Il y a des jeux bien pires

Chapitre 7 : Métamorphose

8655 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 19/01/2024 21:02

Je profite enfin de quelques semaines de paix. Depuis que j’ai commencé à chanter, Têtard ne me donne plus du tout de violents coups de pieds. Il bouge toujours, mais fait des mouvements amples que je peux supporter. Ma voix se repose seulement quand je suis dans les bois, et quand je dors. Peeta est le plus heureux que je l’ai vu depuis que Têtard a commencé à bouger. Je sais que c’est en partie parce-que je suis moi-même heureuse, mais je sais aussi que c’est parce qu’il aime mon chant. Il le calme autant qu’il calme Têtard. Je remarque que la quantité de ses confusions ou ses hallucinations décroit drastiquement depuis ces dernières semaines. La plupart du temps, il s’assied à côté de moi et m’écoute. Je me résous à chanter pour lui quand il aura des soucis. Je n’aime pas chanter en public, ni même à qui que ce soit d’ailleurs. Je chante seulement dans les bois, ainsi qu’aux personnes que je suis certaine d’aimer. Je leur chanterai aussi longtemps qu’ils en ont besoin.


Je répète ma chanson tant de fois que les geais moqueurs qui nichent près de notre maison l’ont presque entièrement mémorisée. Parfois, pendant la nuit quand je m’arrête de chanter, ils se mettent à répéter ma chanson, sans que je n’y fasse quoi que ce soit. Je les entends la reprendre par petits groupes, chantant en boucle. Il y a de la musique dans notre maison à n’importe quelle heure.


Ces semaines voient aussi une nette amélioration en ce qui concerne ma cheville. Je peux maintenant m’appuyer un peu dessus. Non pas que ce soit si important, je suis énorme désormais, même si ma cheville était saine, je serais forcée de me dandiner où que j’aille. Têtard est si lourd que je dois porter une ceinture simplement pour que mon dos ne se brise pas sous son poids. J’ai toujours été frêle, et je ne supporte pas bien cet excédent de poids. J’en suis arrivé au stade où je ne peux plus mettre un muffin dans mon estomac. Il m’arrive ce que Sage avait annoncé, le blocage se produit au bas de mon œsophage. Je ne m’en inquiète pas tant, toutefois, parce-que je sais que le temps se fait court. Je me sens comme si cette grossesse entière avait été un combat, alors c’est un soulagement.


Peeta continue de m’emmener quotidiennement dans les bois, même si je peux à peine tenir sur la banquette avant de la charrette désormais. Je savais que Têtard allait grossir, mais je n’aurais jamais pensé ne plus pouvoir aller dans certains endroits. Des banquettes comme celle-ci, des chaises, d’étroits couloirs. J’en deviens même bruyante dans les bois. Il m’est extrêmement étrange d’entendre mes propres pas, traînant sur le sol, moi qui avais l’habitude d’être si discrète. Je ne peux même plus me lever ou m’asseoir sans l’aide de Peeta. Je suis finalement devenue la boule humaine que je craignais de devenir quelques mois auparavant. Cet été me rend presque aussi furieuse que je l’aurais pensé, mais ma fureur est tempérée parce-que je sais que ça ne va pas durer longtemps. C’est une question de semaines, si pas moins.


Tous les quelques jours, Peeta me traîne jusqu’au cabinet de Sage quand nous rentrons. Elle demande à me voir aussi souvent que possible. Un jour, elle me dit qu’il me reste en théorie trois semaines, mais qu’en réalité, je pourrais avoir cet enfant à n’importe quel moment maintenant. Elle me dit également quels signes montreront que le moment est venu, et que je devrais demander à Peeta de l’emmener droit chez elle.


Les semaines à venir se déroulent comme si je retenais ma respiration. Je me contente d’attendre, sentent qu’il s’agit du calme avant la tempête. Tout comme je savais que j’étais enceinte sans que personne n’ait à me le dire, je sais que je n’en ai pas pour trois semaines. Je peux le dire à la manière inexplicable dont je ressens le besoin, un matin, de remettre en ordre les affaires de Têtard. Je peux aussi le dire du fait qu’un jour, je me suis réveillée en trouvant un espace entre mon estomac et mon sternum, Têtard se tenant loin dans mes entrailles. Je sais que Peeta et moi deviendront parents avant la fin de la semaine, Peeta le sent également. Nous passons notre semaine en fébrilité, et en une nerveuse attente. Les choses ne me semblent pas réelles, et tout à la fois beaucoup trop.


