Les Angles et les obtus

Chapitre 1 : Partie 1 - Les Angles débarquent

2314 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 21:05

CREDITS : Kaamelott ne m'appartient pas, je ne suis pas assez maligne pour avoir eu cette idée de génie.Les personnages et le contexte appartiennent au légendaire arthurien et à la matière de Bretagne, rapportés entre autres par Chrétien de Troyes, Robert de Boron, Geoffroy de Monmouth, remaniés et ciselés par Alexandre Astier.

 

LES ANGLES ET LES OBTUS

Partie I – Les Angles débarquent

 

Dans une pièce du château. Le roi Arthur et son beau-père Léodagan sont en armure, le casque sous le bras. Entre alors Bohort.

BOHORT, accourantSire ! Sire !

Les deux autres se tournent vers lui dans un bruit de ferraille.

ARTHURQuoi, “Sire, Sire” ?

BOHORT, essouffléOh Sire ! C’est merveilleux, c’est inespéré ! Un véritable miracle !

ARTHUR, agacéMais quoi donc, à la fin ?

BOHORTL’ennemi propose de parlementer.

LEODAGANAh ben, avec un rapport d’un gars chez eux contre trois chez nous, y’a vraiment que vous que ça étonne qu’ils essaient de discutailler ! Mais si ils s’imaginent que baisser leurs frocs maintenant va leur sauver la mise…

ARTHURD’accord.

LEODAGANQuoi ???

ARTHURD’accord.

LEODAGANComment ça, “d’accord” ?

ARTHUR, articulantD’accord, va pour les pourparlers de paix.

BOHORT, extatiqueC’est merveilleux !

LEODAGANOh nan mais v’là qu’ça l’reprend ! “Pourparlers”, “négociations”, “accords” et tout le tralala. Juste histoire de faire moderne. Préférez pas qu’on leur mette la pâtée d’abord ? S’ra toujours temps de parler paix et de discutailler l’bout d’gras après, puisque vous aimez tant ça. Enfin, avec ce qu’il restera d’eux, évidemment.

ARTHUROh, ça va Beau-Père, on les connait vos positions. Seulement moi j’ai pour mission, en plus d’assurer la sécurité militaire du royaume de Logres et de retrouver le Graal, de fédérer les différents peuples de l’île. D’unifier la Bretagne.

LEODAGANMais qu’est-ce que vous voulez aller les fédérer, ceux-là ? Y sont même pas Bretons, les Angles ! J’étais déjà roi de Carmélide qu’ils avaient encore jamais foutu les pieds hors de leur Germanie natale où on aurait dû les ré-expédier à coups de pieds dans le fion y’a belle lurette !

ARTHURPeut-être, mais maintenant ils sont là et faut bien les compter dans le lot pour fédérer la Bretagne. Une sorte de prix de gros, la Dame du Lac m’a pas laissé le choix des peuples que je veux au sein l’union ! Et puisqu’il faut que ça se fasse, je préfère le faire avec eux que contre eux.

BOHORT, toujours pas redescendu de son nuageMagnifique, Sire ! Quelle auguste mansuétude ! Quelle profonde sagesse ! Quelle gran–

LEODAGAN“Avec eux que contre eux”, non mais, j’vous jure… C’est à Rome qu’on vous a bourré le mou avec ces formules toutes faites, ou bien c’est encore un coup de votre Dame du Lac ? À moins que ce soit votre laxisme naturel qui vous–

ARTHUR, s’énervantMon laxisme, vous allez vous le prendre où je pense, vous verrez si je ramollis…

LEODAGANOh, mais je prétends pas que vous ramollissiez, je dis que c’est comme ça depuis le début ; c’est de naissance chez vous, de laisser faire tout et n’importe quoi ! Quand on a connu votre père et qu’on continue à se farcir les visites de votre mère trois fois l’an, c’est vraiment à s’demander d’où vous sortez ! Vous êtes sûr qu’on vous a pas échangé avec un autre à un moment donné, quand vous étiez môme et qu’on vous trimballait d’un endroit à un autre ?

