Derrière le sourire du magicien
Chapitre 5 : Un entretient déterminant
1945 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 09/07/2017 15:51
Chapitre 5 – Un entretient déterminant.
En ce début de soirée, les bars commençaient leur véritable journée. Une journée qui n'appartient qu'à ceux qui vivent la nuit, dans la pénombre. Une nouvelle population descendait dans les rues et les passants rentraient lentement chez eux, sortant leurs parapluies. C'était une vision étrange, ces deux univers différents se complétant ainsi. Ces deux univers se bousculant, se déchirant, mais ne pouvant jamais se mélanger. Les gouttes de pluies rythmaient le mouvement infini de la foule, masquant pour quelques instants les différences. Et sous la fine averse, le temps passait, cachant sous l'ombre des parapluies milles et un visages. Parmi ces visages, avançait une jeune femme que l'on remarquait à peine. Dans ces ruelles agitées, elle semblait se fondre dans le paysage, absorbant le monde de la nuit. Ignorant l'eau ruisselant dans ses cheveux, elle regardait la plus haute tour de la ville. Elle regardait ce bâtiment s'étendre jusqu'aux cieux, enveloppées par les nuages. Elle réfléchissait à la proposition que venait de lui faire son employeur, perdue dans les profondeurs de la ville. Il y avait beaucoup trop de données manquantes, beaucoup trop d'imprévus. Et pour la première fois, elle avait pour ordre de tuer une personne qu'elle connaissait.
Une heure plus tôt
Un homme d'une cinquantaine d'année observait la jeune femme, un cigare à la bouche. Il était assis dans un fauteuil en cuir, et derrière lui s'étendait toute la ville. Dans ce bureau, constitués uniquement de meubles noirs, son client avait l'allure d'une homme important. Peu d'objet personnels, peu d'attaches, mais une richesse évidente. Dans ce bureau sombre, éclairé par lumière de la ville et d'une petite lampe de bureau, il se tenait. La baie vitrée symbolisait son emprise sur toute la ville, ou du moins il le croyait. La jeune femme connaissait bien ce genre de personnes, ceux qui pensent que l'argent dirige le monde. Que l'argent détermine la force. C'était le genre de client qu'elle voyait le plus souvent, ils jubilent d'un assassinat sans connaître le goût du sang.
– C'est un travail particulier et difficile que je vais vous donner, pouffa l'homme dans un nuage de fumée, mais je fais confiance à votre réputation.
L'homme se leva de son siège, écrasant son cigare dans un cendrier. Silence observait la fumée s'échapper du mégot, puis posa les yeux vers son client. Il s'était levé, accédant à un coffre caché derrière un de ses tableaux. Après quelques instants, il en sorti un dossier et le jeta sur son bureau, signalant à la jeune femme de le prendre. Elle l'ouvrit, analysant son contenus. Des rapports, en grande majorité incomplets, sur les activités d'un groupe criminel. Mais après quelques lignes, l'étonnement submergea la Floor-master
– Si vous désirez vous débarrasser de ce groupe, la famille Zoldick serait sans doute un choix plus judicieux, remarqua la jeune femme en fronçant les sourcils.
– J'ai déjà fait appel à Silva Zoldyck, expliqua l'homme, mais ce n'est pas ce genre de travail que je vous propose. Je ne veux pas que vous vous débarrassiez du groupe, mais que vous l'infiltriez.
L'homme alluma un deuxième cigare et retourna s'asseoir. La jeune femme ne répondait pas, et c'était un signe qu'elle écoutait attentivement. Son employeur expira une longue traînée de fumée qui s'échappa dans l'atmosphère, jouant avec la lumière. Il tourna son fauteuil dans la direction de la baie vitrée, et observa l'horizon. Elle pouvait dire que l'horizon qu'il regardait n'était pas le même que celui qu'elle désirait, ce n'était pas le monde de lumière qu'elle mourrait d'atteindre. Cet homme se complaisait dans les profondeurs alors qu'elle s'y noyait depuis toujours. Luttant pour survivre, pour devenir plus forte, finissant par s'adapter à cette obscurité environnante. Ce que cet homme voulait était en face de lui. Ce qu'elle désirait se trouvait à des milliers d'années lumières, une très lointaine lumière.
