Retrieve Bass

Chapitre 1 : une dernière chance

2607 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a environ 1 mois

— Encore une nouvelle agression ! Cette fois-ci, le gosse a été retrouvé en caleçon devant le bureau du CPE. Tu m'expliques, Gojo ?

— C'est juste de la provoc'. A la fin de la journée, ça a du bien le faire marrer. Il aura quelque chose de marrant à raconter à ses potes demain !

— C'est ça que tu trouves à dire ? Pourquoi je devrai garder un élève qui persécute ses camardes, hein ? Parce qu'à heure actuelle - corrige-moi si je me trompe - mais "baisser le pantalon d'autrui", ce n'est pas un geste qui va aider son prochain selon la Bible !

— Pour être honnête, je n'ai pas encore lu la Bible alors-

— Je m'en branle, Gojo !

— Ok, très bien. Megumi a du potentiel. N'oublie pas la bourse qu'il a obtenu qui prouve qu'il a de la ressource. On doit pouvoir lui laisser le bénéfice du doute-

— Et jusqu'à quand dis moi ? Au juste, de quel potentiel tu me parles depuis des jours ? Le potentiel d'avoir une belle carrière dans un pensionnat de redressement, tu veux dire ! Alors, cesse un peu de me berner - non, laisse moi finir -, je veux qu'il soit expulsé en bonne et due forme et au plus vite !

— Minute, ne nous emballons pas. Il doit bien avoir un autre moyen. Que dis-tu d'un compromis ?

— Ça ne va pas fonctionner. C'est moi qui fait la loi dans ce bahut. Je ne vais pas négocier avec mes élèves pour que l'un d'entre eux respecte les règles.

— Voyons... Monsieur Yaga, avec tout le respect que je vous dois - même si, j'en suis conscient, ça ne se voit pas -, je sais qu'il est dans votre intérêt de garder ce gamin dans ce lycée. Il mérite sa place ici. Ce gars est un petit génie dans son domaine.

— Megumi n'est pas le gamin rempli d'ambition que tu t'imagines. Ton élève file du mauvais coton. Et que tu sois derrière lui ou non, ça importe peu au final. Il doit vite se ressaisir.

— Yaga, s'il vous plait. Je comprends votre position, et oui, Megumi n'a pas montré patte blanche récemment-

— Récemment ? Ça fait un semestre qu'il accumule - voyons voir -, un total de...trois semaines d'absentéiste, six cas de triche, trois tentatives d'intimidation, huit mentions de langage inapproprié-

— Il est... en pleine période de crise d'adolescence.

...

— Je ne comprends pas comment cela se fait-il qu'il soit toujours scolarisé dans cet établissement. C'est aberrant.

— Et pourtant, c'est bien vous le proviseur ! Pardon.

— Quand bien même...

— Entre nous, vous savez mieux que moi pourquoi ce perturbateur est encore ici.

— ...Parle pour toi.

— Trouvons un terrain d'entente ! Je convaincrai le gamin de suivre, quoi que cela puisse être. Je vous en donne ma parole.

— Il y a bien un moyen de lui épargner une exclusion définitive...

— Parfait ! Je savais que vous pouviez vous montrer raisonnable, vous ne le regretterez pas !

— Ce sera ça ou rien j'insiste bien. Le reste dépendra de lui.

L'entrevue entre Gojo et Yaga dure un temps fou. Assez longtemps pour pouvoir écouter les trois symphonies d'Exogenesis de Muse d'affilée.

Pas la peine d'enlever mon casque pour écouter contre la porte. Gojo, comme à son habitude, doit être en train d'embobiner le proviseur Yaga.

Comme avocat du diable, mon prof principal est rudement efficace.

Je suis le premier à reconnaître que je suis une cause perdue. Je n'aurai pas dû arracher le pantalon de ce guignol. Pas plus que j'aurai dû renverser mon plateau de cantine sur cet autre guignol.

Pas ma faute, il y a trop de guignol dans ce lycée de merde. Et même s'il y avait des génies, ce serait aussi des crétins.

