tu es pressé, hein ? Oui je le vois ! Mais nous avons tout notre temps. Le monde, là dehors bouge, tourne et grouille et nous sommes là, tous les deux sous terre, en retrait, en attente, pleinement conscients de ceux qui, au-dessus nous ignorent pourtant.

Maîtres de leur destinée. Toi et moi, dans le cœur d’un monstre qui ne demande qu’à nous expulser à sa surface pour nous faire renaître. J’ai de grands projets pour toi, tu sais ? D’immenses projets !


J’étais horrifié et pourtant je répétai la question en détachant chaque syllabe, les lançant vers lui avec hargne comme autant de flèches que je ne possédais pas.

- Que leur avez-vous fait ?

- Et bien, pour dire les choses simplement, j’avais besoin de leur vie. Pour vous, misérables mortels soumis à la médiocre promiscuité de la chair, il ne s’agit que de quelques battements de cœur, quelques insignifiantes inspirations et expirations avant une mort méritée et libératrice. Pour moi, c’est plus que cela, bien plus ! C’est l’énergie, c’est l’univers qui lui aussi tourne et grouille au-dessus de votre tête et dont moi seul ai vraiment conscience. Ne pose plus la question mon ami, la réponse te dépasse encore.


Mon ventre se serra et je sentis ma main partir en vain à la recherche de la garde de l’épée perdue un peu plus tôt. Ce détail ne lui échappa pas et il reprit de plus belle :

- J’aime ton énergie, vraiment. Ta fougue, ton courage, ta persévérance. Mais par-dessus tout j’aime ta rancœur, ta haine sourde, tes secrets. Surtout un en fait…


Ses yeux brillaient à présent. - Tais-toi » intimai-je

- Allons du calme ... romain !


J’allais exploser, mes mains tremblaient sans que je n’y puisse plus rien à présent, je hurlais presque.

- Tais-toi j’ai dit.

- Me taire ? Pourquoi donc ? Parce que tu ne veux pas entendre la belle histoire ? L’histoire d’un homme qui a sacrifié sa vie à la grande destinée de son ami et qui a abandonné tout ce qu’il avait pour le suivre et le voir devenir roi alors que lui était relégué dans les ombres ? L’histoire d’un homme qui a été obligé de renier ses origines, ses dieux, ses traditions et ce jusqu’à sa propre identité pour permettre à l’usurpateur de fédérer son précieux nouveau jouet ? Et pour quel merci au final ? Pour quel fiasco ? C’est cela que tu refuses d’entendre ? Hein dis-moi … Dis-moi, Manilius !


Les larmes commençaient à perler sur mes joues, je brûlais de l’intérieur, c’était insupportable.

- Laissez-moi. Ne dites… Ne dites plus rien.

- Te laisser ? Non ! J’ai des projets pour toi ne l’oublie pas. Mais j’ai besoin de l’entendre... Ta si triste et si misérable histoire chevaleresque !

J’ai besoin que les mots sortent, j’ai besoin de leur pouvoir. Alors vas-y romain dis-moi, parle et sois libéré.

Parle. PARLE !


A grand ’peine, je pris une inspiration longue et profonde et d’un coup le flot des mots si longtemps réprimés franchit la barrière de mes dents pourtant serrées quelques instants

auparavant. Le visage trempé de larmes et de sueur, le corps parcouru de sursauts une fois encore j’obéis à l’ordre de la bête.


- Peu après le mariage d’Arthur et Guenièvre, nous avons eu une conversation, seuls à seuls.

Arthur pensait que ma présence était nécessaire à ses côtés mais que mes origines romaines étaient trop profondes et flagrantes. Je n’avais pas l’épée des rois après tout. Son beau-père et certains des chevaliers présents me considéraient avec hostilité.


- Et donc...

- Et donc il m’a demandé de me faire oublier plusieurs mois et de revenir sous un autre nom, avec une tronche impossible de préférence et de ne plus jamais faire allusion à mon passé. Pendant ce temps-là, il en profiterait pour fédérer les différents clans et fonder la forteresse qui deviendrait Kaamelott.

J’ai obéi.