– Je ne fais plus de mission d'infiltration depuis des années, rappela la jeune femme fermement.
– Je sais, répondit l'homme qui lui tournait le dos, mais c'est une mission spéciale. Cet homme, Chrollo, a volé quelque chose d'important à mes yeux. Que je ne pourrai jamais retrouver.
La jeune femme savait que même des personnes comme lui pouvaient avoir des choses importantes, qui ne pouvaient être achetées par l'argent. Elle se sentait parfois vide à l'idée qu'elle n'avait rien d'important, rien ne la rattachant en ce monde. Elle n'avait pas de concept de tristesse, elle n'avait aucune idée de ce qu'était la tristesse. Elle savait juste que par moment elle sentait cette sensation de manque en elle. Ce moment où, demandant au vide quelle était la raison de son existence, personne n'était là pour lui répondre. Devenir plus forte, mais pour quoi? Survivre, mais pour quelle raison? Elle balançait ces questions à la mer, enfermés dans des bouteilles de verre. Mais la réponse ne venait jamais.
– Je veux que vous deveniez un membre de cette troupe, que vous me rapportiez leur moindre mouvements, commanda l'homme. Je veux trouver ce qui est important pour cet homme et je veux le détruire, je veux réduire à néant sa vie avant de le tuer.
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La jeune femme ouvrit la porte de son appartement, situé dans les hauteurs de la Tour Céleste. Elle observa son lieu de vie, et un sourire s'afficha pour la première fois sur son visage. Un sourire débordant de tristesse grandissait, débordant de douceur, un sourire dont elle n'avait même pas conscience. Son appartement était composé de quatre pièces. La cuisine, la salle de bain, sa chambre et le salon. La salon était grand, mais vide, remplis d'un grand fauteuil et d'un écran de télévision. Le reste du logement était ainsi, dépourvu de tout objets personnels. Elle ne possédait rien, ou presque rien. Quelque chose de frotta dans ses jambes, et elle baissa les yeux vers son chat. Elle referma la porte, et s'agenouilla, lui grattant la tête. Seule dans l'entrée de son salon, caressant son chat, la jeune femme débordait inconsciemment de sensibilité. L'espace de quelques secondes, quelque chose avait changé en elle. Quelque chose qui disparut instantanément quand elle se releva.
Quelques instants plus tard, elle tomba sur son lit, fatiguée. Elle regarda le plafond, une bouteille d'alcool à ses côtés. Son travail était une mission d'infiltration s'étendant sur plusieurs années. Son employeur était un homme patient, mais elle ne pouvait prendre de libertés. Elle devrait attendre, jour après jour ses ordres. Car le jour où il jugera nécessaire de tuer Chrollo, ce sera le jour ou elle s'y attendra le moins. Elle regardait son plafond, évaluant la situation. Elle sentit quelque chose monter sur son lit puis sentit le ronronnement de son chat. Elle tourna son regard vers la table de nuit, tandis qu'il se frottait dans ses jambes. Les deux objets qu'elle y voyait étaient étrangement ses seules possessions dans ce grand appartement. Un livre, et une carte. Une invitation, et une déclaration. L'alcool lui brûla la gorge, propageant une douce chaleur dans son sang. Quelle journée étrange, pensa la jeune femme. Son corps était toujours usé de sa bataille, sa peau brûlée mais humide, son esprit emmêlé et ses cheveux mouillés. Elle était curieuse de savoir, tout de même. Elle était curieuse de savoir qui était l'homme qu'elle avait tué, qui il était pour elle. Quelle était cette sensation dans sa poitrine, et si elle pouvait la faire disparaître.