Prenons l'exemple d'Exogenesis.

C'est une œuvre à part entière composées de trois parties. A la fois expérimentale, c'est un morceau qui transcende les codes, aussi bien au niveau de sa longueur que de son arrangement musical.

Je comprends qu'on puisse critiquer ce format. Qui tiendrait 12 minutes a écouter Matthew Ballamy s'alanguir contre son micro ? Les fans sûrement. Les auditeurs des radios un peu moins.

Le cas échéant, Exogenesis est un cas à part, puisqu'il est autant adoré que détesté. C'est aussi mon cas.

Sauf que je ne m'appelle pas Matthew Bellamy. Cela fait toute la différence.

— Allez merdeux, me lance Gojo alors qu'il sort du bureau du proviseur, on fiche le camps. Si Yaga te voit dans son champs de vision, il viendra lui-même te mettre une correction et je ne l'empêcherais pas, tu es prévenu.

J'abaisse mon casque audio jusqu'à mon cou.

— Alors, quel est le verdict ?

— Tu n'es pas exclu, si c'est que tu voulais savoir...

— Mais..?

Il accroche ses mains aux hanches.

— "Mais" quoi ? Sois un peu plus reconnaissant ! J'ai sauvé tes petites fesses, ingrat ! Tu vas pouvoir continuer ta scolarité et rendre fière Malala...!

— Mais..?

Gojo se gratte un coin au hasard sur son crâne.

— Mais il faut que tu intègres le club de musique.

— C'est hors de question.

— Je savais que tu allais démarrer au quart de tour. Maintenant, laisse-moi le temps de t'expliquer...

Quelle poisse. J'avais un maigre espoir que monsieur Gojo puisse faire un énième miracle en me sortant indemne de cette situation. Là, c'est à moi qui demande d'en accomplir un. Quelle perte de temps.

— Vous savez bien que je ne peux pas rejoindre ce club.

— Megumi, tu es courant que c'est complètement stupide de refuser cette proposition alors que tu es fait pour ça ? C'est une occasion en or. Dis-moi que tu en es conscient.

Gojo doit faire partie de mes fans, ceux qui croient en moi et de tout ce que je suis susceptible de produire. A l'instar de ceux de Muse qui écoutent religieusement ce fameux morceau de 12 minutes et 44 secondes.

Moi ? Intégrer le club de musique ?

Gojo n'est pas sérieux. Il délire complètement. Il agit comme les éberlués qui attendent encore le retour de leur fameux boys-band après l'annonce de leur pause.

Il y a toujours deux camps dans ce genre de situation. Ceux qui sont dans le déni d'un retour possible et ceux qui saluent la perspective de carrière solo de chacun des membres.

Mauvais exemple. Dans les deux cas, ils n'acceptent jamais la séparation implicite.

Oublions.

— Tout, mais pas ça.

J'aime bien la musique. Pour autant il m'arrive de la tenir en horreur.

The Killer est un groupe américain. Et non anglais, qu'on peut croire à défaut. Est-ce qu'avoir cru que The Killer était un groupe britannique pendant près de 5 ans fait de moi un amateur ? Oui, sûrement.

Est-ce qu'écouter Mr Brightside fait de moi un looser sans ami ? Non.

Ok, si peut-être.

— Moins fort Megumi ! Ta musique me donne envie de me jeter par la fenêtre !

Ma sœur Tsumiki tape contre le mur pour signifier que j'ai passé l'heure de la faire chier.

Elle continue jusqu'à que je baisse le son de mon enceinte posée sur ma table de chevet, juste au dessus de mon oreiller. Nos chambres sont séparées, mais pas assez pour que l'un n'entende pas l'autre.

— Ton père va devoir mieux isoler les murs ! Relève-t-elle assez fort pour que je puisse l'entendre.

— Tu rêves. Il ne fera rien du tout tu le sais bien, j'articule la tête sur mon oreiller. Il faudrait qu'il y ait un trou dedans pour qu'il.. non, je pense qu'il le laisserait tel quel, le connaissant.