ARTHURMais zut, à la fin ! Échangé ou pas, au bout du compte c’est tout de même sur ma pomme que c’est tombé le coup de l’épée dans le rocher et tout le tintouin ! Croyez que ça m’amuse, peut-être ? Et v’là que j’me tape les visites de la Dame du Lac à pas d’heure, et ses “Arthur, tu es l’Élu”, et ses missions à la noix, et devoir transformer tous ces clampins en chevaliers, et me coltiner votre fille…

Regard de Léodagan.

ARTHUR, penaudEuh… mince, s’cusez Beau-Père, c’est sorti tout seul…

LEODAGANNan nan mais ça, faut pas vous en excuser. Je vais même vous faire une confidence, hein, rien qu’entre nous, de vous à moi : en un sens, je crois bien que je vous admire. C’est courageux. Nan mais vraiment. Enfin, juste en ce qui concerne ma fille, hein ? Parce que pour le reste, vous êtes décidément un mou du genou. Sans équivoque.

BOHORT, intervenant timidementAh, pardon mais il me semble que le roi–

LEODAGANOh, vous, hein…

BOHORT, se redressant de toute sa hauteurAh, pardon, mais tout de même ! N’aurais-je donc pas le droit d’exposer mon point de vue ?

ARTHURMais bien sûr que si, soyez pas con.

LEODAGAN, en même temps qu’ArthurÉvidemment que non ! Et puis quoi enc–

ARTHUR, fermementSI, vous avez le droit, Seigneur Bohort !

LEODAGANAh bon, ah c’est comme ça ? Hé ben allez-y, contez-leur fleurette aux ennemis, après tout ! Arrondissez-les, les Angles, au lieu de les tailler bien proprement en pièces comme il faut ! On pourrait peut-être en plus leur jouer la sérénade, ce soir avant de se coucher, qu’est-ce que vous en dites ? Et puis leur servir le petit déjeuner au plumard demain matin… Et aussi tiens, pourquoi ne pas leur trouver une petite place autour de la Table Ronde pendant qu’on y est, hein ?

ARTHUR, s’énervantZut, zut zut et re-zut ! On va commencer par les faire venir à la table des négociations voir ce qu’on peut en tirer sans avoir à les tailler en pièces d’abord, et pour le reste on verra après.

BOHORTFormidable, Sire. Je vais de ce pas leur dépêcher un messager. Ah mais l’ennui, c’est que–

LEODAGAN“Le reste” ? “Après” ? C’est quand même dingue, ça. Alors maintenant même quand vous êtes en sérieuse supériorité numérique, vous baissez votre froc ? C’est encore pire que ce que j’imaginais. Ah elle est belle, la modernité. Vous allez voir que bientôt les peuples vont se mettre à discuter avant même d’entrer en guerre. Alors quoi, on s’assoit tous dans une même pièce et on cause des problèmes sans se foutre sur la gueule ? C’est ça, l’avenir ? Ben mon vieux, j’espère bien être mort avant de voir ça se généraliser.

ARTHURBen si vraiment vous y tenez, je crois qu’y a un paquet de monde qui serait prêt à vous rendre ce service. Seriez surpris de voir à quel point le monde est rempli de gens de bonne volonté qui ne demandent qu’à aider.

LEODAGANBen qu’ils essaient un peu, tiens, ils verront bien comment ils seront reçus. En Carmélide, on plaisante pas avec la lèse-majesté. Huile bouillante, écartèlement, roue… Ah ! on a les chiens d’attaque aussi, c’est toujours distrayant pour le public, et puis…

BOHORT, très blancPar pitié Seigneur Léodagan taisez-vous, je crois que je vais me sentir mal.