Elle ouvrit le livre, relisant l'adresse. Elle ne pouvait pas laisser pas l'occasion. Elle se remémora sa rencontre avec ces deux hommes, pleine d'imprévus. Elle glissa la carte dans le livre, intriguée par les mots du magicien. Hisoka. Il était si sûr de lui, arrogant, et étrangement il lui rappelait quelqu'un. Il y avait une familiarité dans l'agacement qu'elle ressentait à son égard, et ce sentiment l'empêchait de jeter cette carte. De plus, elle avait déjà entendu son nom récemment, ce qui signifiait qu'il combattait dans cette tour. Elle savait donc qu'elle le rencontrerait une nouvelle fois. Ce genre de personne ne lâchait jamais l'affaire, elle ne pouvait qu'espérer qu'il abandonnerait son envie de la combattre. Elle pressentait que ce serait une perte de temps et qu'il serait ennuyeux à combattre. Vraiment, terriblement ennuyeux. Il ferait tout pour la faire utiliser Breath of fire, quatrième étape de sa capacité, et elle pouvait lire dans ses yeux qu'il n'était pas du genre à changer d'avis.
– Ton pouvoir à une faiblesse, caricatura la jeune femme, quel homme ennuyeux.
Tandis qu'elle avalait une gorgée de whisky, perdue dans ses pensées, l'objet de ses ressentiments sortait de la douche, quelques étages plus bas. Enroulé dans une serviette humide, il n'avait plus rien de l'homme excentrique de tout à l'heure. Ses cheveux étaient humides, et son maquillage avait disparu. Ses yeux, cependant, n'avaient pas changés. Ils étaient fixés à l'écran, dévorant la Floor-master. Il avait analysé, encore et encore le combat s'étant déroulé en fin d'après-midi. Il s'était nourri de cette vision. On pouvait le voir trembler, et sa respiration s'accélérait, son désir grandissant encore et encore. C'était une découverte inattendue, une révélation stupéfiante. L'excitation qu'il ressentait, il n'arrivait pas à la faire disparaître. Lorsqu'il avait senti la présence de Chrollo, il l'avait suivi. Celui qu'il avait rencontré quelques mois auparavant, celui qu'il désirait combattre. Mais une fois dans l'arène, ce qu'il y avait vu dépassait ce qu'il avait pu voir auparavant. À la branche de l'arbre était suspendue une pomme rouge vermeil. Il l'avait déjà vue auparavant, il avait déjà senti son potentiel, mais la fleur encore fragile avait soudainement mûri sous ses yeux. Et elle menaçait de tomber, dangereusement. Son balancement, sa couleur, elle le tentait. Il avait envie de l'arracher, de croquer dans sa chair. Il avait envie de cueillir ce fruit vermeil. Sous ses yeux, un pouvoir brutal s'était manifesté. Comme une phœnix, la jeune femme se tenait dans un torrent de flammes. Semblant renaître dans les cendres, elle se tenait. Et elle brûlait son esprit.
Hisoka suspendit la vidéo, et observa la jeune femme. Elle se tenait, son épée à ma main, entourée par les flammes. Il gémit et regarda sa porte sombrement. Il pourrait, maintenant, la combattre. Il pourrait la trouver, la détruire. Mais il ne verrait pas cette capacité, il le savait. Son expression devint celle d'un enfant déçu. La pomme était redevenue une fragile fleur. Une fleur orgueilleuse. Il devait attendre, patiemment. Attendre le printemps. Mais en attendant, il pouvait toujours jouer avec elle. Un sourire vicieux se dessina sur le visage du magicien, et derrière son sourire se cachait milles mystères. Toujours tremblant, il tourna son regard vers la salle de bain, puis vers ses hanches. Un rire ténébreux léger de sa bouche, tandis qu'il fit demi-tour.
– Dire que je sors à peine de la douche, murmura le magicien, comme c'est ennuyeux~