Une vie

Chapitre 8 : LE PRESENT

5710 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/02/2024 13:30

CHAPITRE 8

LE PRESENT

 

Rin avait passé avec succès la dernière épreuve que Sesshoumaru lui avait imposée. Elle lui avait fait face et l’avait même blessé. Bien sûr, il s’attendait à ce qu’elle lui coupe le bras alors qu’il venait de retrouver le gauche il y a quelques temps à peine. Mais son dévouement pour lui, pire, ses sentiments, cette faiblesse humaine, l’avaient empêché d’employer des mesures radicales. Elle s’était donc contentée de lui casser le bras. Les multiples fractures s’étaient ressoudées au bout de quelques heures.

 

Seulement Rin n’était pas sortie indemne de cette épreuve. La petite comédie qu’ils avaient jouée s’était révélée efficace pour la mettre dans une réelle situation de crise ; c’est l’après combat qui l’avait marquée. L’admiration et le respect qu’elle éprouvait pour le youkai étaient toujours présents, mais en plus de ces sentiments qu’elle éprouvait enfant, s’ajoutaient l’affection et l’amour d’une jeune femme. En plus, de nouvelles sensations parcouraient son corps ; cela ne datait pas d’hier.

 

Elle se réveillait parfois en sueur, une boule au niveau du bas ventre, et s’était surprise, pour faire cesser ces agréables petites tensions, à toucher sa poitrine et même son entrejambe. Ses rêves aussi étaient devenus plus audacieux : Sesshoumaru ne manquait jamais d’y faire une apparition. Quand elle sortait brutalement de son rêve, elle craignait d’avoir prononcé son nom. De toute façon, il n’était pas aveugle et encore moins sourd. Il entendait parfois l’agitation qui régnait dans sa chambre, quand ils étaient au palais, ou sous sa couverture quand ils voyageaient ; l’odeur plus forte de Rin venait également titiller ses narines.

 

Sachant alors qu’elle était excitée, il s’éloignait, craignant que cette manifestation tout à fait naturelle chez les espèces animales, humains et youkai confondus, ne réveille ses instincts primaires. Il revenait quelques instants plus tard quand elle s’était calmée et soulagée … tout comme lui. Il ne pouvait nier qu’elle avait un certain effet sur lui. Mais cela se situait uniquement au niveau physique ; rien à voir avec les sentiments. De plus, il n’allait pas se jeter sur elle pour satisfaire ses besoins ! Elle n’était qu’un être humain et sa pupille. Deux bonnes raisons pour ne pas céder.

 

L’hiver avait ainsi passé et le printemps voyait refleurir les arbres et les prairies ; la faune sortait de sa léthargie. Sesshoumaru reprenait le chemin qui le menait aux quatre coins de son territoire, toujours accompagné des deux démons et de la femelle humaine. Il se dirigea cependant vers un endroit que Rin n’avait jamais vu auparavant. C’était un paysage lunaire dans lequel demeurait un vieux youkai que Sesshoumaru exécrait mais qui cette fois, pourrait être utile : Totosaï, le forgeron.

 

Il vivait dans une grotte dont l’entrée n’était ni plus ni moins matérialisée que par le crâne d’un youkai décédé. Les visiteurs passaient entre les crocs avant de rejoindre l’antre du vieux démon solitaire. Au dehors, se tenait un four assez haut au-dessus duquel trônait un baquet : la salle de bain. Rin était surprise qu’un tel endroit pût exister mais l’était encore plus quand elle sentit la chaleur inhabituelle que dégageait le sol. Elle qui avait l’habitude d’aller pieds nus dut chausser ses tabis pour ne pas être incommodée. Jaken sautait constamment d’une patte sur l’autre alors qu’Ah-Un était dans son élément.

