Livre VII Ce qu'il advint du royaume de Logres

Chapitre 4 : La Morte d'Arthur

11386 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 24/02/2020 20:12

 L’aube se lève sur Kaamelott. Les cloches sonnent plus graves et plus longtemps qu’à l’accoutumée.

LE CRIEUR PUBLIC – Le Roi Arthur est mort !

FEMME – C’est terrible.

SON MARI – Pourquoi ? Il était de la famille ?

GAMIN, au crieur – Même pas vrai d’abord, il peut pas mourir le Roi !

MARCHAND DE NAVETS – On va revenir comme sous Lancelot ?

MARCHANDE DE CAROTTES – Mais non, il est mort Lancelot.

MENDIANT – Ah bon ? Quand ça ? Moi j’avais entendu dire qu’il était devenu fou.

MARCHAND DE CHOUX – Non ça c’était à cause qu’Arthur y avait piqué sa bonne femme.

CLIENTE – Celle qu’est morte ?

LE CRIEUR – Non, c’est lui qui est mort !

CLIENTE – Qui ça ?

LE CRIEUR – Le Roi Arthur !

CLIENTE – Condoléances. C’était qui par rapport à vous ?


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Dans un couloir Eurydice entend deux plaintes puis deux servantes arrivent. L’une tient son nez qui saigne, l’autre pose sa main sur sa tempe douloureuse. Séli surgit derrière elles.

SÉLI – Et que je ne vous y reprenne pas !

EURYDICE – Qu’est-ce qu’elles t’ont fait les petites jeunes ?

SÉLI – Elles caquetaient comme des dindes en racontant que le Roi venait juste de passer l’arme à gauche que la Reine avait déjà deux hommes dans sa chambre.

EURYDICE – Oui et alors ? C’est vrai ça.

SÉLI – Quoi ?

EURYDICE – Absolument. Après bon, il y en a un qui est plutôt sous le lit et l’autre il est bien dans son lit mais sous forme de chat. Je sais pas bien si ça compte …

SÉLI – Qu’est-ce que c’est que ce cirque. Je vais aller …

EURYDICE – Tu ne vas rien du tout.

SÉLI – Je ne vais pas la laisser jouer avec deux zigotos pendant que le royaume la traite de traînée.

EURYDICE – Deux servantes, tu appelles ça le royaume ? Et si ta fille joue ce n’est qu’à un seul jeu : celui d’être Reine. Elle console deux des plus proches conseillers du Roi, tout en assurant ses fonctions depuis son lit. Elle a presque fini de planifier les funérailles qui auront lieu dans 2 jours.

SÉLI – Sans corps ?

EURYDICE – On a pas vraiment le choix.

SÉLI – Et le couronnement du petit, c’est pour quand ?

EURYDICE – Décidément tu ne perds pas le nord. Il n’en a pas encore été question.

SÉLI – Comme par hasard. (Eurydice tourne les talons) Je vous préviens, je ne me laisserais pas faire.


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Dans la chambre royale, Guenièvre a recouvert le lit de parchemins. Merlin dort dans son giron. On entend ronfler sous le lit. Eurydice entre.

GUENIÈVRE – Tiens Eurydice, te voilà. J’ai réglé le problème pour la garde, en fait c’était tout simple.

Eurydice prend le parchemin qu’on lui tend.

EURYDICE – Guenièvre … il faut que tu sortes de cette chambre.

Guenièvre se fige soudain.

GUENIÈVRE – Je ne peux pas.

EURYDICE – Il le faut, s’il te plaît. Fais au moins une séance en salle du trône avec Galahad. Tu ne dois plus rester enfermée.

GUENIÈVRE – Pourquoi ? Je suis bien là moi. Je fais plus la Reine que je ne l’ai jamais fais quand Arthur était là alors que tout ce que je voudrais moi c’est me rouler sous la couette en pleurant toute la journée et en mangeant des pâtes de fruits !

Guenièvre éclate en sanglots. Eurydice se met à genoux près d’elle.

EURYDICE – Les choses sont ce qu’elles sont. Tu peux pleurer autant que tu veux mais on ne va pas laisser s’effondrer tout ce qu’Arthur a construit sous prétexte qu’il n’est plus là, si ?

GUENIÈVRE, fait non de la tête – Et toi alors ? C’était ton père non. Arthur m’a toujours dit que vous aviez une connexion spéciale. Il ne te manque pas à toi ?

EURYDICE – Quand il est revenu de Rome pour la 2e fois, Arthur avait perdu son meilleur ami et sa femme. Pourtant il a repris ses fonctions et il a continué. Je suis responsable de la Garde Royale et toi tu es Reine. On peut pleurer tant que l’on veut mais on ne doit jamais oublier notre rôle. Je t’attendrais dans la salle du trône avec Galahad.


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Salle du trône.

GALAHAD – Non ! Je ne m’assiérais pas sur le trône t’es bouchée ou quoi ?

EURYDICE – Tu es le fils légitime c’est toi qui doit reprendre le flambeau.

GALAHAD – Ça n’a jamais marché comme ça en Bretagne. Celui qui est Roi, c’est celui qui retire Excalibur du Rocher.

EURYDICE – Justement c’est Arthur qui l’a retiré l’épée, alors elle te revient de droit.

GALAHAD – Excalibur elle se replante et puis c’est tout. C’est pas juste un bout de ferraille qui se passe de main en main.

Guenièvre rentre.

GALAHAD – Maman !

Ils s’enlacent.

GALAHAD – Tu es prête ?

GUENIÈVRE – C’est toi qui va …

GALAHAD – Non. Moi je suis juste spectateur.


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Dans un couloir du château, Père Blaise et le maître d’armes.

MAÎTRE D’ARMES – Félon !

PÈRE BLAISE – Vous n’allez quand même pas me dire qu’on va laisser le fils de Lancelot reprendre la baraque ?

MAÎTRE D’ARMES – Mais il n’y a pas de « on va laisser faire » ou pas, notre Roi a désigné cet enfant comme son héritier légitime.

PÈRE BLAISE – Il est légitime de rien du tout puisque c’est un bâtard qui n’a même pas une goutte de sang royal ! Et en plus un enfant légitime d’Arthur qui ferait un bon souverain on en a un juste sous la main.

MAÎTRE D’ARMES – Vous vous êtes remis à la picole vous.

PÈRE BLAISE – Bien sûr que non, je vous parle d’Eurydice. Arthur était bien marié avec la romaine. Vous pouvez pas contredire ça, vous y étiez. En plus c’est elle qui est née la première. C’est elle, l’héritière.

MAÎTRE D’ARMES – Non d’un chien je devrais vous enfermer aux cachots pour avoir proféré de telles paroles alors que le corps du Roi n’est même pas encore froid !

PÈRE BLAISE – Et on risque pas de savoir quand est-ce que ça va arriver puisqu’il s’est volatilisé.

MAÎTRE D’ARMES – Je vous préviens, je ne vous laisserais pas raconter vos jérémiades partout.

PÈRE BLAISE, d’un air de défi – Qu’est-ce que vous allez faire pour m’en empêcher ? Une leçon de morale ?

MAÎTRE D’ARMES – Je pourrais très bien vous couper les bourses pour vous en faire un collier, de toute façon c’est pas avec l’utilité que vous en avez.

PÈRE BLAISE – Moi au moins je dis ce que je pense, je ne joue pas les supers fayots !

MAÎTRE D’ARMES, prenant la mouche – Je ne suis pas un fayot ! Je suis loyal.

PÈRE BLAISE – Fayot ! Fayot ! Fayot !!

MAÎTRE D’ARMES – Je ne m’étais jamais farci un curton mais je crois que ça y est, le jour est venu.

PÈRE BLAISE – Allez-y pour voir. Moi je m’en fais pas un métier mais si on m’attaque, je me défends !

EURYDICE – Qu’est-ce qui vous prend à tous les deux ? On vous entend brailler d’un bout à l’autre du château.

MAÎTRE D’ARMES, criant – La grenouille de bénitier est un traître !

PÈRE BLAISE, sur le même ton – Moi au moins je réfléchis !

EURYDICE – Mais vous allez arrêter de gueuler oui ? La Carmélide a pas besoin d’être au courant. c’est quoi cette tisane ?

PÈRE BLAISE – C’est toi qui devrait être Reine à la suite d’Arthur.

MAÎTRE D’ARMES – Vous n’avez jamais voulu devenir un bouffon non ? Parce que moi je vais vous faire bouffer mon épée jusqu’à la garde sans passer par la bouche, ça va vous faire tout drôle.

EURYDICE – Laisse-le. C’est une proposition logique pour un gratte-papier. Techniquement c’est vrai que niveau enfant légitime j’arrive avant. (au Père Blaise) Mais c’est le Maître d’armes qui aurait dû avoir raison.