ARTHUROh, je n’ai jamais douté de la richesse de votre imagination en la matière, Beau-Père…

LEODAGANAvant on commençait par leur couper les pieds et les mains, mais le problème c’est qu’alors on ne pouvait plus les attacher pour les écarteler ensuite : y’avait plus rien pour retenir les chaînes. Y’a qu’en pratiquant qu’on se rend compte de ce genre de détails. Alors au début on patauge un peu bien sûr – le manque d’expérience, la jeunesse, vous comprenez… Et puis c’est en forgeant qu’on–

Borborygmes puis bruits de nausée.

LEODAGANHé, oh, vous gênez pas surtout, Bohort ! En plein sur mes godasses ! Non mais franchement, vous…

BOHORT, faiblementNavré, sire Léodagan, mais j’ai bien tenté de vous prévenir…

ARTHUR, avec un petit sourireCelle-là on peut pas dire que vous l’ayez volée, Beau-Père.

LEODAGAN, pataugeant dans le vomi(à Arthur) Oh, ça va, faites pas le rigolo, hein ? Bon, ben j’ai plus qu’à aller me changer avant que ça rouille. D’autant que si j’ai bien compris, l’armure n’est plus vraiment de mise pour aujourd’hui, c’est bien ça je présume ? (à Bohort) Et vous, vous ne perdez rien pour attendre… Lèse-majesté, souvenez-vous…

BOHORT, très pâleMais, Seigneur Léodagan, je vous assure–

ARTHUR, à BohortC’est bon, vous inquiétez pas, je m’en occupe. Et allez plutôt prévenir les Angles que nous accédons à leur requête. (Se reprenant) Non, que “nous daignons accepter de leur accorder des chances de négocier avant que nous ne décidions de leur rentrer dans le lard”.

BOHORTMais justement, Sire, ce dont je tentais de vous avertir tout à l’heure avant d’être une fois de plus interrompu par votre beau-père, c’est que l’ennemi ne parle aucune langue connue.

ARTHUR, surprisComment ça, “aucune” ?

BOHORTHé non, Sire. Nous avons essayé le breton, bien entendu, le gaélique, le latin, le gallo-latin, le picte, le grec bien sûr, l’araméen et même le burgonde, mais rien !

ARTHURRien ???

BOHORTRien, Sire. Nous avons même un ancien esclave byzantin qui fut capturé par les huns dans les environs de la mythique Troie et qui a tenté auprès d’eux quelques mots des langues orientales qu’il a apprises au contact de ses ravisseurs, mais rien.

ARTHUREn même temps, j’aurais été plutôt étonné que des Germains connaissent le syriaque ou qu’ils comprennent le hun de Troie, mais tout de même depuis le temps qu’ils sont là, ils ont pas encore appris la langue ?

BOHORTJe sais que cela paraît étonnant, Sire, mais il semblerait que non.

ARTHUR, soupirantHé ben, je sens que ça va encore être gratiné, les négociations de paix… Parce que je suppose qu’on n’a pas d’interprète d’anglais sous la main ?

BOHORTIl est certain que ce n’est pas une langue très répandue. Mais il me semble, Sire, qu’il y aurait bien l’interprète de burgonde qui aurait quelques notions. C’est paraît-il grâce à lui que nous avons pu comprendre qu’ils demandaient à entrer en pourparlers…

ARTHURNan mais… pas celui-là.

BOHORTMais Sire, certes ses connaissances sont de son propre aveu très limitées en la matière, mais il me semble que–

ARTHURPas celui-là.

BOHORTMais Sire…

ARTHURJ’ai dit tout sauf lui. On se débrouillera sans, un point c’est tout.

Le roi essaie de partir, mais n’y parvient pas.

ARTHUREuh… Bohort ? Maintenant que ça fait déjà un petit bout de temps que mon beau-père est parti, vous pourriez vous relever et lâcher la jambière de mon armure, s’il vous plait ?

 

(À suivre…)

 

Laisser un commentaire ?