Livre VII Ce qu'il advint du royaume de Logres

Chapitre 3 : Quand c'est vous le Roi

32714 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/05/2020 11:24

Devant le château avec les troupes. Léodagan, le faux Arthur, Kay, l’homme de Venec sont là.

LÉODAGAN, au faux Arthur – De loin j’ai failli me faire avoir mais de près vous lui ressemblez pas du tout. Même avec l’armure. Je me disais aussi que ça lui ressemblait pas de la jouer clinquant comme ça. Vous allez pas me répondre ? Ou alors vous êtes bien lui et vous faites la gueule. Ça vous … lui ressemblerait en tout cas.

ARTHUR – C’est pas moi.

Le faux Arthur s’agenouille. Léodagan, après un court moment de surprise :

LÉODAGAN, au faux Arthur – Mais vous êtes qui vous alors ? De quel droit est-ce que vous commandez mes hommes ?

EDERNE – Ce ne sont pas vos hommes mais ceux de Dame Séli.

LÉODAGAN – Comment il ose lui !

ARTHUR – C’est moi qui lui ait confié le commandement. Votre femme m’a dit que c’était son meilleur homme. Je lui ai fait confiance et j’ai eu raison. Je vous félicite, Chevalier.

EDERNE, ôte son heaume – Alors en fait Sire, moi je suis pas Chevalier.

LÉODAGAN – Ederne ?

ARTHUR – Vous la connaissez ?

SÉLI, arrivant – Évidement qu’il la connaît! On raconte partout que c’est sa bâtarde.

ARTHUR – Et c’est vrai ?

LÉODAGAN – Non … je vois pas de quoi vous voulez parler. Elle a fait quoi la petite ?

ARTHUR – Elle s’est brillamment illustrée dans une mission de plus haut rang.

LÉODAGAN – Ah bah si alors, c’est la mienne.

SÉLI – Je le savais ! Pignouf !

LÉODAGAN – Oui bah ça va. Vous allez pas m’en faire tout un fromage. C’était une période où entre nous, c’était … mollasson. Et puis je venais de soumettre ce chef de clan …

SÉLI – Je suis désolée mais si c’est un peu mou entre nous, c’est surtout votre faute a priori.

ARTHUR – Ça va, ça va. Stop ! Pas un mot de plus ou je gerbe.

BOHORT, pourfendant la foule, monté sur un destrier noir – Sire ! Sire ! Quelle joie de vous voir enfin de retour.

ARTHUR, abasourdi – Bohort ? Mais qu’est-ce qui vous est arrivé ?

Bohort saute à terre. Son armure est cabossée et tâchée de sang. Il porte lui-même divers blessures. Bohort étreint Arthur alors que le maître d’armes entre à sa suite.

LE MAÎTRE D’ARMES – Le Seigneur Bohort s’est vaillamment battu. Vous auriez vu avec quelle ardeur il menait les hommes de Tintagel, vous en auriez eu chaud au cœur. C’était un autre homme. J’avoue ne pas l’avoir reconnu tout de suite.

ARTHUR, repoussant Bohort – De Tintagel ?

YGERNE, entrant – Et oui mon petit père ! Heureusement que maman était là pour sauver le coup. Est-ce vrai ce que j’ai entendu dire ? Vous avez ramené une bâtarde avec vous ?

ARTHUR – Vous allez pas déjà commencer à me les râper si ?

YGERNE – Alors c’est vrai ? Vous savez ce qu’on dit sur les bâtards …

ARTHUR – Les autres je sais pas mais vous, vous allez surtout rien dire à propos de ma fille.

EDERNE, à Léodagan – Sauf votre respect, (à Ygerne) madame, c’est quoi votre problème ?

LÉODAGAN – Ah non mais allez-y. Avec celle-là vous pouvez y aller.

YGERNE, à Ederne – Comment elle me parle la pécore déguisée en Chevalier.

ARTHUR – Elle est pas déguisée. C’est un de mes Chevaliers.

EDERNE – Sire, je vous ai déjà dit que moi j’étais pas …

YGERNE – Depuis quand les femmes peuvent être Chevalier ?

ARTHUR – Depuis que je l’ai décidé. (dégaine Excalibur, tous sont impressionnés. À Ederne) À genoux.

Ederne s’exécute sans poser de questions.

ARTHUR, pose Excalibur sur l’épaule droite – Par Excalibur, je vous charge de défendre la paix du royaume. (change d’épaule) Par les dieux, je vous charge de défendre la justice. (change d’épaule) Par l’autorité du Roi, je vous charge de défendre la veuve, l’orphelin, les faibles. Levez-vous Ederne, Chevalier du royaume de Logres.


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Intérieur de la maison de Guethenoc. Roparzh entre.

CAÏUS – Alors ?

ROPARZH – C’est bon. C’est de nouveau Arthur le Roi.

GUETHENOC, saisissant une bouteille d’alcool et des verres – À la bonne heure ! Il faut fêter ça.

VIVIANE, attachée dans un coin de la pièce – Mais non mais j’ai tout manqué !

CAÏUS – Heureusement pour toi. C’était des combats dehors. Tu te serais fait taper dessus, on aurait été bien avancés.

VIVIANE – Même pas vrai d’abord. Bon allez, on y va maintenant.

CAÏUS, soupire et s’approche pour la délivrer – Allez c’est bien parce que c’est toi.

Dès qu’elle est détachée, elle court dehors.

CAÏUS – Viviane !

Elle revient.

VIVIANE, à Caïus – Pardon. (à Guethenoc et Roparzh) Merci de votre accueil, vous avez été très aimables. Les dieux le sauront.

GUETHENOC – C’est rien ma petite.

ROPARZH – C’est tout à fait normal de venir en aide aux petites gens.

Elle s’enfuit de nouveau. Caïus doit suivre.

CAÏUS – Pourquoi vous courrez comme ça ? S’il est de retour, il va pas s’en aller tout de suite non ?

VIVIANE – Il faut que je le voie.

Devant le château, les paysans-soldats commencent déjà à rentrer chez eux.Quelques uns d’entre eux restent au milieu des soldats de Tintagel. Il y a de nombreuses femmes, elles viennent beaucoup de Carmélide. Tous les regardent passer sans bouger.

VIVIANNE – Arthur ?

ARTHUR – La Dame du lac ?

CAÏUS, essoufflé – Ave.

ARTHUR – Caïus ? Mais qu’est-ce que c’est que ce …

Il est interrompu car Viviane lui saute au cou.

VIVIANE – Je suis tellement contente que vous soyez là. Si vous saviez tout ce qu’on a vécu.

ARTHUR, détachant Viviane de lui – Ça devient une manie de se coller comme ça.

VIVIANE – Vous m’écoutez ou pas du tout?

PERCEVAL – Elle vous ressemble pas du tout votre cousine, Sire.

VENEC – Moi je préfère bien mieux quand c’est vous le Roi.

ARTHUR – Venec …

Arthur s’approche du contrebandier qui est sorti d’une porte du château. Venec se protège comme s’il allait recevoir un coup mais Arthur le prend dans ses bras.

LÉODAGAN – Ah donc c’est devenu la nouvelle mode quoi. Je vous préviens, moi vivant …

Bohort l’enlace par derrière.


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Intérieur, dans la taverne de Karadoc.

CLIENTE – Hey Kroc ! Vous pensez pas que vous devriez y retourner maintenant ?

CLIENT – C’est pas tout le monde qu’à la chance de connaître le Roi Arthur.

KARADOC – Puisque je vous dis que c’est le Roi lui-même qui m’a dit de rester là. Vous voyez c’est pour ça que vous pourrez jamais être Chevalier. Vous savez pas suivre les ordres. La chevalerie c’est avant tout la di-sci-pline. Mais ça vous pouvez pas comprendre. Ça vous passe complètement au dessus.

ENFANT – Papa, papa, papa. Quand est-ce qu’on rentre à Kaamelott ?

AUTRE ENFANT – Les messieurs disent que c’est fini.

KARADOC – C’est peut-être fini pour les autres mais pas pour nous. À cause de votre mère, on est plutôt mal vus partout. Mieux vaut rester ici pour l’instant. Allez, au lit.

ENFANT – Mais papa, il fait encore jour …


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Léodagan et Bohort mènent une petite troupe d’hommes à travers le château. Léodagan s’arrête devant une porte.

LÉODAGAN – C’est là.

BOHORT – Vous êtes sûr ?

LÉODAGAN – Il n’y avait que Galessin pour aller dans cette partie de la baraque.

Il fait signe aux gardes d’ouvrir la porte. Bohort les arrête pour le faire lui-même.

BOHORT – Oh mon Dieu !

La pièce est remplie d’enfants et de bébés. Au milieu d’eux le Seigneur Galessin berce un bébé.


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Extérieur, cour de Kaamelott.

VENEC, à Arthur – D’ailleurs regardez ce que je vous ai ramené.

Deux de ses hommes portent Mevanwi, ligotée et incarcérée. Un autre tient le Seigneur Galessin pareillement entravé. D’autres suivent en portant des bébés et des enfants en bas âge.

MEVANWI, aux yeux de biche – Sire, je vous en prie. C’est une méprise, je …

ARTHUR – Vous n’avez pas collaboré avec Lancelot ?

MEVANWI – Collaborer, le terme est peut-être un peu fort. J’ai exécuté ses ordres pour me protéger de son courroux. J’étais une prisonnière parmi les autres.

ARTHUR – Arrêtez ça. J’ai entendu tout un tas de choses sur vous et (désignant les hommes portant les enfants, restés en arrière) je vois que tout n’était pas faux. Alors il vaudrait mieux pour nous tous que vous arrêtiez votre comédie.

MEVANWI, implorante – Arthur je vous en supplie. Au nom de l’amour que vous avez vous-même affirmé me porter …

ARTHUR – Que j’ai cru.

MEVANWI – Pardon ?

ARTHUR – L’amour que j’ai cru vous porter, comme je croyais vous connaître. Pour ça comme d’autres choses je m’étais trompé.

MEVANWI – Sire ! Vous ne pouvez pas …

ARTHUR, froid – Dites-moi, si vous pouviez être un animal, lequel serait-ce ?

MEVANWI – Je ne comprends pas.

ARTHUR – Répondez.

MEVANWI – Un oiseau sûrement. Pour pouvoir voler à ma guise dans le ciel. Libre.

ARTHUR – Merlin ?

MERLIN – Oui Sire, je suis là.

ARTHUR – Est-ce que vous sauriez changer Dame Mevanwi en oiseau ?

MERLIN – Alors oui je peux mais du coup ce sera un vrai oiseau.

ARTHUR – Comment ça ?

MERLIN – Bah elle aura des capacités d’oiseaux. Elle ne se souviendra même plus avoir été humaine.

ARTHUR – Donc elle ne pourra pas se retransformer toute seule ?

MERLIN – Ah non, aucune chance.

ARTHUR – Bien.

MEVANWI, à Merlin soudain violente – Vous n’arriverez jamais à vos fins. Vous êtes un nul, un moins que rien !

Merlin la transforme en corbeau. Elle s’envole.

ARTHUR – Vous auriez pu faire un oiseau un peu plus …

MERLIN – Si vous vouliez quelque chose en particulier, fallait me prévenir avant. Ça va être coton de la rattraper maintenant. Vous me dites un piaf, moi je peux pas blairer ni les corbeaux, ni Mevanwi alors le lien est vite fait.

LÉODAGAN – Dites donc ça vous a fait du bien ces petites vacances. Avant vous l’auriez pas faite celle-là.

ARTHUR – Oui et vous voyez, avant je vous aurais envoyé paître bien comme il faut alors que maintenant je laisse couler.


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Dans les geôles, bien occupées par l’Armée Blanche.

LÉODAGAN – Bon. Vous allez encore devoir attendre un peu. Je suis désolé chez moi j’aurais pu faire quelque chose de rapide. Je dis pas qu’on aurait forcément tapé dans le propre mais au moins c’était réglé on en parlerait plus. Mais là c’est parti pour une tournée générale, procès pour tout le monde. Ça me pompe déjà.

DAGONNET – Et le Roi, qu’est-ce qu’il dit à notre sujet ?

LÉODAGAN – Soyez rassuré, il ne va pas vous louper.

LOTH – Vous lui transmettrez bien nos amitiés, la prochaine fois que vous le verrez. On s’excuse.

LÉODAGAN – Il faudra peut-être plus que ça cette fois. Notre bon Roi a reçu un coup de fouet. Il a déjà changé la femme de Karadoc en piaf.

LOTH – Je suis convaincu que nous ne serons pas obligés d’en arriver à ces extrémités-là.

LÉODAGAN – Pas de crainte sur ce coup, d’abord les extrémités et ensuite le reste.

LOTH – Est-ce que je vous ai déjà dit à quel point j’aimais ma femme ? Et elle-même déteste Arthur. Ces choses que nous fait faire l’amour …

GALESSIN – Moi techniquement j’obéis à mon Roi.

DAGONNET – Moi je suis pas sûr que j’avais bien tout compris.

LÉODAGAN – Vous savez que je pourrais vous mettre une sacrée dérouillée à tous les trois, comme ça, dans le feutré.

GALESSIN – Vous devriez pas trop vous la ramener parce que vous aussi on vous a vachement vu aux côtés de Lancelot.

LÉODAGAN – Sauf que moi, mon jugement, je vais le passer sans trembler des miches.

GALESSIN – Vous savez ce que je pourrais leurs faire à vos miches ?

LOTH – Seigneur Galessin, taisez-vous. Ne sentez vous pas dans l’air, ce tout petit rien qui nous murmure doucement que cette fois-ci, on ferait bien mieux de la fermer ?


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Léodagan remonte des geôles et croise Bohort qui descend.

LÉODAGAN – Qu’est-ce que vous foutez ? Vous allez pas y aller tout seul quand même.

BOHORT – Pourquoi non ? Le Roi m’a demandé de faire une première évaluation du profil des prisonniers. Je vais recueillir leur témoignage comme ça je pourrais organiser la répartition des procès.

LÉODAGAN – Et vous allez le faire pour tous les gars qui sont dans ce trou ?

BOHORT – Bien évidement Léodagan sinon à quoi cela servirait-il ?

LÉODAGAN – Et bien bonne chance.

Léodagan remonte. Bohort descend.


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Merlin et Arthur marchent dans les souterrains.

MERLIN – Sire, vous vous souvenez du cri qu’on avait entendu dans les souterrains de Kaamelott ?

ARTHUR – On avait entendu un bruit ?

MERLIN – Bah oui une sorte de … (Merlin imite à la perfection le bruit de la créature).

ARTHUR – Si vous le dites. Vous m’avez emmené ici juste pour ça ?

MERLIN – Non en fait je trouvais ça bizarre, c’était un animal que je ne connaissais pas mais qui parlait une sorte de jargon de loup. Alors je suis allé voir.

ARTHUR – Bien. Et vous avez trouvé quoi ? Un loup burgonde ?

MERLIN – Quand vous allez le voir ce sera plus clair.

Devant dans le tunnel, le rugissement retentit beaucoup plus fort.

ARTHUR – Attendez on a déjà entendu un machin comme ça ? Je m’en serais souvenu quand même.

MERLIN – Bah apparemment non.

Les cris s’intensifient encore quand ils s’approchent d’une cavité dont l’entrée est bloquée par d’épaisses barres de fer. Arthur découvre stupéfait la créature qui se cache dedans.

ARTHUR – Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ?

MERLIN – Une chimère.

ARTHUR – Une chimère ? Même dans les donjons on n’en croise pas de ces trucs là.

MERLIN – C’est normal. C’est pas naturel comme bestiole. Celle-là c’est sûrement Mevanwi qui l’a créé par magie.

ARTHUR, abasourdi – Comment est-ce qu’elle a pu créer un monstre comme ça ?

MERLIN – À croire que cette histoire de forêt c’était pas du flan. Alors qu’est-ce qu’on fait ?

ARTHUR – Je sais pas bien moi. On lui apporte à boire et à manger ?


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Penché sur un parchemin, Père Blaise griffonne à toute vitesse. Arthur et Bohort rentrent.

ARTHUR, surpris – Mais qu’est-ce que vous faites ?

PÈRE BLAISE, sans s’arrêter – Mon travail.

BOHORT – Mais enfin, est-ce bien raisonnable ?

ARTHUR, énervé – Non ! Merlin a dit une semaine de repos total au moins.

PÈRE BLAISE – Pour une fois qu’il se passe quelque chose de vraiment légendaire ici, je vais pas attendre que tout le monde ait oublié la moitié des détails !

BOHORT, affolé, désigne le parchemin – Regardez Sire !

ARTHUR – Ah non mais c’est pas possible ça ! J’ai besoin de vous moi et là vous finissez de vous flinguer les mains avec vos affaires. En plus vous foutez tellement de sang partout qu’on pourra décrypter qu’un mot sur deux !

PÈRE BLAISE – Il faut que je pose les choses sur papier.

ARTHUR – Trouvez-vous quelqu’un pour écrire à votre place, vous reprendrez tout une fois guéri.

PÈRE BLAISE – Déjà pour trouver un gars qui sache lire, je vous explique pas le chantier, mais alors en trouver un qui sache écrire !

BOHORT – Moi je sais écrire, j’ai même quelques notions de latin.

ARTHUR, étonné – Et vous accepteriez d’aider le Père Blaise ?

BOHORT, noble – Ce serait pour moi un grand honneur que de participer activement à la sauvegarde de vos exploits, Sire.

ARTHUR – Et vous avez déjà terminé ce que je vous avais demandé avec les prisonniers ?

BOHORT – Oui Sire. Ce fut relativement simple étant donné que la plupart d’entre eux refusait tout simplement de m’adresser la parole. Mais j’ai en revanche relevé quelque chose de très singulier dont il faudra que je vous entretienne.

ARTHUR – Oui très bien on fera ça plus tard d’accord ? (au Père Blaise) Et bien voilà, vous l’avez votre scribe.

PÈRE BLAISE, boudeur, il singe Arthur - « Et bien voilà, vous l’avez votre scribe. »


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Devant une porte, Eurydice empêche l’entrée.

SÉLI – On vous dit qu’on veut voir notre fille.

EURYDICE – Et moi je vous réponds que personne n’entrera dans la chambre de la Reine.

LÉODAGAN – Vous vous rendez bien compte que si on dit qu’on est les parents de la Reine, ça veut dire qu’on est les beaux-parents du Roi, alors vous feriez mieux de faire ce que je vous dis.

SÉLI, à Léodagan – Laissez tomber, ça marchera pas.

LÉODAGAN, à Séli – Et pourquoi s’il vous plaît ?

EURYDICE – Parce que moi je suis la fille du Roi.

LÉODAGAN – QUOI ? C’est vous la bâtarde dont l’autre grognasse de Tintagel parlait ?

EURYDICE – Ygerne de Tintagel a mentionné mon existence ? Là tu me surprends. Mais ça ne change rien, vous ne rentrerez pas.

SÉLI – Faites pas votre tête de cochon, on est de famille. Vous allez pas l’obliger à vous taper dessus.

LÉODAGAN, à Séli – Pardon ?

EURYDICE – Je n’avais pas pensé qu’il serait nécessaire d’en arriver jusque là mais si c’est une paire de claques dans le museau qu’il te faut pour décarrer, ça va pas trop me gêner.

SÉLI, à Léodagan – Vous allez vous laissez parler comme ça vous ?

LÉODAGAN, à Séli – Mais lâchez-moi vous ! (à Eurydice) Bon vous commencez doucement à me courir. Vous allez nous laisser passer sinon je me fâche. C’est pas le sang royal qui va m’attendrir alors faites bien attent …

Eurydice colle une droite à Léodagan qui s’effondre.

EURYDICE, à Léodagan – Je vais me faire engueuler mais bon on pourra pas dire que je t’avais pas prévenu.

SÉLI – Là vous m’épatez, parce qu’autant il y a plein de domaines dans lequel c’est une brelle, autant quand il s’agit de se taper dessus il est généralement pas dernier.

EURYDICE – Tu pourras toujours lui dire que je l’ai eu par surprise.

Eurydice ferme la porte.

MERLIN – Tu y es allé fort quand même.

EURYDICE – Une fois que le bruit circulera que j’ai étalé Léodagan Le Sanguinaire, je peux te dire qu’ils y réfléchiront à deux fois avant de se pointer ici.

MERLIN – C’est sûr que là même moi j’ai les sandales qui font bravo.

EURYDICE – Arthur et toi c’est pas pareil que tout le monde. Arthur parce que c’est son mari et toi parce qu’il fait bien que je sache comment elle va. Alors ?

MERLIN – Physiquement moi je peux pas faire grand-chose de plus. J’ai passé de la pommade sur toutes ses ecchymoses. Je peux bien revenir pour lui administrer une potion de sommeil si besoin mais je peux aussi t’en laisser une et tu sauras le faire toute seule. Un seul mot d’ordre : le repos.

EURYDICE – Tu as une idée de combien de temps elle va dormir ?

MERLIN – Un jour, une semaine, j’en sais rien. Mais le repos ça veut pas forcément dire le sommeil. Essaye de la garder au moins une semaine ici puis je reviendrais la voir.

EURYDICE – Merci Merlin.


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Salle de la Table Ronde, Arthur, Breccan et Perceval.

BRECCAN – Alors il m’a fait venir pour quoi lui y faire, Sire ?

ARTHUR – Vous trouvez pas qu’il manque quelque chose là.

BRECCAN – C’est vrai que je me disais un peu « Pour une si belle pièce, ça fait vide ».

ARTHUR – Vous ne vous souvenez pas être venu ici, il y a quelques années ?

BRECCAN – Maintenant que vous me le dites ça m’y parle cette affaire. C’était pour quoi, un râtelier d’armes ?

ARTHUR – Pas vraiment non.

BRECCAN – Attendez ça va me revenir.

PERCEVAL – C’est la Table Ronde que vous aviez bricolé espèce de tabouret !

ARTHUR – Vous insultez les gens de meubles vous maintenant ?

PERCEVAL – On dit pas « con comme un tabouret » ?

BRECCAN – Généralement c’est plutôt con comme une chaise.

PERCEVAL – C’est pareil non ?

BRECCAN, dans un élan – Ah non rien à voir ! Pour un tabouret, bon bah je mets un bout de tronc un peu équarri, trois trous pour les pieds et on en parle plus. Alors qu’une chaise, une chaise (amoureusement) rien qu’avec le dossier je peux faire des choses magnifiques, des arabesques, des volutes, des …

ARTHUR – Oui, bon est-ce qu’on pourrait revenir à ma Table Ronde ? (ironique) Si ça vous dérange pas bien sûr.

BRECCAN, cherche – La Table Ronde …

ARTHUR – Oui voilà, la Table Ronde, et bien j’aimerais que vous me fassiez la même mais en pierre.

BRECCAN – Ah ça y est je vous remets ! Celui qui voulait me faire passer un gadin d’une toise et demi par l’escalier.

ARTHUR – C’est ça. Bon maintenant que vous vous rappelez, au boulot.

BRECCAN – Il a changé votre escalier ?

ARTHUR – Non. Toujours le même colimaçon.

BRECCAN – Et bien alors je vous répète que je ne peux pas monter une table en pierre jusqu’ici.

ARTHUR – Sauf que cette fois-ci c’est pas une question.Vous vous démerdez comme vous voulez mais je veux du costaud, du qui bouge pas.

BRECCAN – Je vous préviens, ce sera pas du monolithe votre table et le prix sera pas le même non plus.

ARTHUR – Je m’en fous. Tout ce que je veux c’est que si le château crame, il ne reste plus que les murs et la table.

ARTHUR, à Perceval – Vous ne dites rien, vous savez ce que ça veut dire « monolithe ».

PERCEVAL – C’est pour dire « en un seul morceau ».

BRECCAN – Bon bah, on se dit le mois prochain alors.


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Dans la salle du trône, un garde apporte une énorme composition florale.

ARTHUR – Qu’est-ce que c’est ?

BOHORT, ému – C’est magnifique, Sire.

LÉODAGAN, au nez violet – C’est Guednoc.

ARTHUR, à Léodagan – Vous voulez vraiment pas me dire ce qui vous est arrivé ?

LÉODAGAN, sombre – Non.

ARTHUR – Alors peut-être qu’au moins vous pourrez m’expliquer comment vous savez que c’est Guednoc.

LÉODAGAN – Il s’est lancé dans les fleurs.

ARTHUR – Les fleurs ? Et bien, je saurais lui rappeler qu’il m’a envoyé des fleurs quand il viendra piailler au portes du château.


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Ensuite, dans la salle du trône, le Roi, Léodagan, et Merlin font face à Bohort.

ARTHUR – Alors de quoi est-ce que vous vouliez nous parler ?

BOHORT – Sire, en effectuant la tâche que vous m’avez confié auprès des prisonniers. J’ai rencontré un problème avec un certain nombre d’entre eux.

LÉODAGAN – Je vous l’avais dit que les gars c’était pas des tendres.

BOHORT – Ce n’est pas à propos de ceux qui ne m’ont pas répondu.

ARTHUR – C’est à propos de quoi alors ?