 

Sesshoumaru ne semblait pas pressé de rencontrer le vieux sénile, celui qui avait forgé Tenseïga et Tessaïga, l’arme qu’il avait tant convoitée. Il en voulait au forgeron d’avoir rajouté un charme à l’épée qui l’empêchait de la saisir mais plus encore à son père d’avoir inclus cette propriété dans sa « commande ». Une épée pour défendre les humains ! Où allait-on ? Alors que le plus important était de protéger les territoires ! Tokijin n’était pas l’œuvre du vieillard, mais celle de son ancien élève, Kaijinbo, qui laissa la vie après l’avoir forgée pour ne pas avoir su contenir et maîtriser le cruel et puissant youki qui en émanait. Sesshoumaru se résigna à aller chez le « vieux fou » pour lui demander quelque chose d’assez particulier.

 

  • Jaken, reste dehors. Rin, suis-moi.


Le serviteur ne tenait plus ! Il décida de prendre de la hauteur sur le dos du dragon en attendant que son maître revienne. Rin entra, précédée du youkai, dans l’étrange endroit. Elle observa attentivement chaque coin et vit, tout au fond de la grotte, un bœuf à trois yeux près d’un petit foyer. Un vieillard s’activait avec un maillet dont le manche était très long.

 

En voyant le couple qui s’avançait, Totosaï fut surpris et apeuré à la fois. Il croisa d’abord le regard de Rin qui s’inclina en le saluant de son sourire le plus chaleureux et il s’arrêta de battre le métal pour lui rendre la politesse. Mais les formalités furent toutes autres quand il vit Sesshoumaru qui était pourtant devant Rin. Il avait préféré l’ignorer. Son regard devint craintif puis il retourna à son labeur : il suait à grosses gouttes et Inuyasha, cette fois, n’était pas là pour le protéger. Rin vit clairement que les deux youkai ne s’appréciaient pas du tout. Il lui semblait pourtant aimable, ce vieillard !

 

  •  Totosaï, commença Sesshoumaru, ajoutant sa voix au bruit du martèlement.

 

Le youkai s’arrêta et déglutit difficilement. Même s’il n’avait fait que le nommer, sa voix faisait toujours peur à entendre. Le calme que Sesshoumaru arborait ne laissait rien présager de bon : rien ne trahissait son énervement ce qui revenait à dire qu’un coup d’épée pouvait toujours s’abattre.

 

  •  Je te confie cette personne pendant deux semaines.

 

Cette fois, ce fut au tour de Rin d’arrondir les yeux. Elle ne comprenait pas pourquoi Sesshoumaru voulait se séparer d’elle même temporairement alors qu’ils avaient toujours voyagé ensemble. Elle brûlait d’envie de lui poser la question mais elle se retint.

 

Totosaï en avait eu la mâchoire décrochée : pourquoi diable Sesshoumaru en venait-il à lui demander ses services ? Il était forgeron, pas nourrice ! Quelle mouche l’avait donc piqué ? Malheureusement pour lui, il se devait d’accepter. Même si cela n’avait pas été formulé comme un ordre, tout ce qui sortait de la bouche du youkai devait être exécuté sans protestation. Mais pourquoi lui ?

 

  • Hmm, fit-il en se raclant douloureusement la gorge. Pourquoi vous ne la confiez pas à votre frère ?

 

Bien évidemment, Totosaï réalisa trop tard qu’il avait été audacieux et il fut instantanément transpercé par le regard ambré. Mais l’instinct de survie lui permit de bouger ; il laissa tout tomber et se réfugia derrière son animal de compagnie qui exposait ses flancs aux visiteurs. Sesshoumaru s’avança d’un pas lent vers le vieillard qui était certain que sa dernière heure était venue.

 

  •  Sesshoumaru n’a pas à se justifier devant toi, ni devant quiconque d’ailleurs.

 

Totosaï suait abondamment et tremblait de tous ses membres. Quelques secondes s’écoulèrent avant que Sesshoumaru ne reprenne la parole.

 

  •  Rin, va chercher tes affaires.
  •  Oui, répondit doucement la jeune femme qui s’éloigna la tête basse en traînant le pas.

 

Lorsqu’elle sortit de la caverne, Sesshoumaru présenta son poing sous le nez de Totosaï ; ce dernier était au bord de l’évanouissement. Quand il l’ouvrit devant les yeux du vieillard qui retenait son souffle, il laissa apparaître un croc au creux de sa paume. Totosaï, surpris, osa le regarder droit dans les yeux mais il tremblait toujours.