Par une soirée vers le milieu de la semaine, je commence à sentir de très légères et sporadiques contractions. Sage avait prévenu que cela arriverait. Je n’ai pas encore à aller à son cabinet. C’est quand elles deviendront plus fortes et quand la poche des eaux se rompra qu’il me faudra y aller. Elle m’a dit que cette phase pouvait durer un moment et qu’il n’y avait pas d’urgences. Pas besoin, donc, de faire autre-chose d’autre que de continuer ma journée aussi normalement que possible. Je ne le dis pas non plus à Peeta, parce-que je sais qu’il commencera à paniquer rapidement, et je ne veux pas l’inquiéter avant que ce ne soit nécessaire. Il ne comprendrait pas que, aussi faible qu’elles le sont maintenant, il faut à peine y prêter attention. Je sais toutefois que ce n’est pas une question de jours. Peut-être d’heures.

J

e passe la nuit sans incident. Je traverse la matinée comme à l’accoutumée, mais comme si j’attendais qu’une bombe ne soit lâchée sur moi. Je laisse Peeta me conduire dans les bois. Cela atténue quelque peu mon angoisse. Je pourrais tenir un jour de plus sans que rien n’arrive. Je demande à Peeta de m’emmener à mon lac aujourd’hui. Je reste debout une minute, au même endroit où j’observais les têtards nager, je m’imprègne de l’instant et de l’endroit. Ce n’est pas encore le printemps, mais quelques signes de son arrivée apparaissent. De petits bourgeons commencent à se former sur les arbres. Il en est de même sur les plantes à fleurs des alentours du lac. Quelques-uns des bourgeons ont de petits pétales colorés qui se montrent. Je vois des touches de jaune et de bleu en particulier sur un pétale solitaire d’un plan d’iris sauvage. Finalement, je demande à Peeta de m’aider à m’asseoir. Il agrippe mes deux mains, m’amenant vers le sol en douceur. Je viens d’entrer en contact avec le sol quand je sens un petit bruit sec, puis le jet d’un liquide clair parcourant l’intérieur de mes jambes.


-         « Debout, Debout, lève-toi ! » demande-je alors que mes mains sont encore dans les siennes. Il fronce des sourcils, visiblement confus, mais m’aide gentiment à me lever.


-         « Que se passe-t-il ? » Il ne doit pas avoir remarqué à cause des hautes herbes.


-         « Peeta, tu n’as pas vu cette cascade ? »


-         « Quoi ? »


Je montre mes jambes détrempées. Ses yeux s’écarquillent. Il s’étouffe de quelques-mots.


-         « Est-ce que ? »


-         « Oui. » « Tu aimes vraiment cet endroit » demande-je à mon ventre.


Peeta n’a pas bougé. Il hoche la tête une fois, mais ne semble pas avoir compris.

-         « Allez, nous devrions commencer à marcher. Je ne me déplace pas si vite, et nous sommes supposés aller voir Sage maintenant. »


Il fait le même hochement de tête. Je dois prendre Peeta par la main et le tirer sur quelques mètres avant qu’il ne comprenne. Il se rappelle qu’il faut m’aider car je rencontre encore des difficultés avec ma cheville. Il semble vouloir que j’aille un peu plus vite que d’accoutumée toutefois. A un certain moment, je ne peux plus tenir le rythme.


-         « Peeta, ralentis, je ne peux pas aller si vite. « 


-         « Désolé ». Il ralentit en me regardant tout penaud. Je peux dire qu’il a commencé à paniquer et qu’il veut m’emmener chez Sage aussi vite que possible.


-         « Calme-toi, nous avons suffisamment de temps pour marcher comme des personnes normales. Cela va prendre bien plus longtemps que tu ne le penses, Peeta. » Je ne peux rien faire d’autre que de rire un peu. Peeta ne semble pas beaucoup plus calme, mais il ralentit considérablement.


-         « Combien de temps ? »


-         « Je ne sais pas, mais un moment. Peut-être toute la nuit. »


-         « Oh désolé, je veux simplement »


-         « Tout va bien. Il n’y a pas besoin de paniquer. Tu sauras quand il sera temps de paniquer. »


-         « Comment ? »


-         « Je te hurlerai probablement dessus »


-         « Oh, merci » répond-il sarcastiquement.