BOHORT – Sire il s’avère qu’une partie des gens enfermés ce sont montrés particulièrement loquaces. Ils racontaient tous une histoire similaire qui m’a laissé, je dois l’admettre, complètement pantois.

LÉODAGAN – Allez-y continuez.

BOHORT – Ils disent ne pas faire partie de l’armée de Lancelot mais plutôt d’avoir été de votre côté.

LÉODAGAN – C’est pas possible ça. J’ai libéré tous les prisonniers le jour où vous êtes revenu. C’est encore coincé là d’ailleurs. (il désigne tout le long de sa tranchée avec dégoût)

BOHORT – Pardonnez-moi si je me suis mal exprimé mais cette situation est si particulière que je peine à trouver mes mots.

MERLIN – Réessayez sans réfléchir.

BOHORT – Certains prisonniers font partie de l’armée de Lancelot et de la résistance au nom du Roi Arthur.

MERLIN – C’était peut-être pas une bonne idée.

ARTHUR – J’ai rien compris.

BOHORT – Léodagan savez-vous qui était chargé de soigner les blessés de l’Armée Blanche ?

LÉODAGAN – C’est la sorcière qui s’en chargeait … Mevanwi.

BOHORT – Savez-vous comment elle s’y prenait ?

LÉODAGAN – Pas dans les détails mais je sais que pas mal de nos gars à nous y sont passés.

BOHORT – Ces braves gens m’ont raconté qu’elle sacrifiait nos hommes pour sauver ceux de Lancelot.

MERLIN – Mais c’est de la magie noire ça. Alors oui c’est efficace, c’est impressionnant mais généralement ça vaut pas le coût.

LÉODAGAN – Et qu’est-ce qu’ils ont ceux là ?

BOHORT – Ceux qu’elle a sauvé de la mort ont gardé dans la tête, l’homme qu’elle a utilisé pour les sauver.

MERLIN – Bah ça avec la magie noire faut pas s’étonner après.

ARTHUR – Comment ça ?

MERLIN – Elle avait beau faire la maligne Mevanwi on ne fait pas disparaître quelqu’un comme ça. Alors bon pour ceux à qui elle a réparé une jambe ça change pas grand-chose mais quand c’est du sérieux il faut pas s’étonner que l’autre n’ait pas disparu. Ils ont juste attendu le retour d’Arthur pour se réveiller.

LÉODAGAN – Attendez mais ils sont loyaux à qui du coup ? À Arthur ou à Lancelot ?

BOHORT – Les deux. Là est leur problème. Même s’ils se disent fidèles au Roi, ils ont peur que l’autre personnalité se réveille si on les libère.

ARTHUR – Merci Bohort. Laissez-moi le temps d’y réfléchir. En attendant vous m’enverrez ceux qui ne vous ont rien dit.


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Suite, Merlin est parti et Bohort est à côté du Roi.

BOHORT – Faites rentrer le suivant s’il vous plaît.

Entre Loth, Galessin et Dagonnet sont menés par des gardes.

LÉODAGAN, hargneux – Vous …

LOTH, à Léodagan – J’espère que votre nez ne vous fait pas trop souffrir.

LÉODAGAN – De quoi je me mêle vous.

LOTH - Je ne saurais si c’est vrai mais on raconte, Seigneur Léodagan, que ce serait la fille de notre bon Roi qui vous aurait mis une mandale.

ARTHUR, à Léodagan – C’est vrai ?

LÉODAGAN – Non mais ça va ! On n’est pas venu pour écouter des rumeurs de cachots, si ?

GALESSIN, à lui-même – Moi ça m’arrangeait autant qu’on parle de ça.

ARTHUR – Galessin, les seigneurs Bohort et LÉODAGAN m’ont dit qu’on vous avait trouvé dans une pièce pleine d’enfants en bas âge.

GALESSIN, à contrecœur – C’est pas ma faute si Lancelot me prenait pour une nounou.

BOHORT – Mais d’où viennent ces enfants ?

GALESSIN – C’est l’autre là, la femme de Karadoc. Elle a eu une période où elle en ramenait plein pour faire plaisir à Lancelot comme quoi qu’il pourrait y choisir son héritier, mais comme il en voulait pas, il me les a refourgués.

ARTHUR – Et vous deviez en faire quoi exactement ?

LOTH – Il me semble que le projet c’était de faire d’eux des soldats.

DAGONNET – Ah bon ? Décidément, j’avais vraiment rien compris.

BOHORT, scandalisé – Grand Dieu mais ce ne sont que des enfants !

ARTHUR – Je vous bannis. (à Loth) Vous. (à Galessin) Et vous. Ainsi que ma semi-sœur bien évidement. Je vous donne 3 jours. Si passé ce délai, j’entends dire qu’on a revu vos tronches dans le royaume de Logres, même à la frontière de l’Aquitaine … je vous pends. Et avant de partir, vous désignerez officiellement Gauvin comme Roi d’Orcanie.

LOTH, soufflé – Gauvain ? Mais il est con comme un cheval de trait. Sans vouloir vous déplaire, il vaudrait mieux pour tout le monde que vous me laissiez retourner chez moi et que je me tienne à carreau. Le petit n’a pas l’étoffe d’un Roi, et je le sais mieux que personne, c’est moi qui l’ait vu grandir.

ARTHUR – Et vous ? Vous croyez vraiment que vous avez la dignité d’un chef ? Votre fils ne bitte rien de ce qui se passe mais il a choisi de résister. Vous allez lui donner son trône et vous, vous allez disparaître à tout jamais de ma vue.

Loth et Galessin se retirent.

ARTHUR, à Dagonnet – Quant à vous … je ne vais pas vous bannir …

DAGONNET – Merci Sire.

ARTHUR – En revanche, si j’entends de nouveau parler de vous, cette fois vous n’y échapperez pas, et il n’y aura pas de coup de rappel.

Dagonnet s’incline bine bas pendant que les gardes le portent vers la sortie.

LÉODAGAN – Dis donc ça vous a drôlement changé ce petit interlude.

ARTHUR – Ça vous pose un problème ?

LÉODAGAN – Non moi je suis plutôt satisfait. Vous êtes encore un peu timide sur la mise à mort mais je sens que ça va venir.

ARTHUR – Ah non, ça en revanche rien ne change. J’aime toujours pas ça.

LÉODAGAN – Vous voyez ? Il faut toujours que vous gâchiez tout. On était bien, on commençait à avoir une discussion intéressante et puis voilà. Vous faites chier.


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Dans la chambre, Léodagan et Séli sont au lit. Léodagan essaye de dormir. Séli compulse un parchemin.

LÉODAGAN – Vous allez finir par éteindre oui !

SÉLI – Je dois absolument avoir lu ça pour demain.

LÉODAGAN – Et moi j’ai besoin de pioncer.

SÉLI – Excusez-moi mais il y en a qui ont des responsabilités ici.

Léodagan s’apprête à répondre. Un serviteur entre essoufflé.

SERVITEUR – Un monsieur … en bas … demande à vous voir.

SÉLI – Un visiteur ? À cette heure-ci ?

LÉODAGAN – C’est qui votre casse-couille ?

SERVITEUR – Il dit s’appeler … Goustan Le Cruel.

Léodagan et Séli se regardent.


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Ensuite, Goustan est attablé et mange. Les voyant entrer, il bondit.

GOUSTAN,à Léodagan – Vous vous trimbalez encore la traîtresse ?

SÉLI – Si vous avez fait toute cette route juste pour m’insulter, ça aurait pu attendre demain matin.

LÉODAGAN - « Traîtresse » ? C’est nouveau ça.

GOUSTAN – Je ne remettrais plus le pied en Carmélide tant qu’on m’appellera le « beau-père de la Reine » !

LÉODAGAN, à Séli – C’est quoi cette histoire ?

SÉLI – Bah oui, les gens sont pas cons. Ils ont bien compris que ça marchait mieux quand j’étais seule aux commandes du pays.

LÉODAGAN – QUOI !

GOUSTAN – Et elle se défend même pas la garce.

SÉLI – Vous allez le laisser me parler comme ça vous ?

LÉODAGAN – Détournez pas le sujet. De quel droit est-ce que vous vous êtes appropriée la Carmélide ?

SÉLI – C’est quand même pas ma faute, s’ils préfèrent quand c’est moi qui tient la baraque.

LÉODAGAN – Sauf que c’est moi le Roi du bled et qu’ils ont pas leur mot à dire.

SÉLI – Vous étiez parti ! Il fallait bien que quelqu’un reprenne les rennes. Maintenant que les gens sont habitués, je sais pas si c’est une bonne idée de changer …

LÉODAGAN – Parce que vous voudriez garder le trône en plus ?

GOUSTAN – La salope !

SÉLI, à Goustan – Picte, monsieur ! (à Léodagan) Je me dis que ça peut être vachement avantageux. Pendant que moi je me gère la Carmélide, vous vous pouvez vous concentrer sur Kaamelott pour occuper une place privilégiée.

LÉODAGAN – Avant je cumulais, il n’y avait aucun problème.

SÉLI – Pas de problème ? Oui c’est sûr quand on est loin, on peut pas les voir. Je peux vous dire qu’au pays quand on n’est pas là c’est la fête au village. Vous n’imaginez pas tout ce qui nous passe sous le nez.

LÉODAGAN – Vous êtes sûre ?

SÉLI – Bien sûr. Même que (désignant Goustan) c’est lui qui s’en met plein les fouilles au passage !

LÉODAGAN, à Goustan – C’est vrai ce qu’elle dit ?

GOUSTAN – Vous n’allez tout de même pas croire une bonne femme plutôt que votre père ?

LÉODAGAN – Dans le cas présent, je serais quand même effectivement tenté de lui faire confiance à elle plutôt qu’à vous.

GOUSTAN – On aura tout vu ! Le sang de son sang, la chair de sa chair ! (se lève) Vous me dégoûtez, si c’est comme ça, je me casse !

SÉLI, à Goustan – Et pas la peine de prendre le chemin de la Carmélide. Il pourrait me prendre l’envie de vous demander réparation.

GOUSTAN, à Séli – Les pécores vous ont peut-être adopté mais moi je sais encore qui est Roi de Carmélide (flatteur) hein, mon fils.

LÉODAGAN, froid – Faites ce qu’elle dit, père. De toute façon vous connaissez tout en Carmélide. Il faut changer d’air.

GOUSTAN – Vous me le paierez.

Il sort.

LÉODAGAN – Alors comme ça c’est vous qui commandez là-bas maintenant. Je ne suis pas fan de l’idée mais après tout, on pourrait essayer.


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Dans la chambre, Eurydice est au chevet de Guenièvre. Celle-ci ouvre un œil.

GUENIÈVRE, faiblement – Lancelot …

EURYDICE – Ne t’en fais pas. Il ne te fera plus de mal, plus jamais …

GUENIÈVRE – Où …

EURYDICE – On est dans la chambre du Roi, ta chambre. Pas celle de la tour. Tout va bien.

GUENIÈVRE – Où est Lancelot ?

EURYDICE – Il n’est plus … là.

La Reine ferme les yeux. Elle se rendort. Eurydice veille.


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GAUVAIN – Les journées sont bien calmes en ce moment, cher ami.

YVAIN – Grave, ça va faire genre une semaine qu’on a vu personne.

GAUVAIN – Quel mauvais présage est-ce donc que cela ?

DÉMETRA – Vous pourriez pas changer de registre ? La connerie ça commence à devenir lourd.

YVAIN – Que veux-tu dire par là (regarde sa main) … Démétra ?

DÉMETRA – Vous êtes d’accord qu’en ce moment on ne surveille plus aucune arme.

GAUVAIN – En effet, il ne reste même plus une pièce d’armure dans notre superbe salle secrète.

YVAIN – De ouf. Les gars on tout pris quoi.

DÉMETRA – Et pourquoi est-ce qu’il ont tout pris selon vous ?

GAUVAIN – Ces braves gens ne semblaient pas issus de milieu favorisé, peut-être voulaient-ils tâter du prestige que confère tel accoutrement.

DÉMETRA – Avec le risque de se faire prendre par Lancelot ?

YVAIN – Ils étaient trop du genre à aller combattre.

DÉMETRA – Combattre quoi ?

YVAIN – Bah je sais pas, je leur ai pas demandé.

DÉMETRA – Je suis prête à mettre ma main au feu qu’Arthur est revenu.

YVAIN – On nous l’aurait dit.

GAUVAIN – Vous m’en voyez désolé cher Yvain mais le raisonnement de votre épouse se tient. Comment auraient-ils pu nous prévenir puisque nous n’avons vu personne dernièrement ?

YVAIN – Ouais mais si on va jusqu’à Kaamelott pour vérifier il faudrait être sûr parce que si Lancelot est toujours là-bas, on est carrément morts.

DÉMETRA – Tâchez d’abord de me trouver un cheval. Je ne voyage pas à pied dans ma condition.

YVAIN – Non mais c’est chiant ! Vous êtes tout le temps enceinte.

GAUVAIN – Il est vrai que cela doit être épuisant. Cependant cela m’embête puisque nous sommes tout de même censés être les Petits Pédestres et …

DÉMETRA – Grouillez-vous, on n’a pas que ça à faire. La petite va bientôt avoir fini sa sieste.

Les deux Chevaliers prennent la fuite.


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Dans un campement dans les bois. Arthur arrive. Merlin est en train de faire cuire quelque chose.

ARTHUR – Alors ça vous plaît ?

MERLIN – Sire, c’est vous ? Vous pouvez pas savoir comme je me sens mieux depuis que je peux travailler en plein air.

ARTHUR – Eurydice m’a fait un topo.

MERLIN – Vous comment ça se passe, la remise en route du royaume tout ça ?

ARTHUR – Pour l’instant tout le monde est plus occupé à ses petites affaires à eux plutôt qu’avec ce que je fais moi. C’est gentil de demander.

MERLIN – Et la Reine ?

ARTHUR – C’est justement pour elle que je venais. Apparemment elle se réveille toujours aussi peu mais elle reste consciente de plus en plus longtemps.

MERLIN – Comment ça « apparemment » ?

ARTHUR – C’est pas l’envie qui m’en manque mais je peux pas passer toute ma journée à son chevet, alors j’ai pas encore pu lui parler.

MERLIN – Je vois. Vous voulez sûrement son traitement d’ailleurs ! Tenez.

ARTHUR, prenant le sac – Merci Merlin.

MERLIN – Vous savez c’est juste deux ou trois herbes pour la soigner un peu mais surtout pour la détendre.

ARTHUR – Non mais je vous disais pas forcément merci pour ça.

MERLIN – Pour quoi alors ?

ARTHUR – C’était un remerciement plus global. Pour tout ce que vous avez fait pour moi.

MERLIN – Il n’y a vraiment pas de quoi, Sire.

ARTHUR, commence à partir – Profitez-en quand je vous dis merci, à la prochaine bourde que vous me ferez, j’aurais sûrement plus de mal à m’en souvenir.

MERLIN – Merci Sire.

ARTHUR, se retournant – Pour quoi ?

MERLIN – Un merci global.


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Dans la chambre.

GUENIÈVRE – Vous faites quoi dans la vie ?

EURYDICE – Disons que j’ai pas vraiment d’activité arrêtée. J’ai voyagé, beaucoup. J’ai grandi dans une troupe.

GUENIÈVRE – Des comédiens ? J’ai toujours adoré les spectacles.

EURYDICE – On pourrait aller en voir un.

Guenièvre frissonne, replie les jambes contre son torse et se couvre du drap.

GUENIÈVRE, timidement – J’ai pris goût à jouer dans ma tête les pièces de théâtre que je lisais.

EURYDICE – Un jour il faudra sortir de cette chambre.

Arthur frappe en rythme à la porte. Eurydice va lui ouvrir. Guenièvre et lui se regardent.

ARTHUR – Je suis désolé.

GUENIÈVRE – Vous n’y êtes pour rien. Lancelot était un monstre.

ARTHUR – Dans ce cas moi-aussi. (à Eurydice) Tiens les trucs que tu as demandé à Merlin.

EURYDICE – Merci Arthur.

GUENIÈVRE, neutre – C’est votre fille.

Arthur et Eurydice fixent Guenièvre, essayant de comprendre son sentiment.

EURYDICE – Oui.

GUENIÈVRE (à Arthur) – Vous voyez que vous n’êtes pas infécond finalement.

EURYDICE – Plutôt pas, non.

Guenièvre se rallonge et se met sur le côté en boule.

GUENIÈVRE – Je suis contente pour vous.

Elle s’endort.

ARTHUR – Elle a l’air d’aller mieux.

EURYDICE – Elle est sur le fil. Il suffit de dire un mot de travers ou de faire le mauvais geste et elle est repartie.

ARTHUR – C’est à ce point-là ?

EURYDICE – Pire encore.


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Dans la cour, Séli, Léodagan et Goustan, qui porte un grand sac à dos.

LÉODAGAN – Soyez pas con, vous allez vous paumer.

GOUSTAN – Je m’en fous ! Je retournerais pas en Carmélide et je resterais pas ici si elle est là aussi.

SÉLI – Pour aller où ? C’est ridicule.

GOUSTAN – Vous, je ne veux pas vous entendre. Tiens mais regardez qui voilà.

Yvain, Gauvain et Démétra entrent. Les deux hommes poussent un chariot dans lequel Démetra est assise, tenant contre elle un amas de linge.

SÉLI – Yvain ? Qu’est-ce que vous faîtes avec la maîtresse d’Arthur ?

LÉODAGAN – C’est pas trop tôt. Ça vous dérange pas d’arriver deux semaines après la fin des combats ?

GAUVAIN – La route pour venir jusqu’ici ne fut point aisée.

YVAIN – Vous appelez ça une route ? Ce qui était surtout galère c’est la charrette.

SÉLI – Parce qu’elle ne peut pas marcher toute seule la petite Dame ?

YVAIN – Mère, à votre place j’éviterais de …

LÉODAGAN – Il ferait beau voir que vous interdisiez quoi que ce soit à votre mère ! Je peux encore vous envoyer dans votre chambre avec un coup de pied dans le fion.

DÉMETRA, descend précipitamment – Mon mari n’est plus simplement un fils à papa. Maintenant il est chef de clan et s’est déjà assuré un héritier alors vous feriez mieux de lui parler comme à un homme.

SÉLI – Sa femme ?

LÉODAGAN – Un héritier ?

GOUSTAN – Un homme ?

YVAIN – Voilà, super. Je vais encore me faire engueuler.

DÉMETRA, à Yvain – Vous n’avez pas à vous faire crier dessus par vos parents.

Léodagan se penche vers Démetra pour voir le bébé qu’elle porte dans ses bras.

LÉODAGAN, à Yvain – C’est à vous ça ?

Le bébé pleure.

DÉMETRA, à Léodagan – Éloignez-vous, vous lui faites peur.

YVAIN – Et puis d’abord ça peut pas être un héritier c’est une fille.

DÉMETRA – On a déjà dit qu’on pourrait en reparler du droit des femmes dans votre clan.

SÉLI, à Yvain – Attendez, attendez. Vous, vous êtes marié à celle-ci ?

YVAIN – Ouais.

SÉLI – Et ça c’est votre fille ?

YVAIN – Carrément.

SÉLI – Je ne vois pas le problème pour marcher.

YVAIN – Non mais c’est parce qu’elle est encore enceinte et les longs trajets il paraît que c’est dangereux pour le bébé.

LÉODAGAN – Depuis quand vous écoutez ce qu’on vous dit ?

YVAIN – C’est pas pareil, c’est ma femme.

LÉODAGAN – Et alors ?

GAUVAIN – Ce que mon ami a voulu exprimer c’est qu’en prenant exemple sur vous, il n’accorde pas forcément son attention aux figures d’autorité classiques, comme vous avec le Roi, mais quand Démetra parle il nous faut l’écouter, à l’instar de vous-même face à Dame Séli. Est-ce que je retraduis là convenablement votre pensée ?

YVAIN – Je dois faire ce que (regarde son poignet) … Démetra dit, c’est comme ça.

SÉLI – Finalement je croyais l’avoir raté mais pas tant que ça.

GOUSTAN – Là c’est la déchéance.

LÉODAGAN, au bébé – Tu dis bonjour à papy ?


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Perceval est au bar de la taverne, vide. Il tape du poing sur la table.

TAVERNIER, off – Deux secondes j’arrive. C’est vous ?

PERCEVAL – Qui voulez-vous que ce soit ?

TAVERNIER – J’en savais rien justement.

PERCEVAL – Bah, c’est moi.

TAVERNIER – Il est pas avec vous le Seigneur Karadoc ?

Le tavernier le sert. Ils sont attablés.

PERCEVAL – Ils vous ont mis la baraque à sac ?

TAVERNIER – Pas qu’une fois je vous dis. Quasiment tous les mois, ils étaient de retour pour venir mettre leurs sales pattes partout, soit disant pour vérifier si je cachais pas le Roi ou Venec.

PERCEVAL – Alors que vous ne pouviez pas le cacher le Roi, il était même plus en Bretagne.

TAVERNIER – Vous vous avez voyagé si loin ? Vous m’impressionnez Seigneur Perceval. C’est ça être un Chevalier.

PERCEVAL – On sait pas si je suis allé loin. Si ça se trouve j’ai tourné en rond les trois quarts du temps.

TAVERNIER – Je voudrais bien vous remonter le moral mais je sais que vous en auriez été capable. Un petit cul-de-chouette pour se détendre ?

PERCEVAL – Vous voulez pas plutôt faire un Sloubi ?


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Dans la chambre, Eurydice et Guenièvre se font face, debout.

EURYDICE – Maintenant inspire et suis mes mouvements.

Guenièvre opine du chef. Eurydice se met à faire des gestes amples et lents.

GUENIÈVRE, déçue – J’y arrive pas.

EURYDICE – Mais si. Quand on s’est connues, tu ne restais pas éveillée plus de 5 minutes et tu ne pouvais plus marcher. Aujourd’hui on est debout depuis une heure et tu ne fatigues pas.

GUENIÈVRE – Il n’empêche que je n’arrive même pas à lever les bras.

EURYDICE – Arrête de voir les choses en comparaison avec comment tu les faisais avant. Vois les plutôt par rapport à quand tu t’es réveillée.

GUENIÈVRE – C’est plus facile à dire qu’à faire cette histoire.

EURYDICE – Je sais bien mais … Arthur vient.

Guenièvre se crispe.

GUENIÈVRE – Pourquoi il s’obstine à vouloir venir dormir ici tous les soirs ?

EURYDICE – Parce que c’est ton mari.

GUENIÈVRE – Je le fais dormir par terre quand même.

EURYDICE – Ça il n’y a que moi qui le sait. Pour le reste des gens vous dormez ensemble. Il est essentiel que le Roi et la Reine ne fasse pas chambre à part.

GUENIÈVRE – Je m’en fous d’être Reine moi ! Je peux te dire que si c’était quelqu’un d’autre qu’Arthur, le Roi, il y a longtemps que j’aurais arrêté.

EURYDICE – Donc aujourd’hui tu ne vas pas faire semblant de dormir ?

GUENIÈVRE – Je sens que je peux le faire.

EURYDICE – Est-ce que tu veux que je vous laisse seuls ?

Guenièvre a l’air passablement terrifiée de cette proposition.

EURYDICE – Je serais derrière la porte tout le temps.

GUENIÈVRE – Et si tu t’endors ?

EURYDICE – Je ne fermerais pas l’œil de la nuit.

GUENIÈVRE – Je … je veux bien alors.

Arthur entre.

ARTHUR – Salut Eurydice, ça … (il voit Guenièvre) Vous êtes là …

Guenièvre opine.

EURYDICE – Oui enfin elle est toujours plus ou moins là en fait.

ARTHUR – Comment est-ce que vous vous sentez ?

GUENIÈVRE – Ça va, ça va.

EURYDICE – Bon et bien moi je vais vous laisser.

ARTHUR – Comment ça ?

EURYDICE – Je compte sortir de la pièce.

ARTHUR – Depuis quand tu fais ce genre de truc ?

EURYDICE – Écoute, ça fait deux semaines que je joue les chiens de garde à l’intérieur, je peux bien m’offrir le luxe, pour une fois, d’aller faire le pet devant la porte.

Eurydice sort.

GUENIÈVRE – Je suis fatiguée. Je vais dormir. Vous voulez dormir dans le lit ?

ARTHUR – J’aimerais bien oui, mais il faut pas vous sentir obligée.

Guenièvre ne répond rien. Elle amasse tout ce qu’elle peut pour faire une barrière au milieu du lit puis se couche.

GUENIÈVRE – C’est bon vous pouvez venir.

ARTHUR, à lui-même – Avant c’est moi qui voulais pas, si vous vous rajoutez au truc …

GUENIÈVRE – Vous venez ou pas ?

ARTHUR – J’arrive.

Arthur se couche de l’autre côté de la séparation. Bientôt il dort, Guenièvre pas. Dans la nuit, Arthur se retourne et son bras passe de l’autre côté. Guenièvre bondit, elle est horrifiée. Elle repousse la main avec Excalibur qui traîne là. Au matin, Eurydice arrive.

EURYDICE – Allez, debout là-dedans.