MAÎTRE D’ARMES – Comment ça « aurait dû » ?

EURYDICE – Pour n’importe quel autre pays oui. Mais on est en Bretagne ici. Chez nous, le Roi c’est celui qui retire l’épée du Rocher.

PÈRE BLAISE – Vous allez pas replanter Excalibur quand même ?

EURYDICE – Bien sûr que si. Durant les funérailles demain.

MAÎTRE D’ARMES – Mais Galahad va la récupérer ensuite n’est-ce pas ?

EURYDICE – Non.

PÈRE BLAISE – Faudrait voir à développer un peu.

EURYDICE – Même si c’est ce qu’il pense qu’il fera, demain il sera pas prêt.

PÈRE BLAISE – Alors c’est toi qui la récupère ?

EURYDICE – Moi ? Jamais de la vie j’essaye.

MAÎTRE D’ARMES – Mais …

EURYDICE – Pas d’inquiétude. Si les dieux sont cléments, Excalibur attendra sagement dans son rocher que Galahad soit prêt.


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À l’aube, Eurydice arrive au Rocher. Il ne reste plus qu’une ou deux tentes de marchands et la cabane de Ferghus. Devant le Rocher il y a une silhouette.

EURYDICE – Qu’est-ce que tu fais là ?

MORDRED – Et toi alors ?

EURYDICE – Je suis l’avant-garde aujourd’hui. Je suis venue vérifier que tout était normal ici avant que les autres arrivent. Ne me dis pas que tu te mets en jambe pour essayer de retirer l’épée.

MORDRED, sur la défensive – Je n’y toucherais pas à Excalibur.

EURYDICE – Et pourtant si ça se trouve avec toi ça marcherait.

MORDRED, s’énervant – Je ne peux pas essayer !

EURYDICE – Il t’a pardonné.

MORDRED – Alors tu sais ?

EURYDICE – Je t’ai déjà dit que je savais tout en ce qui concerne Arthur.

MORDRED – Ma mère c’est Anna de Tintagel. Ça te la coupe hein ! (s’énervant) Notre bon Roi Arthur, Arthur le Juste, a couché avec sa sœur avant de la tuer pour lui voler son bébé !

EURYDICE – Non, c’est pas vrai.

MORDRED – Cette fois j’ai un temps d’avance sur toi. Je suis allé voir papa, il a avoué !

EURYDICE – Il a pu te dire qu’Anna était ta mère, c’est tout.

MORDRED – Le reste se lisait dans la culpabilité de son regard.

EURYDICE – Tu veux que je te dise ? La dernière fois qu’Arthur a vu sa demi-sœur, c’était sur son lit de mort, à Tintagel, avant même que Lancelot ne prenne le pouvoir.

MORDRED – Tu m’expliques comment on fait un enfant à distance ?

EURYDICE – Par magie. En faisant appel à un enchanteur peu scrupuleux. Tu as été conçu en rêve par une mère qui voulait se venger d’Arthur.

MORDRED – Ça lui donnait le droit de la tuer ?

EURYDICE – Il ne l’a pas tué.

MORDRED – Qu’est-ce qui tu en sais ? Tu crois que s’il l’avait fait, il te l’aurait dit ?

EURYDICE – Arthur n’a jamais su qu’Anna était enceinte. C’est moi qui suis allée te chercher et qui t’ai ramené à Kaamelott.

MORDRED, décontenancé – Et ma mère ?

EURYDICE – Elle est enfermée. Elle et son mari idiot.

MORDRED – Pourquoi ?

EURYDICE – Pourquoi est-ce que je t’ai ramené ? Parce qu’Anna voulait se servir de toi pour tuer Arthur. Pourquoi je l’ai enfermé ? Parce que sa seule obsession c’est de tuer son demi-frère et que moi ma seule mission c’était de le protéger.

MORDRED – Elle doit bien avoir ses raisons.

EURYDICE – Elle veut venger la mort de son père, tué par Pendragon.

MORDRED – Ça n’a rien à voir avec Arthur.

EURYDICE – C’est pour ça que je pense qu’elle est complètement cinglée.

MORDRED – Et si tu savais qu’elle voulait que je tue Arthur pourquoi tu m’as ramené ?

EURYDICE – Je pensais qu’en étant près de lui, comme son fils, tu comprendrais que c’était quelqu’un de bien.

MORDRED – Je veux la voir. c’est trop facile de rejeter toute la faute sur elle. Je veux rencontrer ma mère et comprendre.

EURYDICE – Je m’y attendais. Tu restes au moins pour la cérémonie ?

MORDRED, honteux – Il vaudrait mieux pas. Il se passera quoi si je pars ?

EURYDICE – Les autres se poseront des questions, j’y répondrais. Et moi de mon côté, je t’attendrais.

MORDRED – Avec une main tendue ou une épée ?

EURYDICE, prend Mordred dans ses bras – Pour la famille ce sera toujours avec une main tendue.

Mordred s’en va. Eurydice reste seule devant la pierre. Au loin Guenièvre, Galahad et les autres arrivent.


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GALAHAD, à Eurydice – Avec qui est-ce que tu parlais ?

EURYDICE – C’était Mordred.

GUENIÈVRE – Pourquoi est-ce qu’il n’est pas resté avec nous ?

EURYDICE – Il s’en va pour un long voyage alors partir à l’aube c’est une tradition.

GALAHAD – Juste après la mort de papa ?

EURYDICE – Justement à cause de la mort de papa. Mordred est … (cherchant son mot) … bouleversé. Tu sais comment il est. Il va jouer les solitaires pour remettre tout ça en ordre.

GUENIÈVRE – Et quand est-ce qu’il va revenir ?

EURYDICE – Je te le dirais quand il sera de retour.

SÉLI – Vous pensez pas que vous pourrez parler de ça à un autre moment ?

GUENIÈVRE – Oui pardon mère.

Ils se retournent vers la foule amassée là. Perceval est le seul à cheval. Il tire derrière lui le chariot qui aurait dû emmener Arthur mais qui, faute de mieux, ne contient qu’Excalibur. Tout le monde se met en place, le Père Blaise commence son discours.

PÈRE BLAISE – Arthur Pendragon était un Roi juste. Les dieux l’on désigné en lui permettant d’ôter Excalibur de son Rocher. Il s’est montré digne de …

EURYDICE, chuchotant à Galahad – Du coup c’est toi qui va la replanter ?

GALAHAD, chuchotant – Non je peux pas la planter pour tirer dessus juste après. Pourquoi pas Perceval ?

PERCEVAL, un rang derrière chuchotant – Ah moi j’y touche pas à Excalibur !

GALAHAD – On va quand même pas jeter un dé pour désigner quelqu’un, si ?

KARADOC, chuchotant plus ou moins – Si vous voulez moi je le fais le truc. Bon les épées c’est vrai que c’est un peu craignos mais comme c’est pas la mienne je vais pouvoir faire avec.

PERCEVAL – Vous, vous y touchez pas non plus. Excalibur c’est pas pour les faisans comme vous et moi.

KARADOC – Parce que je suis un faisan moi ?

PERCEVAL – Vous êtes même un gros faisan.

PÈRE BLAISE – Ça vous dérangerait d’écouter un peu quand je fais mon truc?

PERCEVAL – C’est pas qu’on veut pas écouter, c’est qu’on est sur un sujet hyper important là.

PÈRE BLAISE – Plus qu’un dernier hommage au Roi ?

EURYDICE – On essayait de savoir qui allait replanter Excalibur.

PÈRE BLAISE – Je pensais que comme c’était un peu en rapport avec les dieux quand même, je …

LÉODAGAN, s’avançant – Vous avez jamais su vous servir d’une épée, c’est pas pour tripatouiller celle-ci. C’est moi qui le ferait.

EURYDICE, s’avance aussi – Et en quel honneur ?

LÉODAGAN – Je suis ministre de la guerre et beau-père du Roi.

EURYDICE – Moi je suis cheffe de la Garde Royal et je suis la fille du Roi.

LE MAÎTRE D’ARMES – Il ne reste plus qu’un seul moyen de vous départager.


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Plus tard, le soleil est haut dans le ciel. Léodagan et Eurydice s’affrontent. Arthur apparaît.

ARTHUR – Mais qu’est-ce que vous fichez bon sang ! Je suis pas partie 3 jours que vous vous foutez déjà sur la gueule.

Personne ne réagit. Eurydice manque Léodagan de peu. Elle se retrouve dos à lui. Alors qu’il va lui asséner un coup d’épée, elle se retourne et le prend en pleine tronche.

PERCEVAL – Ouch, celle-là elle fait pas du bien.

GUENIÈVRE – Oh mon dieu, tu saignes partout.

UNAGI, s’approche calmement – Je vous avais dit qu’il valait mieux prendre de l’onguent. Vous auriez fait quoi sans moi.

