L'école des démons acte 1
Callego revient de la salle de bain, il a troqué son pyjama contre une chemise noire et un pantalon noir. Il s’assied sur le matelas au côté de la rousse et sort son téléphone de sa poche en attendant qu’Azael arrive.
Il n’y a que Degan et Opéra de connecter. Le couple ignore leurs lourdeurs et patiente quelques instants pour voir si Shichiro se joint à eux ou non. Après quelques secondes et parce que les deux clowns ne l’y aident pas, Callego finit par couper son appareil.
Shichiro n’est pas le plus dégourdit pour ce qui est des appareils électroniques, il doit sans doute encore chercher le moyen de se connecter. Aérin est allongée sur le matelas, elle cache son visage sous son bras espérant atténuer son mal de tête tandis que Callego lit l’un de ses livres.
— Shichiro doit se sentir seul, marmonne-t-elle.
Le démon baisse les yeux sur sa compagne. Ça ne lui plait pas d’être juste avec lui ? Il soupire l’air de rien.
— Je vais lui dire de venir, répond-il tout en donnant un coup dans le vide avec sa jambe pour s’aider à se remettre en position assise.
— Je ne disais pas ça pour que tu le fasses venir, on peut aussi profiter d’être juste nous deux, répond-elle en relevant le bras pour le regarder.
— Ça ne me dérange pas, tu as l’air de préférer la présence de Shichiro.
Aérin se redresse sur ses dires pour faire face à Callego… Mince, elle fait des différences et il le ressent.
— Je ne le préfère pas à toi, Callego, je pensais à lui parce qu’il est seul, on est un couple à trois, ce n’est pas plus logique de passer le plus de temps ensemble ? Mais, si tu as envie de juste profiter de ma présence, cela me convient parfaitement.
Callego dévisage la rousse, penaud, puis détourne les yeux en passant sa main derrière sa tête.
— Oublies ce que je viens de dire… C'était idiot, marmonne le brun dans ses dents.
Elle n’est pas aussi à l’aise avec Callego, qu’elle ne l’est avec Shichiro. Le brun est d’un naturel froid, elle ne connaît pas ses pensées, contrairement à Shichiro avec qui elle parle davantage. Drôle d’ironie que Callego soit celui qui est fait le premier pas. Elle le regarde, baisse les yeux puis timidement vient se poser contre son épaule. Callego en sursaute presque, lâchant sa lecture en la regardant confus. Elle ne sait pas si cela lui plait ou non, elle le sent à chaque fois se crisper même s’il ne dit rien. Elle a peur de l’ennuyer, qu’il finisse par s’énerver. Elle ne sait pas ce qu’elle doit comprendre à son comportement et elle n’ose pas non plus le lui demander de peur de paraître bête à ses yeux. Elle se redresse un peu en touchant la morsure qui la tiraille de nouveau. Le démon observe sa compagne et ses doigts qui se glissent contre cette plaie qui marque la peau de son cou.
— Ça te fait mal ? demande-t-il.
— Un peu, mais c’est surtout ma tête, je n’avais jamais bu, explique la rousse.
— Je vais te donner une aspirine.
Il se redresse sur ses dires, sort de sa chambre, chercher un verre d'eau, la plaquette d’aspirine dans la pharmacie est dans la cuisine. Il revient, Aérin se tenant courbé sur le lit, accepte le médicament qu’elle avale avec une gorgée du liquide. Zya a refermé la plaie par magie, mais pourvu que cela ne laisse pas de marque. Callego a envoyé l’invitation à leur comparse et attend sa réponse. Aérin regarde vers la table de chevet du brun y apercevant l’un de ses carnets.
— Tu t’en sers comme journal intime ? demande-t-elle, taquine.
— Ce sont juste des notes, un pense-bête si tu veux.
La sonnette résonne dans le corps du bâtiment, cela doit-être Azael. Callego se lève, abandonnant la rousse pour aller accueillir le bicolore. Il descend les marches et sent son téléphone vibrer. Le blanc lui a répondu et il n’est pas franchement certain de vouloir s’imposer. Callego grimace, hésitant sur la réponse. Il serait tenté de lui dire de rester chez lui, néanmoins il sait qu’Aérin se réjouirait de le voir. Il arrive dans le hall d’entrée ou un domestique a ouvert à Azael qu'il salue alors que celui-ci s’apprêtait déjà à faire route inverse. Les démons échangent quelques mots avant que le bicolore ne reparte. Son téléphone continue de vibrer. Il a dit à Shichiro de venir.