ARTHUR, endormi – On n’est pas en retard, ça va.

EURYDICE – La procession démarre dans une demi-heure.

ARTHUR, bondissant du lit – Quoi !

GUENIÈVRE – De quoi est-ce que vous parlez ?

EURYDICE, à Arthur sur un ton de reproche – Tu ne lui as pas dit ?

ARTHUR, honteux – J’ai essayé mais … non j’ai rien fait. Je n’ai pas osé.

EURYDICE, à Guenièvre – C’est aujourd’hui qu’on enterre tout ceux qui ont péri durant la reprise de Kaamelott.

GUENIÈVRE, écœurée – Après 2 semaines ?

ARTHUR – Il nous fallait le temps de rassembler tout le monde.

EURYDICE – Heureusement que le début de l’hiver est frais cette année.

ARTHUR – Vous voulez venir ?

GUENIÈVRE, timide – Est-ce qu’il y sera ?

EURYDICE – Oui. Il n’aura pas de sépulture particulière mais Lancelot sera enterré dignement avec les autres.

GUENIÈVRE – Je viens.

Ils se préparent. Guenièvre est prête avant Arthur.

GUENIÈVRE, à Eurydice – Tu restes avec moi ?

EURYDICE – Bien sûr. Je ne serais jamais à plus de 2 mètres. Tu veux que je garde tout le monde à distance ou simplement les hommes ?

GUENIÈVRE, bas – La deuxième option.

EURYDICE – Et si c’est ton père ? Parce que moi, Roi de Carmélide ou pas, je suis totalement disposée à l’emmancher bien comme il faut.

GUENIÈVRE – Papa ? Je ne sais pas trop encore. On verra.

ARTHUR – Je serais là aussi.

Arthur va poser sa main sur l’épaule de Guenièvre mais celle-ci évite le contact. Guenièvre se rend compte qu’elle a blessé Arthur.

GUENIÈVRE, gênée – Allons-y.


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L’ANKOU – C’est gentil de me les avoir tous mis de côté.

LÉODAGAN – Ouais sauf que cette fois-ci, on les emmène jusqu’au Rocher.

L’ANKOU – Le rocher de l’épée des rois ? C’est sacrément loin votre affaire.

LÉODAGAN – C’est comme ça. Ordre du Roi. En plus on vous suit pendant le trajet.

L’ANKOU – Sire, c’est vrai ça ?

Arthur vient d’arriver accompagné de Guenièvre et Eurydice.

ARTHUR – Oui.

L’ANKOU – Bon, pour une fois j’aurais de la compagnie.

LÉODAGAN, à Guenièvre – Tiens, vous êtes là vous.

EUYDICE, souriante à Léodagan – Moi aussi.

Léodagan grimace et s’en va.

SÉLI – Tiens vous êtes là vous. Vous étiez bien cachée avec votre chien de garde (sur un ton de reproche à Eurydice) qui ne laissait même pas rentrer vos parents.

GUENIÈVRE – C’est moi lui lui ait demandé.

SÉLI – Vous ? Vous roupilliez encore comme un poivrot en train de décuver.

ARTHUR – Laissez là un peu tranquille.

SÉLI – Qu’est-ce que vous venez vous mêler d’une discussion mère-fille vous ?

ARTHUR – Quand la-dite fille, c’est ma femme, je crois que j’ai tous les droits de me sentir concerné.

GUENIÈVRE, à Arthur – C’est très gentil ce que vous faites mais je sais me défendre toute seule. (à Séli) Mère, si je suis sortie c’est pour rendre un dernier hommage à ces hommes …

SÉLI – Les nôtres où ceux de votre petit-copain Lancelot ?

GUENIÈVRE – Qu’importe ! Les deux. Dans un camp comme dans l’autre ces gens ont donné leur vie pour ce en quoi ils croyaient ! Cela mérite tous nos hommages.

SÉLI, désignant Arthur – Je vois que celui-là vous a bien briffé. On en reparlera quand vous ne serez plus occupée à féliciter nos ennemis.

Séli s’en va.

GUENIÈVRE, à Arthur – Je n’ai pas compris ce qu’elle a voulu dire à votre sujet.

ARTHUR, souriant – Ce que vous lui avez dit c’est à peu près ce que j’ai évoqué quand j’ai décidé de faire enterrer tous les morts ensemble, sans distinction d’allégeance.

EURYDICE – Je crois qu’on devrait prendre la tête de la marche.


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Ensuite, ils marchent jusqu’au Rocher, tous derrière et eux devant.

GUENIÈVRE – Je ne me souvenais pas que c’était si loin.

EURYDICE – Parce que tu as déjà été au Rocher depuis Kaamelott ?

GUENIÈVRE – Jamais, pourquoi ?

ARTHUR – Parce que sinon vous sauriez qu’on est plus très loin.


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Ensuite, ils sont au Rocher. Un peu partout il y a de la terre fraîchement retournée. Guenièvre est dans les bras d’Arthur, elle cache ses larmes. Arthur est désemparé.

GUENIÈVRE – Pourquoi ne m’avez vous pas … laissé le voir une … dernière fois ?

ARTHUR, doux – Personne ne doit savoir où il repose. Ni vous, ni moi.

Face à eux, Calogrenant se recueille pieusement. Léodagan baille. Séli compulse un parchemin. Yvain, Gauvain, Caïus et Viviane se copient mutuellement pour savoir quoi faire. Perceval est silencieux et garde la tête basse. Ygerne et Cryda crachent sur les tombes de ceux qu’elles pensent être des ennemis. Le maître d’armes offre un dernier salut digne à ces guerriers. Grüdhü dort debout, Merlin s’occupe de l’empêcher de ronfler. Un bébé pleure. Eurydice bondit. Arthur lui saisit le bras.

ARTHUR – Qu’est-ce que tu vas faire ?

EURYDICE – Je vais voir le bébé.

ARTHUR – Non.

EURYDICE – Et pourquoi ? Tu sais qui c’est.

ARTHUR – Ta réaction me donne une petite idée.

GUENIÈVRE – Pourquoi vous ne voulez pas qu’elle aille voir ce bébé ?

ARTHUR – Parce qu’elle ne le connaît même pas et que ce n’est pas le moment.

EURYDICE – Je ne la connais pas encore mais c’est ma sœur alors je veux la voir.

ARTHUR – Demi-sœur.

GUENIÈVRE – Laissez-là donc.

Guenièvre prend la main d’Eurydice et l’entraîne vers les vagissements. Arthur les suit.

EURYDICE, au bébé qui s’arrête immédiatement de pleurer – Salut toi. T’es super costaude mais je suis sûre que tu ressembleras beaucoup à papa. (à Démetra) Elle s’appelle comment ?

DÉMETRA – Fakir. Mais vous êtes qui vous ?

EURYDICE – Je suis sa sœur. Eurydice. Enchantée. Elle s’appelle Fakir ?

DÉMETRA, dépitée – Oui c’est mon mari qui a choisi.

GUENIÈVRE – Tiens Démetra, vous êtes là.

Eurydice dérobe Fakir des bras de Démetra et va la présenter à Arthur.

EURYDICE – Regarde, elle te ressemble non ?

Arthur est gêné mais Fakir rit. Il se détend.

GUENIÈVRE, à Démetra – Yvain est au courant ?

DÉMETRA, fait non de la tête – Mais il ne faut rien lui dire. Celui qui arrive c’est vraiment le sien.

ARTHUR – Vous y arrivez maintenant ?

DÉMETRA – Je me suis habituée. Comme Fakir dort dans la même pièce, je lui dis de se taire. (désignant Eurydice) Finalement vous en avez trouvé des enfants.

ARTHUR – C’est plutôt eux qui m’ont trouvé.


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Intérieur du château, nuit, dans un couloir. Eurydice patrouille. Léodagan revient des cuisines avec une miche de pain sous le bras.

LÉODAGAN – Tiens vous êtes là vous.

EURYDICE – Il faut bien qu’il y en ait qui fassent des choses utiles pendant que les autres s’empiffrent en pleine nuit.

LÉODAGAN – Faites bien attention, la dernière fois vous m’avez eu par surprise. Si je m’y mets ce sera pas la même.

EURYDICE – Parce que tu crois que les menaces d’un bourrin en pyjama ça me fait peur ?

LÉODAGAN, lâchant son pain et se retroussant ses manches – J’ai jamais cogné mon gendre mais je sens que toi je vais adorer te refaire la face.

EURYDICE – J’ai déjà botté le cul du souverain du royaume de Logres, c’est pas un Roi de Carmélide par intérim qui va me filer les jetons.

Ils s’empoignent. Au matin, ils sont essoufflés, débraillés, tuméfiés mais se tapent toujours dessus et entre-temps, ils ont trouvé des épées et des pièces d’armure éparses.

LÉODAGAN – Tu ferais bien d’abandonner.

EURYDICE – Alors que tu frappes comme un gosse, pas question !

Léodagan lance un nouvel assaut. Eurydice l’évite et rengaine son épée.

EURYDICE – J’abandonne. Rengaine.

LÉODAGAN – Quoi ?

EURYDICE, pressante – Range moi ça je te dis.

À peine a-t-il obéit, qu’Arthur arrive.

ARTHUR – Qu’est-ce que vous faites ?

EURYDICE, respirant fort – Rien.

ARTHUR – Beau-père ?

LÉODAGAN, essoufflé – Absolument rien.

ARTHUR – Vous avez de la chance que j’ai faim. On réglera ça plus tard.

Arthur s’en va.

LÉODAGAN – Comment est-ce que tu as su qu’il radinait ?

EURYDICE – Et bien pour un Roi, t’es pas tellement bien informé.

LÉODAGAN – Arrête ça ou on recommence la distribution de beignes.

EURYDICE – Je suis officiellement le premier membre de la Garde Royale, dont je suis aussi responsable.

LÉODAGAN – Et alors ?

EURYDICE – Il me semble que savoir où est le Roi est une bonne base pour quelqu’un qui occupe ma fonction.

LÉODAGAN – Parce que les gardes royaux sont magiciens maintenant.

EURYDICE – Tu crois quand même pas que n’importe quel bouseux peut atteindre cette fonction.

LÉODAGAN – Comme je n’ai que toi comme modèle …

Eurydice lui colle une tartine à laquelle Léodagan répond par une avoine monumentale.


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Abord du lac, une petite foule est amassée. Dans l’eau jusqu’aux genoux, Viviane et Caïus, entourés de Merlin et du Père Blaise. Dans le public Eurydice et Léodagan portent toujours les traces de leur affrontement.

GUENIÈVRE, bas à Arthur – J’aime bien les baptêmes. Ça change des cérémonies en intérieur.

ARTHUR, de même – Et encore le Père Blaise voulait qu’on fasse ça dans la chapelle avec une bassine d’eau.

Merlin et Père Blaise les plongent dans l’eau.

GUENIÈVRE – On perdrait quand même en puissance symbolique. Le paradigme de la renaissance est très visuel.

ARTHUR, étonné – Tout à fait.

Caïus se met soudain à clignoter en faisant le bruit d’un néon qui s’allume. Il disparaît aux yeux de tous sauf d’Arthur.

VIVIANE – Quoi ? Et moi alors ? C’est pas juste ça, moi je suis …

Alors qu’elle se plaint, elle subit le même phénomène.

ARTHUR – Vous voyez que j’avais rien à voir là-dedans. Un ange même pas baptisé, ça la fout mal.

CAÏUS – Comment ça un ange ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

ARTHUR – La Dame du Lac ne vous a rien dit ?

CAÏUS – À propos de quoi ?

LA Dame DU LAC, à Arthur – Si je ne lui ai rien dit, c’est parce que j’avais mes raisons. (à Caïus) Je t’expliquerais tout ne t’inquiète pas.

ARTHUR – J’ai hâte de voir Caïus au service du Dieu chrétien.

CAÏUS – Quoi ? Moi j’ai jamais demandé ça. Faites moi redevenir comme avant !

LA Dame DU LAC – En tant que créature céleste tu n’as plus besoin de manger, ni de dormir. On est immortel. On n’a jamais froid ou mal. Et puis si tu redeviens mortel, tu ne pourras plus me voir ou m’entendre.

CAÏUS – Ah ouais quand même. Peut-être que je vais réfléchir un peu avant alors.


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Salle de la Table Ronde, Breccan, Arthur et Perceval.

BRECCAN – Voilà, tout comme vous m’aviez demandé. Que de la pierre avec un cerclage en métal. Après vous me dites si vous voulez que je vous rajoute un cuir par dessus, c’est encore possible.

PERCEVAL – Sire, elle est bien cette table.

ARTHUR – Je trouve aussi.

LA DAME DU LAC, apparaît – Pas mal mais finalement, je sais pas si je préférais pas le bois.

Arthur soupire.


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À table, Arthur, Guenièvre, Eurydice, Léodagan, Séli, Yvain et Démetra.

ARTHUR, à Guenièvre – Vous ne mangez pas ?

GUENIÈVRE – Si si mais je suis un peu barbouillée.

EURYDICE – C’est la viande saignante ? J’ai vu que ça t’avait coupé l’appétit tout à l’heure. Tu veux que je la fasse enlever de la table ?

GUENIÈVRE – Je ne sais pas si ça changera grand-chose.

LÉODAGAN – Et puis quoi encore ? On peut encore bouffer de la barbaque sans demander une dérogation.

YVAIN – Je sais même pas ce que ça veut dire mais je m’en fous, je mangerais plus de viande.

Eurydice appelle un serviteur et se lève avec lui pour ôter toute la viande en un tour.

LÉODAGAN, scandalisé – On aura tout vu !

DÉMETRA – C’est la Reine en même temps.

LÉODAGAN, à Démetra – Quoi c’est la Reine ?

ARTHUR – Si la Reine demande qu’on enlève la viande de la table, on le fait et puis c’est tout.

LÉODAGAN – Et si moi je veux la remettre, on faut comment ?

ARTHUR – Bonne nouvelle mais vous n’êtes pas Reine vous, si ?

DÉMETRA – Moi je suis plutôt contente parce qu’en ce moment, le sanglant ça m’écœure.

LÉODAGAN, à Arthur – Vous seriez pas en train d’insinuer que ma fille passe avant moi ?

ARTHUR – Je n’insinue rien du tout, c’est comme ça. Guenièvre c’est la Reine, si elle voulait elle pourrait vous donner des ordres.

LÉODAGAN, s’étrangle – QUOI !

GUENIÈVRE – Ne vous inquiétez pas, je n’en ferais rien.

Gênée elle se sert une platée de légumes et mange goulûment.

ARTHUR – Je vois que l’appétit vous est revenu.

GUENIÈVRE – Oui ça y est, j’ai une faim de loup.

DÉMETRA – Moi aussi ça me fait ça. Impossible de rien avaler et d’un coup je serais capable de manger la moitié de la production bretonne de pommes.

YVAIN, à Démetra – Vous faites ça à chaque fois, sous prétexte que vous attendez un enfant. (à Guenièvre) Vous seriez pas enceinte des fois ?

SÉLI, méprisante – Pfff … Depuis le temps ça se saurait. C’est son état naturel de s’empiffrer pour deux.

GUENIÈVRE – Je ne suis pas venue pour me faire insulter.

SÉLI – Et bien alors il fallait pas venir.

ARTHUR – Si quelqu’un doit décarrer de ma femme ou de vous, j’aime autant vous dire que ce sont vos miches qui vont valser.

LÉODAGAN – C’est quoi cette danse ? Comme pour la viande, on claque des mains et les grouillots viennent nous débarrasser ?

GUENIÈVRE – Ça pourrait se faire si vous continuez à être désagréable comme ça.

Tous restent bouche bée, sauf Eurydice.

EURYDICE, souriante – Si tu as besoin d’aide pour le trouduc de Carmélide, je suis preneuse.

LÉODAGAN, à Eurydice – Faites attention ou celle-là elle va partir !

GUENIÈVRE – Père sortez. (Léodagan est sans voix, il cherche à qui Guenièvre s’adresse) Sortez. Allez gâcher le repas de quelqu’un d’autre.

ARTHUR, à Léodagan – Faites ce qu’on vous dit.

EURYDICE, au couple royal – Attendez je vais l’aider.

LÉODAGAN – Ne me touche pas toi.

Il sort.

SÉLI – Là il était sacrément en rogne, je peux vous dire qu’à un moment où à un autre vous allez manger chaud.

GUENIÈVRE – Vous aussi mère.

SÉLI – Quoi ?

GUENIÈVRE – Allez rejoindre papa, vous lui tiendrez compagnie.

ARTHUR – Pas de discussion sinon on en a encore pour des plombes.

Séli sort.

YVAIN – Si je l’ouvre, je sors aussi ou pas ?

GUENIÈVRE – Tout dépend de ce que vous allez dire.

YVAIN – Je voulais faire une blague sur votre mauvais caractère et le fait que vous soyez …

GUENIÈVRE – Vous savez quoi ? Le plus simple ce serait que vous sortiez tout de suite. On s’économise du temps.

YVAIN – Et bien on va faire comme ça alors.

Yvain sort.

ARTHUR – Qu’est-ce qui vous arrive ?

GUENIÈVRE – Je ne sais pas. J’en ai eu marre tout à coup.

DÉMETRA – Vous voulez que je vous laisse ?

GUENIÈVRE – Non vous ça va. Vous êtes gentille. Est-ce que vous pouvez me passer les fèves ?


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Dans la forêt, laboratoire de Merlin.

MERLIN – Tu sais, pas besoin de prendre la fiole. Je peux le faire ici, maintenant si ça t’arrange.

EURYDICE – C’est pas pour moi.

MERLIN – Allez tu sais que tu peux tout me dire. C’est qui le gars ? Je le connais ?

EURYDICE – Puisque je te dis que c’est pas pour moi.

MERLIN – Pourquoi tu me dis pas pour qui c’est alors ?

EURYDICE – Désolé mais ça je peux pas. Merci encore pour la potion.

Eurydice sort.


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Intérieur, dans la chambre royale. Guenièvre et Eurydice sont assise dans le lit. Elles sirotent une tisane.

GUENIÈVRE – Oui je sais bien mais face à son père, c’est jamais facile de s’affirmer.

EURYDICE – C’est surtout une question de caractère. Regarde le mien il est Roi de Bretagne et pourtant je ne le laisse pas me marcher sur les pieds.

GUENIÈVRE – Toi c’est pas pareil.

Arthur entre.

ARTHUR, à Eurydice – Qu’est-ce que tu fous au plumard avec ma femme ?

EURYDICE – Qu’est-ce qu’il y a ? T’es jaloux ?

ARTHUR – Sans parler de jalousie, c’est quand même ma place à la base.

GUENIÈVRE – Ne vous battez pas, Si vous voulez c’est moi qui part.

EURYDICE, l’empêchant de se lever et sort du lit – Non ça n’a plus d’intérêt si tu n’es plus là.

GUENIÈVRE – Heureuse de te l’entendre dire.

EURYDICE – Je vais vous laisser alors.

Elle se dirige vers la porte. Arthur l’arrête.

ARTHUR – Il y a quelque chose qui ne va pas ?

EURYDICE – Ne t’inquiète pas, on aura l’occasion d’en reparler.


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Le lendemain, en début d’après-midi, au bord du lac.

ARTHUR – Tu m’as fait demander ?

EURYDICE – C’est pas trop tôt.

ARTHUR – Arrête, j’ai fait aussi vite que j’ai pu.

EURYDICE – Et tu es fier de ça ?

ARTHUR – Tu ne voulais pas me voir juste pour tester ma rapidité, si ?

EURYDICE – J’aurais pu. C’est pas une mauvaise idée.

ARTHUR – Bon alors ?

Eurydice s’écarte pour laisser voir à Arthur, Guenièvre allongée dans l’herbe. Ses vêtements sont déchirés, ses cheveux en pétard, ses joues humides, ses yeux rouges. Elle porte des traces de griffures.

ARTHUR, bouche bée – Bon sang mais qu’est-ce qui se passe ?

EURYDICE – Je vais pas y aller par quatre chemins. La Reine est enceinte.

Guenièvre glapit. Le Roi reste interdit. Il s’allonge à côté de Guenièvre et l’enlace. Elle est tendue au début. Elle veut le remercier mais sa voix est éraillée. Ils restent silencieux. Eurydice s’éloigne.

EURYDICE, à elle-même – Dire qu’elle avait attendu ce moment toute sa vie.


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Dans le couloir du château, Démetra et Angharad se croisent.

ANGHARAD – Excusez-moi.

DÉMETRA – Oui ? Vous êtes ?

ANGHARAD – Angharad. Madame m’a sûrement croisé du temps où elle était la maîtresse du Roi. Je suis la suivante de la Reine.

DÉMETRA – Angharad … Je me disais bien que votre visage m’était familier. Qu’est-ce que vous voulez ?

ANGHARAD – Comment se passe votre grossesse ?

DÉMETRA – C’est pour ça que vous m’avez arrêté ?

ANGHARAD – Non. Je voulais vous demander, comme il vous est souvent possible de manger avec Madame, si vous aviez remarqué … un changement chez elle ?

DÉMETRA – Vous voulez dire parce que je suis moi-même enceinte ?

ANGHARAD, surprise – Alors vous pensez que Madame attend un heureux évènement ?

DÉMETRA – C’était pas ça le sens de votre question ?

ANGHERAD, arrêtant de feindre la surprise – Si, mais ne je m’attendais pas à ce que vous soyez si directe.

DÉMETRA – Si moi je m’en suis rendue compte, c’était sûr que sa suivante l’avait remarqué aussi.

ANGHARAD – Et vous ne l’avez dit à personne d’autre ?

DÉMETRA – Tant que l’annonce officielle n’a pas été faite ce ne sont pas mes affaires.

ANGHARAD – Vous pensez que moi aussi je devrais attendre ce moment pour en parler à Madame ?

DÉMETRA – Écoutez vous faites bien comme vous voulez mais si après tant d’années à l’attendre Arthur et Guenièvre ne parlent pas de l’héritier, c’est qu’ils doivent avoir leur raison.

Démetra s’éloigne.

ANGHARAD, au fur et à mesure elle parle toute seule – Vous avez raison. Je vais faire comme si je ne savais rien pour servir Madame au mieux, et si elle a besoin de moi je serais …


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Quelques temps plus tard, dans la chambre de Léodagan et Séli.

SÉLI – Qu’est-ce qu’il braille le petit.

LÉODAGAN – Yvain était pareil à la naissance.

SÉLI – Démetra disait qu’au moins la petite avait été silencieuse. Alors que pour nous, Guenièvre c’était le même foin. D’ailleurs vous trouvez pas qu’elle se laisse aller sur la bouffe ces derniers temps ? On dirait qu’elle a pris 12 livres.

LÉODAGAN – Le polichinelle dans le tiroir ça doit pas l’aider non plus.

SÉLI, surprise – Qu’est-ce que vous me chantez là ?

LÉODAGAN – Vous me dites que la petite bouffe pour deux, je vous réponds que c’est quand même normal.

SÉLI – Quoi !

LÉODAGAN – Depuis le temps qu’on attend qu’elle tombe enceinte, vous allez pas faire la gueule quand ça arrive.

SÉLI – Qui vous a dit qu’elle était enceinte ?

LÉODAGAN – J’en sais rien moi. Ça se voit c’est tout. Vous passez votre temps le nez dans les parchemins, c’est sûr qu’on voit moins de choses.

Séli sort en trombe du lit et de la chambre.

LÉODAGAN – Quand je pense qu’il suffisait de ça pour avoir le pageot pour moi tout seul.


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Dans la salle de bain, Arthur et Guenièvre sont devant la baignoire pleine.

GUENIÈVRE – Pourquoi vous voulez soudainement prendre vos bains avec moi ?

ARTHUR – Justement on l’a jamais fait avant. On est mariés, les bains c’est un truc qui devrait être naturel à partager.

GUENIÈVRE, agacée – J’ai accepté de me laver avec Eurydice depuis que vous êtes revenu. Vous n’allez pas vous y mettre aussi !

ARTHUR – Eurydice ça n’avait rien à voir. Elle était là pour vérifier qu’il ne vous arrivait rien.

GUENIÈVRE, suspicieuse – Mettons que je vous crois, vous n’allez tout de même pas rester dans la pièce pendant que je me déshabille ?

ARTHUR – Je ne regarderais pas, promis.

GUENIÈVRE – Ce n’est pas une option. Vous sortez et puis c’est tout.

De mauvais gré, Arthur sort. Eurydice est dans la chambre.

EURYDICE – Alors ?

ARTHUR, l’oreille collé sur la porte – C’est bon mais elle se change.

EURYDICE – Ça va, pas la peine d’être tendu comme ça.

ARTHUR – Je sais très bien ce qui peut se passer dans les baignoires.

EURYDICE – Pour les divas romaines pourquoi pas, mais Guenièvre a été élevé en princesse bretonne.

ARTHUR – C’est moi la diva ?

EURYDICE – Qui d’autre ? Au lieu de demander de l’aide, tu as mis en scène ton désespoir. Guenièvre, même si elle aura une certaine pudeur à l’admettre, s’appuie sur le soutient qu’on lui offre.