 

  • Fais-en une arme redoutable adaptée à sa taille. Tu lui forgeras également une armure et, bien sûr, dans le plus grand secret. Si tout n’est pas prêt à mon retour, tu mourras sur le champ.


Totosaï prit le croc entre ses doigts ridés et abîmés par le travail de la forge et l’examina. Il ressentait un youki en émaner et ce youki était celui de … non ! Pas possible ! Il leva à nouveau les yeux vers son interlocuteur. C’était de la folie ! Comment cette jeune femme, qui apparemment était humaine, pourrait-elle contenir une telle aura ? Savait-elle au moins se battre ?

 

Sesshoumaru s’était retourné et se dirigeait vers la sortie sans dire un mot. Quand il rejoignit ses deux serviteurs, il croisa Rin, avec son katana et son baluchon en bandoulière, qui revenait. Elle arborait un sourire en demi-teinte :

 

  • A plus tard, Sesshoumaru-sama !

 

Il hocha simplement la tête et s’éloigna, accompagné des deux autres démons. Elle les regarda disparaître derrière la ligne d’horizon. Une larme coula furtivement le long de sa joue. Elle serra les mains contre son cœur et mumura :

 

  •  Revenez vite, Sesshoumaru-sama ! N’oubliez pas votre petite Rin !

 

Elle tourna le dos au décor désormais vide pour rejoindre Totosaï. Quand elle rentra, le vieillard occupait sa place initiale et battait le fer. Elle scruta les environs mais elle ne vit nulle trace de fourneau. Etonnant ! Elle avait toujours vu les forgerons couverts de suie et de sueur. Quand elle passait devant l’un des ateliers, étant enfant, elle avait le souvenir d’une intense chaleur qui se dégageait de leur échoppe. Pour rendre le métal malléable, il fallait pourtant le chauffer !

 

Comme si Totosaï avait compris la déroute de son hôte, il gonfla ses joues et une énorme flamme sortit de sa bouche, illuminant la caverne et faisant rougir la lame sur laquelle il travaillait. Rin, surprise, recula par précaution en mettant ses mains devant les yeux. Une fois la gerbe de feu éteinte, elle baissa sa main. C’était donc comme cela qu’il procédait ! Elle était à des années lumières de la connaissance totale du monde des démons malgré tout ce qu’elle avait déjà pu lire dans la bibliothèque.

 

Elle s’accroupit et regardait le youkai œuvrer. Elle était fascinée en voyant le métal prendre forme sous les coups de maillet experts. Totosaï sentait bien qu’elle l’observait puis il s’arrêta brusquement, se souvenant des lois de l’hospitalité. Pour rattraper son manque de savoir-vivre et surtout éviter d’encourir la colère du youkai, il se prosterna aux pieds de Rin qui fut stupéfaite et gênée :

 

  •  Ohhh ! Pardonnez-moi, Rin-sama ! Excusez le vieillard sénile que je suis. Je manque à tous mes devoirs mais j’ai tellement peu l’habitude de recevoir du monde.

 

Rin le prit par les épaules et le redressa. Depuis quand se prosternait-on à ses pieds ?

 

  •  Pas de « Rin-sama », Totosaï-sama. Simplement Rin.

 

Il releva la tête ; la jeune femme lui souriait.

 

  •  En revanche, j’aimerais savoir où je pourrais déposer …
  • Tout de suite ! coupa-t-il.

 

Il se leva d’un bond comme s’il n’était plus affecté par le poids des années, s’empara du baluchon et du sabre, prit la main de Rin et la guida au pas de course dans une espèce d’alcôve.

 

  •  C’est un peu sommaire mais vous y serez bien. Faites comme chez vous.
  •  Totosaï-sama ! arrêtez de me vouvoyer. Sesshoumaru-sama ne le fait pas non plus.
  •  B … bien, Rin-sa … Rin-chan. Et pendant qu’on y est, fit-il en se grattant la tête, pas de « –sama » ! Je ne suis qu’un modeste forgeron.
  • Entendu et merci, Ji-chan !