La rousse est restée dans la chambre le temps que le brun revienne. Son regard se faufile jusqu'au carnet de Callego. C’est avec un sourire espiègle qu’elle le saisit et l’ouvre… Pour finalement le remettre aussi vite à sa place. Les démons disposant une affinité magique avec le soin ne sont pas courants... Elle ignorait que Shichiro et Callego discutaient et étudiaient sur la raison de l'inefficacité de son traitement. Un remède fabriqué à partir de plantes de feu seront efficaces avec un manipulateur de feu. À l'inverse, un médicament fait avec des plantes de glace lui seront toxiques. Comme, elle n’a pas d’affinité magique, ses médicaments sont donc faits à partir de plantes sans affinités élémentaires, mais leurs propriétés sont moins efficaces. Elle sourit au brun qui vient d’ouvrir et de rentrer dans sa chambre, lui donne son sac et s’assoit à ses côtés.
— Tu devrais dormir le temps que l’aspirine fasse effet, je vais en profiter pour aller m’entrainer, je viendrais te réveiller quand Shichiro sera là., propose-t-il à sa compagne.
— Il vient finalement ?
— Je lui ai dit de venir.
Elle lui sourit et se rallonge dans les couvertures, prenant soudain le feu aux joues alors qu’il glisse la main contre sa joue. Callego garde toujours la même expression et cette délicatesse dont il peut faire preuve, la déstabilise grandement. Elle le regarde gêné, mais lui sourit sincèrement. Pourquoi, avant chaque action, se demande-t-il ce que ferait Shichiro ? Il n’est pas obligé de prendre exemple sur lui pour savoir comment agir avec Aérin ! Cela recommence, son cœur s’emballe et il se sent faible, nerveux, anxieux. Pourquoi est-ce que ce regard doux qu’elle lui adresse, l'émoi autant ?
Le brun quitte la rousse en fermant les rideaux pour qu’elle puisse être dans le noir. Il prévient son oncle qu’elle se repose et qu’il va aller s’entraîner… Il ne lui a pas dit pour Shichiro. Tant pis, il le fera quand il sera là.
Shichiro n’était pas certain de venir, il a franchement l’impression de s’imposer. Mais, doit-il avouer qu’il jalouse les initiatives de Callego. Ils ont passé la nuit, seuls… Auraient-ils ? Ses parents ne seront pas contre qu’il invite aussi Aérin. Cependant, acceptera-t-elle de venir chez lui ? Enfin, c’est à Callego qu’elle a dit oui, elle s’est mise avec lui uniquement parce qu’il l’y a forcé. Le blanc s’énerve en agrippant sa chevelure alors qu’il accède à la demeure des Naberius. Il se pose et frappe à la porte, attendant que l’on vienne le lui ouvrir. Ainsi, il patiente et sourit quand la porte s’ouvre sur le brun… En sueur.
— Wow, Callego, qu'as-tu fait ?
— Je viens de finir mon entrainement, entre je vais me changer. Aérin se repose, informe-t-il son complice alors qu’ils montent les escaliers.
— Elle ne se sent pas bien ? demande le blanc inquiet.
— Il y a eu un incident au bal et elle a un peu bu, elle a mal à la tête.
Le blanc cligne des yeux, Callego lui explique grossièrement ce qu’il s’est passé avec Seth. Alors qu’il écoute le démon parler, ses muscles se tendent soudain de colère. Il aurait fait fi des modalités de bienséance ! Callego aurait dû corriger ce démon ! Le brun ouvre une porte qui donne sur une petite pièce qui ressemble à un débarras. L’oncle occupé à ses affaires se retourne donc, surprit de voir une tête de plus.
— Tu passes des rousses aux blondes, Callego ? plaisante l’oncle.
— C’est Shichiro Balam, il est aussi dans ma classe, imbécile, réplique-t-il.
— Bonjour monsieur Naberius, dit Shichiro, en le saluant timidement après cette agression verbale gratuite.
— Oui, je me souviens de toi, le fou d’expérience, réplique le démon.
— En fait, j’aime juste comprendre ce qui m’entoure.
— Ah, ah, ne t’en fais pas, les ragots, tu sais. Soit le bienvenu, dit l’oncle, en lui souriant.
Le brun fait demi-tour et Shichiro le suit en se retournant vers l’adulte qui lui adresse un dernier regard.
— Ton oncle me prend pour un blond ?
— Il a dit ça ainsi, cela se voit que tu as les cheveux blancs… Super emmêlé, réplique Callego narquois.
— Ça prend trop de temps pour les démêler, maugrée Shichiro.
— Coupe-les ?
— J’aime bien ma tignasse moi, répond-il d’un ton enfantin.
Callego se tourne sur lui tout en esquissant un sourire. Ils montent d’un étage, Shichiro observe les murs et les grandes fenêtres, n’en revenant pas de la taille démesurée de la résidence. Sa maison à lui est un peu plus petite que celle des Divalis, alors il se sent encore plus petit qu’à son habitude dans cette demeure qui, étrangement, reflète bien son camarade.