EURYDICE – Je sais ‘as. Tout dé’pend si ‘erlin a décidé de nous aider ou ‘as.

Le chat se lève et s’étire avant de se recoucher plus à son aise sur les épaules de Perceval.

EURYDICE - ‘on ‘ah, va ‘our l’onguent.

UNAGI – Attention moi j’ai pas la magie qui va avec donc ça va piquer.

EURYDICE – Au ‘oins ça va arrêter de ‘isser le sang ‘artout.

ARTHUR – Vous êtes des grands malades ! On peut savoir pourquoi vous avez fait ça ?

Personne ne réagit.

EURYDICE – Je crois qu’on ‘eut dire que tu as gagné.

LÉODAGAN – J’espère bien oui, que j’ai pas charcuté pour rien.

EURYDICE – Des remords ?

LÉODAGAN – Ça va. Je crois que je vais pouvoir vivre avec.

ARTHUR – Vous me fatiguez. Pas un pour rattraper l’autre.

Il s’assoit sur le chariot et attend.

PÈRE BLAISE – Le Seigneur Léodagan va pouvoir remettre Excalibur dans le Rocher.

ARTHUR – Tout ça pour ça ?

Léodagan s’approche du chariot l’air satisfait. Il frôle Excalibur tout du long.

LÉODAGAN – Guenièvre ! Venez là.

GUENIÈVRE – Moi ? Mais pour quoi faire ?

LÉODAGAN – Quand on vous demande un truc vous le faites et puis c’est tout. Y a pas à poser de questions.

GUENIÈVRE, s’exécutant – Je vous rappelle quand même que je suis Reine. Si je voulais, je pourrais ne pas le faire.

LÉODAGAN – Prenez l’épée c’est vous qui allez le faire.

GUENIÈVRE – Quoi ?

LÉODAGAN – Ah vous allez pas recommencer !

Guenièvre attrape bien vite l’épée et marche vers le Rocher. Arthur regarde bouche bée puis voit Eurydice. Il bondit du chariot pour aller vers sa fille, la face à moitié recouverte d’onguent.

ARTHUR – Je la connais cette tronche que tu fais. Tu savais qu’il allait faire ça. Comment ?

Eurydice regarde Guenièvre. Arthur se tourne aussi vers elle. Elle replante Excalibur.

GUENIÈVRE – Voilà.

VENEC, à Perceval – Elle est quand même classe cette épée, comme ça, plantée dans la roche si facilement alors qu’elle n’en ressortira que pour le prochain Roi de Bretagne. Dommage qu’elle soit unique, je suis sûr qu’un truc comme ça, on en tire un bon prix.

PERCEVAL – Non l’épée était classe quand c’est Arthur qui l’avait. Là, elle a l’air toute pourrie.

Guenièvre est restée seule devant le Rocher. Arthur s’approche d’elle. Elle se met à pleurer. Galahad le traverse et va réconforter sa mère. Du coin de l’œil, il toise l’épée.

GALAHAD – Viens on rentre.

GUENIÈVRE – Et Excalibur ? Il faut que tu la prennes pour devenir Roi.

GALAHAD – C’est pas pressé. Il vaut mieux laisser aux autres l’occasion de tenter leur chance d’abord. On reviendra dans une semaine.

GUENIÈVRE – Mais …

GALAHAD – Le royaume de Logres ne va pas se consumer puisque tu es là. Allez viens.

Ils s’éloignent. Certains les suivent non sans tenter leur chance. L’épée ne bouge pas.

PERCEVAL, à Eurydice – Tu viens là ?

EURYDICE – Non. Je fermerais la marche. Partez devant.

Elle s’assoit en tailleur et regarde défiler ceux qui tire sur l’épée. Elle reste sans bouger jusqu’au crépuscule quand il ne reste plus personne mis à part Arthur assis à côté d’elle.

ARTHUR – C’est fou quand même qu’il n’ait pas voulu retirer l’épée. Il a beau dire ce qu’il veut, il a juste les miquettes de rater. Il devrait pas, je suis sûr que ça va marcher comme sur des roulettes, moi je ne savais même pas à quoi m’attendre et c’est venu tout seul alors que lui je l’ai préparé depuis qu’il est tout petit. Excalibur devrait lui bondir dans la main.

Eurydice se lève et va vers l’épée. Elle tend la main vers le manche puis se ravise.

ARTHUR – Tu la voudrais toi, Excalibur ? Tu m’as vu faire, tu saurais faire pareil. Peut-être. Sûrement … Je sens que ça va me fatiguer de jouer les fantômes.

EURYDICE – C’est justement parce que tu l’as préparé depuis tout petit que Galahad ne veut pas essayer de retirer Excalibur.

ARTHUR, surpris – Alors tu m’entends ?

EURYDICE – Si je t’entends ? Non seulement je t’entend mais je te vois, je te sens. Tout comme avant sauf que maintenant tu n’es plus là. (Eurydice montre son cœur) J’étais capable de te repérer à l’autre bout de l’Empire alors c’est pas un petit changement de plan qui va tout changer.

ARTHUR – Et tu me vois depuis le début ?

EURYDICE – Je dois dire que c’était assez divertissant de te voir gesticuler devant tout le monde pour vérifier. Alors ça fait quoi d’être mort ?

Arthur regarde ses mains.

ARTHUR – Bof. Au début je trouvais ça cool de ne plus avoir de responsabilités, de ne plus avoir faim non plus, ni soif, ni besoin de dormir et puis au final on se fait un peu chier. Mais effectivement y a le côté sympa de l’omniprésence.

EURYDICE – Tu vois les autres morts comme toi ?

ARTHUR – Tous les morts finissent pas en fantômes, sinon ce serait le bordel. Dernièrement j’ai croisé mon père.

EURYDICE – Pas de Manilius alors ?

ARTHUR – Non rien. Mais c’est mieux comme ça. S’ils avaient été là à me regarder tout le temps, je me serais fait sacrément engueulé en remontant. Pendant que j’y pense, où est Mordred ?

Eurydice le gifle.

ARTHUR, choqué – Ouïe. Comment est-ce que tu peux me toucher ?

EURYDICE – Pourquoi est-ce que tu ne lui a pas dit qu’Anna était en vie ? Pourquoi tu ne lui as pas raconté l’histoire du rêve ? Et que c’était moi qui l’avait ramené ? (Arthur attend) Je ne sais pas comment j’ai fait pour te toucher, un comportement comme ça, ça mérite une baffe c’est tout.

ARTHUR – Je me suis dit que je n’allais pas tout lui balancer d’un coup. Et puis il aurait été voir n’importe qui d’autre, on lui aurait dit que c’était toi qui l’avait à la base.

EURYDICE – Il va pouvoir demander à quelqu’un d’autre maintenant, il est parti voir Anna.

ARTHUR – Tu feras quoi s’il devient dangereux ?

EURYDICE – Qu’est-ce que tu veux que je fasse ?

ARTHUR – S’il revient et que son seul objectif c’est de tuer Galahad, tu feras quoi ?

EURYDICE – Pourquoi tout le monde veut que je zigouille mes frères ?

ARTHUR – Il faudra faire un choix.

EURYDICE – Non je trouverais un autre moyen.

ARTHUR – Et s’il n’y en a pas, d’autre moyen ?

EURYDICE – Je suis têtue. Je tiens ça de mon père.

ARTHUR – Tu ne peux pas tout me remettre sur le dos.

EURYDICE – Pourtant avec toi, c’est pas ça qui manquerait.

Arthur disparaît.

EURYDICE – Je sens que je vais détester ça.

Eurydice est seule devant le Rocher. Elle sent quelque chose sur son nez et lève les yeux. La neige commence à tomber.


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Autour de la Table Ronde, Eurydice est debout derrière le siège du Roi, vide.

LÉODAGAN – C’est quoi encore cette histoire de nouvelle fête ?

CALOGRENANT – Puisqu’on vous dit que c’est pour rendre hommage au Roi Athur au jour anniversaire de sa mort !

YVAIN – Du coup elle serait quand cette fête ?

Silence.

LÉODAGAN, à lui-même – Non mais maintenant qu’il a fondé son clan, j’ai plus rien à voir avec lui moi.

GAUVIN, à son ami – Ne vous tracassez pas l’esprit, je me chargerais de vous le rappeler.

PERCEVAL, à Karadoc – Pourquoi est-ce qu’on fêterait la mort du Roi ?

EURYDICE – On ne va pas fêter la mort d’Arthur …

BOHORT – Il s’agit de célébrer l’union et le rassemblement au plus fort de l’hiver, ces valeurs que portaient si bien notre défunt souverain.

LÉODAGAN – Non mais qui a eu une idée pareille.

GUENIÈVRE, entre – C’est moi.

Elle hésite à s’installer.

EURYDICE, bas à Guenièvre – Vas-y, c’est ta place maintenant.