 

Elle lui sourit et lui déposa un baiser sur la joue. Totosaï s’empourpra immédiatement et regagna au prix de gros efforts son atelier. Rin l’entendit à nouveau travailler alors qu’elle disposait ses quelques affaires. Pas de meubles, simplement une couche à même la pierre. Elle tâta la matière : une toile grossièrement ourdie. Cela changeait terriblement de son futon au palais, des prairies à la végétation luxuriante et moelleuse ou bien … de la fourrure de Sesshoumaru ! Elle ressortit au bout d’une quinzaine de minutes et repassa dans l’atelier.

 

  • Tu t’es installée, Rin ?
  • Hum, hum, acquiesça-t-elle. Ji-chan, vous êtes un démon, non ?

 

Interloqué par sa question, il stoppa.

 

  • Bien sûr ! Pourquoi ?
  • Ano … je voulais savoir ce que vous aviez l’habitude de manger.
  • Tout ce qui se mange avec une préférence pour les lézards … Oi !!! Rin ! Où cours-tu ? hurla –t-il complètement affolé.
  • Chercher le dîner ! répondit la jeune fille.
  • Attends !! Si jamais il t’arrive quelque chose j’en réponds de ma vie !
  • Ne vous en faites pas ! Je sais me défendre !

 

Elle disparut aussitôt.

 

  • Mon Dieu ! Faites qu’il ne lui arrive rien pendant ces quinze jours sinon, je suis bon pour l’au-delà !

 

Totosaï dut malheureusement se résigner. Il frappait frénétiquement, guettant fiévreusement le retour de Rin. Au bout d’une demi heure, il entendit le claquement des tabis qui se rapprochait. Elle était vivante ! Mais dans quel état ? Il lâcha brusquement ses outils pour aller l’accueillir mais il s’était fait du souci pour rien. Rin revenait en arborant un sourire triomphant. Elle tenait les pans de son kimono qui semblait alourdi.

 

  • J’espère que vous avez faim ! lança-t-elle joyeusement.

 

Elle le dépassa, rentra dans la grotte, s’accroupit au milieu de l’atelier et se délesta : poissons, lézards et champignons, ainsi que des branches de bois, roulèrent sur le sol. Ebahi, il regagna l’intérieur de son antre et la regardait confectionner … des brochettes ! Intéressé par l’attitude de cette humaine, il s’assit en tailleur en face d’elle et la laissa continuer. Cela semblait appétissant ! Au bout de quelques instants, elle exhiba fièrement leur futur repas.

 

  • Ano … Ji-chan … est-ce que vous pourriez …

 

Totosaï disposa les quelques branches qui restaient de façon à en faire un foyer. Puis il exhala une petite flamme. Un feu dansait au milieu de la sombre caverne. Rin lui tendit trois brochettes sur lesquelles avaient été empalés des lézards tandis qu’elle se contentait de deux plus petites, garnies de menus poissons et de champignons qu’elle fit immédiatement cuire. Le vieux bonhomme l’imita, un peu troublé par autant de gentillesse.

 

Pendant qu’elle mangeait, il en profita pour la détailler : une stature résolument normale, une taille fine, des hanches bien proportionnées, une poitrine généreuse, ronde et apparemment ferme, et des épaules tirant sur le carré. De bonnes mesures en somme, ce qui allait lui faciliter la tâche. Seulement, cela plairait-il à Sesshoumaru ? Le youkai exigeait constamment la perfection ! Il aurait peut-être la vie sauve pour avoir terminé dans les temps mais risquait de la perdre pour une futile question d’esthétique. Mieux valait penser à autre chose. Mais il ne lui avait rien dit de spécial : il avait donc carte blanche.