Je souris un peu. Je suis étrangement calme pour l’instant. Je sais que cela ne va pas durer et que je vais paniquer en pensant au fait que ce n’est qu’une question d’heures avant que j’aie à ma charge un humain sans défenses. Pour l’instant, je ne suis pas inquiète. S’il y avait quoi que ce soit, je veux profiter du caractère certain de l’instant. Je n’attends plus, je ne me demande plus comment je vais pouvoir trouver l’énergie de vivre mes journées. Tout cela arrive à sa conclusion, et je m’en réjouis. Nous retournons à la charrette et Peeta m’aide précautionneusement à monter à l’intérieur. Je réalise que nous n’avons rien pris avec nous pour aller chez Sage.


-         « Nous devrions aller à la maison d’abord »


-         « Mais Sage a dit que… »


-         « Peeta, tu sais, cet adorable petit sac que tu as préparé depuis déjà trois mois ? »



-         « Oui. »


-         « Eh bien nous ne l’avons pas avec nous. Nous devrions aller à la maison et le prendre d’abord. Ça ne prendra pas longtemps. »



-         « Pourquoi en avons-nous besoin ? »


-         « Je préfèrerais ne pas avoir à commencer le travail là -dedans » je montre mes vêtements d’extérieur. Je peux toujours passer la veste de mon père si je ne remonte pas la fermeture éclair. « Ce n’est pas vraiment confortable. J’aimerais aussi que le bébé ait des vêtements pour rentrer à la maison. »


Peeta s’assied un instant sans rien dire. Je peux dire qu’il est nerveux à cause de tout cela, mais il sait que je ne le laisserai pas tranquille tant qu’il ne m’écoutera pas. Il souffle.


-         « D’accord, mais ne me hurle pas dessus si ça prend trop de temps. »

Je me contente d’un petit rire. Nous sommes silencieux depuis un moment avant que Peeta ne reprenne la parole.

-         « Tu es inquiète ? »


-         « Un peu. Mais je suis aussi vraiment heureuse que tout cela soit quasiment terminé. Ça n’a pas été facile. Mais je dirais que tu as l’air plus nerveux que moi. »


Il ne répond rien. Il sourit simplement à nouveau de son sourire penaud. Je m’inquiète pour lui. Il n’a pas dit grand-chose ces dernières vingt minutes environ. Je pense qu’il est aussi inquiet que moi à l’idée de ramener un bébé à la maison, mais je décide de le lui demander.

-         Es-tu inquiet à l’idée de ramener un bébé à la maison ? »


Peeta sourit.


-         « Un peu, mais pas tant que ça. Et toi ? »


-         « Oui ! Les bébés m’effraient. Ils sont fragiles. J’ai toujours peur de leur faire du mal. Ce n’est pas ce dont tu as peur ? »


-         « Pas vraiment. Et tu ne lui feras pas de mal, Katniss. Je jurerai que tu es persuadée que tu seras la pire mère du monde et il faut que tu arrêtes. Non, je suis inquiet pour les douze heures environ à venir. Je suis inquiet du fait que tu aies ce bébé. »


Cela me prend de court, c’est si bas dans ma liste des inquiétudes.


-         « Pourquoi ? Ce n’est pas toi qui vas devoir y passer. » ronchonne-je.


-         « Je sais. » Peeta lève les yeux au ciel. « Je déteste simplement te voir souffrir. Ça me dérange vraiment. Les choses peuvent mal se passer. Je suis simplement inquiet. »


