La voir mourir...par ma faute?
C'est aujourd'hui. La moisson. Pour la première fois depuis mes 12 ans, je n'ai plus à craindre d'être tirée au sort pour aller au Hunger Games. Non, c'est une toute autre angoisse qui m'habite. Car de simple habitant du district 6, je suis devenue une vainqueur, puis, une mentor. Moi, Esther Keller, j’ai participé et remporté les 46ème Jeux de la Faim. Mais alors que je croyait alors connu le pire, je me retrouve confronté à des jeux bien différents…
Heureusement, contrairement aux mentors des districts 9 et 12, je ne serai pas seule à m'occuper de nos tributs. James Flencklen, un homme de 32 ans qui a gagné les jeux depuis 15 ans déjà, sera là pour me soutenir et m'aider. Méprisant et aigri, il a développé une certaine amertume de la vie et habite seul avec une femme qu'il ne supporte pas. Pourtant, c'est un survivant, quelqu'un de solide auprès duquel je crois avoir gagnée un peu de respect. Il a vaincu les Hunger Games à 17 ans, et pour cela il a du tuer, trahir, renoncer à toute humanité. Comme moi. Pourtant, je suis sûr que lui aussi est déchiré quand il voit, année après année, les tributs de notre district mourir...jusqu'à l'année dernière, du moins. Il doit être soulagé de savoir que j'arrive soutirer un tribut à sa responsabilité. Un mort de moins pour sa conscience, un de plus pour la mienne...
Me forçant à sortir de mes pensées, je consulte d’un regard ma vieille pendule en chêne accrochée sur le mur. Elle indique 11:40. Plus que 20 minutes. Je prends mon plus beau manteau de fourrure, cadeau de mon styliste pour ma victoire, j’attache mes longs cheveux blonds en une queue de cheval serrée, puis, j'engloutis un morceau de gâteau préparé spécialement pour la moisson, histoire de me changer les idées. Il a dû couté assez cher et je suis sûr qu'il est délicieux mais pour moi, il a le même goût que le sable. Je mets cela sur le compte de ma nervosité à l'idée de devoir apparraître de nouveau devant les caméras, mais je sais que je me mens à moi-même. Cela ne sert à rien de le cacher : j'ai peur. Peur de voir mourir mon tribut. Peur de le voir tomber par ma faute. J'ai vu assez de morts pour ma vie entière...mais ça ne semble pas être l'avis du capitole.
Finalement, je me résous à quitter la cuisine et à sortir de chez moi. En traversant le village des vainqueurs, j'aperçois James qui sort de chez lui. Il n'a pas l'air d'être plus enchanté que moi à l'idée de la moisson, mais lui est habitué, j'imagine. Je lui fais bonjour de la main et il me rejoint sans se donner la peine de me répondre. Nous marchons à travers les rues étroites et vides, en silence. Il est encore moins bavard que d'habitude, mais je lui en veux pas. Moi non plus, je n’ai pas vraiment envie de parler, aujourd'hui.
Arrivés à la grande place, nous montons discrètement sur l'estrade, ou nous accueille le bien-aimé maire du district. Il s'appelle Henry Epislon, et tout dans son visage m'inspirent le dégout : son double menton plein de gras, son sourire crispé qui n'a rien de sincère ou encore sa peau, trop parfaite, trop lisse pour un homme de son âge. Avec ses cheveux rouges cerise décolorés sur les bords et ses horribles vêtements jaunes canari, on dirait une copie manquée d'un habitant du capitole.
"-Ah! Mr Flencklen et Miss Keller! J'attendais impatiemment votre arrivée !" Affirme-t-il avec un air enjoué manifestement forcé. Malgré toute sa volonté pour imiter la capitale, il a gardé l'accent si pittoresque du district 6, à son grand désarroi. "Cette année va être incroyable, je le sens ! Et, maintenant que nous avons deux mentors, nous avons deux fois plus de chances de victoire, n'est-ce pas ? Continu-t-il en me faisant un clin d'oeil. Je vois que avez l'air nerveux, ma chère, mais ne vous inquiétez pas, tout se passera bien !"
Puis, James me suit signe de le suivre, et m'entraine à l'intérieur de l'hôtel de justice. Dans quelques minutes, ce sera le temps de piger leurs noms. Eux, les 2 enfants du district 6. Les futurs tributs. Les condamnés à mort. Eux, et surtout elle, que je dois faire revenir vivante. Peut importe quel en soit le prix.