Tsumiki donne deux petits coups successif sur le mur en plâtre. Ok ça, ça signifie que je dois me taire. Bizarre. Pourtant je n'ai rien dis de bien vexant. Mon père est un radin né, ce n'est que la vérité.

— Allô ? Oui, monsieur Gojo ?

Je me relève de mon lit comme piqué par une aiguille. Sans réfléchir, je colle mon oreille contre le mur pour distinguer l'échange téléphonique entre mon prof et ma sœur. Le seul avantage de ses murs, c'est bien de pouvoir d'espionner les conversations des autres a leur insu...Comme par hasard, aucun son n'est perceptible de l'autre côté.

Enfin, au bout d'un instant ma porte s'ouvre, et Tsukimi entre. Moi, je m'immobilise sur mes draps comme si cela pouvait me rendre invisible.

— Oui...Entendue, affirme-t-elle toujours en ligne. Je vois... Quoi, Megumi ?

— Je-ne-suis-pas-là, j'articule silencieusement alors qu'elle emboite le pas vers mon lit.

— Il est... aux toilettes. Oui, c'est assez long... C'est ça. ...Comptez sur moi... Vous aussi, merci. Bonne soirée.

Elle raccroche, et je relève qu'elle ne dissimule pas son soupire à la fin de l'appel. Ça, c'est l'effet Gojo. Il peut être épuisant.

— C'est une pipelette, ton prof.

— Qu'est-ce qu'il te voulais ?

— A ton avis ?

Je pose mes pieds à terre et commence à nouer mes doigts entre eux. Avec Tsukimi, rien ne sert de jouer au plus malin. Perdu pour perdu, il faut que je sauve les pots cassés tant que c'est possible.

— Raconte rien à papa.

— Megumi, bougonne-t-elle en croisant des bras. Ton prof... il m'a simplement raconté que tu avais quitté le lycée parce que tu n'étais pas d'accord avec une décision du proviseur. Tu n'as plus l'âge pour que je te reprennes... et rassures-toi je ne compte rien dire à ton paternel. Je veux juste savoir... pourquoi tu as réagis ainsi ?

Je me masse la nuque un instant, sans bien comprendre ce que je devrai lui dire. Tsukimi attend le temps qu'il faut pour que je lui avoue :

— Il faut que j'intègre le club de musique. Sinon, je suis expulsé du lycée.

Elle rit un moment.

— Ton prof à bien précisé qu'il comptait sur moi pour te convaincre d'accepter la décision. S'il savait que je n'avais aucun pouvoir...

— Mais il sait que tu as suffisamment d'autorité sur moi pour me raisonner, et que je t'écoute... Pas comme l'autre.

Avec mon père, ça aurait tourné court. Je serai déjà en train d'éplucher les papiers administratifs pour trouver une inscription dans un nouveau lycée.

— Pas la peine de me faire la morale. Je sais bien que je n'ai aucune raison de refuser une offre pareille. Mais...

Tsumiki se laisse choir sur un coin du matelas, à côté de moi. Je ramène mes pieds en position tailleur.

— Ne t'embêtes pas à t'expliquer. J'ai saisis.

Elle fait traîner une main distraite sur le contour de mon enceinte située à côté d'elle. Du bout des doigts, elle augmente à peine le volume pour que je distingue les accords d'une batterie bien reconnaissable. Ma sœur elle, cherche toujours...

— Ça me dit quelque chose...

— Blink-182. I Miss You.

Elle souffle du nez. Elle récupère mon téléphone connecté à l'enceinte, sans doute pour changer de morceau.

— Playlist when you want to feel something-

Je lui retire l'appareil des mains avant qu'elle n'achève mon humiliation.

— C'est quoi ce titre de playlist ? raille-t-elle malgré elle. Tu es toujours dans ta phase d'ado incompris ?

Je stoppe la diffusion et fourre mon cellulaire dans la poche de mon jogging.

— Je ne te ferai pas la morale, rappelle-t-elle. Mais je ne peux pas te laisser te morfondre sous mes yeux.