Peeta est perpétuellement inquiet à propos de moi, et aujourd’hui il ne fait pas exception. Il déteste me voire en quelque type de détresse que ce soit, et si cela arrive, il fait tout son possible pour régler immédiatement le problème. Il est aussi de toute évidence inquiet du fait qu’il pourrait me perdre, quoique la probabilité soit mince avec Sage pour nous aider. Je tressaute, ça doit probablement être terrifiant pour lui. Je suis calme maintenant, mais j’ai vu d’autre mères accoucher. Ma propre mère avait l’habitude de s’en occuper. Habituellement, je décampais si je le pouvais, mais parfois, je ne le pouvais pas et étais forcée de les observer et de les entendre. J’ai des souvenirs fugaces d’elles, blanches comme des linges, agrippant les chambranles de portes, les dossiers de chaise, les têtes de lits, ou empoigner les draps. Je me rappelle les voir faire les cent pas comme des animaux en cage, se balançant d’avant en arrière, ou recroquevillées sur le sol. Parfois les quatre à la fois. Le bruit, c’était ça le pire. On ne pouvait y échapper. Les voir haletantes et gémissantes en train de grogner et de pousser des cris stridents. Antique et bestial. A le voir et à l’entendre, l’accouchement semble incroyablement violent et terrifiant. Il faut que je rassure Peeta maintenant, parce-que je sais que viendra un moment plus tard où je ne serai plus capable de parler.


-         « Ne t’inquiète pas. Sage sera là. S’il y a des raisons de s’inquiéter, elle te le dira. Sors-toi ça de l’esprit maintenant. Mais Peeta, je ne peux pas éviter la douleur. Cela va te sembler horrible à regarder et à entendre, et je ne vais pas pouvoir y faire quoi que ce soit. Ça ne voudra pas dire que quoi que ce soit va mal. Il pourra même te sembler que je suis en colère après toi, ou que tu as fait quelque-chose de mal, mais ce n’est pas vrai. Il me faut simplement que tu comprennes ça maintenant, parce-que je ne serai plus dans mon état normal tout à l’heure. Fais-moi confiance, tout ira bien. »


-         « D’accord. » Acquiesce Peeta avec détermination. « Tu sens quelque-chose pour l’instant ? »



-         « Oui, mais ce n’est pas assez fort pour compter comme de la douleur. ». Je ne suis pas inquiète concernant le côté douloureux de tout cela. Je suis presque morte auparavant. Je suis allée à l’hôpital trop de fois pour en tenir le compte. Je gère la douleur quand elle vient et je l’oublie vite. C’est la souffrance psychologique qui m’a toujours inquiétée. »


Peeta nous emmène à la maison assez vite. Il ne s’embête même pas à m’aider à sortir de la charrette, comme il a seulement l’intention de courir à l’intérieur, d’attraper le sac, et de courir pour en sortir. Heureusement, il est dans la maison quand le premier signe de véritable frappe. Cette douleur ressemble à celle des crampes que j’avais l’habitude d’avoir aux mollets, en dix fois plus fort, et que je la ressens dans toute la zone pelvienne. Je pense que ça s’étend aussi un peu à mon dos. C’est étonnamment puissant. Je ne peux rien faire d’autre que d’agripper le bord de mon siège et serrer les dents jusqu’à ce que ça passe. J’expire, réalisant que je retenais ma respiration jusque-là.


« Ça va être amusant », murmure-je à moi-même. Peeta est de retour en un temps record, c’est bien. Quoique nous ne cherchions pas à ralentir par quelque moyen que ce soit, la survenue d’une vraie douleur me dit qu’il est définitivement temps d’arrêter de flâner, et d’aller chez Sage. Peeta semble remarquer un rémanent d’inconfort sur mon visage et m’interroge immédiatement.


-         « Ça va ? Que s’est-il passé ? »


-         « Je vais bien. Je commence simplement à le ressentir maintenant. Il n’y en avait qu’une, ne t’inquiète pas. »


L’étrange et puissante douleur ne frappe qu’une fois de plus sur le chemin qui nous amène chez Sage. Je me recroqueville un peu, les yeux fermés et serrant mes dents. J’étais au beau milieu d’une phrase et il m’a fallu m’arrêter abruptement. Quand la douleur passe, Peeta me regarde, inquiet.


-         « Je suis désolée. Il m’est difficile de parler quand ça se produit. » Je continue où je m’étais arrêtée. Pour le moment, c’est supportable étant donné les longues poses dont je profite entre les douleurs. Je prends d’autant plus avantage de ceci car je sais que cela ne va pas durer. »


Nous arrivons chez Sage assez vite. Elle est quelque peu surprise de nous voir, mais prend les choses en main.

-         « Quelques semaines plus tôt que je ne le pensais, mais c’est bien. Entrez. »

Elle nous montre le même lit que celui dans lequel j’étais la dernière fois et me laisse passer une chemise de nuit que Peeta a apporté. Elle m’examine dans un premier temps, puis me sangle à un certain nombre d’étranges machines qui produisent des diagrammes que je ne parviens pas à lire.