 

Totosaï se permit d’approfondir un peu plus son observation : ce n’était pas souvent qu’il recevait quelqu’un à table et surtout, une jolie femme. C’est vrai qu’il la trouvait belle. Son teint légèrement hâlé contrastait avec la blancheur de porcelaine des courtisanes, preuve d’une existence passée au grand air. Ses lèvres étaient roses et charnues, son nez petit et rond et ses oreilles, adorables pour une humaine. Sa chevelure en bataille tombait en cascade dans son dos. Ce qui le charmait surtout étaient ses yeux marrons et rieurs qui n’ajoutaient que plus de charme à ce portrait déjà élogieux. Mais soudain, ses pensées se figèrent. Il manqua avaler de travers quand il observa la dite bouche ainsi que les mains qui y portaient la nourriture. Crocs et griffes ?! Chez une humaine ?!

 

Rin sentit le poids de son regard et comprit. Elle s’arrêta de manger pour lui expliquer l’origine de ces détails.

 

- Ah, ah ! Tu es un hanyou en quelque sorte.

- Non. Sesshoumaru-sama m’a dit que je n’en étais pas un malgré mes capacités.

- En fait, il refuse de t’assimiler à son demi-frère. Je vois qu’il n’a toujours pas vraiment fait la paix avec lui. Quelle tête de mule ! Oh ! Pardon !

- Il ne vous entend pas, sourit-elle. Il est parti !

 

Elle était encore plus adorable quand elle souriait. Un ange avec … un démon … et pas le plus sympathique de surcroît ! Mais comment une personne aussi aimable qu’elle, d’origine humaine, pouvait se trouver aux côtés de Sesshoumaru ? Une fois le repas terminé, Rin se lança dans la confidence en relatant leur rencontre et toutes leurs aventures.

 

Totosaï était médusé ; le Seigneur des Territoires de l’Ouest, froid et arrogant, avait accepté la présence de cette humaine ?! Lui qui exécrait les humains au possible l’avait prise sous son aile ! Totosaï esquissa un petit rictus. Finalement, ce fils indigne marchait bien dans les traces de son père qu’il maudissait. La curiosité le rendit plus téméraire :

 

  • Rin-chan, tu n’as pas peur de lui ?
  • Peur de Sesshoumaru-sama ? Pourquoi devrais-je le craindre puisqu’il me protège ? Je me considère comme sa pupille même si parfois il agit comme un véritable père. Il peut se montrer tendre et affectueux mais … à sa manière. Et le jour où j’aurai peur de lui, ce sera quand je deviendrai son ennemie.

 

Totosaï en était bouche bée. Est-ce qu’ils parlaient bien de la même personne ? Sesshoumaru, affectueux ? Avec des humains ? Le vieux bonhomme reprit, incrédule :

 

  • Il a pourtant très mauvais caractère !
  • Jamais il n’a levé la voix ni même la main sur moi. Il est toujours très calme même envers Jaken qu’il fait parfois semblant de maltraiter. Non vraiment. Celui qui a très mauvais caractère, c’est bien oncle Inuyasha ! Qu’est-ce qu’il est borné et rustre. Il crie pour un rien ! Même avec Kagome-san ! Ils n’arrêtent pas de se disputer.

 

Totosaï méditait en silence. C’est vrai qu’Inuyasha se comportait vraiment comme un sale cabot. Combien de bosses avait-il dû essuyer à cause de ses sautes d’humeur ? Rin marquait un point. Mais même si Sesshoumaru avait ressuscité Rin, cela ne prouvait absolument rien.

 

  • Aucun des deux fils ne semble avoir hérité de quelque chose de positif de leur père. Zut ! fit-il en mettant la main sur sa bouche. J’ai parlé trop vite !
  • Vous le connaissiez ? s’emballa Rin, le regard lumineux.

 

Totosaï céda. Le charme et l’innocence de la jeune femme l’entraînaient bien loin.

 

  • Il ne t’en a jamais parlé ?
  •  Non, jamais.
  • Ca ne m’étonne pas. Toujours aussi bourru ! Soit ! Je connaissais effectivement Inutaïsho. Un modèle de vertu et de compassion. Le plus grand youkai et le plus respecté. Inuyasha est tout son portrait … physique du moins. C’est moi qui lui ai forgé les deux épées dont ses fils ont hérité. C’était un youkai généreux avec ses semblables mais aussi avec les humains : il ne faisait pas de distinction entre les créatures qui vivaient sur ses terres et qu’il se devait de protéger. Sa perte fut un véritable drame ; je suis sûr qu’il t’aurait accueillie les bras ouverts. Jamais Sesshoumaru et Inuyasha n’auront autant de charisme que lui.