— Aérin est restée couchée pendant que je m’entrainais, je ne sais pas si elle est réveillée.
Shichiro suit discrètement le démon dans la pièce. Il fait sombre, mais pas totalement noir. Leurs yeux s’habituent à la pénombre et ils s'aperçoivent que la rousse est toujours allongée. Le brun s’en approche, s’assied sur le matelas et se penche pour s’assurer qu’elle dort. Le mouvement, pourtant léger, fait ouvrir les yeux à la démone.
— Ça va mieux ? demande-t-il doucement.
— Un peu, répond la rousse.
Shichiro les observe et sourit face à la douceur que cache Callego. Aérin tourne les yeux sur lui et le garçon vient la prendre dans ses bras alors qu’elle se redresse lentement. Cela fait sursauter Aérin puis elle rit contente de le voir.
— Bonjour Shichiro. Ai-je dormi longtemps ? Demande la rousse en regardant Callego.
— Une petite heure, tu veux encore te reposer ? Je vais vite me changer…
La démone s’assied au bord du lit et s’étire. Shichiro vient s'asseoir à ses côtés tout en la dévisageant avec douceur.
— Comme ça, on ne tient pas l’alcool ? plaisante le jeune.
— J’ai juste un peu mal la tête, répond-elle en faisant la moue.
Elle se raidit alors que les iris de Shichiro s’arrêtent sur la morsure qu'elle cache en détournant les yeux.
— Il m’a expliqué.
— C’est ma faute, j’aurais dû me défendre. Je ne m’y attendais pas.
— Callego aurait dû réagir, je ne l’aurais pas laissé partir ! S’énerve Shichiro.
Aérin rabat les yeux sur lui, surprise, c’est bien la première fois que Shichiro semble en colère ?
— Cela ne te ressemble pas, dit-il d’une voix douce.
— Quoi ? De m’en faire pour toi ? dit-il d’un ton vexé.
— Non, de te voir énervé, Callego a bien agi et tu le sais toi aussi.
— Qu’est-ce que tu en sais ! dit le démon irrité.
Elle est stupéfiée, pourquoi le prend-il aussi mal ? Elle le regarde abasourdie, et se glisse contre lui pour le serrer dans ses bras. Shichiro la blottit contre lui, mais… Ce n’est pas à elle de faire ça ! Le démon maitrise sa force pour ne pas lui casser la colonne par colère.
— Ça m’énerve de ne jamais être là quand tu en as besoin, marmonne-t-il.
— C’est ton double que je serre contre moi, dit-elle en riant doucement.
Lorsqu'elle a fait sa crise ou au bal, il était absent. Shichiro n’aurait pas dû venir ! Le démon rétabli les distances. Elle se pose contre son épaule, comme elle l’eut fait plus tôt dans la journée avec Callego.
— Je le savais qu’être en couple avec vous ne serais pas une bonne idée.
— Pourquoi tu dis ça ? demande le démon en baissant son regard sur elle.
— Parce que cela vous fait mal.
— On est des démons, on ne souffre pas aussi facilement, on est tout simplement envieux, réplique Shichiro.
— Je refuse que tu ressasses cette histoire, ni toi, ni Callego. Mais je vous comprends. Si l'on venait à vous blesser, chose plus compliqué, je conçois. Cela me mettrait hors de moi et je pense que je serais moins subtile que vous, rigole-t-elle
— Là, je te crois sur parole.
Ils se retournent sur Callego qui sort de la salle de bain habillé d’un simple tee-shirt à longue manche blanc et un jeans noir. Il a entendu leurs conversations, mais franchement, il ignore quoi en penser. A-t-il bien agi ? Aurait-il dû se montrer plus agressif au risque que l’on comprenne leurs liens et que cela ne place encore plus Aérin dans une mauvaise situation ? Shichiro se trompe, peut-être a-t-il été là quand elle a fait sa crise et avec Seth, mais celui qui réconforte réellement la démone, ce n’est pas lui. Il l’a bien remarqué qu’elle n’est pas spécialement à l’aise à ses côtés. Probablement qu’elle ne l’aime pas et qu’elle n’ose pas le lui dire. Elle est trop gentille que pour oser le repousser, si elle pense lui faire du mal. Le brun soupire et propose aux démons aller dans le jardin, profiter du soleil. Callego est sérieux et calme. Mis à part ses études et ses entrainements, il manque d'occupation, il n’a aucune idée de quoi faire avec eux. Les démons se sont assis sur l’herbe fraîchement entretenue du jardin.
Aérin se masse la nuque. Shichiro fronce les sourcils et se permet de glisser les doigts sous ses cheveux pour dévoiler la plaie, ce qui fait se raidir Aérin, qui fuit son geste. Par ailleurs, ils ne vont pas uniquement penser à ça ! Aérin inspire, se redresse et marche sur sa robe… La démone en perd l’équilibre et tombe à plat ventre à moitié sur les garçons. Shichiro a tenté de la rattraper et Callego a les bras derrière son dos, les yeux écarquillés.