YVAIN – Non mais vous allez pas venir ici, aussi ?

GAUVAIN – De plus il me semble que ce siège était habituellement réservé au Roi.

KARADOC – C’est vrai ça. Comme il est mort qu’est-ce qu’on fait ? Parce que moi je vous préviens, il est pas question que je reprenne le truc.Déjà la dernière fois, ça m’a saoulé …

CALOGRENANT – Rassurez-vous, on vous demande rien du tout.

LÉODAGAN – Je préfère encore supporter Guenière à la Table Ronde que de me farcir encore celui-là sur le trône.

BOHORT, à Guenièvre – Asseyez-vous donc. Peut-être apporterez vous la délicatesse qui fait si souvent défaut autour de cette table.

La Reine prend place.

GUENIÈVRE – Alors de quoi discutez vous habituellement autour de la Table Ronde ?


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Dans une salle du château, un groupe hétéroclite d’enfants d’Arthur et de jeunes sont installés. Certains sont assis par terre d’autres ont trouvé une caisse ou un sac de paille. Ils s’éclairent à la torche. Ils jouent.

UNAGI – Mais Sagamora si tu étais orc tu ne pouvais pas attaquer sans graaler.

SAGAMORA – Oui mais si je graale, ceux qui ont une garde supérieure à deux fois la mienne sont intouchables.

EURYDICE – Sauf dans le cas où un autre orc aurait coulé avant toi.

SAKOR – Ou bien si un nain avait coulé deux fois de suite pour tenter la piochinette double.

SAGAMORA – Avec vos règles, on s’y retrouve jamais dans les races, y en a plein et en plus plusieurs de la même.

EURYDICE – Oui mais avec les règles à la romaine on ne peut pas jouer à autant.

UTHER – Il existe même pas ce jeu à Rome !

EURYDICE – Je dis « règle à la romaine » c’est façon de parler. C’est parce que je vous les ai appris comme ça à Rome mais à la base c’est une variante dont j’ai entendu parler dans un bar moisi je-ne-sais-plus-où.

GALAHAD – Pour vous il y a quoi comme différence entre l’enchanteur et le druide ?

JANE – Leur lance et leur garde peuvent être inversées au début de partie, tout dépend du premier jet de dé et de l’âge du meneur qui fixe leur monture entre cheval, chèvre ou poulet.

KADOC – Elle est où la poulette ?

FAKIR – Oui mais après trois lancés de 30 à 36, tout le monde récupère le dragon et on les classe selon la taille des plumes.

EREC – Les parties au dragon ça avantage toujours les Chevaliers ou les grenouilles.

GAHERIS – Ça dépend si dans le jeu on a une Reine avec au moins + 3 en souveraineté, ça rééquilibre.

GALAHAD – Sauf que dès que tu as deux Chevaliers en tête c’est presque impossible de placer ta Reine correctement.

FILS DU CORDONNIER – C’est pour ça qu’on devrait toujours avoir au moins deux fées par partie quand on est plus de 15. Après au dessus de 20 il suffit d’un bon imperator et le jeu se régule tout seul.

SAKOR – Un bon imperator, c’est facile à dire. Dans les tours en quête c’est jouable mais dès qu’on passe en campagne même le rôle de soutient se tient à peine, alors on parle même pas des tours en château …

JANE – Si tu fais un 3 ou un 5 tu peux toujours tenter une quête du Graal.

NAZIM – Et devoir jouer à la bretonne pendant 2 à 7 tours ? Non merci.

FILLE DU TANNEUR – Si le jeu change de main ?

JANE – Il faudra toujours attendre une graalette ou une graatine.

SAKOR – À moins que le sens du jeu ne tourne que d’un demi seulement.

EURYDICE – À ce compte-là autant tenter tout de suite l’Excalibur doublée ou triplée.

KADOC, à Sagamora – Elle joue ou elle joue pas ? Sinon Kadoc il va graaler sec.

SAGAMORA – Encore ! Mais je venais juste d’augmenter de 3 ma bonne patte.

UTHER – C’est le jeu …

EURYDICE – Encore une chance qu’on ne joue pas à l’armoricaine …


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Dans la chambre d’Eurydice, elle dort. Arthur apparaît.

ARTHUR, tout bas – Psst … Psst …

EURYDICE, toujours les yeux fermés – Arrête le tir tout de suite, tu vas pas commencer à me faire des bruits d’animaux.

ARTHUR – Désolé, je croyais que tu dormais alors …

EURYDICE, se retourne vers lui – Mais je dormais. Jusqu’à ce que mon père décédé ne revienne me voir sous forme spectale.

ARTHUR – Je repasserais peut-être un autre moment.

EURYDICE, se redresse – Ah non maintenant que tu es là, tu la craches ta pastille.

ARTHUR – C’est à propos d’Unagi. (Eurydice se lève et s’habille) Je pense qu’il lui serait profitable d’aller faire un tour chez le duc d’Aquitaine.

EURYDICE – En Aquitaine rien que ça.

ARTHUR – Oui je sais, c’est pas la porte d’à côté.

EURYDICE – Mais le duc a le profil parfait pour lui enseigner des savoirs fondamentaux sur comment être un chef quand on est un gentil.

ARTHUR – Exactement !

EURYDICE – Ça vaudrait le coup, mais tu comptes le laisser partir tout seul, le petit ?

ARTHUR – Pas vraiment … j’avais pensé par exemple à Sakor.

EURYDICE – Très bien, j’irais demander son avis à la Reine. Si elle est d’accord, je les envoie dans la semaine.

ARTHUR – Alors ça y est la Reine est … Reine.

EURYDICE – Oui. Il y a encore quelques cafouillages mais elle progresse vite.

ARTHUR – C’est comme ça quand le peuple vous donne du Sire et que tout à coup on vous consulte pour toutes les questions importantes. Tu ne vas pas aller la voir maintenant, si ?

EURYDICE – Non elle doit encore dormir, elle, et puis pour peu que je réveille Merlin et Perceval dans la foulée …

ARTHUR – Pourquoi Merlin et Perceval ?

EURYDICE – Depuis que tu es mort ils squattent la chambre de la Reine. Perceval parce qu’il veut la protéger. Merlin parce que c’est le lit le plus douillet du château.

ARTHUR – Et que disent les gens ?

EURYDICE – Pas grand-chose. Il y a bien une rumeur qui circule mais ça a plutôt l’air de renforcer la popularité de Guenièvre parce que du coup, ils l’imaginent un peu plus …

ARTHUR – Plus ?

EURYDICE – Plus … voilà quoi.

ARTHUR – Je ne vois même pas comment ils tiennent à 3 dans le même pageot.

EURYDICE – Guenièvre à sa place, Perceval à la tienne et Merlin entre les deux. Ah oui mais c’est peut-être parce que tu n’es pas au courant. Merlin est un chat.

ARTHUR – Il est encore dans sa semaine du chat ou je ne sais quoi ?

EURYDICE – Non, là c’est de sa propre volonté. Depuis que tu es mort, il est toujours resté en chat.

ARTHUR – Donc il n’y a même plus de druide à Kaamelott. Mais qu’est-ce qui lui prend ?

EURYDICE – Il est triste. Il porte encore le deuil, à sa façon. Comme ces petits gens que je croise parfois dans la rue, et qui faute de vêtements noirs, se badigeonnent avec du charbon de bois. Ils ne s’y prennent peut-être pas dans les règles de l’art mais au moins eux, ils sont tristes pour de vrai. Merlin c’est pareil. Quand je partage ses rêves en ce moment, je passe mon temps à le consoler.

ARTHUR – Tu crois que si j’allais le voir ça irait mieux ?

EURYDICE – Il est druide. Il sait que tu as simplement changé de plan. C’est le sentiment de t’avoir perdu dans celui-ci qui le mine. Aussi parce qu’avec son père, il ne pourra jamais te rejoindre après sa mort à lui. Mais allez viens, on va se promener.


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Dans la chambre royale, Guenièvre s’éclaire à la bougie. Elle compulse des parchemins. À côté d’elle Perceval dort, Merlin sur la poitrine. Guenièvre fronce les sourcils, reprend d’autres parchemins, compare. Elle les met de côté et continue.


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Du haut des remparts, Arthur et Eurydice.

ARTHUR – Quand je suis arrivé en Bretagne, je me suis dit que ce serait jamais chez moi, que je ne me sentirais à la maison qu’à Rome. Ce vent toujours froid, ces grandes plaines vides, cet hiver qui dure des mois, et les gens …

EURYDICE – Pourquoi tu n’es jamais parti alors ? Pourquoi lors d’une de tes escales à Rome, tu ne t’es jamais caché dans la villa Aconia pour ne plus revenir ?