 

Le vieillard essuya une larme. Rin préféra changer de sujet voyant qu’elle avait engendré un certain malaise.

 

  • Je n’ai jamais vu une vache pareille ! Quel est son nom ?

 

Le vieux youkai sourit ; la conversation était retournée sur des sujets un peu plus légers ce qui fut le cas pendant les deux semaines qui suivirent.

 

Rin s’était vite adaptée à son nouvel environnement, d’autant qu’elle le savait provisoire. Elle préparait les différents repas de la journée qui se résumaient finalement toujours aux mêmes ingrédients, agrémentés quelquefois de fruits trouvés ça et là, quand elle s’aventurait chaque fois un peu plus loin. Le reste de la journée consistait essentiellement à s’entraîner avec son katana.

 

Quand il se reposait quelques instants pour se dérouiller les articulations, Totosaï ne manquait pas de l’observer. Il devait de rendre à l’évidence ; elle se débouillait admirablement bien et tout cela, grâce au fils indigne d’Inutaïsho ! Il ressortit le croc qu’il gardait dans l’une de ses poches. Sesshoumaru voulait qu’il en fasse une épée pour sa jeune protégée. Peut-être pas si indigne que cela après tout ! Pour faire un tel cadeau, c’est que Rin en valait vraiment la peine !

 

Il repensa à l’époque où le taïyoukai lui avait demandé de fabriquer une épée dans les mêmes conditions. Totosaï avait dû employer une paire de tenailles pour extraire la précieuse matière première. Il avait trouvé son geste noble et généreux ! Mais Sesshoumaru avait préféré se l’arracher lui-même, par fierté ! Mais il n’était ni plus ni moins en train de reproduire ce que son père avait fait avant lui. Quelle ironie alors qu’il le dénigrait !

 

Il voulait protéger Rin tout comme Inutaïsho protégea Izayoi. Mais qu’éprouvait-il réellement pour la jeune humaine ? Il semblait énormément tenir à elle au point de le menacer de mort si elle était blessée voire … Un frisson parcourut l’échine de Totosaï. L’aimait-il ? Rin était charmante à tout point de vue. Si tel était le cas, Sesshoumaru le dissimulait admirablement. Bah ! Après tout, ce n’était pas ses affaires. Il devait simplement satisfaire deux commandes et non pas s’immiscer dans la vie privée de ses clients.

 

Le temps s’écoula rapidement. Totosaï s’était habitué à la présence de la jeune fille et à son babillage journalier. Quelle ambiance elle mit tout à coup dans sa vie de vieil ermite. Mais alors qu’il forgeait tranquillement en évitant de taper trop fort pour ne pas réveiller Rin, Sesshoumaru arriva, avec un baluchon, avant même que le soleil ne soit levé. Totosaï s’arrêta immédiatement et, cette fois-ci, le salua. Malgré toutes les qualités dont Rin avait paré son maître, le vieillard tremblait encore devant lui. C’était l’heure de vérité.

 

Il emmena son visiteur dans l’endroit le plus reculé de la caverne où étaient entreposées toutes ses créations. Il marcha à pas feutrés en passant devant l’alcôve mais Sesshoumaru conserva sa démarche habituelle. Puis, il désigna un coin où se trouvait ce pourquoi l’arrogant youkai était venu. Sesshoumaru s’approcha, examina et toucha l’armure et l’épée.

 

Totosaï était tellement nerveux qu’il s’en rongeait les ongles. Sesshoumaru se retourna et sortit sans mot dire. Totosaï souffla et passa la main sur son front dégoulinant de sueur. Son travail était à sa convenance. Quand il voulut rejoindre le youkai, il ne le trouva pas dans la forge mais, en passant devant la petite niche, il le vit debout, devant Rin qui dormait encore paisiblement.

 

Il les regarda avec intérêt. Sesshoumaru leva les yeux dans sa direction. Totosaï, foudroyé, comprit qu’il n’avait plus rien à faire en ces lieux et regagna rapidement son atelier. Presque instantanément, le bruit du métal frappé se fit entendre.