— Je vais bien, Tsumiki.

— Ecouter ce genre de musique impacte forcément ton moral et ça traduis ton état d'esprit actuel. Et entre nous... I miss you ? Tu n'as pas trouvé mieux ? ajoute-t-elle en refoulant un rire jaune.

Je me relève pour pouvoir ranger l'enceinte Bluetooth quelque part.

— Je t'ai vexé ?

— C'est ça le problème avec la musique, je marmonne en tassant le contenu d'un tiroir pour libérer de la place. On se préoccupe trop de l'image qu'on dégage en écoutant un style ou un autre.

— ... Qui écoute encore Blink-182 en même temps ? clame Tsukimi hilare.

Je déteste la musique.

Ses règles. Ses génies. Ses fans. Je déteste les classements des meilleurs titres du moment. Les sons qui passent à la radio. Ceux qui ne sont pas diffusés car ils sont moins populaires. Je déteste les pubs sur Spotify. Les transitions entre le morceau en cours et le suivant. Le fait de devoir trouver le nom à une playlist....

— J'ai envie d'écouter ce qui me plait, et même si c'est ringard j'assume aussi.

Bon, pas vraiment. Mais en théorie, si.

— Mon œil. Il y a bien des musiques plus gênantes que d'autres, observe-t-elle. Il faut bien départager les navets des chef d'œuvres, et c'est pas grave en soi.

— Et si j'aime de tout ? Les titres bidons comme les classiques ? Pour autant, j'aurai des goûts de chiotte selon toi ? Ou bien il y a un quota à respecter pour être dans une catégorie où une autre ?

— C'est pas ce que j'ai dis. Tu sais quoi, oublie ce que j'ai pu dire. Tu as raison. Tu es libre d'écouter-

— Tu pense qu'en regardant simplement ma playlist, tu pourrais me dire qui je suis ? Si je suis chiant, extraverti, ou même moche et bizarre ?

Je déteste les live enregistrés. Les remises de prix du meilleur artiste à la télé. Les sondages twitters sur la meilleure prestation. Les chanteurs à la belle gueule. Je déteste les requiems. Les opéras. Les scènes. Les concerts. Je déteste le chant. Les instruments. Les guitares mal accordées. Le solfège. Surtout le solfège.

Je me déteste.

— Que tu es pénible, soupire-t-elle en se relevant de mon lit. Tu n'as jamais pu écouter la musique en silence. Je suis toujours obligé de l'entendre malgré moi depuis ma chambre. Si tu veux pas qu'on critique tes goûts musicaux... achète-toi des écouteurs, Mozart ! Ou écoute de la vraie musique et là je serai ravie que tu la partage avec moi.

— C'est ça ! je lâche alors qu'elle a déjà atteint ma porte. Écoute donc de la musique classique, du jazz, et des titres underground pour te sentir supérieur ! Moi je vais rester avec ma musique de puceau !

— Ah ça c'est toi qui le dit ! hèle-t-elle après avoir claqué sa porte derrière elle.

Je me laisse retomber sur mon matelas, et très vite, le silence devient pesant.

Je coince ma main dans ma poche pour sortir mon portable. Dans l'autre poche, j'en sors une paire d'écouteurs emmêlés.

Je souffle.

— Ça aussi fais-le en silence ! rappelle Tsumiki derrière le mur.

Je serre le poing une dernière fois...avant de brancher le câble des écouteurs à mon téléphone. Et je lance ma playlist.


Nda : Hello tout le monde! Je suis très contente de commencer la publication de Retrieve Bass! N'hésitez pas à m'envoyer vos premiers retours sur cette histoire :) J'ai déjà commencé la publivation sur wattpad, où je suis beaucoup plus active pour écrire. Si vous voulez en lire davatange, et découvrir d'autres de mes oeuvres en attendant, c'est sur @missh-it que ça se passe (et sur AO3 c'est @misshit). Vous pouvez trouver les playlists de chaque histoires sur Spotify : @musgravess ! xoxo

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