ARTHUR – Parce qu’il y a quelque chose ici, que je n’aurais jamais là-bas. À Rome les gens sont peut-être raffinés et les maisons sont belles mais elles ne sont pas à moi. Ici c’est moi le Roi du bled. Ces cahutes en merde séchées, ces terres qui ne font pousser que des pommes et qui se couvrent de neige 4 mois dans l’année, c’est à moi. Ce peuple, c’est mon peuple. J’avais mon mot à dire, même quand on ne me le demandait pas. J’avais l’épée. Je n’avais plus à regarder les autres se faire malmener sans rien dire. Quand je disais stop, c’était stop.

EURYDICE – Moi la Bretagne je l’ai rêvé toute ma vie. Quand j’étais gamine je voulais absolument la voir, mais pas comme une voyageuse errante. Je voulais la voir comme ça, parce que j’ai toujours su que c’était ma place.

ARTHUR – Sur les remparts ?

EURYDICE – Non à tes côtés. Mais comme ta place à toi, c’était ici ça revient un peu à la même chose.

ARTHUR, hésitant – Et si …

EURYDICE – Allez vas-y.

ARTHUR, fuyant – Et si j’étais mort dans mon bain, tu aurais fait quoi ?

EURYDICE – Tu veux dire si tu avais réussi ton coup et que moi-même par la suite, je m’en serais pas morte ?

ARTHUR – C’est ça.

EURYDICE – Je n’aurais peut-être pas eu d’autre choix que de retourner au Rocher pour prendre Excalibur et chasser Lancelot à grands coups de pompe dans le fion.

ARTHUR – Tu penses vraiment que tu pourrais retirer Excalibur du Rocher ?

EURYDICE – J’en suis sûre.

Perceval arrive. Tout endormi il pisse par dessus le rempart.

ARTHUR – Ça va. On vous gêne pas ?

EURYDICE – Ça sert à rien, il entend pas.

PERCEVAL – Ah Eurydice t’es là ? Je t’avais pas vu.

EURYDICE – Salut Perceval, bien dormi ?

PERCEVAL – J’y retourne là parce que Merlin il a ronflé toute la nuit alors maintenant qu’il fait plus de bruit j’en profite. Et tu feras gaffe t’as un fantôme qui te colle au basque.

ARTHUR, surpris ensemble – Vous pouvez me voir ?

EURYDICE, ensemble – Tu peux le voir ?

PERCEVAL – Non je les vois pas. Par contre j’ai une tante qui dit qu’elle peut leur parler mais comme on n’est pas sûr qu’elle ait déjà bu de l’eau dans sa vie, on y croit moyen.

Perceval s’en va.

ARTHUR – Ça va il a pas l’air triste, lui.

EURYDICE – Oulà attention. Perceval il paraît normal comme ça mais dès que quelqu’un parle de toi pour faire autre chose qu’un éloge, il s’enferme.

ARTHUR – Il s’enferme ? Il se referme plutôt non ?

EURYDICE – Non, non, il s’enferme. Dans une pièce, dans un placard …

ARTHUR – Dans un tonneau ?

EURYDICE – Il nous l’a déjà fait une fois oui. C’était un tonneau poissé, presque hermétique. Il a failli y rester, quand on l’a sorti il était tout collant ça a mis une semaine à partir. Depuis on fait attention à ce qu’on dit et on range les tonneaux.

Arthur sourit.

EURYDICE – Tu ne devrais pas rire.

ARTHUR – Si parce qu’en fait je me rends compte que quand c’est vu de l’extérieur et qu’on a pas à s’en occuper soi-même, c’est ridicule comme situation.

EURYDICE – Je t’assure que quand on doit la gérer aussi c’est ridicule.

ARTHUR, souriant – Oui mais moi je peux en rire.

Arthur commence à rire. Eurydice ne garde pas longtemps son calme et le suit.


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Dans la chambre, Léodagan et Séli.

SÉLI – Qu’est-ce que c’est que ce souï ?

LÉODAGAN, demi-endormi – C’est rien, c’est les enfants qui sont réveillés.

SÉLI - « C’est rien ». Non mais vous vous foutez de qui ? On aurait déplacé la basse-cour dans la piaule d’à-côté que ça aurait fait moins de bruit.

LÉODAGAN – Ah bah oui c’est sûr, les enfants ils sont organisés dans la connerie. Mais laissez-les si on les entend c’est qu’ils s’amusent.

SÉLI – Vous vraiment, plus ça va, plus vous mollissez.

LÉODAGAN – Ils attendent au moins que le jour soit levé, il pourrait y avoir pire.

SÉLI – Quelle idée de les avoir tous mis dans la même chambre.

LÉODAGAN – Ça leur permet de créer des liens, ça leur servira plus tard.

SÉLI – À quoi ? À savoir qui inviter pur les anniversaires ?

LÉODAGAN – Moquez-vous donc. N’empêche que ça peut tirer de sacrés mauvaises situations.

SÉLI – Sauf que quand vous vous retrouvez au cachot, relation ou pas relation, vous y restez.

LÉODAGAN – Et bien justement non alors libérez le plumard au lieu de m’empêchez de dormir.


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Salle du trône.

GUENIÈVRE – Alors comme ça vous vouliez revendre les esclaves que vous aviez libéré ?

VENEC – C’est pas que je voulais les vendre … Qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse moi après ?

GUENIÈVRE – Et bien demandez-leur leur avis.

VENEC – Non mais vous vous rendez pas compte. Une fois que vous leur avez enlevé les chaînes, ils ne vous lâchent plus !

GUENIÈVRE – Et bien prenez les avec vous.

VENEC – Vous avez une idée du nombre d’esclaves que ça représente ? Si je fais ça il me faut au moins 2 autres bateaux avant la fin de l’année.

GUENIÈVRE – Soit on va vous les trouvez ces bateaux. En échange vous serez aussi chargé de les instruire.

VENEC – Quoi ?

GUENIÈVRE – Bah oui. S’ils travaillent pour Kaamelott, il faut au moins qu’ils parlent la langue.


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Dans les couloirs, Arthur et Eurydice discutent. Soudain Arthur s’arrête.

ARTHUR – C’est fou avec la lumière des torches ta cicatrice ressort plus.

EURYDICE – Comme si au grand jour elle se faisait discrète.

ARTHUR – Pourquoi tu t’es retournée ce jour-là ? Pourquoi tu n’as pas fait le dos rond comme on l’aurait tous fait ?

EURYDICE – Et laisser le papy-gâteau m’atteindre dans le dos ? Jamais ! Plutôt une balafre de face qu’une égratignure dans le dos.

ARTHUR – C’est complètement débile comme logique. Parfois il faut savoir mettre sa fierté de côté pour progresser … ou rester en vie.

EURYDICE – Je trouve ça un peu déplacé de recevoir des leçons de la part d’un mec qui a préféré s’ouvrir les veines plutôt que de confier à sa femme qu’il allait mal.

ARTHUR – Ça n’a rien à voir.

EURYDICE – Redis-moi ça en me regardant dans les yeux !

Calogrenant arrive. Il regarde Eurydice bizarrement.

CALOGRENANT – Tout va bien ?

EURYDICE – Parfaitement bien merci.

CALOGRENANT – Tu ne viens pas à la réunion de la Table Ronde aujourd’hui ?

EURYDICE – Bien sûr que si. C’est quand ?

CALOGRENANT – La Reine nous a convoqué maintenant.

EURYDICE – Je te suis alors.

Arthur a disparu.


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Dans la salle de la Table Ronde.

GUENIÈVRE – Si je vous ai demandé de venir aujourd’hui, c’est parce que je me trouve face à un problème. Avec tous les évènements de ces dernières années, certains héritages ne sont pas clairs.

CALOGRENANT – J’ai rien compris.

GUENIÈVRE, à Gauvain – Vous par exemple, à son exil votre père vous a nommé Roi d’Orcanie mais vous êtes aussi chef d’un clan autonome. (à tous) Que fait-on dans ce cas-là ? Le cas d’Yvain est presque le même d’ailleurs.

LÉODAGAN – Sauf que Yvain il a eu des enfants. Je pensais que du coup c’était directement avec eux qu’on réglerait la succession de la Carmélide et de …

GAUVAIN, fier – Des Petits Pédestres.

LÉODAGAN – Voilà.

YVAIN – Après faudra quand même faire le tri parce qu’ils sont bientôt quatre.

CALOGRENANT – Ce sera comme pour les autres, c’est l’aîné qui prévaut.

BOHORT – Moi je ne suis pas le plus âgé de ma fratrie.

GUENIÈVRE – Bon et bien la question de la Carmélide ne se pose pas mais qu’en est-il de l’Orcanie ?

GAUVIN – Moi je préfère vous avertir, cela me gène de reprendre la place de mon père.

GUENIÈVRE – L’un de vos enfants pourra reprendre le flambeau à votre place. Pour Tintagel j’avais pensé à Mordred mais comme il n’est toujours pas revenu …

KARADOC – Je comprends pas ce qu’il vient faire là-dedans.