 

Sesshoumaru disposa le baluchon qu’il transportait dans un recoin de la pièce et vint s’agenouiller auprès de Rin recroquevillée. Il l’appela doucement, mais demeurait étonné qu’elle pût dormir avec le bruit qui régnait dans cet endroit et surtout l’odeur de brûlé.

 

  • Rin, réveille-toi.

 

Comme par magie, la jeune femme fronça les sourcils et délaissa peu à peu sa position fœtale. Un son étrange venait parasiter son rêve. Ce son, elle le connaissait : c’était la voix de son maître qui lui parvenait de très loin. Curieux ! Il n’était pourtant pas dans son rêve, pour une fois. Mais en même temps, sa voix lui semblait tellement réelle. Ce n’était pas possible ! Et si …

 

Elle se réveilla lentement. Sa volonté voulait se réapproprier un monde tangible. Elle finit par ouvrir les yeux pour trouver au-dessus d’elle un visage flou dont les grandes lignes lui étaient pourtant familières. Elle cligna les paupières à plusieurs reprises pour rendre l’image, qui se relevait pendant ce temps, plus nette et sourit.

 

  • Oh ! Sesshoumaru-sama ! Vous êtes revenu dit-elle d’une voix encore pâteuse.
  • Rin, nous partons. Prends un dernier bain et prépare tes affaires.
  • D’accord ! fit-elle en s’étirant tel un félin.

 

Elle se leva rapidement et se dirigea vers « la salle de bain ». Elle adressa un franc bonjour à Totosaï en traversant son atelier et une fois à l’extérieur, ne put s’empêcher de faire la fête à Ah-Un et Jaken. Dix minutes plus tard, elle revint au pas de course. Sesshoumaru se trouvait dans la forge mais assez loin du vieillard. Les deux démons ne se parlaient toujours pas et l’artisan tapait plus nerveusement sur le métal. Il valait mieux se dépêcher pour faire retomber la tension et quitter les lieux au plus vite.

 

Quand elle revint dans sa chambre pour s’habiller et préparer son baluchon, elle ouvrit de grands yeux et tomba à genoux. Sur le futon, était posée une armure. On aurait dit celle de Sesshoumaru en moins imposant mais tout aussi impressionnante à regarder. Elle était noire et sur les parties protégeant les épaules, une corne blanche. Le plastron était plus bombé qu’une armure normale comme s’il avait été forgé pour recouvrir une poitrine de femme. Curieuse, elle passa la main par-dessus. La laque était douce mais le renflement qu’elle effleura confirma ses pensées. La partie inférieure qui protégeait le bassin était beaucoup plus courte que celle de Sesshoumaru et se résumait très simplement à une large bande fendue de chaque côté des hanches pour faciliter les mouvements des jambes et ne pas gêner la position assise. Pour finir, l’armure était cernée de blanc, à l’instar de celle de son maître.

 

Ce n’était pas la seule chose qu’elle trouva sur le futon. A côté, étaient nettement pliés des vêtements assortis à une paire de bottes. Elle toucha le tissu noir ; de la soie. Elle résolut de prendre l’étoffe en main et la déplia. Il s’agissait d’un haori noir sur lequel étaient imprimés, de manière aléatoire, des motifs floraux d’un orange vif, accompagnés de quelques feuilles vertes. L’impression était très réaliste. Elle posa le haori et conclut logiquement que l’autre vêtement était un hakama. Mais au lieu d’être évasé aux pieds, il était resserré aux chevilles. Un pantalon d’homme ?!

 

Elle le reposa également pour se porter sur la seule chose colorée en cet endroit : une magnifique ceinture bicolore qui servait à faire tenir l’armure. Le même dessin que la ceinture de Sesshoumaru mais les couleurs différaient. Le jaune était remplacé par du lilas et le bleu par du blanc.

 

  • Mais qu’est-ce que c’est que tout ça ? Est-ce que c’est pour moi ? Mais pourquoi ?