ARTHUR, inquiet et soulagé – Alors tu penses qu’elle … n’attentera jamais à ses jours ? Et si une fois le bébé né (plus bas) il ressemble à Lancelot ?

EURYDICE – Ce n’est pas parce que Guenièvre te paraît enfantine qu’elle n’est pas forte.

GUENIÈVRE, à travers la porte – C’est bon vous pouvez entrer.

EURYDICE – N’oublie pas que chaque pas qu’elle fait vers toi lui demande un effort considérable.

ARTHUR – Ça fait partie des trucs durs à oublier.

Arthur rentre dans la salle d’eau. On frappe à la porte de la chambre. Eurydice va ouvrir.

SÉLI – Je veux parler à ma fille.

EURYDICE – La Reine prend son bain.

SÉLI – Je dois lui parler.

EURYDICE – C’est à quel sujet ?

SÉLI – Je vous en pose des questions moi ?

EURYDICE – Tu n’as pas à me poser de questions, c’est moi qui suit en charge de la protection du Roi et de la Reine.

SÉLI – Le Roi est là ? Je vais lui parler à lui alors.

EURYDICE – Ça ne va pas être possible.

SÉLI – Pourquoi donc ? Il prend son bain lui aussi ?

EURYDICE – Exactement.

SÉLI – Avec la Reine ?

EURYDICE – Oui.

SÉLI – Alors ils sont vraiment … ? Depuis le temps je n’y croyais plus. j’avais même renoncé à l’idée. Ça me coupe le sifflet

EURYDICE – Tu parles beaucoup pour quelqu’un avec le sifflet coupé.

SÉLI – Et pourtant vous ne m’écoutez pas du tout.

EURYDICE – Très bien, merci. Au revoir.

Eurydice ferme la porte.


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Arthur, dos à la baignoire, ôte ses vêtements. Guenièvre détourne les yeux. Avant d’entrer dans le bain, il passe un linge autour de ses hanches.

ARTHUR – Je peux venir ?

GUENIÈVRE, détournée – Oui, oui.

Ils sont dans le bain, face à face. Ils sont gênés. Guenièvre ne sait pas où regarder et Arthur fixe l’eau opaque.

ARTHUR – J’aime bien les bains. Ça lave. Ça détend. C’est bien non ?

GUENIÈVRE – Quand vous étiez avec vos mairesses vous passiez votre temps à papoter aussi ?

ARTHUR – Qu’est-ce que ça peut faire ce que je faisais avec mes maîtresses ? Vous êtes pas ma maîtresse, vous êtes ma femme.

GUENIÈVRE – Oui mais vos maîtresses vous les avez choisies.

ARTHUR – Pourtant vous êtes toujours là alors que des maîtresses il n’y en a plus une seule au château. Enfin il y a bien Démetra mais maintenant elle est mariée à Yvain.

GUENIÈVRE – Ça vous a pas gêné la première fois.

ARTHUR, embarrassé – C’était pas pareil. À l’époque … ils n’arrivaient à rien. Là ils ont mis la machine en route alors …

GUENIÈVRE, suspicieuse – Si Démetra venait vous faire les yeux de biche, vous la repousseriez ?

ARTHUR, peu assuré – Je … oui, oui je la …(s’énervant) De toute façon avec Démetra ou les autres on ne parlait pas tant que ça parce qu’on était pas face à face comme des glandus.

GUENIÈVRE – Comment ça pas face à face ? Vous allez pas me dire que vous preniez vos bains dos à dos quand même !

ARTHUR – Non on se mettait du même côté.

GUENIÈVRE – Pour quoi faire ? Ça devait pas être bien pratique pour se laver.

ARTHUR – C’était pas forcément pour se laver.

GUENIÈVRE, horrifiée – Quoi ? Vous faisiez … des choses dans le bain ?

ARTHUR – Non, non, c’est pas ce que je voulais dire … quoique c’est déjà arrivé … mais … c’est juste parce qu’on est mieux. Venez je vous montre.

GUENIÈVRE – Ah non ! Il n’en est pas question. Vous n’allez pas …

ARTHUR – C’est bon arrêtez de gueuler. Eurydice va radiner.

GUENIÈVRE – Elle ferait peut-être bien.

ARTHUR, blessé – Donc vous me croyez capable de vous faire du mal.

GUENIÈVRE, désolée – Non ce n’est pas ce que j’ai dit. (s’approche ) Allez-y montrez moi.

Doucement Arthur lui prend le bras, la fait se retourner et l’installe contre lui. Guenièvre paraît mal à l’aise.

ARTHUR, doux – Alors vous n’êtes pas bien là ?

GUENIÈVRE, tendue – Si, si.


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Dans la chambre, Eurydice change une bougie qui s’est complètement consumée.

EURYDICE – Mais qu’est-ce qu’ils foutent bon sang ? Ça fait des heures qu’ils sont là-dedans.

Elle entre dans la salle de bain sur la pointe des pieds. Les bougies sont fondues. La lumière est tamisée. Le Roi et la Reine sont endormis. Arthur a les bras passés autour de Guenièvre pour poser ses mains sur son ventre rebondi. Eurydice voudrait les laisser mais l’eau refroidit. Elle prépare des linges chauds et des habits propres et secs.

EURYDICE, touchant les époux – Debout là-dedans, il faudrait voir à continuer sa nuit au plumard.

Guenièvre se réveille et sort.

ARTHUR, émerge quelques minutes plus tard – Où est ma femme ?

Arthur sort du bain encore vaseux et se dirige directement vers la chambre. Eurydice lui jette un linge.

EURYDICE – Tu vas peut-être te sécher avant non ?

Arhur obéit. Il fait de même quand elle lui tend une chemise et des braies, puis il va se glisser contre Guenièvre.

GUENIÈVRE, protestant à moitié endormie – Vous avez les pieds froids.

ARTHUR, endormi – Désolé.

GUENIÈVRE – C’est pas grave.

Eurydice sourit, souffle les bougies et s’en va faire le pet devant la porte.


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Au bord du lac, Arthur a une canne à pêche dans les mains. Perceval aussi.

PERCEVAL – Je vous dérange pas ?

ARTHUR – Non, allez-y de toute façon, je n’ai pas mis d’hameçon.

PERCEVAL – Je peux m’asseoir ?

ARTHUR – Vous faites ce que vous voulez.

Perceval s’assoit à côté d’Arthur.

PERCEVAL – Sire, je peux vous poser une question ?

ARTHUR – Vous voulez dire, en plus de celle-ci ?

PERCEVAL – J’ai pas commencé encore.

ARTHUR – Laissez tomber.

PERCEVAL – Non mais expliquez-moi.

ARTHUR – Quand vous me demandez si vous pouvez me poser une question, c’est déjà une question.

PERCEVAL – Je vois ce que vous voulez dire mais moi en fait je voulais juste savoir si on pouvait vous féliciter maintenant ou si il fallait attendre.

ARTHUR – J’ai rien compris.

PERCEVAL – Une fois j’ai félicité une fille pour son bébé, elle était pas enceinte. Je me suis mangé une mandale alors je voulais pas faire de bourde.

ARTHUR – De bourde avec qui ?

PERCEVAL – La Reine, elle est pas enceinte ?

Arthur s’apprête à répondre, se ravise, et fixe sa ligne.

ARTHUR – Si, vous avez raison. Comment est-ce que vous l’avez su ?

PERCEVAL – Bah au début je croyais qu’elle avait juste pris du poids mais maintenant ça commence à bien se voir. Félicitation Sire.

ARTHUR – Je ne sais pas si ça mérite vraiment des félicitations.

PERCEVAL – Vous allez l’appeler comment ?

ARTHUR – Je ne sais pas. C’est Guenièvre qui va choisir. C’est elle qui fait tout le boulot.

PERCEVAL – Moi je suis sûr que vous allez être un super papa.

ARTHUR – Merci Perceval mais à votre place je ne serais pas aussi sûr. J’ai quand même raté le créneau en beauté avec mes premiers enfants.

PERCEVAL – Pourtant quand vous êtes avec Eurydice c’est chouette.

ARTHUR – C’est grâce à Eurydice ça, pas à moi.

PERCEVAL – Vous êtes quand même vachement pareil avec Eurydice.

ARTHUR, à lui-même – Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose.


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Dans la chambre, Eurydice fait face à Arthur debout, à côté de Guenièvre assise sur le lit.

EURYDICE – Des bruits commencent à courir, jusque chez les paysans.

ARTHUR – On pourrait faire une annonce.

GUENIÈVRE – Qu’ils s’occupent de leurs affaires les gens !

ARTHUR – Alors on fait quoi ? On reste là sans rien dire, sans rien faire alors que ça devrait être une des nouvelles les plus importantes de Logres ?

GUENIÈVRE – Parfaitement !

ARTHUR, à Eurydice – Bon bah on dit rien alors.

EURYDICE – Comme vous voudrez. J’avais un autre message. Le duc d’Aquitaine est arrivé. Il emmène un prisonnier, un certain Ferghus.

ARTHUR – Il attend en salle du trône ? Très bien je vais le voir tout de suite. Je vous retrouve tout à l’heure.


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Salle du trône, Arthur, Léodagan, Perceval et Merlin sont face au Duc, deux gardes et Ferghus.

DUC D’AQUITAINE – Veuillez m’excusez Sire d’avoir pris tant de temps avant de venir vous porter ce malfrat. La chute de Lancelot a entraîné une émigration massive. Il a fallu surveiller et gérer pour que tout se passe dans le calme.

ARTHUR – C’est très aimable à vous d’avoir fait le déplacement.

LÉODAGAN – Vous auriez pu aussi le pendre haut et court chez vous.

PERCEVAL – Pourquoi il a fait quoi ?

MERLIN – C’était un lieutenant de Lancelot.

LÉODAGAN – Un traître. Je vois pas pourquoi on perd du temps. Zigouillons-le.

DUC D’AQUITAINE – Alors effectivement, Seigneur Léodagan, je vous rejoins sur le fait que ce jeune homme ait travaillé pour l’ennemi mais si vous prenez le temps de discuter avec lui, vous le trouverez très aimable et sensible.

MERLIN – C’est vrai qu’il a pas l’air méchant.

PERCEVAL – Vous allez le laisser parler !

ARTHUR – Merci Perceval. Alors Ferghus avez-vous quelque chose à dire ?

FERGHUS – Il est où Lancelot ?

ARTHUR – Et bien … il est mort Lancelot en fait. (au duc) Vous lui avez rien dit ?

DUC D’AQUITAINE – Je n’ai pas pu. Regardez-le.

Ferghus a la lèvre basse tremblante, l’œil humide et la tête vers le sol.

ARTHUR, désappointé – Je suis désolé …

LÉODAGAN, pour lui même – Il manquait plus que ça.

ARTHUR, continu - … mais c’était quand même un traître.

FERGHUS, ému – Je sais, je sais mais moi je l’aimais bien Lancelot.

DUC D’AQUITAINE – Il vous a quand même envoyé au casse-pipe.

PERCEVAL – Vous faisiez juste le pet à l’époque du camp de Lancelot.

ARTHUR – Il était plus gentil avec vous qu’avec les autres ?

FERGHUS – Non. Il me parlait même plus mal qu’à la plupart, rapport au fait que je comprenne souvent rien.

LÉODAGAN – Il vous avait donné un rôle d’importance ?

FERGHUS – Pas vraiment. Il me confiait toujours les missions où j’étais censé réussir ou ne pas revenir.

LÉODAGAN, au duc – Et vous l’avez pas tué vous ?

ARTHUR, à Léodagan – Taisez-vous. (à Ferghus) Pourtant vous l’aimez quand même.

FERGHUS – Ouais c’est vrai que c’est bizarre ça. Je m’étais jamais posé la question avant.

LÉODAGAN – Il le revendique en plus !

FERGHUS, à Léodagan – Ça par contre je peux pas vous dire, je sais pas ce que ça veut dire.

PERCEVAL, à Ferghus – C’est pour dire que vous en avez gros.

MERLIN, à Perceval – Non je crois qu’il y a un autre sens, parce que sinon ça veut rien dire.

ARTHUR – Ce que Léodagan veut dire c’est que Ferghus est encore fidèle à Lancelot et il ne le cache pas.

FERGHUS, PERCEVAL et MERLIN, comprenant – Ah d’accord !

DUC D’AQUITAINE, à Ferghus – Vous avez bien compris qu’ici, Lancelot est perçu comme un traître.

FERGHUS – Oui.

DUC D’AQUITAINE – Avez-vous pleinement conscience de la sentence qui punit généralement la traîtrise ?

FERGHUS – Moi les traîtres j’avais ordre de les buter.

LÉODAGAN – Vous voyez ! Même lui, il sait ce qu’il y a à faire.

ARTHUR, à Ferghus – Soit vous finissez pendu au bout d’une corde, soit je vous charge de surveiller les terres autour de la Pierre. Là où on a enterré tous les morts. Avec interdiction de chercher où se trouve exactement Lancelot, pour vous comme pour les autres voyageurs. Je vous laisse le choix.

LÉODAGAN – Non mais c’est pas vrai !

FERGHUS – Je crois que je vais prendre la deuxième potion.

ARTHUR – Très bien. (au garde) Allez me chercher Eurydice.

DUC D’AQUITAINE, à Arthur – Bravo Sire. Je vous félicite pour ce jugement.

MERLIN – C’est pas pour rien qu’on vous appelle le Juste.

PERCEVAL – N’empêche c’était vachement balèze comme choix.

LÉODAGAN – Et on peut savoir pourquoi, tout à coup, la trahison c’est plus puni par pendaison ? Ça devrait être automatique ça pourtant. Réglé en 2 minutes. Traître ? Bim, peine capitale. Qu’est-ce qui vous a pris ?

ARTHUR – Ici on n’a jamais récompensé la dévotion par la mort. Ferghus est un suiveur. Si Lancelot était resté dans les rangs, Ferghus aurait été un soldat dévoué à la cause. Je peux pas le pendre pour un truc qu’il a même pas compris.

FERGHUS – J’ai pas tout suivi mais c’est bien gentil Sire.

Eurydice entre. Guenièvre reste dans l’embrasure de la porte.

EURYDICE, à Arthur – Tu m’as fait demander ?

ARTHUR – Oui, Ferghus ici présent est condamné à surveiller la Terre des morts autour de la Pierre.

EURYDICE – Pas besoin de continuer j’ai compris. Tu as besoin de quelqu’un pour l’accompagner et vérifier qu’il fait bien tout comme tu lui as dit.

ARTHUR – Exactement.

EURYDICE – Si je te déniches une Dame de Séli pour lui coller aux basques ça t’ira ?

ARTHUR – Ce sera parfait pour moi.

Eurydice fait signe aux gardes qui emmènent Ferghus. Elle sort.

LÉODAGAN - « Dame de Séli », c’est quoi encore ce délire ?


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En campagne, dans le campement, matin.

PERCEVAL – Bonjour Sire.

ARTHUR, teint blanc et cernes prononcées – Non ! Pas « bonjour Sire ». Allez vous faire voir avec vos « bonjour Sire » ! J’en ai marre de ces « bonjours ». Ce n’est pas un bon jour !

EURYDICE, sort de la tente dans le même état – Ça va pas besoin de gueuler ! Il n’y est pour rien si ça fait une semaine qu’on ne peut pas dormir !

ARTHUR – Peut-être mais qu’il arrête avec ses « bonjours » alors !

EURYDICE – Et bien tu pourrais commencer par lui demander gentiment !

PERCEVAL – Vous devriez aller voir Merlin.

Arthur pique une crise et essaye de se jeter son Chevalier. Eurydice l’étale avec un coup de poing aussi soudain que brutal.

EURYDICE – Je veux bien prendre ta défense Perceval mais il va falloir y mettre du tien aussi. Tu crois quand même pas qu’on aurait été assez cons pour se choper une insomnie pareille dans aller voir Merlin à un moment donné. Il doit nous a apporter un traitement aujourd’hui.

PERCEVAL – Ah d’accord.

Arthur s’est relevé dans le dos d’Eurydice. Il l’attaque en mordant directement à l’épaule. Ils commencent à se battre.


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Plus tard Perceval et Karadoc ont fait un feu.

PERCEVAL – Vous croyez que c’est bon ?

KARADOC – Pour qu’un truc soit bon, y a que deux solutions. Il faut qu le produit de base soit de qualité et il faut savoir bien le préparer. La préparation c’est moi qui m’en charge. Et vous, votre corbeau il est de qualité ?

PERCEVAL – Bah ouais. C’était un gros piaf qui traînait dans le campement.

KARADOC – Y en a plein des corbacs dans les arbres qui nous suivent juste pour les restes de bouffe. Vous les dégommez pas d’habitude.

PERCEVAL – Ouais mais celui-là il me tapait sur les nerfs et en plus il était vachement moche.

KARADOC – Ah bon ? Moi je lui trouvais rien de spécial. Tiens Merlin ! Qu’est-ce que vous venez faire ici ?

MERLIN, arrive – Le Roi et Eurydice ont besoin d’un traitement. Ils ne peuvent pas dormir en ce moment.

KARADOC – C’est pour ça qu’on se fait crier dessus tout le temps.

PERCEVAL – Vous voulez dire comme avant ?

KARADOC – Ouais c’est ça. Sauf que là c’est avec tout le monde.

MERLIN – C’est pas que je ne resterais pas volontiers discuter avec vous mais le devoir m’appelle.

Merlin part en direction de la tente de commandement. Perceval et Karadoc continuent comme si de rien n’était.

PERCEVAL – N’empêche que depuis que le Roi est revenu on a dû faire des progrès parce qu’on se fait carrément moins crier dessus qu’avant.

KARADOC – Attendez je pense que c’est aussi dû au fait que les campagnes on en fait moins qu’avant.

Merlin revient avec l’air déçu. Il s’assoit à côté des deux comparses.

PERCEVAL – Vous êtes déjà revenu ?

MERLIN – Quand je suis arrivé ils dormaient déjà tous les deux comme des masses, à même le sol.

KARADOC – C’est bien ça bravo !

MERLIN – Mais j’ai rien fait ! Ils se soignés tout seuls alors que je leur avais préparé une potion aux petits oignons …

KARADOC – C’est ça qui nous faudrait ! Deux trois trucs à lui mettre dans le fion pour donner du goût.

MERLIN – C’est vrai que ça sent bon chez vous. (voyant l’oiseau) Vous ne comptez pas manger Mevanwi quand même ?

KARADOC – Ma femme ? Où ça ?

MERLIN – Sur la broche !

PERCEVAL – C’est vrai qu’Arthur l’avait fait transformé. Comment vous la reconnaissez ?

MERLIN – C’est moi qui l’ait métamorphosé je vous ferais dire.

PERCEVAL – La vache ! On a failli faire une connerie.

KARADOC – Ça fait chier elle était presque prête.

Ils considèrent l’oiseau pendant un moment.

KARADOC – En même temps, je vais pas bouffer ma femme.

PERCEVAL – Moi je peux pas je vous le dis. Même comme ça j’y touche pas à votre femme.

KARADOC, à Merlin – Et vous ? Vous en voulez pas ?

MERLIN – Ah certainement pas. Les corbeaux métamorphosés c’est une vraie merde. Ça vous foire toutes vos potions.

KARADOC – Ça me fait de la peine de gâcher.

PERCEVAL – On a qu’à la balancer dans les bois. Ça fera de la graille pour les loups.

MERLIN – C’est une bonne idée. Ce sera comme un sacrifice de l’Esprit des loups.

KARADOC – C’est pas faux.


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Arthur et Eurydice se réveillent.

LÉODAGAN – Ça va, ça vous dérange pas de pioncer pendant que nous on préparer une bataille.

ARTHUR – Vous savez quoi ? J’ai si bien dormi que j’ai même pas envie de vous répondre.

EURYDICE – Moi je sais pas, je me tenterais bien une petite beigne quand même. Juste pour le sport.

MERLIN – Ah vous êtes enfin réveillés.

EURYDICE – Comment ça « enfin » ? On a dormi combien de temps ?

LÉODAGAN – Ça fait bien deux jours que vous roupillez comme des loirs. Vous étiez en plein milieu du passage en plus.

ARTHUR – Deux jours ?

EURYDICE – Oui enfin on pouvait difficilement se bouger dans notre sommeil. Pourquoi vous nous avez laissé par terre ?

MERLIN – Comme ces derniers jours on se faisait incendier dès qu’on vous approchait …

LÉODAGAN – Fait les comprendre les gars. Ils avaient les miquettes de vous déranger.

ARTHUR – Et vous ? Vous aviez les miquettes aussi ?

LÉODAGAN – Ah non moi c’était de la mauvaise volonté. Je vous aurais bien rentré vous mais comme l’autre casse couille vous était tombée par dessus, j’ai rien voulu toucher.

ARTHUR – Et s’il avait plu ? Vous auriez fait quelque chose ?

EURYDICE – En tout cas merci Merlin. Je ne sais pas ce que tu nous as trouvé mais on peut dire que ça a été efficace.

MERLIN – Alors en fait c’est pas moi. J’ai rien eu le temps de faire. Quand je suis arrivé vous étiez déjà …

ARTHUR, ne démordant pas de son sujet – Et Perceval et Karadoc alors ? Ils devraient être à moitié habitués à ce qu’on leur gueule dessus, pourquoi est-ce qu’ils nous ont laissé au milieu de la carré ?

LÉODAGAN – Ils sont partis à la taverne.

ARTHUR – Quoi ?

LÉODAGAN – Soi- disant pour se ressourcer et se retrouver en tant que binôme.

EURYDICE – Qu’est-ce qu’ils ont encore été inventer ?

MERLIN – C’est surtout pour Perceval. Il s’en voulait par rapport à Karadoc.

LÉODAGAN – Tu m’étonnes ! Il lui a bousillé sa femme à grands coups de gadins avant de la donner à bouffer aux loups.

Arthur soupire et s’assoit.

ARTHUR, désolé à lui-même – Je venais juste de me réveiller. J’avais bien dormi. Pourquoi est-ce qu’il faut absolument qu’ils attaquent si tôt ?

EURYDICE – Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

MERLIN – Il y avait un corbeau dans le camp.

EURYDICE – Comme il y a toujours des corbeaux dans le camp.

MERLIN – Oui mais celui-là il ne plaisait pas à Perceval.

EURYDICE – Et …

LÉODAGAN – Et il l’a caillassé point barre. On va pas en faire tout un fromage.

MERLIN – Quand je suis arrivé ils la faisaient cuire.

ARTHUR, abasourdi – Ils l’ont graillé ?

MERLIN – Heureusement non, on est passé à ça (il matérialise un espace réduit entre ses doigts) C’est moi qui ait reconnu que le corbeau c’était en fait Mevanwi.

ARTHUR – Et vous l’avez laissé aux loups.

EURYDICE – Mais Perceval l’a tué avant ou après que tu sois arrivé ?

MERLIN – Avant. Je vous ai dit quand je suis arrivé ils finissaient de la cuisiner.

ARTHUR – Mais alors …

EURYDICE – Notre insomnie c’était la faute de Mevanwi.

LÉODAGAN – Pas con ça se tient.

MERLIN – Oh ! J’avais pas fait le lien.


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Chambre de Démetra et Yvain. Démetra donne la tétée à un bébé, Fakir dort avec Yvain sur le lit. Gauvain entre.

GAUVAIN, bas – Excusez-moi, je ne voulais pas vous déranger.

DÉMETRA, détendue – Si vous ne faites pas de bruit, vous ne me dérangez pas.

GAUVAIN, montrant la place à côté de Démetra – Puis-je ?

DÉMETRA – Allez-y.

Gauvain s’assoit et s’émerveille du bébé.

GAUVAIN – Comme il est glouton. Il est assez extraordinaire qu’une si petite chose passe son temps à manger.

DÉMETRA – C’est normal. Vous aussi à son âge vous faisiez pareil.

GAUVAIN – Malheureusement je ne pense pas. Ma mère m’aura très certainement confié à quelque nourrice dès mon plus jeune âge.

DÉMETRA – C’est sûr que ça fatigue.

Fakir s’agite dans le lit.

DÉMETRA, à sa fille – Là ma chérie sois sage. (à Gauvain) Vous voulez pas la prendre ? Si elle réveille Yvain il sera de mauvaise humeur toute l’après-midi.

GAUVAIN – Vous êtes sûre ?

DÉMETRA – Bah oui puisque je vous le dis.

Gauvain prend très précautionneusement Fakir dans ses bras. Il est aux anges.

GAUVAIN – Pourquoi faisait-elle si peur plus petite quand elle pleurait ?

DÉMETRA – C’est vous qui partiez en courant dès qu’elle commençait à chouiner.

GAUVAIN – Je peux vous assurer qu’elle était proprement terrifiante.

DÉMETRA – Et maintenant ça va mieux ?

GAUVAIN, fasciné par l’enfant qui le regarde – Oui.


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Sur les chemins dans la campagne avoisinant Kaamelott, Arthur est sur un cheval. Il y tient Guenièvre montée en Amazone. Eurydice dirige la monture par la bride.

GUENIÈVRE, ravie – Ah ! Ça fait du bien de sortir un peu.