LÉODAGAN – C’est vrai ça. Pourquoi on en donnerait toujours plus au bâtards d’Arthur, moi aussi j’en ai !

GUENIÈVRE – Ederne a tout de même été faite Chevalier. Quant à Tintagel, Arthur en était un successeur parfaitement légitime.

CALOGRENANT – Excusez-moi mais des bâtards de demi-sœur, ou des bâtards de bâtard c’est un peu léger comme parentèle.

GUENIÈVRE – Sinon il y aurait une nouvelle fois Gauvain par sa mère, mais s’il ne veut pas de l’Orcanie, il y a peu de chance que Tintagel l’intéresse.

GAUVAIN – Vous avez là bien raison ma Reine.

LÉODAGAN – Et vous avez quoi comme autre famille ?

GAUVAIN – Mon père, ma mère et mon oncle.

PERCEVAL – C’est tout ? Moi au Pays de Galle j’ai assez de cousins pour faire une tour avec.

GUENIÈVRE – Gauvain acceptez-vous d’assurer la gouvernance de l’Orcanie avec vos enfants jusqu’à ce qu’ils deviennent assez grands pour être couronnés ?

GAUVAIN – Il me siérait, si vous me le demandez.

GUENIÈVRE – Bien. Pour Tintagel je laisserais Dame Cryda mener son pays jusqu’au retour de Mordred. Avez-vous des questions ? Bon et bien … à la prochaine fois.

Ils quittent la salle.

EURYDICE – Guenièvre, je pourrais te parler de quelques chose ?

Guenièvre pousse un long soupire, sa posture se détend et un sourire apparaît sur ses lèvres.

GUENIÈVRE – Vas-y.

EURYDICE – On devrait envoyer Unagi en Aquitaine.

GUENIÈVRE – En Aquitaine ? Je suppose que tu veux qu’il aille à la cour du Duc ?

EURYDICE – Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi doux que lui alors qu’il est tout de même à la tête de la deuxième puissance du royaume.

GUENIÈVRE – Tu voudrais l’envoyer avec qui ? Et pour combien de temps ?

EURYDICE – Je veux assigner Sakor à la mission. Quant à la durée du voyage … cela dépendra d’Unagi, cela dépendra du Duc.

GUENIÈVRE – Accordé. Tu peux tout mettre en place. Mais ne raconte pas que l’idée vient de moi sinon mon père va encore venir me souffler dans les narines.

Eurydice s’incline et sort. Mu et Nu entrent dans la pièce pour la remplacer.


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Dans le couloir Eurydice est rapidement rattrapée par Arthur.

EURYDICE – Alors ? Peur d’entrer de nouveau dans la salle de la Table Ronde ?

ARTHUR – Pas du tout.

EURYDICE – Pourtant tu as déguerpis comme Yvain devant une guêpe, sans dire au revoir ni demander ton reste.

ARTHUR – Pourquoi est-ce que je dirais au revoir puisque je suis déjà de retour ?

EURYDICE – Pourquoi s’en aller simplement au moment de la Table Ronde ?

Arthur reste muet.

EURYDICE – La Reine a accepté ton projet. Je vais voir Sakor et Unagi pour leur annoncer la nouvelle.

SAKOR, arrivant – Quelle nouvelle ?

EURYDICE – Tu pars en mission. Une mission longue. Tu accompagneras Unagi jusqu’au duc d’Aquitaine. Une fois là-bas tu devras être sa protectrice, sa servante, sa confidente, enfin tout ce dont il pourra avoir besoin.

Depuis qu’elle a entendu le mot « mission » Sakor se tient droite comme un i, la main sur la garde de l’épée. À la fin elle acquiesce solennellement et s’en va.

ARTHUR – Ça au moins c’est vite plié.

EURYDICE – C’est avec Unagi que ça pourrait être plus compliqué.


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Dans le dortoir des enfants et Kadoc. La pièce est grande et ouverte sur 3 dépendances d’où provienne aussi du bruit. Dans la grande pièce les enfants se défoulent dans un jeu à quatre balles et deux couleurs différentes qui volent simultanément.

KADOC – Gaheris ! Uther ! Flavie ! Erec ! Uther ! Belane ! Lion ! Uther !

UTHER – Ah non mais cette fois ça a pas touché !

KADOC – Des pieds à la tête, la balle qui touche écrase comme un rocher.

FLAVIE, à Uther – Laisse, tu sais bien qu’en arbitre Kadoc a toujours raison.

Uther soupire et relance. Tous ignorent la présence d’Arthur et évitent Eurydice. Dans la première dépendance Fakir et le fils du cordonnier se battent avec des bâtons. Dans la deuxième Perceval fait face aux plus jeunes.

PERCEVAL – Attention ça va aller vite … Soldat !

Ils lèvent presque tous la main.

PERCEVAL – Bravo. Vous êtes bons. Salut Eurydice.

EURYDICE – Salut Perceval.

ARTHUR – Il n’a rien d’autre à faire que d’amuser les gosses. C’est un Chevalier ou non ?

EURYDICE – Il s’occupe des enfants sur ordre de la Reine elle-même. Il leur apprend plein de jeux du Pays de Galles et les enfants adorent quand il se met à parler du ciel et de l’espace.

ARTHUR – Et ils bitent quelque chose à ce que Perceval raconte ?

EURYDICE – Bien mieux que nous apparemment.

Dans la troisième dépendance la fille du vanneur joue du oud, le fils du potier chante pour l’accompagner et Unagi dessine. Quand ils la voient entrer, tous s’arrêtent.

EURYDICE – Unagi il faut que je te parle.

UNAGI – Tu peux le faire ici.

EURYDICE – J’aimerais que tu partes en Aquitaine.

UNAGI – Pour quoi faire ?

EURYDICE – Pour rencontrer le duc d’Aquitaine.

FILLE DU VANNEUR – Pour combien de temps est-ce qu’il partirait ?

EURYDICE – Tout dépend du duc. Je lui ai envoyé un pigeon ce matin.

UNAGI – Quand est-ce que je dois partir ?

EURYDICE – Dès que l’oiseau portant la réponse sera revenu.

UNAGI, s’incline – Bien.

EURYDICE, quittant son ton officiel – Unagi, ça va aller ?

UNAGI – Si on veut m’envoyer auprès du duc d’Aquitaine c’est que vous me considérez comme un chef potentiel alors j’irais. Je pleurerais la séparation avec mes amis et ma famille une fois sur la route.

EURYDICE, lui posant la main sur la tête – Je suis fière de toi. Tu le sais ça ?

Unagi se lève et l’embrasse.


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Dans le couloir.

NU – Eurydice ! La Reine veut aller au lac. Elle demande à ce que ce soit toi qui l’accompagne.

EURYDICE – Je l’attends dans la cour.

Nu s’incline et repart.

ARTHUR – Si c’est une virée entre filles moi je vous laisse alors.

EURYDICE – Même si tu es là, ça restera une virée entre filles puisque tu es mort.

ARTHUR – Non mais t’inquiète, pas la peine de …

Arthur disparaît. Eurydice soupire et descend dans la cour.

EURYDICE, à Guenièvre – Ah tu es déjà là. Je n’ai pas eu le temps de préparer les chevaux …

GUENIÈVRE – Ce n’est pas grave. Je voulais y aller à pied de toute façon.

EURYDICE – Je te suis.


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Plus tard, au bord du lac.

EURYDICE – Tu as l’air soucieuse.

GUENIÈVRE – Je me posais une question.

EURYDICE – Oui ?

GUENIÈVRE – Tu ne vas pas te moquer ?

EURYDICE – Je suis presque blessée que tu me demandes ça.

GUENIÈVRE – Comment est-ce qu’Arthur faisait pour être Roi ?

EURYDICE – C’est-à-dire ?

GUENIÈVRE – Quand les gens le regardaient, ils voyaient un Roi. Tout le temps il avait ce petit truc qui faisait dire « Ah lui c’est le Roi ». Il savait toujours quoi faire et les gens l’écoutaient. Comment est-ce qu’il arrivait à faire ça ?

EURYDICE – C’est lui qui a retiré Excalibur du Rocher.

GUENIÈVRE – Tu veux dire qu’il n’avait pas le choix ? Peut-être mais pour quelqu’un qui n’avait pas le choix, il a vachement bien tenu son rôle. Moi on m’a forcé aussi et bien j’ai l’impression que je n’y arriverais jamais.

Eurydice se tourne vers le lac.

EURYDICE – Un jour, il y a longtemps, alors qu’Arthur n’était même pas Roi de Bretagne, quelqu’un lui a dit qu’on ne devenait pas chef de guerre parce qu’on le méritait.