C’était mon ami. Je suis parti un an et demi, j’ai pris un peu de masse, porté une armure et caché mon visage presque totalement par une barbe épaisse et une chevelure longue et négligée. Aucun des autres chevaliers n’a cherché à comprendre. J’ai été traité en inconnu, j’ai été obligé de gagner ma place alors que j’en valais dix comme eux et Arthur…

- Et Arthur a nommé Lancelot premier ministre. Il était à sa droite lorsque toi, son ami d’enfance, son frère presque, celui qui connaissait tous ses secrets, était seul dans la boue et dans la fange, tentant de survivre dans un pays qui lui était hostile.

- NON ! C’est… c’est faux ! Je les ai aimés, tous, à leur façon ils devinrent aussi mes frères et mes amis, et j’ai fini par respecter Lancelot, il était pur, il était noble.

- Oh oui, il était pur et il était noble… IL ÉTAIT ! Tu comprends chevalier, il était ! Et Arthur ? Ne laissons pas cette image sublime s’en aller, je sens que nous approchons d’un moment grandiose, oh oui ! » Et d’un seul coup son ton changea et il avança vers moi en m’attrapant par les épaules, ses mains étaient froides et pourtant la sensation de brûlure ne me quittait pas, c’était insupportable. Il me criait presque dessus maintenant, je sentais son souffle sur le visage et chaque mot était à présent craché comme un venin.

- Il t’a trahi Manilius, il t’a abandonné. Il t’a laissé crever contre sa précieuse petite fédération de fantoches et ensuite il t’a accueilli; non pas comme son frère, mais comme un étranger et jamais tu n’as eu le rang que tu méritais. JAMAIS. Arthur…


- IL ÉTAIT MON AMI ! J’hurlais à mon tour.

- Oui !! Oui !!! Tout juste. Il jubilait et me serrait contre lui en continuant de hurler « IL ÉTAIT ! »

En relâchant son étreinte je tombai à genoux, comme si un vortex invisible m’avait emporté les jambes et toute volonté. J’étais là, pantelant, en nage, amer et une colère sourde vibrait en moi, presque palpable.


- Reprends ton souffle, laisse les émotions faire surface. Pendant ce temps tu n’as rien à faire si ce n’est m’écouter. Car moi aussi j’ai une histoire pour toi. Une édifiante petite

histoire.

Tout à l’heure, je t’ai dit que j’avais besoin des vies, de l’énergie des villageois pris dans la brume, mais je ne t’ai pas encore expliqué dans quel but, ni ce que j’étais en train de chercher alors que tu étais à mes trousses.


Le moment est venu chevalier.


Écoute bien, n’en perds rien !


Sur ces mots, il s’était reculé jusqu’à une espèce de renfoncement dans la roche, tout au fond de la crypte et l’espace d’une seconde j’eus l’impression que son bras disparaissait dans le mur. Lorsqu’il ressortit, il tenait quelque chose.

L’objet était teinté de bleu sombre aux reflets noirs, une lame flamboyante, mais au lieu de lancer des éclats lumineux, il émanait de sa lame un halo de ténèbres. Des runes anciennes étaient gravées sur la lame et sa garde ouvragée évoquait un crâne de démon aux cornes recourbées. Elle me faisait étrangement penser à une autre flamberge.


Méléagant me regardait et s’approchait en tenant la lame dont la pointe crissait sur le sol en un bruit métallique sourd et pourtant mélodique.

- Là où il y a la lumière, il y a les ténèbres chevalier. Je te présente l’objet de mes recherches, il s’agit de Fragarach la sombre, Fragarach la maudite, la soeur de l’épée légendaire Excalibur.

Et alors qu’il terminait sa phrase, il redressa l’impressionnante claymore et les runes commencèrent à répandre une lueur bleutée semblable à de la glace, une aura de mort émanait littéralement de l’objet. Si Excalibur était lumineuse, vivante et faite de feu, sa soeur était son exact et terrifiant opposé.


« Elle furent toutes les deux forgées à une époque où les dieux foulaient encore cette terre et où les hommes n’étaient que des bêtes. Le dieu de Nuada créa Fragarach la noire et Calacholg’ la blanche pour assurer l’équilibre des mondes. Et au fil des siècles l’une se perdit et l’autre changea de nom pour devenir Caliburn, épée de lumière, épée des rois,... Excalibur !


