Et si j'étais née au Capitol?

Chapitre 2 : La Moisson

951 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/11/2016 22:46

-Debout Prim! C'est l'heure de la Moisson!

Ma soeur ouvre un oeil puis, au lieu de se lever comme je lui ai demandé, elle me tourne le dos et marmone des mots que je ne comprends pas. Intriguée par ce comportement peu habituel chez elle, je m'assois sur le bord du lit.

-Qu'est-ce qu'il y a Prim?

Elle reste immobile et silencieuse quelques instants, puis se dresse sur un coude et me fait face. 

-Je ne sais pas si ces Jeux sont une bonne chose. Tous les ans, on tue 24 innocents au nom d'une patrie qui se dit juste et protectrice! Je trouve ça complètement incohérent...Imagine qu'une de nous soit tirée au sort, comment réagirais-tu?

Je m'esclaffe.

-Enfin Prim, nous ne pouvons pas être tirées au sort, nous vivons au Capitol! Cela n'arrivera jamais!

J'insiste sur le mot jamais pour bien lui faire comprendre sa signification, la promesse de sécurité qu'il nous offre. Pourtant, ça n'a pas l'effet escompté et ma petite soeur s'emporte.

-Imagine que ça puisse! Imagine qu'on vive dans un district pauvre, tel que le district 11, ou 12! On vivrait dans la peur d'être tirées au sort! Tu te rends compte que ces gens sont punis pour des actes qu'ils n'ont pas commis?

Cette fois je perds patience.

-Arrête de raconter n'importe quoi. L'histoire tu la connais. Maintenant, lève-toi, mets quelque chose sur le dos et viens me rejoindre dans le salon.

Je me lève et me dirige vers la porte, mais au moment de franchir le seuil je me retourne:

-Et tire maman du lit. Peu importe comment tu le feras, fais-le! C'est un moment important et j'aimerai qu'elle soit là pour le partager avec nous.

Sur ces mots je disparais dans l'angle du couloir et vais m'installer dans le canapé. Je repense à l'altercation que je viens d'avoir avec Prim. En bonne citoyenne de Panem, j'ai défendu ce système bec et ongles toute ma vie, sans jamais me poser de questions sur les réelles motivations du gouvernement. Voir une gamine de 12 ans me balancer un point de vue totalement différent au visage m'a ébranlé. Je ne suis plus certaine de... N'importe quoi...Je ne sais pas ce qu'il se passe dans mon cerveau mais c'est évident que je débloque. Il faut que je me ressaisisse.

Je suis interrompue dans mon dialogue avec moi même par l'arrivée de Prim et de ma mère dans le salon. Bien-sûr, cette saleté de chat n'est pas loin. Elles viennent toutes deux s'installer à mes côtés, et je profite de ce moment (trop rare) où ma mère est dans la même pièce que moi pour la détailler, le but étant de m'imprégner de chaque trait de son visage au cas où je l'oublierai un beau jour, à force de ne le voir que quelques fois par semaine.

Ses traits sont tirés, elle a des cernes profonds et violacés qui amenuisent la beauté de ses yeux de biche. Ses cheveux blonds (exactement de la même couleur que ceux de Prim) sont attachés en un chignon négligé. Le pire, c'est sa démarche: trainante, comme si elle trainait un boulet de huit kilos derrière elle. Elle a tendance à regarder le sol et est souvent plongée dans un mutisme dont il est difficile de la faire sortir.

Je soupire intérieurement puis allume enfin l'écran de télévision. L'image apparait en 3D.

Nous restons scotchées devant la télé au moins une heure et demie, et ce n'est pas encore terminé. Les tributs seléctionnés ne sont pas atypiques, ils ne changent pas vraiment de ceux qu'on retrouve dans l'arène chaque année.

Seulement, arrive le district 11. Un zoom exagéré est effectué sur la main d'Effie Trinket, qui tire au sort le nom des Tributs. Elle sort le papier, se dandine jusqu'au micro. Retour à un plan de vue général. J'entends le nom. Rue Barnette. J'ai hâte de découvrir le visage de cette fille.

Dans la foule, on s'écarte pour laisser place à une fillette, tremblante, qui monte sur l'estrade. Elle n'a pas plus de 13 ans. Je crois que mon coeur loupe un battement. Je lance un léger coup d'oeil à ma soeur. La détresse se lit sur son visage. Cette fille, ça pourrait être elle. Les mots qu'elle a prononcé plus tôt me reviennent tous d'un coup.

J'ai besoin d'air. Sous les regards médusés de Prim et de ma mère (même le chat semble ne pas comprendre) je me lève précipitamment et m'enfuis dans ma chambre.

J'ai besoin de réfléchir.

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