ARTHUR – Oui mais c’est juste une petite ballade, après on rentre.

GUENIÈVRE – Rô, ça va. Je vas pas accoucher sur le cheval quand même.

ARTHUR, inquiet – Parlez pas de ça !

EURYDICE – Arthur a raison. Merlin dit que le bébé pourrait naître dans les jours qui viennent.

GUENIÈVRE – Ça fait une semaine que vous me gardez au château. Il ferait beau voir que ce soit juste aujourd’hui qu’il décide de sortir.

EURYDICE – J’espère bien parce que sinon bonjour le spectacle au milieu des fougères.

Arthur, soucieux, reste silencieux. Eurydice les mène à travers les sentiers.

GUENIÈVRE – Je suis désolée. Je sais que c’était pour mon bien mais ça faisait tellement longtemps que j’étais enfermée …

ARTHUR – C’est nous. On aurait pu dû aussi hausser le ton.

EURYDICE – Bon et puis de toute façon on est bientôt rendu au lac. Oubliez pas de respirer surtout.

GUENIÈVRE – Tu me vouvoies maintenant ?

ARTHUR, suspicieux – Pourquoi tu lui demandes de respirer ?

EURYDICE – Je vous parlais à tous les deux parce que tu vas voir que quand il va comprendre que tu as perdu les eaux, il va …

ARTHUR – QUOI ! Tu veux dire maintenant ? Là ? Mais c’est pas possible, qu’est-ce qu’on va faire ?

EURYDICE - … paniquer.

ARTHUR – Je panique pas, je m’inquiète !

GUENIÈVRE, à Arthur – Merlin a dit qu’il fallait respirer profondément, avec le ventre, pour rester calme.

ARTHUR – Comment voulez-vous que je reste calme quand vous tirez des tronches pareilles !

GUENIÈVRE – C’est pas ma faute si ça me fait mal maintenant.

EURYDICE – Ça aussi Merlin nous avait prévenu. Ça ira mieux quand tu seras descendu de cheval. Tiens regarde on arrive. Arthur bouge pas, je la descends.

Eurydice aide Guenièvre. Elle l’allonge dans l’herbe. Arthur se précipite à ses côtés. Eurydice grimpe sur le cheval.

ARTHUR, affolé – Tu vas pas nous laisser quand même ?

EURYDICE – Il faut bien que j’aille chercher Merlin. Guenièvre prend soin de papa. Fais-le bien inspirer puis expirer tout ça.

GUENIÈVRE – Faudrait encore voir qu’il m’écoute.

EURYDICE – Je te fais confiance.

Eurydice tourne la bride et part au galop.

ARTHUR – Ça va ?

GUENIÈVRE – Ça tire de plus en plus.

ARTHUR – Merlin a dit que souvent ça durait des heures. Ils seront revenus d’ici là.

GUENIÈVRE – Je vous ai attendu.

ARTHUR – Quand ça ?

GUENIÈVRE – Après que vous ayez donné les pleins pouvoirs à Lancelot, je n’ai jamais cessé de vous attendre. Même quand Lancelot disait qu’il allait vous retrouver et vous tuer. J’ai toujours su que vous reviendriez, même si j’ai jamais rien dit.

ARTHUR – C’est gentil d’y avoir cru. Je suis là maintenant.

GUENIÈVRE – Et j’en suis bien contente.

Arthur installe Guenièvre plus confortablement, en position semi-allongée. Guenièvre alterne différentes expressions faciales étranges qui trahissent son inconfort. Quand ils arrivent, on entend les chevaux de loin.

MERLIN – Eurydice va remplir les bacs d’eau, Sire est-ce que vous pouvez m’allumer un feu ?

Tous s’exécutent. Merlin va voir Guenièvre.

MERLIN – Houlà oui. Vous allez aller nulle part comme ça. Au moins ça devrait être rapide. Sire venez là. Eurydice fais chauffer l’eau et passe moi un linge propre. (à Guenièvre) Bon maintenant il va falloir pousser.

Guenièvre fait ce qu’on lui dit. Ce n’est pas une partie de plaisir. Elle broie à plusieurs reprises la main d’Arthur. Eurydice joue les assistantes pour Merlin. Finalement un cri s’élève au dessus du lac.

EURYDICE, ravie elle tient le bébé – Ça y est.

MERLIN – Tout c’est bien passé.

EURYDICE, à Arthur – Tu le veux ?

ARTHUR, apeuré – Pourquoi pas.

Eurydice lui donne le bébé.

GUENIÈVRE, éreintée – Alors il est comment ?

ARTHUR – Comment vous savez que c’est un garçon ?

GUENIÈVRE – Parce que j’ai choisi Galahad comme prénom et que ça fait plus garçon que fille.

Arthur fronce les sourcils d’incompréhension.

EURYDICE – Il a une tignasse de cheveux qui rappelle les tiens.

ARTHUR – Et de grands yeux bleus … Tu le veux ?

GUENIÈVRE, mal à l’aise – Non merci.

Merlin aide Guenièvre à se redresser alors qu’Arthur couvre le nouveau-né. Eurydice met un genou à terre, solennelle.

ARTHUR- Qu’est-ce qui te prend ?

EURYDICE – Je salue mon futur Roi.

ARTHUR – C’est un bébé encore.

EURYDICE – Je vois pas le rapport. Aujourd’hui Galahad naît au bord du lac et demain il sera Roi de Bretagne.


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Merlin est reparti. Guenièvre n’a pas bougé, Arthur est à ses côtés. Au loin Eurydice somnole avec l’enfant posé sur le torse.

GUENIÈVRE – Pourquoi vous avez laisser dire que Galahad serait Roi ?

ARTHUR – Parce que c’est comme ça que ça marche. Quand un souverain meurt, son premier-né prend sa place.

GUENIÈVRE – Galahad n’est ni le premier, ni le vôtre alors je vois pas comment …

ARTHUR – Je ne vois pas ce que vous voulez dire. J’ai repris Kaamelott il y a 9 mois depuis j’ai toujours passé mes nuits avec vous dans votre chambre. Galahad sera mon fils et le premier enfant légitime que nous avons eu.

GUENIÈVRE, menaçante – Je vous préviens il n’y en aura pas d’autre. Il est hors de question qu’on me force encore à …

ARTHUR – Ne vous inquiétez pas. Depuis le temps, maintenant qu’on est raccords sur ce point, on aura même plus à en parler. Et ma mère, comme vos parents, vont enfin nous foutre la paix puisque c’est un garçon.

GUENIÈVRE, timide – Donc plus jamais de …

ARTHUR – Non plus jamais.

Guenièvre l’enlace.

GUENIÈVRE – Merci ! Merci.

Galahad commence à pleurer.

EURYDICE – Il a faim.

GUENIÈVRE – Je suis pas une vache laitière moi.

ARTHUR – Allez s’il vous plaît. C’est important pour le petit.

Eurydice apporte Galahad. Guenièvre refuse de le regarder.

GUENIÈVRE – Je vous préviens c’est pas moi qui l’essuierai quand il se sera fait caca dessus.

EURYDICE – T’inquiète, on s’en charge.


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Yvain et Gauvain se promènent dans les jardins.

GAUVAIN – Vous avez une chance inouïe !

YVAIN – Ouais enfin on dirait comme ça parce qu’ils ont des têtes un peu rondes et des grands yeux mais malgré leur petitesse il leur arrive de s’accrocher à moi avec une vélocité … comme des … une vélocité sans pareille.

GAUVAIN – N’est-ce donc pas là le signe d’une grande force à venir ?

YVAIN – Ma femme dit ça aussi.

GAUVAIN – Que je vous envie cher ami. Vous épanouir en tant que père n’est-ce pas merveilleux ?

YVAIN – Moi je vous les laisse si vous voulez.

GAUVAIN – Je n’en ferais rien. Je dois tout de même vous avouer que Démetra me fait parfois un peu peur.


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Dans la chambre de Léodagan et Séli. Léodagan est couché à côté de Bohort. Ils ont visiblement bu.

LÉODAGAN – Si ma femme savait que je vous ai ramené dans la piaule, je me ferais engueuler. Et puis c’est rien comparé à ce que les gens raconteraient s’ils savaient.

BOHORT – Moi ma femme serait contente de savoir que j’ai un ami comme vous.

LÉODAGAN, fier – Ah ouais ? On l’a jamais vu votre femme d’ailleurs. Elle est comment ?

BOHORT, lyrique – Elle est comme une fleur de la rosée. Sa beauté n’a d’égale qui sa fragilité. C’est pour cela qu’elle ne peut venir jusqu’ici. Le voyage est trop éprouvant pour elle.

LÉODAGAN – En tout cas, elle peut être fière de vous.

BOHORT – C’est la boisson qui vous fait dire cela Léodagan. Nous avons sûrement bien trop bu.

LÉODAGAN – Non ! Je le pense.

BOHORT – Vraiment ?

LÉODAGAN – Bien sûr. Moi j’aurais jamais pu rester un an dans le noir pour gérer les espions.

BOHORT – C’était une contribution bien moindre alors que vous, vous avez affronté Lancelot tous les jours.

LÉODAGAN – Et lors de la reconquête alors ? Vous avez chevauché jusqu’à Tintagel en un temps record puis vous êtes revenu à la tête d’une armée.

BOHORT – Tout le mérite revient au maître d’armes.

LÉODAGAN – Non franchement, vous voulez savoir ? Ce jour-là quand vous êtes rentré dans la cour de Kaamelott avec votre armure cabossée et votre épée ensanglantée, vous m’avez bluffé. J’étais sur le cul.

BOHORT, rougis – C’est bien aimable.

LÉODAGAN – Attention je ne dis pas ça pour être gentil.

Bohort sourit et pose sa tête sur l’épaule de Léodagan.

BOHORT – Au fond vous êtes comme moi. Vous êtes sensible. C’est juste que vous ne l’exprimez pas de la même façon.

LÉODAGAN – Alors je veux bien qu’on se sente un peu à l’aise tous les deux avec la picole tout ça mais là faut pas pousser Bohort.

BOHORT – Pardon.

Bohort, déçu, se redresse.


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Dans le parc, Arthur est assis sur le banc, Galahad sur les genoux. Le Roi tombe de sommeil. Eurydice arrive.

EURYDICE – Papa ?

Arthur se réveille en sursaut.

ARTHUR, perdu – Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Une attaque ?

EURYDICE – Non, c’est juste moi.

ARTHUR – Ah Eurydice. Ça va ?

EURYDICE – Oui. Pas de soucis. En revanche je me demandais est-ce que tu as vraiment besoin de moi ici ?

ARTHUR – Comment ça ?

EURYDICE – En fait tu m’as chargé de la Garde Royale mais je suis toute seule. Et puis il y a pas mal de gens à qui j’avais dit que je repasserais une fois l’occupation terminée …

ARTHUR – Tu veux partir c’est ça ?

EURYDICE – Ce serait juste temporaire. Je m’absente quelques mois l’histoire de faire mon tour et puis je reviens ici.

ARTHUR – Pourquoi maintenant ?

EURYDICE – Ça y est le petit est né alors je suis rassurée. Et puis il vaut mieux que je parte pendant qu’il ne se souvient pas encore.

ARTHUR – Ta décision est prise, quoi. Tu venais juste me prévenir.

EURYDICE – C’est pas vrai. T’es peut-être mon père mais tu es aussi mon Roi. Si tu m’ordonnes de rester, je vais pas partir.

ARTHUR – Bien sûr que non je vais pas t’ordonner de rester. Tu m’as pris pour qui.

EURYDICE – Merci papa. Bon et bien je te dis au revoir …

ARTHUR – Quoi ! Tu t’en vas tout de suite.

EURYDICE – Bah oui pas la peine de tergiverser mille ans.

ARTHUR, déçu – Ah d’accord alors.

Eurydice l’embrasse puis embrasse Galahad.

EURYDICE – Ne t’en fais pas tu seras bien assez occupé avec le royaume et le bébé. Je serais de retour avant d’avoir eu le temps de te manquer.

Eurydice part.

ARTHUR, seul – Tu me manques déjà.


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À table, Arthur, Guenièvre, Léodagan, Séli, Yvain, Démétra et les enfants.

SÉLI – En quel honneur Eurydice a-t-elle le droit de ne pas se présenter à table ?

GUENIÈVRE – Elle ne vous a rien dit ?

SÉLI – Dis quoi ?

DÉMETRA – Elle s’absente.

YVAIN – Comment vous savez ça vous ?

DÉMETRA – Vous étiez là quand elle est venue me le dire mais vous n’avez rien écouté. Elle voulait dire au revoir aux enfants.

ARTHUR – Moi aussi, elle est venue pour Galahad.

SÉLI, s’offusquant – En fait il n’y a que nous qu’elle est pas venue voir quoi. On fait trop pécore c’est ça ?

LÉODAGAN – Non moi je l’ai vu. Elle part quelques mois puis elle revient.

ARTHUR – Par contre là, je comprends pas. Pourquoi elle est venue vous voir vous ?

LÉODAGAN – Ah non mais moi c’est pas pareil. Elle est pas venue me dire au revoir, elle voulait juste que je sache qu’elle allait revenir. Pour m’éviter la fausse joie vous voyez.

GUENIÈVRE – N’empêche qu’elle est venue. C’est gentil.

SÉLI – Ce que vous pouvez être niaise.

ARTHUR – Oh ! Mollo sur les fions.

SÉLI – Quand c’était l’autre teigneuse encore je disais rien mais vous vous allez pas commencer. C’est ma fille, je dis ce que je veux.

ARTHUR – La teigneuse c’est ma fille ? Je trouve qu’elle avait bien raison de prendre la défense de Guenièvre. Le prochain qui parle mal de ma femme il s’en mange une dans le museau ou il fait un séjour au cachot c’est clair ?

LÉODAGAN – Heureusement que vous mettez un peu de cachot dans la balance sinon avec l’absence de l’autre grognasse, on aurait été trop tranquille.

Sur les genoux de Léodagan, l’enfant rit.

DÉMETRA – En tout cas on dirait que Unagi apprécie l’humour de son grand-père.

ARTHUR – Rappelez-moi encore pourquoi vous l’avez appelé comme ça.

YVAIN – C’est le nom de la technique de combat du Seigneur Perceval et Karadoc. Comme elle est hyper classe je me suis dit que notre fils serait hyper classe.

DÉMETRA, démunie – Vous ne savez pas ce que c’est de lutter avec lui quand il a une idée.

LÉODAGAN – Ça va, il aurait pu trouver pire.

ARTHUR – Pire, pire, il me semble que là, il a fait un sacré bon score quand même.

GUENIÈVRE – Moi j’aime bien « Unagi », je trouve ça mignon.


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Arthur est au bord du lac avec Galahad dans les bras. La Dame du lac et Caïus apparaissent.

ARTHUR – Tiens. Ça faisait longtemps qu’on vous avait pas vus.

LA DAME DU LAC – Désolé, on a été pas mal occupés avec le changement de Caïus.

CAÏUS – C’est tout pourri d’être un ange en fait. Je crois que je préférais même Seigneur breton.

LA Dame DU LAC – Non mais ne t’inquiète pas, il faut juste le temps de s’habituer.

ARTHUR – Qu’est-ce que vous en savez vous ?

CAÏUS – Il a pas tort.

LA DAME DU LAC – Sinon comment il va ce bébé ?

Elle se penche pour jouer avec lui.

ARTHUR – Il va bien. Merlin dit qu’il deviendra fort.

CAÏUS, à la Dame du Lac – Ça sert à rien il peut pas nous voir.

Le bébé rit des gestes de la Dame du Lac.

CAÏUS – Hein comment ça ? On peut se montrer à d’autres personnes qu’Arthur ?

LA DAME DU LAC – Tout le monde pourrait nous voir si on voulait, enfin toi tu n’as pas encore le niveau. Mais avec les bébés c’est autre chose.

CAÏUS – En tout cas, il a bien grandi.

ARTHUR – Comment vous pouvez savoir ça ? La dernière fois que vous êtes venus il n’était pas né encore.

LA DAME DU LAC – C’est pas parce qu’on apparaît pas qu’on jette pas un petit coup d’œil de temps en temps.

ARTHUR – Et vous pouvez faire ça partout ou juste pour moi ?

CAÏUS – Partout c’est ça qu’est trop classe ! Je suis retourné voir Rome, dis donc ça a bien changé.

ARTHUR – Est-ce qu’il vous est arrivé de zyeuter du côté d’Eurydice ?

CAÏUS – Eurydice ? Votre fille ?

ARTHUR – Bah oui, qui d’autre ?

CAÏUS – Euh non … moi j’ai pas regardé …

LA DAME DU LAC, fuyante – Moi non plus j’ai pas vraiment regardé …

ARTHUR – Comment ça « pas vraiment » ? Vous l’avez vu oui ou non ?

LA DAME DU LAC – Je vous trouve très catégorique dans vos réponses. Et puis votre ton sec, je n’aime pas quand vous me parlez comme ça.

ARTHUR – Il lui est arrivé quelque chose c’est ça ? Et vous ne voulez pas me le dire.

LA DAME DU LAC – Puisqu’on vous dit qu’on l’a pas vu !

ARTHUR – C’est pas ce que vous avez dit !

LA DAME DU LAC, la voix vibrante – Une chose est sûre au moins c’est qu’on peut pas se tromper sur le fait qu’elle ait pris de vous ! Vous le portez vachement bien votre surnom de sanglier, caractère de cochon !

Elle disparaît.

CAÏUS, désolé – Viviane a été voir la petite une fois et elle s’est pris le bec avec parce que forcément Viviane elle voulait vous donner des nouvelles mais votre fille là, Eurydice, elle voulait pas. Finalement c’est elle qui a eu gain de cause et Viviane a juré.

ARTHUR – Alors elle va bien ?

CAÏUS – Donner sa parole, c’est du sérieux là-haut et comme apparemment aux yeux des dieux on est plus ou moins le même ange, si elle jure, je jure. Désolé Arturus.

ARTHUR, déçu – C’est pas grave.

Caïus disparaît. Galahad fixe Arthur.

ARTHUR – Mais oui ne t’inquiète pas, elle va revenir bientôt ta grande sœur. … Ne t’inquiète pas.


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Dans la chambre, Léodagan et Séli sont au lit.

SÉLI – Alors, vous allez faire quoi ?

LÉODAGAN – À propos de quoi ?

SÉLI – Pour Eurydice !

LÉODAGAN – Je ne comprends rien à ce que vous bavez. Remarquez c’est pas nouveau non plus. Je devrais être habitué hein mais pas moyen, quand vous faites ça, ça me tape sur le système.

SÉLI – Vous allez pas me dire que vous avez rien vu.

LÉODAGAN, s’énerve – Mais vu quoi enfin !

SÉLI – Vous croyez quand même pas qu’elle est partie pour se promener ?

LÉODAGAN – Je m’en fous de savoir pourquoi elle s’est barrée !

SÉLI – Elle va chercher des renforts. Tout le monde sait que c’est elle la fille du Roi. Vous allez voir qu’elle va se ramener avec toute une clique et qu’on pourra plus rien pour le petit.

LÉODAGAN – Vous croyez ?

SÉLI – Mais bien sûr ! Pourquoi elle serait partie sinon ?

LÉODAGAN – J’en sais rien, pour prendre l’air. Elle se farcit Arthur depuis des mois sans interruption, moi aussi j’aurais besoin d’espace.

SÉLI – On va se faire piquer notre place sur le trône et c’est tout l’effet que ça vous fait !

LÉODAGAN – Je me suis déjà moitié fait jeter de mon trône de Carmélide alors vous pensez bien que le royaume de Logres …

SÉLI – Mon pauvre ça vous réussit pas de vieillir !

LÉODAGAN – Merde.

Léodagan se retourne et se couche à côté de Séli.

SÉLI – Mais qu’est-ce qui vous est arrivé, mon petit père ? Vous aviez beau gueuler, voilà que vous êtes prêt pour les séances de pêche avec les petits-enfants.

LÉODAGAN – Lâchez-moi la grappe. Quand c’était Lancelot, j’avais la dague sous la gorge constamment. Maintenant Arthur est revenu alors oui c’est un pignouf, oui il gouverne comme une femme mais au moins il cherche pas à nous zigouiller pour un oui ou pour un non.


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Yvain et Gauvain parcourent un sentier.

YVAIN – Je le savais. Ils nous ont envoyés nous pour qu’on se perde. On va plus jamais retrouver le chemin de Kaamelott.

GAUVAIN – N’ayez crainte cher compagnon, nous pourrons toujours demander le chemin à quelque paysan qui passera par là.

YVAIN – En plus moi je suis même pas sûr de savoir ce qu’on doit faire.

GAUVAIN, noble – Nous avons été dépêchés en tant que représentants du Roi Arthur. C’est notre habileté au contact avec les gens qui nous a valu l’attribution de cette quête.

YVAIN – Et du coup on fait quoi ?

GAUVAIN – Nous sommes chargés de demander aux habitants des villages que nous croisons s’ils vont bien.

YVAIN – C’est bien ce que j’avais compris, j’ai rien compris.

GAUVAIN – Je dois dire que je ne vois pas bien non plus à quoi cela peut bien servir.

YVAIN – À nous éloigner de Kaamelott pour qu’on se paume !

GAUVAIN – Croyez-vous qu’il nous faille faire demi-tour ?

YVAIN – Il nous faille grave.

GAUVAIN – Je crains cependant qu’il nous soit impossible de regagner le village duquel nous sommes partis ce matin avant la nuit. Il va nous falloir continuer et trouver escale dans la prochaine bourgade.

Ils marchent, toujours pas de village à l’horizon. Le soleil se couche. Ils croisent une ferme visiblement abandonnée.

GAUVAIN – Que diriez-vous de s’arrêter dans cette masure ?

YVAIN – Au moins s’il pleut on aura un toit sur la tête.

Ils entrent.


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Dans la chambre, Guenièvre lit, Arthur est endormi. Il rêve. Il est au lit avec une femme. Arthur ne voit pas son visage mais ils font leur affaire quand même. À la fin, elle révèle son visage, c’est Anna. Arthur se réveille et vomit au pied du lit.

GUENIÈVRE – Ça va ?

ARTHUR – Non j’ai fait un cauchemar je me sens tout …

GUENIÈVRE – Je vous avais dit que le petit dans la chambre c’était pas bon. Les nounous c’est fait pour ça.

ARTHUR – Vous allez pas recommencer avec ça ! Chez mon père on dormait à 3 dans le même pageot et j’étais le plus heureux des garçons.

GUENIÈVRE – Oui mais votre père adoptif il était fermier, il avait peut-être que ça à faire.

Arthur se vexe.

GUENIÈVRE – Oh pardon ! Je voulais pas dire ça comme ça. Bien sûr qu’il vous a bien élevé mais peut-être que s’il avait pu faire autrement il aurait fait autrement.

Galahad se met à pleurer. Arthur se lève pour aller le chercher. Guenièvre lève les yeux au ciel.

ARTHUR – Mais oui, Galahad, papa ne va pas te chasser de la chambre et tu verras quand tu commenceras à ne plus la réveiller en pleine nuit maman ne t’en voudra plus. Là elle est ronchon parce qu’elle est fatiguée.

GUENIÈVRE – Je ne sais pas comment vous faites pour le supporter tout le temps.

ARTHUR – C’est mon fils, c’est normal.

GUENIÈVRE – Moi aussi c’est mon fils ! Et même plus qu’à vous d’ailleurs parce que c’est moi qui l’ait fait sortir le machin, pourtant ça n’y change rien.

ARTHUR – Je vous ai déjà vu le tenir dans vos bras avec le regard niais.

GUENIÈVRE – Peut-être mais seulement quand il dort ou qu’il est sage. Vous vous allez jusqu’à lui (écœurée) nettoyer les fesses.

ARTHUR – Il va pas rester avec sa crotte, ça va l’irriter.

GUENIÈVRE – Irritation ou pas, moi j’y toucherais pas. En plus quand c’est comme ça, il pue !

ARTHUR – Ah bah oui forcément, vous aussi vous ne sentiriez pas la rose si vous veniez de vous chier dessus.

GUENIÈVRE – Charmant !

ARTHUR – Vous savez que depuis tout à l’heure c’est pas Galahad qui nous empêche de dormir.

GUENIÈVRE – Ah bon ?

ARTHUR – Bah non, regardez, il roupille comme un bien heureux.

GUENIÈVRE, attendrie – Oooh … Finalement il ne faudrait pas que ça grandisse.


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Yvain et Gauvain se sont installés. Ils ont sorti leurs provisions pour manger.

YVAIN – N’empêche, il commence à cailler non ?

GAUVAIN – J’ai bien peur que oui mais je suis parfaitement incapable de faire un feu.

YVAIN – Moi pareil.

GAUVAIN – Cela nous rappellera nos débuts en tant que Petits Pédestres.

YVAIN – On était tout le temps malades parce qu’on digère pas bien le froid.

GAUVAIN – Cette fois-ci nous avons des provisions. Festoyons !

YVAIN, alerte – Vous avez pas entendu un bruit ?

Gauvain tend l’oreille avec son ami.

YVAIN, bas – Comment il y a trop quelque chose qui s’approche.