Mais leur pouvoir réel, leur but véritable fut oublié et aujourd’hui tout le monde plie le genou devant une lame à demi orpheline et dont le porteur ne pourrait même pas utiliser une infime partie de son potentiel. Tout ceci est si médiocre, risible et pitoyable que je ne pouvais faire autrement que de m’en mêler. Ne suis-je pas la réponse ? Ne suis-je pas le sabordeur des mondes ? La tempête qui approche ? Ne suis-je pas la fin de tout ? Oui !

Voilà ce que je suis »


Je relevai la tête, toujours déchiré de l’intérieur et je murmurai la seule chose qui m’obsédait maintenant.

- Pourquoi moi ? Qu’attendez-vous de moi à la fin ?

- J’y viens mon nouvel ami torturé, j’y viens ! C’est là toute la beauté de la chose tu vas voir. Lorsque ton roi de pacotille a plongé tout le pays dans l’hiver en reniant les dieux et leurs règles, il a lancé sans le savoir un formidable chaos faisant trembler ce monde et les autres dans sa suite. Excalibur replantée son pouvoir s’est propagé comme une onde de choc au travers des réalités, réveillant au passage sa jumelle endormie. Mais tout comme la lumière, les ténèbres ont besoin d’un héraut, d’un porteur, d’un roi !


- Moi ? … mais… Lancelot ?

- Je suis là pour apporter ce que chacun désire le plus dans la noirceur de son âme. Lancelot voulait le pouvoir pour lui seul et c’est ce qu’il a eu. Arthur voulait la paix de l’esprit, l’oubli. Je les lui ai offerts sur un plateau ou plus exactement dans une baignoire ! Mais toi, tu veux autre chose n’est-ce pas ? Qui mieux que toi, le trahi, le paria, l’oublié, le frère bafoué, qui mieux que toi ne pourrait être le plus exact opposé du fils de Pendragon ? Sois mon chevalier noir ! Sois le porteur de mort.

Je t’offre le désespoir et la vengeance.


Il me tendit la garde de l’épée et je pus sentir son pouvoir m’attirer à elle, un pouvoir dur et froid comme la glace, je ressentais la terreur et l’oubli. Mes mains tremblaient encore et pourtant la brûlure au fond de moi s’estompait doucement pour ne plus être qu’un écho palpitant au loin. Je tendis les doigts presque avec maladresse vers ma si séduisante fin. Mais avant de basculer quelque chose me retenait encore et ma raison s’y accrochait avec ses dernières forces. Ainsi j’articulai ce qui me semblait être ma planche de salut.


- Ma mission, j’ai été choisi par le dieu unique, par Joseph d’Arimathie, et je... je ne peux pas. Je ne peux pas abandonner. Tout ceci existe. La paix est possible.


C’est là que le démon se mit carrément à rire, rire à gorge déployée et plus ses gloussements se propageaient contre les murs du tombeau, plus je sentais le peu d’humanité que j’avais fuir et se réduire à néant.


- Le meilleur pour la fin !! Ce vieux hibou malingre qui t’a adoubé chevalier du dieu unique t’a-t’ il TOUT expliqué ? Est-ce que par le plus grand des hasards il a mentionné quel sort exactement il te réservait ? Quelle sombre destinée tu devais accomplir ?

- Vous tuer.

- Non pas ! Jamais ! Tu devais m’affaiblir simplement, car tu ne peux me tuer, tu ne peux éliminer l’infini, ton combat était perdu d’avance. Tu es l’élu de la lame depuis le début, tu devais simplement disparaître en tentant de m’éliminer et ainsi déclencher une réaction en chaîne qui m’aurait mis à genoux et rendu vulnérable le temps que l’usurpateur arrive récupérer son dû. Un bien joli plan, bien naïf et surtout cruel pour toi.

On s’est encore moqué de toi, j’en ai peur.

Tu n’es qu’un pion pour la lumière, tu n’es rien ! Entre dans l’ombre à présent et saisis ta revanche ! Ton meilleur ami t’a renié, tes dieux t’ont tourné le dos et celui qui t’a ramené d’entre les morts ne l’a fait que pour mieux t’utiliser et te duper. Viens à moi et prends cette arme. Je ferai de toi le héros de l’ombre !