-         « Bon, vous en avez encore pour un moment, mais tout est normal. Je vous suggère de prendre autant de repos que possible maintenant. Vous ne serez plus capable de le faire plus tard, alors essayez. »



Sage ne disparaît pas à l’état cette fois, mais se contente de se déplacer dans une pièce adjacente. Je suppose qu’elle veut garder un œil sur moi aujourd’hui.


-         « Tu devrais aussi essayer de dormir un peu » dis-je à Peeta. « Je vais probablement te réveiller plus tard, même si je n’en ai pas l’intention. »

Je le tire sur le lit avec moi. Je m’endors étonnamment vite alors qu’il est appuyé contre mon dos, une main sur mon ventre comme toujours. Parfois, j’émerge de mon inconscience, à demi éveillée, quand la douleur frappe. Toutefois, la plupart du temps, je reste endormie. Sage ne me réveille pas du tout. Je suis certaine qu’elle lit les étranges diagrammes que produisent les machines, mais elle les trouve de toute évidence satisfaisants, et me laisse me reposer. Je lui en suis reconnaissante. Je ne sais pas combien de temps j’ai dormi, mais je commence lentement à me réveiller. Je suis constamment tirée de mon sommeil par la douleur, à la limite de ma perception, avant que je ne glisse de nouveau dans le sommeil. Ça arrive pendant un moment, me réveillant lentement. Bientôt, me voilà brusquement de retour dans le monde des éveillés. La douleur est plus forte. Beaucoup plus forte. Elle dure également beaucoup plus longtemps cette fois-ci. Je sais que mon temps de repos est derrière moi.


Les étranges vagues de douleur se rapprochent maintenant. Il y a toujours des pauses entre elles, mais elles sont plus courtes. Quand elles frappent, il n’y a rien d’autre dans mon esprit que la douleur. Je ne peux pas parler, je ne peux pas penser, je ne peux même pas garder mes yeux ouverts. Elle est extrêmement forte. Elle est suffisamment sorte pour que la douleur semble se propager le long de mes nerfs, à l’intérieur de mes jambes. Je reste couchée pendant un moment, mes jambes frétillant sous l’effet de la douleur, les mains empoignées autour des coins de mon oreiller, avant que je ne décide que je ne peux plus rester couchée. Heureusement, Sage apparaît immédiatement, comme si je l’avais demandée.


« Je veux me lever » lui demande-je, mes yeux se fermant brutalement. Sage m’examine dans un premier temps, puis accepte. Peeta est toujours endormi et je décide de le laisser ici pour un moment et de laisser Sage s’occuper de moi. Peeta va détester ça, autant qu’il en voie le moins possible. Sage me met sur mes pieds facilement. Elle est étonnamment forte pour quelqu’un d’aussi petit.


-         « Vous êtes forte » lâche-je.


-         « Vous n’êtes pas très grosse, même enceinte. D’un autre côté, si je suis suffisamment forte pour remettre des os en place, je suis suffisamment forte pour vous mettre sur pied. Voulez-vous marcher ou simplement rester debout ? « 


-         « Marcher »


-         « D’accord. C’est bien, le fait de marcher va accélérer le mouvement. »


-         « Tant mieux, parce-que je suis déjà fatiguée de tout cela. Combien de temps cela va-t-il encore durer ? »


-         « Je ne voudrais pas paraître décourageante, mais vous n’êtes pas encore au bout du tunnel. Vous êtes presque à mi-chemin »


-         « Joie »


-         « Allez, marchons »


La marche dure jusqu’à ce que la douleur frappe. Il faut ensuite que je m’arrête. Je tiens fermement Sage de peur que mes genoux ne cèdent. Sage me tient debout, fermement malgré sa taille. Elle continue de marcher avec moi, d’un bout à l’autre de la pièce avec les lits. Personne d’autre n’est ici avec elle, Peeta et moi. Elle est professionnelle comme toujours, mais est remarquablement patiente.


-         « Merci » lâche-je encore. Il semble que j’ai perdu la capacité de me censurer. « Je sais que je ne vous écoute pas la plupart du temps, et pourtant, vous vous occupez toujours de moi. »

Sage rit de ma candeur.