GAUVAIN – Je suis d’accord avec vous, il me semble à moi-aussi entendre des bruissements.

YVAIN – Est-ce qu’on se barrerait pas maintenant ?

Au fond de la pièce apparaissent deux jeunes enfants.

YVAIN, apeuré – Ah ! Mais qu’est-ce que c’est ?

GAUVAIN – N’ayez crainte cher ami, ce ne sont que des enfants.

YVAIN – Je vous ai déjà dit, il fait se méfier avec ça. En plus ceux-là ils sont tout chelous.

GAUVAIN, attendri – Ils sont faméliques ces petits. Il est de notre devoir de Chevalier de leur porter assistance.

YVAIN – Non merci moi j’ai les mêmes à la maison. Quand ça a besoin d’un truc c’est tout mignon et dès que c’est fini ça devient des petits monstres.

GAUVAIN – S’il vous plaît Seigneur Yvain, je m’en occuperais moi-même et en intégralité quand nous serons de retour à Kaamelott.

YVAIN – Avez-vous un argument de poids ?

GAUVAIN – Lors du prochain marché je vous ferais un cadeau.

YVAIN – Un cadeau comment ?

GAUVAIN – Un beau cadeau.

YVAIN – D’accord je vous aide.

Gauvain s’approche des bambins. Ils sont craintifs.

GAUVAIN – Bonjour, je m’appelle Gauvain. Je suis Chevalier au Pancréas, membre des Petits Pédestres et Chevalier de la Table Ronde à Kaamelott. Accepteriez-vous un peu de bouille d’avoine ?

Quand il leur propose la nourriture les deux petits se jettent dessus. L’un marche, l’autre se déplace encore à quatre pattes. Gauvain est obligé de l’aider à manger. Ce soir-là les deux enfants s’endorment couchés contre Gauvain.


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Dans la salle de la Table Ronde. Un garde entre en tombe.

LÉODAGAN – Lâchez-moi la grappe je vous dis que même ma femme elle en veut pas des routes pavées !

GARDE – Sire ! Sire ! Une troupe approche du château.

PERCEVAL – Combien ils sont ?

ARTHUR – Qu’est-ce qui vous prend ?

PERCEVAL – Quoi fallait pas ?

ARTHUR – Si justement c’est pas votre genre. Et je peux savoir pourquoi vous demandez ?

PERCEVAL – Pour savoir s’ils sont un nombre pair ou impair. On peut rentrer qu’à deux de front à travers la porte principale. S’ils sont un nombre impair, ils vont galérer à faire les rangs, ça nous laisse du temps.

ARTHUR – Ah … (aux gardes) Alors ?

GARDE – Je sais pas. À vu de nez, je dirais une trentaine.

ARTHUR, à Perceval – Ça vous aide ça ? (aux gardes) C’est quoi ? Des Burgondes ? Des Vikings ? Dites-moi pas que ce sont les Saxons, on a signé un traité la semaine dernière.

GARDE – En fait Sire, ils ont nos couleurs.

CALOGRENANT – On n’a pas une trentaine de soldats en cavale en ce moment.

ARTHUR – Bah non, ils sont même tous à la caserne à s’empiffrer. Allons voir.

PÈRE BLAISE – Et j’écris quoi dans le registre ?

ARTHUR – Vous mettez qu’on est parti en urgence. Vous mettez rien. Je m’en fous.


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Extérieur, cour du château.

ARTHUR – Ouvrez-moi la porte !

GARDE – Sire ils pourraient en profiter pour entrer.

ARTHUR – Ils poireautent tranquillement de l’autre côté de la porte, c’est pas vraiment une attitude d’envahisseurs ça. Allez, ouvrez !

Dehors la foule est hétéroclite, majoritairement très jeune, avec assez peu de chevaux mais quelques chariots. En tête deux jeunes filles se ressemblant, l’air sévère, l’arme au poing.

ARTHUR – Bonjour, bonjour. Je voudrais juste savoir si vous comptiez nous attaquer.

MU – Nous ? Vous attaquez vous ? Non ça va.

NU – Par contre si vous vous lancez en premier on vous fait votre fête.

Un petit garçon surgit derrière Arthur et file dans la foule.

ARTHUR – Galahad ! (se retourne vers Guenièvre) Qu’est-ce que vous êtes venus faire là ?

GUENIÈVRE – Les nouvelles vont vites au château, j’ai voulu voir par moi-même.

ARTHUR – Sauf que Galahad est parti maintenant.

GUENIÈVRE – C’est qu’il commence à aller vite quand il veut.

La foule se fend en deux, révélant Eurydice tenant Galahad dans ses bras.

EURYDICE – Qu’est-ce qu’il a grandi le petit frère !

ARTHUR – Eurydice ?

GUENIÈVRE – Eurydice ! Quelle bonne surprise.

EURYDICE – Comment vas-tu Guenièvre ?

GUENIÈVRE – Ma foi pas trop mal même si l’été risque d’être chaud n’est-ce pas ?

EURYDICE – C’est ce que disent les druides et les personne âgées. Ça doit être vrai.

ARTHUR – Qu’est-ce qui t’a pris tant de temps ? Je croyais que tu allais juste chercher deux ou trois gamins et que tu revenais.

EURYDICE – J’ai eu un petit … contre-temps. Arthur je te présente notre famille. Famille voici Arthur, notre père … enfin pour presque tout le monde.

PANI – Je l’imaginais plus grand.

MU – Moi je le voyais plus imposant.

NU – Plus charismatique aussi.

GWEN – Je pensais qu’il serait moins brun.

SAGAMORA – Ouais c’est décevant au début mais vous verrez, on s’y fait.

ARTHUR – Je sens que je vais être ravi de les rencontrer.

UTHER – Papa !

Uther se jette dans les bras d’Arthur.

INNA – Bon c’est pas tout mais il faudrait peut-être penser à nous installer parce qu’on en a plein les pattes du voyage.

EURYDICE – Pour ça, il fait voir avec Angherad.

GUENIÈVRE, appelle – Angherad ! Elle va venir.

EURYDICE – Très bien, je vous laisse à ça alors, il faut que j’aille parler avec papa seule à seul.

Arthur est surpris. Il repose Uther et suit Eurydice jusqu’à son cheval où un bébé dort installé sur le côté de la selle.

EURYDICE – Prends un canasson, on y va.

Il s’exécute. Ils s’éloignent. Une fois à distance suffisante, Eurydice récupère le bébé.

ARTHUR – Qu’est-ce que c’est ?

EURYDICE, grave – J’ai une question à te poser.

ARTHUR – Bah vas-y.

EURYDICE – C’est plutôt un choix en fait. Soit tu élèves cet enfant comme le tien, au vu et su de tous. Soit je l’emmène loin, maintenant et il ne saura jamais rien de tout ça : le royaume de Logres, Kaamelott, Excalibur, toi …

ARTHUR – Attends c’est raide comme choix. Tu sors ça d’où ?

EURYDICE – Réponds.

ARTHUR – Pourquoi ?

EURYDICE – Parce qu’en grandissant, il peut devenir le plus puissant des alliés comme le pire de tous les ennemis.

ARTHUR – Mais enfin c’est qui ce gosse ?

EURYDICE – C’est ton fils. Ton 3e et dernier fils. Le problème c’est que c’est aussi ton neveu.

ARTHUR, abasourdi – Qu’est-ce que tu racontes ?

EURYDICE – Mordred est né des suites d’un rêve magique. Anna voulait l’élever dans la haine de toi pour qu’il te tue. Maintenant elle croupit dans un cachot.

ARTHUR, blanc – Tu veux dire que cet enfant …

EURYDICE – Oui. D’où ma question. Est-ce qu’il reste ou est-ce qu’il part ? J’ai même déjà pensé à une petite place pour lui aux pays des éléphants …

ARTHUR – Il reste.

EURYDICE – Tu es sûr ?

ARTHUR – C’est mon fils même si j’ai pas tout bien compris comment. De toute façon si je peux élever Galahad, je vais bien pouvoir élever celui-là.

EURYDICE – J’espérais bien que tu dirais ça.

ARTHUR – Tu ne serais jamais partie finalement.

EURYDICE, malicieuse – Qui sait ?


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Dans la salle à manger.

LÉODAGAN – Ça va vraiment pas être possible là.

ARTHUR – Quoi encore ? Vous faites la gueule depuis le début du repas.

EURYDICE – Le début du repas ? T’es gentil, toi. Moi je dirais que je l’ai jamais vu faire autre chose que de tirer la tronche.

LÉODAGAN – Toi tu vas t’en manger une entre deux cuillères de soupe au poireau ça va te faire tout drôle.

EURYDICE – Vas-y je t’attends.

SÉLI – Ça va vous deux, vous allez pas vous bouffer le pif à chaque fois que vous vous retrouvez dans la même pièce si ?

GUENIÈVRE – Je crois saisir la nature de l’embarras de mon père. C’est vrai qu’habituellement nous dînons en plus petit comité.

ARTHUR – Ah ça. Je vois pas ce que ça a de dérangeant. On a commencé avec vous et vos parents puis votre frère, parfois ma mère, ensuite on a eu Démetra, maintenant les enfants. La famille s’agrandit.

SAGAMORA – Faut les comprendre. Ça fait quand même un sacré paquet de gamins à se traîner.

ARTHUR – Vous êtes mes enfants, vous avez parfaitement le droit de siéger à ma table.

NU – En fait on nous a pas tant demandé notre avis que ça.

MU – Je dirais même qu’on nous a un peu forcé la main.

JANE – Quitte à choisir je préfère encore manger dehors.

UTHER – Moi aussi !

YVAIN – Oh comment ils sont relous.

ARTHUR, agressif – Attendez que le votre commence à dire des trucs et on en reparlera.

GUENIÈVRE – Laissez-les partir s’ils veulent, ces pauvres enfants.

ARTHUR – Mais je voulais … (vaincu) Bon allez-y.

Tous quittent la pièce sauf Erec et Gaheris qui continuent de faire leurs provisions.

LÉODAGAN, montrant Eurydice – Et pourquoi elle suit pas celle-là ?

EURYDICE – Je suis aussi ici en tant que Garde Royale.

LÉODAGAN – Pff … quel boulot de merde.

EURYDICE – Pas pire que Roi de Carmélide.

Ils se lèvent pour en venir au mains. Séli et Arthur réagissent en même temps. Séli matraque l’arrière du crâne de son mari avec une baguette. Arthur attrape Eurydice par le palto et la force à se rasseoir.

DÉMETRA – En fait vous vous arrêtez jamais. Je sais pas si je préférais pas manger dans leur cahute pourrie.

YVAIN – Vous avez raison. On pourrait aller chez Gauvain.

SÉLI – Pas question ! Votre place est à la table du Roi.

YVAIN – Désolé mais si son père à Gauvin il a été banni, c’est plus ou moins lui le Roi d’Orcanie non ?

ARTHUR, étonné – Oui … oui exact.

YVAIN – Donc ça veut dire que je peux aller manger chez lui en disant que c’est diplomatique ?

SÉLI – Non !

ARTHUR – Bah si. Un repas diplomatique, vous pouvez pas l’en empêcher.

SÉLI – On ne fait pas de diplomatie autour de la bouffe !

Arthur et Léodagan échangent un regard.

SÉLI – Oui non mais alors évidement, mais vous c’est pas pareil vous avez toujours été un excentrique !

YVAIN – Et bien moi je sais pas ce que ça veut dire mais on s’en va.

Yvain se lève. Démetra l’imite.

YVAIN – Vous prenez pas vos enfants ?

DÉMETRA – Alors d’abord pour la énième fois ce sont mes enfants et ensuite non, je les laisse à leur papy. Ils seront très bien surveillés et nous on aura la paix.

YVAIN – C’est pas bête ça. J’ai bien fait de vous choisir comme femme.

DÉMETRA – C’est moi qui suit venue vous voir.

YVAIN – Certes mais c’est quand même moi qui ait dit oui.

Ils sortent.

ARTHUR, à Eurydice – Non tais-toi.

EURYDICE, outrée – J’ai rien dit !

ARTHUR – Oui mais tu l’as pensé tellement fort que je l’ai entendu.

LÉODAGAN, agressif – C’est à propos de moi c’est ça ?

SÉLI – Mais arrêtez donc de beugler comme un veau pour un oui ou pour un non.

LÉODAGAN – Je voudrais bien vous y voir vous, vous faire insulter par une gamine.

SÉLI – Laissez couler.

LÉODAGAN – Je peux pas ! C’est pas ma faute. Rien que de la voir ça me donne envie de l’entarter.

ARTHUR – Vous savez quoi ? Si ça continue comme ça entre vous deux, je vous attache tous les deux l’un à l’autre jusqu’à ce que vous vous supportiez.

GUENIÈVRE – Ne faites pas ça. Ils seraient capables de s’affronter jusqu’à la mort.

ARTHUR – Vous croyez qu’ils seraient vraiment si cons que ça ?

EURYDICE – Moi non mais le pignouf de Carmélide on sait jamais. Alors après ce serait de la légitime défense.

LÉODAGAN – Qui est-ce que traitez de pignouf ?

ARTHUR, énervé – Aux cachots ! Tous les deux. Dans la même cellule.

LÉODAGAN – Non mais attendez, tout de suite le cachot. Non. Je crois que nous sommes assez grands pour trouver des solutions tout seuls.

EURYDICE – Oui, absolument. D’ailleurs on va aller se faire une petite … promenade digestive rien que tous les deux.

LÉODAGAN – C’est ça une promenade …

ARTHUR – Si un seul de vous deux revient avec le moindre bleu ou égratignure vous partirez aux galères pendant 6 mois. Maintenant dégagez je peux plus vous voir.

Léodagan et Eurydice sortent.

ARTHUR – Enfin un peu de calme.

Mordred se met à pleurer.


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Chambre du Roi. Quelqu’un tambourine à la porte. Arthur grogne dans son sommeil. On tambourine encore en ajoutant des cris cette fois. Arthur se lève à contrecœur. Il ouvre la porte.

ARTHUR – Vous allez la boucler oui ? Vous risquez de réveiller les petits.

KARADOC – Ah Sire vous êtes là.

PERCEVAL – On avait peur que vous soyez endormi.

ARTHUR – Mais j’étais endormi. Qu’est-ce que vous croyez que je fais à deux heure du mat’ en chemise de nuit dans ma chambre à coucher.

PERCEVAL – Ouais désolé on avait pas fait le lien.

KARADOC – Vous voyez quand c’est vous qui dites les choses, c’est tout de suite plus clair Sire.

ARTHUR – J’espère qu’il y a une vraie raison à votre visite parce que sinon je vous préviens que j’appelle la garde et je vous fais sortir par la fenêtre.

KARADOC – Sire vous nous avez vraiment pris pour des glandus. On est porteurs d’un message de la plus haute importance.

ARTHUR, perdant patience – Et bien alors crachez-là votre pastille !

KARADOC – On était à la taverne …

PERCEVAL – Non.

KARADOC – Bah si.

PERCEVAL – Oui on était à la taverne mais le Roi il aime pas bien quand les histoires elles commencent à la taverne. Il faut dire qu’on était sur un chemin.

KARADOC – Je vois pas bien pourquoi on boirait des canons au milieu de la route.

PERCEVAL – Moi non plus mais apparemment ça fait plus classe.

KARADOC, rit – Ah d’accord, faisons plus classe alors.

ARTHUR – Grouillez-vous.

KARADOC – Alors on était au milieu du chemin, quand le Seigneur Bohort est rentré en gueulant.

PERCEVAL – Il peut pas être rentré si on était dehors. Et puis d’abord il y avait Eurydice et Léodagan.

ARTHUR – Bohort. Eurydice. Léodagan. Mais qu’est-ce que vous bavez encore ! Je vous préviens si vous m’expliquez pas clairement en une phrase ce qui se passe, je vous fous dehors.

KARADOC – En une phrase ? C’est chaud quand même.

PERCEVAL – Il y a une invasion saxonne.

ARTHUR – Quoi ! Mais il y a combien de gars ?

PERCEVAL – D’après les descriptions de Bohort ils doivent être 37.

ARTHUR – 37 ? Comment est-ce qu’on les a pas vu arriver ?

KARADOC – Si, le Seigneur Bohort les a vu c’est pour ça qu’il est venu chercher de l’aide à la taverne.

ARTHUR – De l’aide ? À la taverne ?

PERCEVAL – Ouais et ça a vachement bien marché parce que le Seigneur Léodagan et Eurydice y sont partis direct.

KARADOC – Oui enfin une fois qu’ils ont réussi à se remettre debout parce qu’en voulant se relever ils sont tombés par terre.

PERCEVAL, riant – Ils étaient tellement pétés que quand le Seigneur Léodagan a voulu dégainer son épée, il a failli couper en deux un clodo qui était là.

ARTHUR – Et ils sont partis contre 37 saxons ?

PERCEVAL – Oui, ils sont partis mais rien dit qu’ils sont arrivés.

ARTHUR – Allez réunir les soldats dans la cour, je m’habille et je descends.


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Les troupes sont arrivées au milieu de la taverne.

ARTHUR, à Perceval et Karadoc – Bon après ça, ils sont par où les Saxons ?

PERCEVAL – Les Saxons ? On en sait rien nous. C’est le Seigneur Bohort qui les a vus.

ARTHUR – Bon sang mais c’est pas vrai, c’est pas vrai ! (aux soldats) Trouvez-moi les Saxons vous. Allez par deux, chacun dans sa direction. Hop, hop, hop !

Les soldats se dispersent.

ARTHUR, à Perceval et Karadoc – Qu’est-ce que vous foutez là vous encore ? Vous faites bien un groupe de deux ? Et bien alors remuez-vous les miches !

Perceval et Karadoc filent dans des directions opposées.

ARTHUR – Parlez ensemble ! J’ai déjà perdu 2 Chevaliers, je veux pas faire la collection.


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Arthur fait les cent pas quand au loin une corne retentit. Arthur part au galop dans la direction. Il arrive dans une plaine. Le jour levant révèle des corps par terre. Les silhouettes sont soulignées par la lumière des torches des autres soldats.Un ronflement sonore retentit.

BOHORT – Sire, Sire ! Vous êtes là, enfin. Je croyais que jamais cette nuit ne finirait.

ARTHUR – Où sont Eurydice et Léodagan ?

BOHORT – Ils sont là.

Bohort montre un tas au centre de la plaine. Arthur s’approche. Le ronflement recommence.

ARTHUR – Ils dorment ?

BOHORT – Ils se sont battus toute la nuit. C’était extraordinaire Sire. Vous auriez dû les voir. Au début ils se sont lancés dans un concours mais après qu’Eurydice ait été touchée ils se sont mis à collaborer. C’était magnifique, on aurait dit qu’ils dansaient.

ARTHUR – À 2 contre 37 ? Excusez Bohort mais vous …

BOHORT – Je ne me rends compte pas non plus Sire. Ils se sont battus comme des lions.

KARADOC – Ils ont dû utiliser une de nos techniques pour se battre de façon circulaire.

PERCEVAL – Ouais mais normalement on l’utilise que quand les ennemis sont un nombre pair.

KARADOC – Ils savent pas compter c’est pas leur faute.

PERCEVAL – C’est pas pro ça.

ARTHUR – C’est marrant ça je ne sais pas si je dois les punir comme des pochetrons ou les féliciter comme des guerriers.

BOHORT – Vous n’allez pas les réprimander tout de même, ils ont repoussé l’invasion saxonne à deux.

ARTHUR, las – Embarquez-moi c’est deux là, ils dégriseront en cellule. Une fois à Kaamelott vous enverrez Merlin pour les soigner.

Deux soldats chargent Léodagan sur un cheval, deux autres chargent Eurydice. Le ronflement retentit encore. Il vient d’Eurydice. Arthur soupire et tourne la bride.


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EURYDICE, criant – Pourquoi je suis enfermée ! J’ai quand même sauvé la peau du dindon de Carmélide. C’est censé être un Chevalier, non ? Alors ? J’ai pas le droit à une petite récompense ? C’est comme ça que vous me remerciez !

LÉODAGAN, criant aussi – Mais tu vas arrêter de beugler oui ? Si j’avais pas été là tu ne serais plus tout à fait en un seul morceau non plus ! Je sais pas si j’aurais pas dû laisser les Saxons te maraver finalement. Au moins j’aurais eu la paix !

ARTHUR, descendant des escaliers – Mais c’est pas possible hein ! Depuis que vous êtes réveillés on entend plus que vous dans tout le château.

LÉODAGAN – Pourquoi vous nous avez enfermés ?

ARTHUR – Vous vous êtes attaqués, à deux, pétés comme des coings, à une armée saxonne.

EURYDICE – Et on a gagné.

ARTHUR – Un sacré miracle si tu veux mon avis.

EURYDICE – Avec plaisir mais j’aimerais aussi beaucoup que tu me détaches. Ça rime à quoi de nous avoir saucissonné au mur ?

ARTHUR – Vous avez déjà perdu au moins un galon de sang chacun. Merlin a dit que si vos blessures se rouvraient, vous risquiez d’y passer. Comme il y avait très peu de chance que vous restiez tranquilles et que je n’ai pas que ça a faire de changer mes Chevaliers tous les 4 matins, on a décidé de prendre les devants.

LÉODAGAN – Oui bah d’accord on a compris l’enjeu. Vous nous détachez maintenant ?

ARTHUR – Non je ne détache rien du tout. Vous allez rester là au moins une semaine et j’ai pas envie de vous entendre crier nuits et jours sinon je déplace la cage au milieu de la forêt et c’est marre.

LÉODAGAN – Vous vous foutez de moi ! Je vous préviens, je ne vais pas rester une semaine suspendu comme une tapisserie.

ARTHUR – Et bien si parce que vous avez pas le choix.

LÉODAGAN, à Eurydice – Tu dis rien toi ?

EURYDICE, rouvre les yeux calmement – Non. C’est un châtiment du Roi, je l’accepte comme tel.

LÉODAGAN – Lèche-botte !


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La nuit suivante, on entend des petits pas descendre suivit par des cliquetis.

JANE, chuchote – Eurydice ?

EURYDICE, bas – Je suis là. Je savais que tu allais venir.

La clé tourne dans la serrure, la porte s’ouvre.

EURYDICE – Il faut commencer par les cordes arrimées aux anneaux du mur.

Un couteau malmène les cordages. Petit à petit Eurydice est libérée.

JANE – Voilà.

EURYDICE – Tu es une cheffe !

Le chien grogne en direction de Léodagan.

LÉODAGAN – Eurydice ? Qu’est-ce que tu fais ?

Eurydice, Jane et le chien sortent de la cellule. Eurydice barre de nouveau derrière elle.

LÉODAGAN – Tu ne serais pas en train de te faire la malle par hasard. Si tu fais ça, je hurle.

EURYDICE – Fais-toi plaisir. Le temps qu’un garde radine ici je serais déjà loin.

LÉODAGAN – Tu vas me le payer.

EURYDICE – Alors il fait quoi pour toi, là, ton papounet le Cruel ? C’est pas tout de savoir faire sauter des têtes, dans les situations difficiles, on ne fait rien sans allié. Ils sont où tes amis, le Sanguinaire ?

Léodagan grommelle dans son coin alors que les filles partent. Juste avant de disparaître, Eurydice jette les clés dans la cellule de Léodagan.

EURYDICE – Démerdes-toi. Je suis pas ta mère.


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Le jour est levé depuis un moment quand Léodagan sort enfin. Il remonte en boitant.

EURYDICE – Et bien t’en aura mis du temps.

LÉODAGAN – Ta gueule.

EURYDICE – Toujours un langage fleuri, avec toi c’est le printemps tous les jours.

LÉODAGAN – J’aurais bien aimé t’y voir.

EURYDICE – Qu’est-ce qu’il y a ? T’aurais voulu que je te mâche le travail ? Comme un enfant.

LÉODAGAN – Et puis quoi encore ? Après tu aurais voulu que je te serve la bouillasse de remerciements habituels, le nez collé par terre et les mains jointes ?

EURYDICE, rit – Je ne savais pas que tu pouvais être drôle.

LÉODAGAN – Comme quoi, il y a encore un paquet de choses que tu ne connais pas.

Chacun part de son côté.


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Salle du trône, Arthur fait séance. Gauvain entre.

ARTHUR – Gauvain, qu’est-ce que vous venez faire là ?

GAUVAIN – Le Seigneur Yvain et moi-même sommes rentrés de mission …

ARTHUR – Et ça fait déjà un moment donc j’imagine que vous ne venez pas me faire un rapport.

GAUVAIN – J’ai une requête Sire.

ARTHUR – Allez-y on est plus à ça près.

GAUVAIN – Nous avons trouvé des enfants sans parent et j’aimerais les adopter.

ARTHUR, surpris – Des orphelins ?

GAUVAIN – Non, les adopter.

ARTHUR – Ça j’avais compris oui. Vous êtes sûr qu’ils n’avaient pas de parents ?

GAUVAIN – Certain. La ferme où nous les avons trouvés avait été le siège d’une bataille. Elle était vide et ces deux pauvres enfants seraient morts de faim si nous ne leur étions point venu en aide.