— Ça va Aérin ? demande le blanc.
— Ben quoi ? Vous ne connaissez pas les testeurs de pelouse ? plaisante-t-elle.
— Pas vraiment… répond Callego.
Aérin calme son rire nerveux et les regarde sérieusement.
— Les garçons, on met de côté Seth et ma santé, vous voulez bien ?
Callego et Shichiro s’échangent un regard avant de revenir sur celui de la rousse. Aérin se lance alors sur Shichiro et le renverse. Celui-ci la regarde, confus tout en clignant des yeux, puis il comprend ce qu'elle fait et rentre dans son jeu. Il la retourne d’un coup, ce qui vaut un petit cri aigu de sa part. Il maintient ses poignets d’une main, assit sur son ventre, Aérin se débat alors que de l’autre, il la chatouille. Elle tente de réprimer son rire, se tortillant comme une chenille pour se libérer de sa poigne… C’est inutile.
— Ce n’est pas du jeu…Ah, ah… Callego vient m’aider ! dit-elle entre deux inspirations.
Shichiro se tourne alors sur le brun en lui lançant un regard défiant tout en prenant garde à ne pas y aller trop fort avec Aérin et lui en casser une côte. Callego blanchit, non, ce n'est pas son truc, le gouzi-gouzi. Elle a les larmes aux yeux et n’arrive plus à respirer tellement elle rigole.
— Shichiro arrête ou je vais me faire dessus ! dit-elle à bout de souffle.
Le démon la libère et elle se remet en tailleur tout en reprenant sa respiration. Elle regarde Shichiro avec un petit sourire espiègle, puis Callego. Celui-ci recule à leur expression et appelle son Cerbère. Les deux autres invoquent respectivement leur familier. Le chien prend directement le renard en chasse, n’écoutant plus son maître et le petit canidé utilise dragon de ronce pour se cacher sous ses pattes.
Le brun regarde son chien hébété, son familier l’a complètement ignoré. Il tente de fuir, mais Shichiro l’immobilise plus vite qu'il ne l'aurait cru et Aérin en profite pour le chatouiller. Il se débat déjà plus vigoureusement que la démone, il donne de vrai coup de pied à Shichiro qui ne bouge pas d’un pouce, en revanche, il se contente de crier contre Aérin.
— Arrêtez ! Cerbère… Ah ! Mords ! Tente-t-il à bout de souffle.
Le peu de conviction dans sa voix attire effectivement le canidé électrique qui se place ventre au sol et le postérieur en l’air, face à son maître. Shichiro le lâche et recule, alors qu'Aérin se cache derrière lui. Le démon coléreux se relève, essoufflé. Il serait bien tenté de les mettre au jus ! Celui-ci se sent idiot, comme si lui se devait d’être toujours sérieux. Ce n’est pas un comportement qu'il devrait avoir ! Le démon se retourne vers le Cerbère qui pivote sur son dos, sa queue s’agitant, le renard et le dragon imitant le chien électrique.
— Toi, tu es censé m’obéir, je te le rappelle !
— Wouf, répond le canidé maintenant assit comme un brave chien.
— C’est bien la première fois que je t’entends rire, dit Aérin à Callego.
— Toi aussi, intervient Shichiro.
— Ouais… Mais n’en prenez pas l’habitude. J’ai mal aux côtes, souffle le brun.
— Et Callego, tu penses qu’à nous deux, on peut l’immobiliser ? Lui demande alors la rousse en visant Shichiro.
— Comme si vous le pouviez, les nargue-t-il.
— Ne t'y crois pas non plus, je te retourne quand je veux !
— J’aimerais bien voir ça, répond Shichiro dédaigneux.
Callego se jette sur lui et tente de le faire rouler sur son dos. Bien sûr, celui-ci ne bouge pas d’un poil. Il faut le faire céder par la ruse, ils n’y arriveront pas en force pure. Aérin glisse la main sous son tee-shirt après l’avoir refroidie par magie. Shichiro sursaute en lâchant un bref cri aigu et Callego parvient à le renverser. Les démons pensaient l’avoir eu, or celui-ci, lance les jambes en l’air et dans un mouvement de bascule se redresse tout en attrapant les deux autres sur ses épaules et les renverses illico. Étrangement, Aérin et Callego se sentent moins enclin à jouer les fortes têtes avec le blanc.
— Je vous l’avais dit que vous n’y arriveriez pas, ricane le démon.
Aérin vient se blottir contre Shichiro en lui disant qu’elle préfère les câlins de toute manière. Callego lui replace ses vertèbres, tout en dévisageant ses compagnons avec une certaine satisfaction.