 

Elle réfléchit intensément pour arriver à une évidence qui aurait dû jaillir dans son esprit depuis longtemps.

 

  •  Mais bon sang ! Je deviens vraiment idiote quand j’avance en âge ! C’est mon anniversaire aujourd’hui ! Et tout ça, ce sont mes cadeaux ! Tiens ! Je n’avais même pas vu l’épée.

 

Avec prudence, elle s’approcha du dernier présent. Mieux valait se méfier de ces armes ! Elle la prit toutefois et la sortit de son fourreau, très doucement. Elle se vit nettement sur la lame et remarqua également une larme qui coulait. Elle la glissa à nouveau dans son étui, reposa le tout sur le futon et sortit précipitamment. Elle s’arrêta, le poing fermé, et regarda les deux démons qui n’avaient toujours pas changé de position. Totosaï cessa toutefois de frapper quand il vit l’air de la jeune femme. Son cadeau ne lui plaisait-il pas ? Il fut immédiatement stoppé dans ses inquiétudes par un cri.

 

  • Sesshoumaru-sama !

 

Le youkai ouvrit l’œil et regarda dans la direction de Rin. Il n’eut pas plus tôt tourné la tête qu’elle s’était agrippée à lui après s’être déplacée rapidement. Il en fut un peu secoué mais ne le montra pas. Les bras de Rin étaient noués autour de son cou et ses jambes autour de sa taille. Elle avait enfoui sa tête dans sa chevelure argentée. Il pouvait sentir les larmes couler. Allons, bon ! Il ne manquait plus que cela ! Pourvu qu’elle se calme vite !

 

  • Sesshoumaru-sama, merci beaucoup ! C’est vraiment magnifique ! Je vous ai ... adore!

 

Totsai les regardait. S’il ne savait pas que Rin était sa pupille, il aurait vu en face de lui deux amoureux en train de s’enlacer, bien que l’un des deux fût nettement moins démonstratif.

 

  • Rin, dit une voix monocorde étouffée par l’attachement de la jeune fille. Dépêche toi.

 

Il procéda lui-même à sa « désincarcération ». Mais en voulant d’abord desserrer l’étreinte de ses jambes, il posa les mains sur les cuisses nues de la jeune fille ; les pans de son yukata avaient glissé le long de ses jambes pour se plier aux lois de la gravité. Légèrement troublé, il rectifia le tir et dégagea son cou. Immédiatement, Rin remit pied à terre et fila comme une flèche vers l’alcôve pour revenir moins de dix minutes après, vêtue de son nouvel équipement et ensemble. Totosaï était émerveillé lorsqu’il la vit s’avancer vers lui pour lui dire au revoir et surtout le remercier d’un gros baiser sur la joue. Le vieillard rougit mais eut peur de la réaction du youkai. Sesshoumaru, heureusement pour lui avait déjà le dos tourné mais son ouïe devait avoir perçu le petit bruit qui aurait pu lui être fatal. Rin rejoignit son tuteur.

 

Pendant tout ce temps, l’ermite n’avait même plus songé à battre le métal. Mon dieu ! Qu’elle était magnifique cette humaine ! Elle lui rappelait étrangement Izayoi … avec l’armure en plus. C’était clair à présent dans son esprit. Sesshoumaru tenait beaucoup, non, énormément à Rin pour demander ses services et la parer des plus riches étoffes. Il était très préoccupé, trop même pour un simple tuteur ! Qu’il éprouve des sentiments pour elle ou non, il devrait constamment garder les yeux sur elle. Une magnifique jeune femme, qui savait se défendre, engendrerait forcément la convoitise chez les humains et les youkai. Et dieu sait que les inu youkai sont très possessifs !

 

- Sesshoumaru ! Je sais que tu me méprises et pourtant, je ne souhaite pas ton malheur, chien borné ! J’espère seulement pour toi que tu ne rendras pas Rin malheureuse avec tes préjugés sur les humains. La jeune femme te voue un amour sans borne. Si jamais tu la fais pleurer, je me ferai une joie de te flanquer la correction que ton père ne t’a jamais infligée … si tu ne me bats pas avant !


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