ARTHUR – Pourquoi vous ne les envoyez pas avec tous les Galessins ? Vouloir les adopter c’est une requête très sérieuse que vous m’adressez là …

GAUVAIN – J’en suis confus Sire mais c’est de la première nécessité.

Il va chercher les enfants qui attendaient cachés à l’entrée.

GAUVAIN – Ils ont besoin d’une maison.

ARTHUR – Attendez Gauvain, ils sont très jeunes ces enfants et puis …

GAUVAIN – Et puis quoi ?

ARTHUR – Personne ne croira jamais qu’ils sont de vous. Le plus grand …

GAUVAIN – Nazim est une fille.

ARTHUR – La plus grande est certainement arrivée avec les dernières percés de troupes maures quant au plus petit …

GAUVAIN – Belane est une fille aussi.

ARTHUR – Quant à la plus petite, elle vient d’encore plus loin dans l’Afrique.

GAUVAIN – Je ne vois pas le problème.

ARTHUR – Le problème c’est que vous êtes quand même l’héritier d’une grande puissance, il faut que vous assuriez une succession.

GAUVAIN – Si je les adopte …

ARTHUR – Je parlais d’une succession légitime.

GAUVAIN – Je ne comprends pas où vous voulez en venir.

ARTHUR – J’accepte volontiers que vous adoptiez ces marmots si vous vous trouvez une femme qui vous fasse un enfant.

GAUVAIN – Où est-ce que je peux trouver ça ?


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Dans la salle du trône, Bohort entre en courant.

BOHORT – Sire, Sire, c’est affreux !

EURYDICE – Calme-toi Bohort et explique-nous.

BOHORT, tentant tant bien que mal de reprendre son souffle – Un monstre Sire. Il y a dans le château une créature abominable !

EURYDICE – Un lapin adulte ?

ARTHUR – Non mais il doit parler de la chimère.

EURYDICE – La chimère ?

ARTHUR, à Bohort – Votre bestiole, c’est un machin à trois têtes, loup, faisan, sanglier avec un arrière-train de grenouille mais poilu comme un lapin et une petite queue de chevreuil.

BOHORT – Comment savez-vous cela Sire ?

ARTHUR – C’est la bestiole de Mevanwi. C’est vrai qu’elle est pas jojo mais ne vous inquiétez pas, elle ne peut pas sortir de sa cage. Alors oui elle a dû un peu gueuler si vous êtes arrivé dans le souterrain avec votre torche …

BOHORT – Dans le souterrain ? Mais Sire la créature est dans la cour du château !

ARTHUR – Quoi !

Ils se lèvent et sortent.


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Dehors la chimère court en poussant des cris stridents. Nombre de Chevaliers et de paysans sont rassemblés sur les côtés et regardent la scène, les Galessins sont au première loge.

ARTHUR – Non mais qu’est-ce que vous faites ? Avec les enfants en plus ! Mais vous êtes complètement cons. Rentrez vous mettre à l’abri !

Arthur dégaine Excalibur. Le flamboiement de l’épée attire la chimère qui le regarde avec des yeux ronds. Elle se couche et remue de l’arrière-train prête à attaquer.

JANE – Non Pouic-Pouic pas Excalibur !

La chimère se retourne vers Jane. Quand elle voit que la petite tient un chou-navet elle se jette par terre sur le dos. Jane lui gratte le ventre avant de lui donner le chou.

JANE, comme on parle à un chien – Oui c’est un bon monstre ça. Gentille chimère.

Arthur est bouche bée, Bohort toujours terrifié et Eurydice rit. Quand Jane s’approche du Roi, la chimère la suit.

JANE, grondante – Papa qu’est-ce qui t’a pris de laisser Pouic-Pouic enfermée ?

Pour appuyer Jane, la chimère se met à grogner.

ARTHUR, décontenancé – C’est une créature dangereuse, j’allais quand même pas …

JANE – Dangereuse ? C’est vrai ça Pouic-Pouic ?

La chimère s’assoit et regarde intensément Jane en penchant les têtes sur le côté comme pour savoir ce que Jane attend d’elle.

ARTHUR – Oui non mais alors comme ça c’est pas évident mais quand elle était dans le souterrain …

JANE – Pouic-Pouic a peur du noir !

La chimère se met à couiner, les oreilles basses.

ARTHUR – Mais elle est ne va manger personne ?

JANE – Pourquoi elle ferait ça ? Son plat préféré c’est le chou-navet, mais elle raffole d’à peu près tous les légumes-racines. Alors oui elle peut manger de la viande mais ça lui fait des maux d’estomac terribles. Alors qu’est-ce qu’on dit ?

ARTHUR, honteux – Désolé …

JANE – C’est pas à moi qu’il faut le dire.

ARTHUR, se tourne vers la chimère – Ah … Et bien pardon … Pouic-Pouic.

Les têtes de loup et de sanglier lui lèchent copieusement les joues alors que la tête de faisan caquette de joie.


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Dans la chambre d’Yvain. Yvain et Gauvain sont entourés de leurs enfants qui dorment.

YVAIN, bas – Mais je vous dis, je suis sûr que ça passe.

GAUVAIN – Ce serait formidable Seigneur Yvain.

Ils entament une danse de la joie silencieuse. Démetra entre.

DÉMETRA – Qu’est-ce que vous fêtez ?

GAUVAIN – C’est à propos de la femme que le Roi m’a demandé de trouver …

DÉMETRA – Ah oui. Quelqu’un vous a tapé dans l’œil ?

YVAIN – Non mais on s’est dit que le plus simple c’était que ce soit vous.

DÉMETRA – Moi ? Non mais vous rigolez !

GAUVAIN – Attention vous allez réveiller les enfants.

YVAIN – C’est parce qu’Arthur, il veut que Gauvain ait un enfant. Vous vous savez les faire et puis, en plus, vous êtes habituée.

DÉMETRA, à Yvain – Et vous vous accepteriez de « prêter » votre femme à votre copain ? Vous êtes un grand malade. Je ne suis pas un ventre.

YVAIN – De toute façon on ne peut rien vous demandez …

GAUVAIN, à Démetra – Je comprends votre désappointement chère amie mais ce serait simplement pour un enfant. Je ne vous demande rien de plus.

DÉMETRA – Et bien allez demander à quelqu’un d’autre. Avec votre statut vous ne devriez pas avoir de mal à trouver. Allez chercher dans la vénale ou l’avide de pouvoir et c’est gagné.

YVAIN – Comme vous quoi.

Yvain se lève et s’en va en croisant le regard noir de Démetra.

GAUVAIN, pensif - « Une femme vénale et avide de pouvoir » ? Où est-ce que ça se trouve ça ?

DÉMETRA – Et bien je dois reconnaître qu’Yvain n’avais pas tout à fait tort. Vous devriez chercher parmi les anciennes maîtresses d’Arthur.

GAUVAIN – Je ne saurais où les trouver.

DÉMETRA – Les jumelles du pêcheur sont reparties chez leur père. Azénor a disparu mais Aélis traîne toujours dans le coin. Si je la trouve, je vous l’enverrais.

GAUVAIN – Merci infiniment. Sous vos airs froids vous êtes d’une grande bonté.

DÉMETRA – Taisez-vous avant que je regrette de vous aider.



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Aélis détaille Gauvain du haut en bas.

AÉLIS – Et donc lui, c’est un chef de clan ?

GAUVAIN – Avec mon ami Yvain nous avons formé les Petits Pédestres !

DÉMETRA – C’est surtout le fils du Roi Loth et d’Anna de Tintagel.

AÉLIS – C’est qui ceux-là ?

DÉMETRA – C’étaient les dirigeants d’Orcanie et de Tintagel.

AÉLIS, soudain mielleuse – Ah ouais ? Pour ça il faudrait juste l’épouser lui et lui pondre un gosse ?

DÉMETRA – Exactement.

AÉLIS – C’est bien pour le titre de Reine que je fasse ça …



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Salle de la Table Ronde.

VENEC – Je crois que j’ai pas bien tout pigé à ce que vous me demandiez Sire.

ARTHUR – Au contraire, je crois que vous avez très bien compris. Je vous demande de vous occupez des Galessins.

VENEC – Mais c’est qui ceux-là ?

ARTHUR – Vous avez jamais croisé un groupe de marmots qui se baladaient avec des chiffres dans le dos au château ?

VENEC – Ha si mais je sais pas qui c’est non plus eux.

ARTHUR – Et bien ce sont des Galessins. Et à partir de maintenant c’est vous qui vous vous en occupez.

VENEC – Non mais attendez Sire moi je peux pas ! J’ai des business en cours moi, je peux pas me libérer comme ça.

ARTHUR – C’est justement parce que vous en faites un peu trop de business que je vous les colle dans les pattes. Vous avez fait une guilde avec les tire-bourses du coin. Vous avez organisé les bandits sur les routes. Et en ce moment on m’a rapporté une recrudescence du piratage sur nos côtes. Vous allez pas me dire que vous n’y êtes pour rien.

VENEC – Non mais Sire laissez-moi au moins vous expliquer.

ARTHUR – Non. Non j’en ai marre. J’ai été plus que patient avec vous Venec et on sait tous pourquoi mais maintenant trop c’est trop. Vous allez mettre vos talents à profit et éduquer les Galessins. Attention je veux pas que vous m’en fassiez des bandits hein !

VENEC – Sire les affaires c’est mon truc. J’ai ça dans le sang vous pouvez pas m’en empêcher. Qu’est-ce que je pourrais leur apprendre aux mômes s’il y a que ça que je sais faire ?

ARTHUR – Avec vos affaires vous savez pas écrire et compter ?

VENEC – Bah si c’est la base du métier.

ARTHUR – Eh bien voilà déjà. Et puis fédérer des traîne-savates en guilde c’est pas donné à tout le monde. Croyez-moi j’en sais quelque chose.

VENEC – C’est un compliment ça Sire.

ARTHUR – On s’en fout ! À partir de demain je veux vous voir tout le temps avec les enfants et si je vous surprends à faire une seule magouille vous irez aux cachots comme tout le monde.

VENEC – Et je vais devoir faire la nounou pendant combien de temps ?

ARTHUR – Jusqu’à ce que je vous dise que c’est fini !



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Arthur s’est installé dans une pièce et lit. Gauvain arrive avec Aélis.

GAUVAIN – Ça y est mon oncle. Mon épouse est enceinte. Puis-je adopter Nazim et Belane?

ARTHUR, levant les yeux surpris – Vous avez épousé Aélis ?

GAUVAIN – Comment mon oncle ? Ce n’était pas permis ?

ARTHUR – C’est pas ça, c’est juste que … vous auriez pu en choisir une autre qu’une ancienne maîtresse à moi.

AÉLIS – D’habitude je fais pas les familles.

ARTHUR, à Aélis – C’est vrai que vous êtes enceinte ?

Aélis écarte les pans de son manteau. Sa grossesse est indéniable.

ARTHUR – Et bien vous avez pas perdu votre temps.

GAUVAIN – Nous ne voulions pas vous annoncer la nouvelle avant que chose soit faite.

AÉLIS – Moi je ne tenais pas non plus spécialement à m’afficher en public avec celui-là. Quoi que j’ai été surprise. Il est bien plus doué que vous quand il s’agit de …

ARTHUR – Ha taisez-vous ! Il y a certaines choses que je ne sais pas à propos de mon neveu et je voudrais que ça reste comme ça.

GAUVAIN – Alors puis-je adopter ces enfants ?

ARTHUR – Faites comme vous voulez mais maintenant sortez ? (distrait) Ah et euh … félicitations.

GAUVAIN – Merci vous êtes chic.

AÉLIS – Je ne peux pas rester un peu plus longtemps moi ?

ARTHUR – Non ! Allez ouste. Retournez faire vos … trucs avec Gauvain si vous aimez tant ça.

Ils sortent.

ARTHUR, vexé - « Plus doué », « plus doué » … Y a pas que ça dans la vie.



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Dans une pièce du château, Venec est entouré d’une dizaine d’enfants. Eurydice est avec lui.

VENEC – Non mais regarde-moi ça. J’ai quand même l’impression que je me suis fait avoir dans l’affaire. Je lui ai quand même sauvé les miches au Roi. Il pourrait être un peu reconnaissant.

EURYDICE – Moi je trouve qu’il est pas mal reconnaissant là.

VENEC – Tu rigoles ? Tu sais qu’il m’a fallu au moins un mois pour qu’ils sachent tous aller aux toilettes tous seuls, avant c’est moi qui me farcissais les couches sales.

EURYDICE – En attendant plus de banditisme. Tu as un toit au dessus de la tête, tu manges à ta faim et tu sais enfin que le Roi te fait confiance.

VENEC – Le Roi ? Confiance ? Ce serait bien la dernière. C’est justement parce qu’il ne me croyait pas capable d’arrêter mes activités qu’il m’a collé ici.

EURYDICE – Parce que tu les aurais arrêté ?

VENEC – Bien sûr que non. Mais j’aurais pu faire un peu plus dans le feutré.

EURYDICE – Tu sais que mon père aime les enfants.

VENEC – Il a intérêt, il en a tout le tour du bide.

EURYDICE – Tu crois qu’il les confierait à n’importe qui ?

VENEC – Bah non les siens sont toujours fourrés avec un Chevalier ou un gars de la cour.

EURYDICE – Ou avec toi. C’est pas parce que ceux-là ont été récupérés un peu n’importe où qu’il les aime moins. Il te les a confiés parce qu’il te fait confiance pour faire d’eux des gens respectables.

Venec reste silencieux alors que Galessin II lui monte sur les genoux pour jouer avec sa barbe.



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Gauvain entre dans sa chambre. Un bébé pleure.

GAUVAIN – Excusez mon retard. Le premier marchand n’avait plus de lait de chèvre j’ai dû me rendre plus loin. N’ayant pas prévu cela je n’avais pas pris mes bottines et fus donc bien embêté quand il me fallut faire toute cette distance supplémentaire. Aélis ? Où êtes-vous ?

Gauvain fait chauffer le lait et nourrit le bébé alors que Nazim dort toujours à poings fermés.


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AÉLIS – Je ne sais pas comment vous faites pour tenir.

DÉMETRA – Ce ne sont pas les plus intelligents mais ils sont gentils.

AÉLIS – Moi je ne peux plus les supporter. Ni le mien, ni le vôtre d’ailleurs.

DÉMETRA – Vous n’allez pas partir maintenant ?

AÉLIS – Non, vous êtes folle. Pour me traîner le bébé après. Pas question. Je reste accoucher ici.

DÉMETRA – Mais ensuite vous vous en irez.

AÉLIS – Croyez-moi, je suis prête à beaucoup de choses pour dénicher la bonne place mais si c’est pour passer le restant de mes jours à laver les braies pour deux débiles, non merci.

Aélis sort.

DÉMETRA – C’est justement parce qu’ils n’ont pas la lumière à tous les étages qu’on a notre rôle à jouer. (crachant presque avec mépris) Grosse conne.


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Salle de la Table Ronde.

ANTOR – Bon il faut qu’on s’entende pour les costards. On fait une tenue complète ou pas ?

EURYDICE – Après on peut toujours faire un décor au repoussé sur un plastron c’est sympa aussi.

ANTOR – Oui enfin ça ce sera plus à voir avec moi. Par contre je manie un peu le pinceau si vous voulez une peinture sur bouclier je peux le faire.

ARTHUR – C’est pas une mauvaise idée ça.

EURYDICE – On part sur ça et puis une cape ?

ANTOR – C’est un bon début. Après s’il y a besoin on pourra toujours se bricoler un truc un peu plus sophistiqué pour l’apparat.

ARTHUR – Pour ça on risque d’être un moment tranquille ne t’inquiète pas.


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Dans une clairière aux alentours de Kaamelott. Il fait nuit. Un feu de camp a été allumé, autour des enfants, des jeunes mais aussi Yvain, Gauvain, Kadoc et Guenièvre, sont assis.

KADOC, finissant son histoire - …depuis ma tata elle demande tout le temps où elle est la poulette.

GAUVAIN – C’était une histoire fort enrichissante.

UTHER – Moi je suis pas sûr d’avoir tout compris.

GUENIÈVRE – J’avoue avoir décroché à un moment donné.

FAKIR – À Gauvain.

GAUVAIN – Je ne sais si je serais capable d’une histoire si palpitante.

GUENIÈVRE – Allez-y essayez quand même.

YVAIN – En plus vous racontez trop bien les histoires.

GAUVAIN, revigoré – Soit. Quel récit puis-je vous faire ?

YVAIN – Faites-nous l’histoire de votre femme.

GAUVAIN – Un jour le Roi Arthur me demanda de m’en aller quérir une femme. Elle devait me procurer une descendance légitime, sans quoi je n’aurais pas eu le droit d’adopter Nazim et Belane Je m’en fus donc à sa recherche. Malheureusement mes investigations ne furent point fructueuses jusqu’à ce que la femme de mon comparse de toujours, Démetra me propose son aide. C’est grâce à elle que je rencontrai Aélis. Bien qu’elle ne fut pas très souriante, cette femme remplit son office et ne tarda guère à tomber enceinte. Elle était fort sympathique malgré que la grossesse l’eut rendu de mauvaise humeur, méchante, injurieuse, gloutonne, désagréable …

YVAIN – Vous avez oublié de dire qu’elle n’était jamais contente.

GAUVAIN – Elle a cependant il y a peu, donné naissance à Cora et depuis je ne l’ai plus revu.

EREC – C’est la fin ?

GAHERIS – Il n’y a rien derrière ?

GUENIÈVRE – C’est vrai que ce n’est pas très heureux.

GAUVAIN – Pourquoi donc ? Ma fille se porte à merveille et ses sœurs s’occupent bien d’elle.

SAGAMORA – Je me disais aussi que ça faisait un moment qu’on ne la voyait plus Aélis.

GUENIÈVRE, à Gauvain – Mais qu’allez vous faire ?

GAUVAIN – Je leur donne du lait de chèvre avec un peu de miel. Elles adorent ça.


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Eurydice se promène dans la forêt de nuit. Tout près un loup hurle.

EURYDICE – Psst !

Le loup sort d’entre les arbres et vient s’asseoir près d’Eurydice.

EURYDICE – J’ai dit oui pour aller se promener mais il ne faut pas que tu gueules comme ça tu vas faire pour aux gens de Kaamelott. Compris Sakor ?

Le loup jappe et repart dans la nuit.


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Dans une plaine aux abords de Kaamelott. Eurydice a un bâton. Mordred, Galahad et Fakir l’affrontent avec des épées en bois. Unagi est installé sur les épaules d’Eurydice. Il semble s’amuser autant que les autres.

MORDRED – Fakir tu me gènes.

FAKIR – C’est toi qui prend toute la place !

De son côté Galahad passe presque tout son temps à éviter les coups de ses frères.

EURYDICE – Je vous ai déjà dit que le but n’était pas de taper dans tous les sens.

FAKIR, ensemble – C’est la faute de Mordred !

MORDRED, ensemble – C’est la faute de Fakir !

D’un coup de poignet elle les désarme tous les deux. Galahad en profite pour attaquer. Eurydice est obligée d’attraper le rudius à la main.

EURYDICE – Bravo Galahad. Ça c’est malin.

FAKIR – Pff … De toute façon c’est lui le préféré.

EURYDICE, grondante – Fakir … Je n’ai pas de préféré.

MORDRED – Et alors pourquoi c’est toujours Gal qui a raison ?

EURYDICE – Parce que lui il réfléchit avant de frapper.

FAKIR – Il faut pas réfléchir, il faut y aller à l’instinct !

MORDRED – On est des enfants, il faut encore s’entraîner.

EURYDICE – Et toi Galahad ? Qu’est-ce que tu en penses ?

GALAHAD, timide – Je crois qu’il faut qu’on attaque tous ensemble.

MORDRED – Mais Fakir gène !

GALAHAD – Pas si on se dit où on va avant.

FAKIR – Moi je veux bien essayer.

MORDRED – Vous pouvez pas gagner encore ! Vous êtes trop nuls.

EURYDICE – Mordred !

FAKIR, à Galahad – Viens on le fait. Mordred il a trop peur que t’ai raison.

MORDRED – Même pas ! Vas-y Galahad, dit nous ce qu’on doit faire. Tu vas voir que ça sert à rien.

Galahad fait signe aux autres de s’approcher. Il parle tout bas, les autres acquiescent. Ils passent à l’attaque chacun de leurs côtés. Galahad et Fakir entravent les jambes et Mordred attaque de front.

MORDRED, venant de se faire désarmer – Tu vois ça change rien ta technique Gal !

FAKIR – N’empêche qu’on a tenu vachement plus longtemps.

GALAHAD – Et puis elle a été obligée de prendre Unagi dans ses bras pour ne pas qu’il tombe.

Nu arrive à cheval.

NU – Eurydice, Père nous demande.

EURYDICE – Juste nous deux ou toute la Garde Royale ?

NU – Tout le monde est déjà rassemblé on attend plus que toi.

EURYDICE – J’arrive.

Elle monte sur son cheval, qui était attaché à un arbre proche. La selle est spéciale. Très longue, elle permet à Unagi de se tenir devant et à Galahad s’installer derrière alors que des sangles sur les côtés permettent à Fakir et Mordred de s’accrocher. Eurydice ne se risque jamais au galop mais un trop dynamique amuse les enfants. En arrivant dans la cour, ils voient Léodagan.

FAKIR, ravie – Papy !

Elle saute de cheval pour aller le rejoindre. Eurydice s’arrête juste devant lui et fait descendre Unagi. Mordred et Galahad sont à terre.

EURYDICE – Je te laisse les petits.

LÉODAGAN – Je suis pas une nounou.

EURYDICE – Tu caches bien ton jeu.

Léodagan s’apprête à répondre mais Fakir essaye de dégainer son épée.

LÉODAGAN – Non mais ho ! On a déjà dit non. Pour l’épée tu attendras d’avoir la tienne.


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Dans la salle de la Table Ronde, Arthur, Sagamora, Mu, Nu, Perceval, et Sakor sont assis. Eurydice est debout accoudée à un siège.

EURYDICE – Tu voulais nous voir Arthur ?

ARTHUR – Non pas plus que d’habitude.

SAGAMORA – On est venus pour rien alors ?

SAKOR – Sagamora s’il te plaît, si le Roi nous a fait venir c’est pour une bonne raison. Laisse-le s’exprimer.

ARTHUR – C’est pas moi qui vous voulait ici. C’est Eurydice qui m’a demandé de vous réunir.

EURYDICE – Moi ? Ah oui c’est vrai. Enfin c’était surtout pour avoir un moment tous ensemble.

SAGAMORA – Alors c’est toi qui nous fait venir pour rien ?

SAKOR, douce – Sagamora …

SAGAMORA, agacée – Ça va, ça va, j’ai compris.

PERCEVAL – Moi j’ai rien compris. Pourquoi on est là déjà ?

SAGAMORA, explose – Bah on en sait rien justement ! On est assis là, plantés comme des radis, à se regarder dans le blanc des yeux …

MU – Ça va, on a compris Mora.

NU – Et pourquoi tu ne t’assois pas Eurydice ?

PERCEVAL – Elle s’assoit jamais de toute façon. Remarquez je comprends, la dernière fois, je m’assois sur un tabouret à la taverne, j’ai dû sauter comme un cabri. Une écharde comme ça, planté dans le jambonneau !

EURYDICE – Les places de la Table Ronde c’est pour les Chevaliers de la Table Ronde.

ARTHUR – Tu es Chevalier et je t’invite à la Table Ronde.

EURYDICE – Je vois pas le rapport.

ARTHUR – C’est moi le chef ici et cette salle c’est pas non plus la place du marché. Alors si le Roi t’invite à la Table Ronde, la moindre des choses ce serait quand même de s’y asseoir.

EURYDICE, têtue – Non. Je suis cheffe de la Garde Royale, pas Chevalier de la Table Ronde. Si tu as besoin d’une escorte, de jour, de nuit je suis là, mais si c’est pour aller chercher un objet magique ou se castagner avec un dragon tu demandes à tes gars de la Table Ronde.

PERCEVAL – Et moi alors ?

SAKOR – Vous Seigneur Perceval, vous êtes membre de la Garde Royale et Chevalier de la Table Ronde.

PERCEVAL – Je croyais qu’on abandonnait le truc de la Table Ronde moi, en rejoignant la garde.

MU – La Garde Royale. On fait pas le pet devant la porte nous.

ARTHUR – Sauf si je vous le demande.

SAGAMORA – Il manquerait plus que ça. J’ai pas signé pour faire le même boulot que le premier bouseux.

EURYDICE – T’as rien signé du tout. C’est moi qui t’ai choisi.

SAGAMORA – Et la petite cérémonie durant laquelle tu me remettais les armoiries de Kaamelott ?

EURYDICE – C’était surtout symbolique.

ARTHUR – Pour moi aussi c’est symbolique de s’asseoir autour de la Table Ronde. Alors Eurydice prend place s’il te plaît.

EURYDICE – Non. En plus maintenant je ne peux plus, mon siège est occupé.

La Dame du Lac apparaît dans le siège vacant.