GUENIÈVRE – Ah bah c’est sûr que moi je ne le mérite pas du tout ! Paf, Arthur meurt, qui c’est qu’on va prendre ? Guenièvre tiens.

EURYDICE – Pourtant quand tu sièges à la Table Ronde tu en jettes.

GUENIÈVRE – Je fais semblant c’est tout. Sinon ils n’écoutent rien. Mais moi à l’intérieur je suis morte de peur. Heureusement que tu es là sinon j’aurais déjà pleuré.

EURYDICE – Tu verras, un jour tu n’auras plus besoin de faire semblant.

GUENIÈVRE – C’est ce gars-là qui a dit ça à Arthur ?

EURYDICE – Oui.

GUENIÈVRE, moqueuse – Et bien dis donc, c’était un sacré sage.

EURYDICE – Arthur a écouté tous ses conseils. C’est peut-être grâce à lui qu’il a décidé de venir en Bretagne et qu’il a pu endosser son rôle de Roi. Ce « sacré sage » comme tu dis était empereur romain et il est peut-être l’homme qu’Arthur a le plus respecté dans sa vie.

GUENIÈVRE, s’écrase – Je suis désolée.

EURYDICE – Pas la peine de l’être, il suffit de retenir la leçon. C’est ce qu’Arthur a fait et depuis il a toujours fait de son mieux.

Guenièvre fond en larmes. Eurydice la prend dans ses bras.

GUENIÈVRE, reniflant – C’est ce que je vais faire. Si … seulement Arthur était … lààààà.

Elle pleure.

EURYDICE, regarde au ciel – Oui, si seulement …


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Salle de la Table Ronde.

GUENIÈVRE – Alors comment ça se passe cette flotte ?

VENEC – Pas trop mal.

GUENIÈVRE – On est rendu à combien de navires ?

VENEC – 12. Un pour chaque Galessin. Moi je fais la navette entre les équipages pour voir si tout se passe bien.

GUENIÈVRE – Et pour l’instruction des affranchis?

VENEC, montrant les quatre personnes qui l’accompagnent – Ça avance bien. Je vous ai amené ceux-là pour vous montrer.

GUENIÈVRE, aux affranchis – Bonjour. Comment vous appelez-vous ?

NUMIS, avec un fort accent égyptien – Je m’appelle Numis, ma Reine. (désignant le Grec) Lui c’est Corynthos. (désignant l’asiatique) Elle c’est Li. (désignant le nordique) Et lui c’est Radzz.

GUENIÈVRE, à Numis – Pourquoi est-ce qu’il n’y a que vous qui répondez ?

NUMIS – Numis sait parler ma Reine. Corynthos sait compter. Li sait écrire. Radzz sait lire.

GUENIÈVRE, à Venec – Pourquoi est-ce qu’ils ne savent faire qu’une seule chose ?

VENEC – C’est une idée de Galessin XI. Il pense que le plus efficace c’est de bien leur apprendre pour en avoir un de chaque par bateau et après de les laisser s’apprendre entre eux. Je dois dire que ça marche plutôt pas mal. Bon évidement ceux-là, ils viennent du dernier navire alors on en est qu’au début.

GUENIÈVRE – J’espère pour vous.


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Salle du trône.

GUENIÈVRE – Qui est la prochaine doléance ?

EURYDICE, regarde le registre – Une certaine Cinamia, elle vient de loin pour demander notre aide.

GUENIÈVRE – Et bien faites la rentrer.

Une femme maure entre. Elle est vêtue de haillons.

CINAMIA – Sire, j’implore votre aide. J’ai perdu ma fille sur vos terres j’aimerais pouvoir la chercher sans craindre pour ma vie.

GUENIÈVRE – Perdre un enfant, c’est terrible.

GALAHAD – Comment ça vous l’avez « perdu » ?

CINAMIA – Ce n’est pas moi, c’est mon époux. Il voulait absolument garçon et moi je lui ai fait fille. Il l’a emmené avec lui en campagne ici soi-disant pour apprendre. Elle est jamais revenue. Il a dit qu’elle était morte dans le voyage, moi je suis sûre qu’il a abandonné ici.

EURYDICE – Une invasion maure ? On n’a pas eu ça récemment.

GUENIÈVRE – Quel âge a-t-elle votre fille ?

CINAMIA – Elle a 2 ans, depuis 8 ans.

GUENIÈVRE – Ça c’est passé il y a 8 ans ? Pourquoi ne venir que maintenant ?

CINAMIA – Mon mari vient de me jeter.

GALAHAD – Il y a 8 ans vous dites ?

EURYDICE – Est-ce que vous avez d’autres précisions sur votre fille ?

CINAMIA – Elle s’appelle Nazim. J’avais brodé son nom sur toutes ses affaires.

GUENIÈVRE – Ce n’est pas comme ça qu’elle s’appelle la fille de Gauvain ?

EURYDICE, s’éclipse – Donnez-moi 20 minutes, je vous ramène les deux.

GUENIÈVRE – On te rejoint dans la cour.

Eurydice sort.


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Près de Kaamelott, Yvain, Gauvain et les enfants. Eurydice arrive à cheval.

EURYDICE – Gauvain, Nazim venez avec moi.

GAUVAIN – Cela ne pourrait-il pas attendre que nous ayons terminé notre cueillette ?

EURYDICE – J’ai bien peur que non et dépêchez-vous de grimper, on est pressé.

GAUVAIN – Sur le cheval ? Je ne peux pas cela va à l’encontre du principe des Petits Pédestres !


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Eurydice fait route vers Kaamelott. Gauvain est ligoté, passé en travers du cheval, Nazim sur lui.

EURYDICE, à Nazim – Tu le tiens bien ton papa d’accord. Sinon il va tomber. (à Gauvain) Toi tu ne t’agite pas comme un ver, si tu tombes Nazim va s’en vouloir.

GAUVAIN – C’est vraiment faire preuve d’une force de persuasion incroyable que de me faire monter à cheval.

NAZIM – On va où ?

EURYDICE – Tu verras.


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Dans la cour, Eurydice entre. Elle descend elle-même avant de poser à terre Nazim et puis de s’occuper de libérer Gauvain.

EURYDICE – Les voilà.

GUENIÈVRE, à Cinamia – Est-ce que vous reconnaissez votre fille ?

Cinamia tombe à genoux et écarte les bras pour accueillir l’enfant mais Nazim reste près de Gauvain dont Eurydice termine de détacher les mains.

CINAMIA – Ma chérie c’est moi, c’est maman. Tu viens me voir ?

Nazim se cache derrière Gauvain. Ce dernier fixe étrangement Cinamia. Eurydice le pousse un peu pour qu’il s’approche.

NAZIM, plaintive – Papa …

Cet appel sort Gauvain de sa rêverie.

GAUVAIN, à Eurydice – Qui est cette femme ?

EURYDICE – Apparemment c’est la mère de Nazim.

Gauvain prend Nazim dans ses bras.

CINAMIA, à Guenièvre – Qui est cet homme ?

GUENIÈVRE – C’est le père adoptif de Nazim. C’est lui qui l’a trouvé et qui l’a élevé.

CINAMIA – Merci monsieur d’avoir pris soin de ma fille.

Elle s’approche. Nazim resserre son étreinte autour de Gauvain.

CINAMIA – C’est moi Nazim, tu ne me reconnais pas ?

L’enfant cache son visage dans le cou de Gauvain qui fixe encore bêtement Cinamia.

NAZIM, apeurée – Papa …

GAUVAIN, reprenant ses esprits – Je suis désolé ma…demoiselle mais Nazim n’a pas de parents mis à part moi.

CINAMIA – Mais puisque je vous dis que je suis sa mère. Regardez je lui ai même transmis ma tâche de naissance.

Elle remonte sa robe jusqu’au nombril. Une marque marron fait comme un arc de cercle sous le nombril.

GAUVAIN, adresse un regard triste à Guenièvre – Elle ne va pas me prendre ma fille si ?

EURYDICE – Tu ne peux pas l’empêchez de voir sa fille.

GUENIÈVRE – Mais j’y pense, Dame Cinamia si votre mari vous a répudié que vous reste-t-il là-bas chez vous ?

CINAMIA, tragique – Rien, absolument rien. Je n’ai plus que ma fille dans la vie, si vous m’empêchez de la voir vous m’ôtez ma seule raison de vivre.

GUENIÈVRE – C’est très bien ça. Vous allez pouvoir rester ici alors.

CINAMIA – Comment ?

GUENIÈVRE – Il ne vous reste rien en Maurétanie autant vous épargnez le voyage. De plus vous avez constaté par vous-même que Nazim ne voulait pas partir. Elle est chez elle en Bretagne et si vous acceptez de rester vous serez aussi bientôt chez vous. Et le seigneur Gauvain pourra vous héberger et vous faire connaître votre fille et sa famille. Seigneur Gauvain ?