Et pendant ce discours, une fois encore la lame m’appela à elle et la colère sourde qui bouillonnait en moi depuis mon entrée ici augmenta au point tel que mon cœur était à la limite d’exploser dans ma poitrine. Je n’avais plus de larmes et pourtant… Pourtant mes yeux brûlaient comme si de l’acide en jaillissait. Bon sang j’avais envie de saisir l’épée, de refermer mon gant sur sa garde et de la faire mienne. Envie d’embrasser ma haine, de me draper dedans, de faire toutes ces choses ignobles, de régner sur un tas d’ossements à la croisée des mondes. Je sentais le pouvoir m’appeler et c’était horriblement bon.


Quelque part, à la limite de ma conscience j’entendis mon bourreau m’appeler une fois encore "son héros de l’ombre". L’effet que cette simple phrase eu sur moi ne dura qu’une fraction de seconde, un battement de cil dans l’immensité et pourtant, cela suffit. Ces quelques mots, ce rien du tout d’idée, c’était la faille que je n’espérais plus. Un véritable déluge de souvenirs m’envahit aussitôt et je revis mes années à Rome, les coups durs, mes passages au cachot et le fouet de Glaucia, la fameuse soirée chez Aconia, la fuite, et un espoir de recommencer une vie qui valait le coup.


Derrière chacune de ces images, le sourire désabusé d’un homme, sa bonté, sa tristesse touchante aussi, sa force bienveillante, mon ami à jamais.

C’est là, que l’espace d’un instant de formidable douleur j’empoignai Fragarach de toute mes forces, me relevai devant un Méléagant triomphant et dans un geste d’une incroyable limpidité je lui plantai la lame en travers du ventre.

Le temps s’était comme suspendu et une vibration de plus en plus forte émanait de l’épée maudite. Les volutes noires et bleues des runes flamboyaient comme jamais et une douleur fulgurante et implacable me disloqua le bras qui avait servi à frapper.


- Qu’as-tu fait pauvre fou ? Tu étais mon élu ! Tu étais l’élu de la lame ! Qu’as-tu fait ?


Du sang maculait sa bouche déformée.


Je grognai plus que je ne parvins à parler.

- J’ai fait mon devoir, mon destin est accompli.

Je guettai maintenant le moment où il s’effondrerait, mais il ne se passait rien, il semblait suspendu dans le vide malgré le sang qui commençait à couler abondamment.

- Tu n’as donc rien compris ? Tu ne peux pas me tuer, imbécile !

Par contre ce que tu viens de faire est une véritable catastrophe. En me transperçant et en refusant de l’accepter tu as libéré les énergies contenues dans la lame et elle va reprendre son long sommeil. Mais les deux sœurs ne peuvent dormir ensemble chevalier ! Ce monde va être englouti et tout ce que tu as connu avec lui. Les mondes sont entrés collision, ne le sens tu pas ?

Sois damné Manilius, sois damné !

Tu auras ce que tu mérites dans l’un de ces mondes, ne t’en fais pas ! J’y veillerai bien en y arrivant pour recommencer ma tâche inlassable, avec ou sans porteur d’ombre.


Personne ne saura ce que tu as réalisé, tu mourras dans l’oubli, fais-moi confiance ! Tu m’entends ? Tu m’entends, misérable ?


Soudain le sol sembla s’effondrer et disparaître sous me pieds, la réalité elle-même était en train de se tordre sous mes yeux. Méléagant avait disparu, il ne restait rien, rien que le néant. Plus de temps, de sons, de présence, plus rien… et au loin une odeur. Des épices ! Cela sentais les épices... Je restai debout là dans l’obscurité. Plus aucune douleur, plus aucune peur, juste une sensation d’urgence mêlée à cette odeur d’épices. Je commençai à distinguer un peu de lumière et elle provenait de ce qui ressemblait à une lampe à huile posée sur une table au milieu d'une pièce qui m'étais familière. J’entendis alors une voix que je pensais ne plus jamais entendre. « Dépêche-toi Mani, on a pas le temps ! »


Licinia !!


Je l’avais laissée pour suivre Arthur sans jamais être retourné la chercher et là, j’étais revenu, j’allais l’emmener. J’allais lui sourire, la prendre dans mes bras quand la lame me transperça. Froide, implacable et noyée par la chaleur du sang emplissant ma bouche. Je ne pouvais parler, je ne pouvais la sauver et alors que je tombais aux pieds de mon assassin, je repensais à la promesse de celui qui avait été ma cible et au final mon destin.


Pourtant je souriais car quelque part, au fond de moi je savais. Arthur survivrait, il reviendrait... et bientôt il serait à nouveau un héros.


FIN

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