ARTHUR, à la Dame du Lac – Vous ? (à Eurydice) Comment est-ce que tu as su ?

EURYDICE – Un présentiment.

LA DAME DU LAC – J’adore ces Tables Rondes que vous faites avec vos enfants.

ARTHUR – Oui enfin il y a Perceval aussi.

PERCEVAL – Qu’est-ce que j’ai fait moi ?

EURYDICE – Rien. Il parle à la Dame du Lac.

Perceval acquiesce et mime la fermeture à clé de sa propre bouche.

EURYDICE, perplexe – Mais pourquoi …

ARTHUR, à Eurydice – Non je t’assure c’est mieux comme ça. (à la Dame du Lac) Qu’est-ce que vous voulez ?

LA DAME DU LAC – Rien de particulier, je suis juste venue regarder.

SAKOR – Serait-il possible de commencer ce pourquoi nous sommes réunis ?

EURYDICE – Absolument ! Ça va être rapide. Je voulais vous annoncer que j’allais proposer à Uther de nous rejoindre.

ARTHUR – Quoi ! Mais c’est un gamin encore.

NU – Il va avoir 10 ans.

MU – À 10 ans, on était déjà dans la garde.

EURYDICE – Il fera des missions adaptées à son niveau au début.

SAGAMORA – Il peut aussi s’entraîner et nous rejoindre quand il aura le niveau pour faire toutes les missions comme nous.

EURYDICE – Il a le niveau requis pour la Garde Royale. Quand je vous ai choisi, je n’ai pas seulement regardé vos aptitudes au combat. J’ai surtout prêté attention à votre loyauté et à la fidélité que vous serez prêts à porter au Roi. Sur ces plans-là, Uther est parfaitement mature.

SAGAMORA – C’est sûr qu’un Roi qui se fait protéger par un môme, le sien qui plus est, on tape dans le top prestige !

SAKOR, soudainement une voix monstrueuse – Tu vas la fermer Sagamora. Eurydice est notre cheffe. C’est même elle qui a créé la Garde Royale. Si elle estime qu’Uther est prêt alors nous devrions bénir son jugement et se préparer à accepter un nouveau membre dans nos rangs et c’est marre ! Est-ce que quelqu’un a d’autres remarques à faire ?

NU – Non …

MU – Non.

SAGAMORA – Plus vraiment du coup.

ARTHUR - …

SAKOR, de nouveau douce – Bien, je vois que nous sommes tous d’accord.

PERCEVAL – Whaou ! C’était trop classe. Est-ce que moi aussi je pourrais apprendre à faire ça ?

SAKOR – Non désolé Seigneur Perceval mais c’est une aptitude familiale uniquement.

PERCEVAL, à Arthur – Vous savez faire ça vous ?

ARTHUR – Non, c’est du côté de sa mère.

PERCEVAL – Sa mère ? Sans déconner Sire vous l’avez déniché où ?

SAKOR, attendrie – C’est une histoire merveilleuse ! Un soir de pleine lune dans la forêt …

ARTHUR, gêné – Non, non, non, c’est vraiment pas la peine de la raconter celle-là.

PERCEVAL, déçu – J’aurais bien aimé que vous racontiez.

EURYDICE – Je t’assure que non.

PERCEVAL, boudeur – Bon.

NU – Tu comptes lui demander quand à Uther ?

EURYDICE – Dans les jours qui viennent.

MU – Et s’il refuse ?

EURYDICE – Et bien il refusera qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ?


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Uther affronte le maître d’armes dans la cour du château. Eurydice arrive.

UTHER – Et bien alors monsieur le bouc, on sait pas taper plus fort ?

LE MAÎTRE D’ARMES – C’est un peu faible ça non ?

UTHER – Attention c’est un bouc tout crotté qui pue à 6 lieues.

MAÎTRE D’ARMES – Ah ! Là d’accord.

EURYDICE – Uther. Je peux te parler ?

Le garçon questionne du regard le maître d’armes avant de venir.

EURYDICE – Est-ce que tu serais tenté de rejoindre la Garde Royale ?

Les larmes montent aux yeux d’Uther qui commence à pleurer.

EURYDICE – Hola, qu’est-ce qui se passe ? C’est bon ou mauvais signe ça ?

UTHER – Comesuiconan … jécujamai …

EURYDICE – Je n’ai strictement rien compris à ce que tu viens de dire.

Uther fait un effort.

UTHER, pleurant – Ce … c’est … oui … super … depuis … bien … conteeeennt !

Il pleure de plus belle mais cette fois-ci Eurydice a compris et le prend dans ses bras.

EURYDICE – Ce sera pas facile tous les jours mais tu seras un excellent garde.


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Arthur est sous l’arbre millénaire. Il a les yeux fermés. Guenièvre arrive et s’assoit à côté de lui. Elle pose sa tête sur son épaule. Il ouvre les yeux, la regarde puis ferme les yeux de nouveau.


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Quelques années plus tard, sur une plage. Fakir, Galahad, Unagi et Mordred sont à cheval. Unagi a tout un arsenal de feuilles et de cartes devant lui.

MORDRED, à Unagi – Tu es sûr de ce que tu fais au moins ?

UNAGI – J’avais tout pensé avant de venir mais une fois ici ça fait pas pareil.

FAKIR – Tu nous aurais pas fait venir pour rien quand même ?

GALAHAD – Ce n’est jamais pour rien. On a pris une route que je ne connaissais pas et il fait beau. On a rencontré plein de gens …

MORDRED – Ça va on a compris.

FAKIR – Quoi ? Pourquoi tu es sec comme ça ? C’est bientôt l’hiver et on a eu beau toute la journée, il peut bien être content non ?

MORDRED – Mais il est toujours content ! Un bouseux qui lui offre une fleur, une bergère qui lui fait un sourire.

FAKIR – Et bien quoi ?

MORDRED – Il devrait … je sais pas, se montrer un peu plus …

FAKIR – Austère ? Chiant ? Comme le vieux Uther Pendragon ? Non merci. Le bonhomme tuait les gens pour un oui ou pour un non. Je ne veux pas que Galahad lui ressemble.

MORDRED – Ça ça risque pas !

FAKIR – Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

MORDRED – Même toi tu ressembles plus à Arthur que lui !

UNAGI – Mordred arrête.

GALAHAD, sur la défensive – Moi j’ai pris du côté de maman.

MORDRED – C’est ce qu’on dit sauf que Guenièvre elle a pas les yeux bleus que je sache.

FAKIR – J’en connais un autre qui ne devrait pas trop faire le malin avec les « on dit ».

MORDRED, agressif – Ah ouais !

FAKIR – Ouais ! Anna de Tintagel ça te parle comme nom ?

Mordred tourne la bride et file au galop.

UNAGI – Il faut pas le laisser partir. On est une famille. On doit rester soudés. Eurydice dit que dans les coups durs, y a que ça qui tient.

FAKIR – Eurydice elle nous fait chier.


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Dans la salle du trône.

ARTHUR – Comment ça « est-ce que j’aurais pas un bateau à vous prêter » ?

VENEC – Non mais après je demande ça, si vous pouvez pas me dépanner je me démerderais.

ARTHUR – Ah vous on sait comment vous vous démerdez. J’ai dit plus de magouilles.

GALESSIN IV – Sire ce ne serait pas pour des magouilles.

GALESSIN I – On voudrait monter une flotte.

GALESSIN III – On veut devenir des marins !

GALESSIN IV – Attention pavillon de Kaamelott et tout le tintouin. Au service de Sa Majesté.

ARTHUR – Mais pourquoi vous voulez partir ? C’est Venec qui vous a monté le chou ?

GALESSIN II – C’est vrai qu’il nous a emmenés plus d’une fois faire des voyages sur mer.

GALESSIN III – On adore tous ça. La mer c’est notre sang !

GALESSIN I – Soyez chic Sire, on vous demande pas souvent grand-chose.

ARTHUR, à Venec – Et vous vous seriez le capitaine c’est ça ?

VENEC – Il faut bien quelqu’un avec de la bouteille pour que tout ça file droit.

ARTHUR – Non mais ce que je veux dire c’est que vous seriez prêt à servir Kaamelott ? Arrêter les criminels ? Contrôler les marchandises ? Libérer des esclaves ?

VENEC – C’est pas que ça m’enchante Sire mais ça fait tellement longtemps que je suis ici que je dirais oui à tout pour pouvoir repartir. Je suis pas du genre casanier vous savez. Donc s’il faut rouler pour la couronne, je le fais.

ARTHUR, aux Galessins – Et vous vous êtes prêts à le suivre ?

LES GALESSINS, en chœur – Oui Sire !


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Dans la cour du château. La chimère est dressée sur ses pattes arrières.

JANE – Ça te va comme ça ?

ANTOR, croque rapidement à l’aide d’un parchemin et d’un fusain – Ouais c’est pas mal comme ça. Attends deux petites minutes … Est-ce que Pouic-Pouic pourra se mettre de face après ?

JANE – Les gueules ouvertes ou fermées ?

ANTOR – Je sais pas trop encore ce qui rendrait le mieux sur un bouclier. Tu n’aurais pas autre chose pour moi ?

JANE – J’ai bien Flammèche mais si je t’emmène le voir il faudra rien dire à papa.

ANTOR – Flammèche ? C’est qui celui-là ?

JANE – C’est un dragon des montagnes que j’ai adopté.

ANTOR – Un dragon ? Non mais tu es folle !

JANE – Les dragons c’est pas méchant d’abord !

ANTOR – Si c’était si inoffensif tu ne me demanderais pas de le cacher à papa.

JANE – Tu veux le voir ou tu veux pas le voir ?


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Dans la chambre, Arthur est au lit, Eurydice à son chevet.

ARTHUR, faible – Alors comment vont les enfants ?

EURYDICE – Fakir et Mordred se battent sans arrêt.

ARTHUR – C’est de leur âge ça.

EURYDICE – Sauf qu’ils sont parfois un peu trop perspicaces.

ARTHUR – Pour Galahad, il ne faut pas être un génie non plus.

EURYDICE – J’ai déjà entendu Mordred souligner ta ressemblance avec Fakir.

ARTHUR – Il est malin celui-là.

EURYDICE – Il est trop sûr de lui, ça le rend impulsif. Comme c’est un solitaire, il n’a personne pour lui donner la demi-mesure.

Arthur a fermé les yeux.

EURYDICE – Tu m’écoutes ou pas ?

ARTHUR – Ça va je me repose juste un peu.

EURYDICE – Tu n’es drôlement pas en forme cet hiver.

ARTHUR – C’est normal ça. C’est juste que d’habitude c’est ma mère qui me soigne mais bon maintenant …

EURYDICE – Elle te soignait comment ?

Arthur s’est endormi. Eurydice va chercher Merlin.


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Arthur est dans une grotte toute noire. Il est effrayé. Il appelle, il a la voix d’un enfant. Personne ne répond. Soudain au loin une lumière apparaît. Il se précipite vers elle. Il s’agit de Merlin. Il tient une torche.

MERLIN – Tenez votre mère m’a donné ça pour vous.

Il lui tend un bol de lait de chèvre chaud aux épices et avec de la sarriette.

MERLIN – Ah et prenez ça aussi.

Cette fois-ci Merlin lui donne une torche éteinte. Une fois qu’Arthur l’a dans les mains, il l’allume.

MERLIN – C’est pas mieux comme ça ?

ARTHUR – Si, merci.

Arthur sirote son lait. On entend des pas. Arthur met la main à sa ceinture mais Excalibur n’est plus là.

PERCEVAL – Dis donc on y voit comme à travers une pelle dans cette grotte !

ARTHUR, voix d’adulte à Perceval – Approchez.

Il allume la torche que portait Perceval. D’autres bruits de pas.

KARADOC – Ah vous êtes là ! Je vous cherchais partout. Je crois que j’ai paumé un gamin en chemin.

ARTHUR, allume sa torche – Allez le chercher on vous attend.

PERCEVAL – On l’attend pour quoi ? Vous avez l’intention d’aller quelque part ?

GUENIÈVRE, apeurée – On ne va quand même pas rester dans cette grotte, c’est sinistre.

ARTHUR, allume la torche – Et là ça va mieux ?

GUENIÈVRE – Oui merci.

LÉODAGAN – Dis donc c’est de plus en plus jouasse les réunions !

Il est suivi de Séli, Yvain, Gauvain, Démetra.

ARTHUR – Venez donc là tous. Les nouveaux arrivants et Perceval s’exécutent. (à Perceval) Non pas vous. (aux autres) Mettez les torches au milieu.

Il les allume.

SÉLI – On y voit plus clair mais on est toujours sur une ambiance de veillée aux flambeaux.

MORDRED – Pourquoi ça n’en serait pas une ?

FAKIR – Parce qu’il y a pas de mort.

UNAGI – Quelqu’un pourrait l’être sans qu’on soit encore au courant.

GALAHAD – Y a pas de mort parce qu’on est dans un rêve.

Tour à tour ils viennent allumer leur torche.

EURYDICE – Le rêve de qui alors ?

Elle emmène avec elle ses autres frères et sœurs. Elle allume sa torche à celle d’Arthur puis va allumer les autres.

VENEC, suivi des Galessins – En tout cas faites attention Sire, y a des gars pas jouasses dans la pénombre.

PÈRE BLAISE – Diabolus ! Sire, des démons ! Les morts se réveillent.

MAÎTRE D’ARMES – Pas de quoi l’affoler la petite pucelle. Il y a des guerriers ici.

ARTHUR, allumant leurs torches – Peut-être mais je sais pas vous mais j’ai plus d’épée.

Venec allume les torches des Galessins.

MAÎTRE D’ARMES – Sire, un Chevalier doit toujours avoir son épée !

ARTHUR – Je sais mais là je l’ai paumée.

TOUS LES ENFANTS (d’Eurydice à Mordred), ensemble – Papa, tu l’as pas perdu Excalibur c’est moi qui l’ait.

Ils dégainent tous en même temps des épées enflammées proportionnelles à leur taille. Soudain le vent se lève dans la grotte. Les flammes des épées sont soufflées et les armes ainsi éteintes sont réduites à l’état de pierres. Dans le noir on observe Lancelot, Manilius, Mevanwi, Licinia, Ygerne, Julia, Pendragon, César … Une silhouette s’approche.

ARTHUR – Qu’est-ce qui arrive encore ?

EURYDICE – Papa, à qui tu parles ?

ARTHUR – Tu ne la vois pas ?

SÉLI – Y a personne mon pauvre vieux, vous virez complètement.

La silhouette s’approche encore jusqu’à ce qu’elle soit assez près pour que la torche d’Arthur l’éclaire.

ARTHUR – Toi ? Je t’avais dit de ne plus revenir.

Elle sourit et souffle. La torche d’Arthur s’éteint. Le Roi est soudain d’une peur panique de se retrouver dans le noir. En rouvrant les yeux il voit qu’avec toutes les autres torches il fait clair comme en plein jour. D’ailleurs il fait jour maintenant. Le groupe s’agite mais Arthur n’entend pas ce qu’ils disent. Ils ne le regardent plus, seule Eurydice semble encore le voir. Leurs visages sont étrangement éclairés comme s’ils étaient toujours dans la grotte.

EURYDICE – Tu es sûr ?

ARTHUR – Tu m’as dit toi-même qu’on ne choisissait pas.

EURYDICE – Une dernière volonté ?

Arthur se penche à son oreille et murmure quelque chose.


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Dans le laboratoire de Merlin.

EURYDICE – Merlin ! (un oiseau s’envole) Merlin ! T’es là ? (un chat sort de sous le bureau) Ah Merlin il faut absolument que tu viennes Arthur est …

Eurydice s’arrête brusquement. Le chat fait des éclairs et se transforme en Merlin.

MERLIN – Oui ? Arthur est … malade ? C’est son rhume de début d’hiver, c’est …

EURYDICE, ailleurs - … mort.

MERLIN – Pardon ?

EURYDICE, ailleurs – Arthur est mort.

Merlin la saisit par le col presque violemment.

MERLIN – Arrête ça ! Il faut pas dire des choses comme ça.

En la secouant, il réveille Eurydice.

EURYDICE, affolée – Arthur !

Et elle sort en courant.


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Ils entrent dans la chambre du Roi en trombe, tout essoufflés. Le lit est vide.

EURYDICE – Où est-ce qu’il est parti ?

MERLIN – C’est toi qui sait toujours où il est d’habitude.

EURYDICE – Oui mais là j’entends plus rien. Silence.

MERLIN – C’est peut-être qu’il est parti prendre un bain ?

EURYDICE – Je l’ai laissé, il dormait et il n’avait pas la force de se lever ! Le Roi est mort je te dis. Je le sais, je le sens.

MERLIN – Mais arrête avec ça ! Qu’est-ce que c’est que ce bruit ?

EURYDICE – C’est l’Ankou. Il vient chercher Arthur.

MERLIN – Mais il n’y a pas d’Arthur à venir chercher. Il est pas mort.

EURYDICE – Il est où alors ?

MERLIN – J’en sais rien mais qu’il soit pas dans sa chambre, ça veut pas dire qu’il est cané.

L’Ankou entre dans la chambre.

L’ANKOU – Bonsoir, bonsoir alors il est où le Roi ?

EURYDICE – Ah ! Tu vois je l’avais bien dit.

MERLIN – Il veut juste saluer Arthur je vois pas en quoi c’est une preuve.

L’ANKOU – Le saluer ? Maintenant j’aurais du mal non ? Mais ne vous inquiétez pas j’ai fait réviser tout le chariot avant de venir et j’ai mis mes plus beaux habits. C’est pas tous les jours que je viens chercher le souverain de Logres.

MERLIN, perdu – Le Roi ne peut pas être mort.

L’ANKOU – Vous savez mon petit, même Excalibur ne peut pas protéger de la fin. Bon alors il est où ?

EURYDICE – On sait pas.

L’ANKOU – Comment ça vous savez pas ?

EURYDICE – On a paumé le macchabée.

L’ANKOU – C’est pas possible.

EURYDICE – Si je te dis. Il était là, il pouvait pas bouger. Je suis partie chercher Merlin et hop il a disparu.

L’ANKOU – Je fais quoi moi dans ce cas ?

EURYDICE – Attends, tais-toi.

L’ANKOU, vexé – Ah bah c’est gentil merci.

EURYDICE – La Dame du Lac approche. Elle aura nos informations.

Caïus apparaît.

L’ANKOU – C’est fou je l’imaginais pas comme ça la Dame du Lac.

EURYDICE – Non mais là c’est Caïus. Qu’est-ce que tu fiches là ?

CAÏUS – Ave ! C’est Viviane qui m’a demandé de venir.

EURYDICE – Elle pourrait pas venir elle-même ?

CAÏUS – Non avec la mort d’Arthur son lien avec le plan terrestre est un peu brouillé.

MERLIN, réalisant peiné – Il est mort !

Il se transforme en chat et se réfugie sous le lit.

L’ANKOU – Il est où surtout ?

CAÏUS – Bah comme c’était prévu. Quand le Roi meurt, la fée Morgane vient le chercher pour l’emmener dans sa dernière demeure …

EURYDICE – L’île d’Avalon ! Mais oui, pourquoi est-ce que je ne m’en suis pas souvenue plus tôt.

L’ANKOU, déçu – On m’avait pas prévenu moi. Bon … et bien à la prochaine fois alors.

CAÏUS – Au revoir.

EURYDICE – Fais bon voyage. (l’Ankou part) Ça va faire un vide quand même.

CAÏUS – Quoi sans ce vieux mec tout bizarre ?

EURYDICE – Non ! Sans Arthur.

Un miaulement plaintif s’élève de sous le lit.

EURYDICE – Et la Dame du Lac comment elle a pris la nouvelle ?

CAÏUS, la regarde longuement – Pas très bien … et toi ?

EURYDICE, hausse les épaules – Pas jouasse. Mais le pire c’est quand il va falloir l’annoncer à tous les autres.

CAÏUS – Tiens en parlant du loup …

Guenièvre franchit la porte. Elle s’arrête une seconde en voyant Eurydice et Caïus. On entend un nouveau miaulement déchirant. Guenièvre perd soudain ses forces. Elle serait tombée si Eurydice ne l’avait pas rattrapé pour l’asseoir sur le lit.

GUENIÈVRE – Dites-moi pas que c’est pas vrai. Ce n’est pas possible.

EURYDICE – Il est parti dans son sommeil.

GUENIÈVRE – J’avais fait monter tout spécialement du lait de chèvre chaud avec un peu d’épices et de la sarriette. Il aime tant ça.

EURYDICE – Il aurait été touché mais je pense qu’il n’en aura plus besoin.

GUENIÈVRE – Qu’est-ce qu’on va faire ? Il faut l’annoncer à tout le monde.

EURYDICE – Ça peut attendre un tout petit peu. Ne t’inquiètes pas.

GUENIÈVRE – Les gens vont vouloir des preuves. Ils vont vouloir le voir mais il est parti pour Avalon …

EURYDICE – On s’arrangera. De toute façon la plupart des gens ne le reconnaissait même pas de son vivant. On va faire un beau cortège, un peu chic avec quelques trucs qui brillent et le peuple sera satisfait.

GUENIÈVRE – Qui va gérer le gouvernement maintenant ?

EURYDICE – Guenièvre, Guenièvre arrête. Tout est nouveau. On va vers l’inconnu alors tu vas te coucher et tu vas dormir, tu fais semblant, tu fais ce que tu veux, en tout cas tu ne sors pas de ce lit avant que je revienne te chercher demain matin.

Guenièvre pleure mais elle se laisse border. Eurydice et Caïus sortent.


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Dans la salle de la Table Ronde, toute la Garde Royale est là sauf Perceval.

EURYDICE – Aujourd’hui j’ai une mission un peu particulière à vous confier. Il va falloir être fort. (Uther se redresse) Le Roi Arthur, notre père et souverain, est mort. (tous restent impassibles sauf Uther qui se mord la lèvre) Vous allez trouver tous nos frères et nos sœurs pour leur annoncer la nouvelle, de même que tous les Chevaliers de la Table Ronde et les hauts dignitaires. Mu, Nu et Sakor vous irez l’annoncer ailleurs. Nu tu iras vers le nord, Carmélide, Calédonie, Irlande. Mu et Sakor vous partirez au sud. Mu tu feras l’Orcanie, Tintagel et l’Armorique. Sakor tu pars en bateau directement pour l’Aquitaine, ensuite Vanne et Gaune. Tous doivent être rassurés. Le Roi est mort mais le royaume est entre de bonnes mains. Allez-y et bonne chance.


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Même salle, Eurydice, Galahad, Fakir, Unagi et Mordred.

EURYDICE – Je sais que ce que je vais vous dire ne va pas être facile. Rien ne sera plus comme avant mais la meilleure façon de faire de vous des adultes c’est de vous traiter en tant que tels.

UNAGI – Le Roi est mort.

FAKIR – QUOI !

Fakir éclate en sanglots.

EURYDICE – C’est vrai. Comment tu le sais ?

UNAGI – L’atmosphère a changé et j’ai entendu des murmures dans les couloirs.

EURYDICE – Effectivement, Arthur est mort. Bientôt tout le royaume ne parlera que de ça. Je sonnerais les cloches demain matin, jusque là … préparez-vous. Les jours qui vont suivre ne seront pas marrants.

Galahad et Mordred restent silencieux. Dès qu’Eurydice a fini de parler Mordred sort. Unagi et Fakir le suivent mais quand elle voit que Galahad ne bouge pas elle s’approche et lui prend la main.

FAKIR, renfilant – Tu cogites trop. Ton père vient de … Tu as le droit d’être triste. Viens on va se balader.

Galahad commence à pleurer alors que Fakir le mène. Unagi les suit.

UNAGI, à Eurydice – Nous irons presque en ligne droite vers le lac. Si on n’est plus là-bas, c’est qu’on est revenu.

EURYDICE – Merci Unagi.


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Même salle, Eurydice et Perceval.

EURYDICE – Avec quoi est-ce que tu as du mal ?

PERCEVAL – Je crois que c’est quand tu dis « le Roi est mort ».

EURYDICE – Tu ne comprends pas ?

PERCEVAL – Non.

EURYDICE – Tu sais ce que c’est : la mort.

PERCEVAL – Tu me prendrais pas pour un con des fois ?

EURYDICE – Et le Roi …

PERCEVAL – Arthur ! Elle était facile celle-là.

EURYDICE – Donc quand je te dis que le Roi Arthur est mort …

PERCEVAL – Non.

EURYDICE – Pourquoi « non » ? C’est pas une question !

PERCEVAL – J’ai mangé à midi avec lui, alors il était pas jouasse mais il était pas mort.

EURYDICE – Et bien je te dis que maintenant, il l’est.

PERCEVAL – Jouasse ?

EURYDICE – Mort !

PERCEVAL – Est-ce qu’on peut recommencer depuis le début ?

Eurydice soupire.


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En pleine nuit, dans la forêt, un cri de douleur résonne. Tout le monde dort. Personne ne l’entend. Eurydice frappe de toutes ses forces contre les arbres. Elle court éperdue mais ses larmes lui empêche de voir. Elle se prend les pieds dans les racines et tombe.


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