GAUVAIN – Ça veut dire qu’on ne m’enlève pas Nazim ?

CINAMIA, se prosterne front contre le sol – Merci mille fois Sire.

GUENIÈVRE – Je vous laisse entre les mains du seigneur Gauvain.

Ils sortent.

EURYDICE, à Guenièvre, moqueuse - « Entre les mains du seigneur Gauvain » vraiment ? Tu ne crois pas que tu en fais un peu trop ?

GUENIÈVRE – C’était très mignon la façon dont il la regardait.

EURYDICE – C’est une bonne chose que d’avoir demandé à ce qu’elle habite avec Gauvain. Je suis sûre qu’entre ces deux-là, les choses pourraient bien se passer.


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Dans la cour, Sakor et Unagi sont à cheval.

DÉMETRA, à Yvain – Ne me dites pas que vous allez laisser faire ça !

YVAIN – Faire quoi ? Unagi part en Aquitaine. C’est pas le bout du monde.

DÉMETRA – Vous savez même pas où c’est l’Aquitaine. Et puis on vous annonce ça du jour au lendemain ça vous fait pas plus réagir que ça.

SAKOR, à Démetra – Ne vous inquiétez pas madame, j’assure sa sécurité.

DÉMETRA – Mais vous partez avec trois fois rien.

UNAGI – Maman, je t’ai déjà dit que nos affaires étaient sur le bateau.

DÉMETRA – Vous n’avez pas pris n’importe quel passeur hein ?

GUENIÈVRE – Ne vous faites pas de soucis. J’ai demandé à Venec lui-même de les emmener.

EURYDICE – Tout a été prévu. Il ne peut rien leur arriver.

LÉODAGAN, bas à Unagi – Fais attention quand même. S’il y en a un qui te revient pas, chez les gars de Venec, tu n’hésites pas. Tu l’étales comme je t’ai montré.

UNAGI – Oui papy.

DÉMETRA – Et tu nous envoies un pigeon pour nous dire que tu es bien arrivé.

UNAGI – Oui maman.

Eurydice donne une tape sur la croupe du cheval d’Unagi.

EURYDICE – Partez, ils ne vous lâcheront jamais sinon.

Sakor et Unagi partent au galop.

LÉODAGAN – Non mais de quoi je me mêle toi. On t’a demandé ton avis ?

EURYDICE, à Léodagan et Démetra – Non mais regardez vous tous les deux. À son âge je traversais déjà l’empire toute seule.

DÉMETRA, se rapproche, menaçante – Évidement toi tu es une sauvage.

LÉODAGAN – Unagi c’est un petit qui en a dans le ciboulot. Ça peut faire des envieux.

Eurydice se retrouve coincée contre les écuries. Elle bondit sur un cheval et fuit la cour au triple galop.

EURYDICE – Désolée mais à deux contre un, je ne peux pas me défendre. Et puis je ne frappe ni les vieillards ni les femmes enceintes !

ARTHUR, derrière elle sur le cheval – Salut.

EURYDICE – Tiens ça faisait longtemps.

ARTHUR – J’avais des trucs à régler.

EURYDICE – Pendant deux jours ? Prends moi pour une bille.

Eurydice chevauche jusqu’au lac. Galahad est assis sur le bord. Eurydice attache le cheval à un arbre à côté de celui de Galahad et va s’asseoir à côté de lui.

GALAHAD – Ils sont bien partis ?

EURYDICE – Pour eux pas de problème. C’est à Démetra et Léodagan que ça va faire vide.

GALAHAD – Pourquoi est-ce que tu l’as envoyé là-bas ?

EURYDICE – C’est ce que papa aurait fait ?

GALAHAD – Comment est-ce que tu peux toujours savoir ce qu’il aurait fait, ce qu’il n’aurait pas fait ?

EURYDICE – Question d’habitude.

GALAHAD – C’est toi qui devrait aller récupérer Excalibur.

EURYDICE – Je ne peux pas. Arthur t’a désigné comme son héritier. Je peux désobéir à mon père mais je donnerais toujours raison à mon Roi.

ARTHUR – Alors ça c’est pas tout à fait vrai.

GUENIÈVRE – Tiens je savais que je vous trouverais là.

Eurydice se retourne pour l’accueillir. Arthur a disparut. Elle s’assoit avec eux.

GUENIÈVRE, à Galahad – Tu en fais d’une tête. Qu’est-ce qui ne va pas ?

EURYDICE – Il rumine à propos d’Excalibur.

GUENIÈVRE – Mais enfin, tu n’as pas de soucis à te faire. Tu es l’héritier de …

GALAHAD, crie – Comment est-ce que je pourrais être l’héritier alors que je ne suis même pas son fils !

GUENIÈVRE – Je t’interdis de dire ça.

GALAHAD – Je ne suis plus un enfant, maman. Papa était brun aux yeux marrons. Tout le monde dit que j’ai tes cheveux mais mes yeux bleus alors ? Ils sortent d’où ? Est-ce que Lancelot avait les yeux bleus ?

Guenièvre interdite regarde l’eau.

EURYDICE – Oui. Alors qu’est-ce tu vas faire maintenant ? Tu vas renier celui qui t’a élevé ?

GALAHAD – Non … je dis simplement que …

EURYDICE – Arthur savait qui tu étais. Il n’en avait rien à faire que tu es les yeux bleus de Lancelot. Il t’a élevé comme son fils, il t’a aimé comme tel. C’est quoi un père ? Celui qui te donne la couleur de tes yeux ou celui qui te voit grandir ?

GALAHAD – Et si Excalibur ne voulait pas ? Ou carrément le peuple ?

EURYDICE – Quand il est arrivé en Bretagne, Arthur revenait de Rome et il était fils bâtard. Ça ne l’a pas empêché de devenir Roi.

GALAHAD – Sauf que moi, mon père, c’était un traître.

GUENIÈVRE – Lancelot était le Chevalier le plus preux de toute la Bretagne. Sans lui Arthur serait mort des dizaines de fois sans compter le jour où il était venu pour le tuer et qu’il l’a finalement sauvé. Et il m’aimait.

EURYDICE – Galahad … tu es la personne la plus royale de Bretagne. Une mère Reine et deux pères rois. Je me traîne deux fois plus de parents que toi sans pour autant t’égaler en prestige.

Galhad se lève et monte à cheval. Eurydice le suit.

EURYDICE – Perceval tu peux rester avec la Reine ? Les autres avec moi.

PERCEVAL – Affirmatif.

La Garde Royale au complet sort du sous-bois au galop. Perceval s’approche de la Reine. Il lui tend une canne à pêche-caillou.

PERCEVAL – Vous devriez essayer ça.


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Dans la chambre de Gauvain. Gauvain, assis, et Cinamia, à moitié couché, sont face à face dans le lit, éclairés par la torche. Cora dort sur les genoux de son père. Belane l’utilise comme oreiller. Nazim dort couché contre sa mère.

CINAMIA, bas – Vous vivez ici tout seul avec vos filles ?

GAUVAIN – Ça c’est simplement notre chambre. En journée nous passons beaucoup de temps avec le seigneur Yvain et sa femme ainsi que leurs enfants. Parfois nous nous retrouvons seuls car les enfants partent jouer entre eux. Depuis le retour d’Arthur, Kaamelott abrite beaucoup d’enfants. C’est bien pour eux. Pouvoir se faire des amis et grandir au milieu de gens de leur âge. Ça fait un peu comme une grande famille.

CINAMIA – Est-ce que vous croyez que je pourrais en faire partie un jour ?

GAUVAIN – Pourquoi non ?

CINAMIA – Moi je suis différente des gens ici.

GAUVAIN, surpris – Ah bon ? Je vois moins de différences entre vous et la Reine Guenièvre qu’entre le seigneur Yvain et son père.

CINAMIA – Vous êtes gentil.

GAUVAIN, flatté – Merci.

CINAMIA, s’endormant – Je suis contente que ce soit vous qui ayez trouvé Nazim.


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Au Rocher, Galahad est devant et avance d’un pas décidé. La Garde Royale vient d’arriver. Ils descendent de leurs chevaux et le suivent en pressant le pas. Ferghus les rejoint.

FERGHUS – Salut, ça faisait longtemps. Qu’est-ce qui vous amène ?

GALAHAD – Je viens prendre Excalibur.

Galahad s’arrête face à l’épée. Arthur est apparu. Ils se postent tout autour de lui. Très lentement Galahad lève la main et la pose sur la garde. Excalibur luit. Eurydice pose sa main sur l’épaule de Galahad. Excalibur luit plus fort. Le reste de la Garde et Arthur font de même. Excalibur est éblouissante. Très lentement Galahad la sort du Rocher. Des applaudissements retentissent derrière eux.

FOULE – Le Roi de Bretagne !

Excalibur est de nouveau sortie et Galahad est Roi de Bretagne. Il sourit.


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