-         « Eh bien, vous êtes sans doute la patiente la plus difficile que je n’aie jamais eu. Mais, si qui que ce soit a gagné le droit d’être une plaie, c’est vous. Je m’occuperai de vous aussi longtemps que vous en aurez besoin, et c’est ma façon de vous dire merci. »


Sage tente de compenser la sincérité de ses paroles avec plus de concision que d’habitude. Mais ça ne change rien pour moi. Je lui fais oui de la tête, une fois. Nous nous comprenons. Elle continue de m’aider à marcher d’un bout à l’autre de la pièce avant que nous n’entendions Peeta s’émouvoir.


-         « Katniss ? »


-         « Je suis là, Peeta. »


Peeta traverse la pièce et se retrouve devant moi en quelques secondes.


-         « Pourquoi vous ne m’avez pas réveillé ? »


-         « Ça ne fait pas si longtemps que je suis debout, Peeta. » Je mens. Il ne comprendrait pas que j’essayais de lui épargner quelques heures de souffrances. « Seulement quelques minutes. »


-         « Puisque vous êtes là, vous pouvez peut-être prendre le relai un instant. » suggère Sage. « Contentez-vous de l’aider à marcher, et tenez-la quand une contraction frappe. C’est facile. »


Peeta acquiesce, heureux de pouvoir m’être de quelque aide. Je suis heureuse que Peeta soit ici, parce-que la douleur commence à empirer. Maintenant, quand elle frappe, j’enroule mes bras autour de Peeta et appuie mon front sur son torse. Il se tient calmement debout, en me frottant le bas du dos. Il demande « Est-ce que ça te fait du bien ? » Je me contente de lui hocher la tête, incapable de faire autre chose. Une demi-heure plus tard, je m’agrippe à Peeta, en me tenant au milieu de la pièce, je ne peux plus me taire à présent. J’étais relativement silencieuse jusque-là. Le bruit est entre le gémissement, le sifflement et le chant. Il reste sur le même ton et se réverbère dans la pièce. Quelques minutes plus tard, je réalise que je ne peux plus continuer de marcher. Je ne peux plus me tenir debout sans l’aide de Peeta.


« Je ne veux plus marcher. Rentrons » murmure-je tout en secouant ma tête. Peeta fait tout ce que je lui demande, ne disant pratiquement rien. Je ne me couche pas une fois que nous sommes revenus dans notre petit coin. Je suis appuyée sur le bord du lit, mes bras accrochés contre lui. Mon existence se résume à me battre contre la douleur. Je suis seulement consciente de la présence de Peeta. Il continue de me frotter le dos, en silence. Il semble savoir que d’essayer de me parler est une mauvaise idée. Je suis sûre que je l’agresserais sans le vouloir s’il essayait. Je me contente de me tenir debout, les poings fermés, en tremblant et en gémissant cette même plainte, cette plainte chantante. A un moment donné, j’agresse Peeta alors qu’il tente de faire quelque-chose à mes cheveux.


-         « Mais qu’est-ce que tu fais ? Tu es vraiment entrain de jouer avec mes cheveux, là, maintenant ? »


-         « Non, je suis simplement en train de les remettre en tresse. Ils sont en train de tomber. Je pense que tu te sentiras mieux s’ils ne sont pas sur ton visage. Mais si tu veux que j’arrête, je le ferai. »


Peeta se contente de répondre calmement à mon ton mordant. Je m’en veux, mais j’ai dépassé le stade où je pourrais y faire quoi que ce soit.


-         « Désolée. Ouais, refais ma tresse. » Même mon excuse semble forcée. Cependant, chaque prise de parole est une épreuve pour moi. Peeta tresse soigneusement mes cheveux alors que je chancelle, me balançant d’avant en arrière, m’accrochant toujours au lit. Il a raison ; je me sens mieux quand mes cheveux ne sont plus sur mon visage. Après cela, il continue de me frotter le dos. Les choses continuent de cette façon pendant longtemps. Plusieurs heures, je pense. Tout ce que je peux faire est d’agripper la rampe du lit et d’essayer de rester saine d’esprit. Mes gémissements aux airs de lamentations deviennent plus forts, plus durs et plus longs. Sage vient plus d’une fois vérifier que je vais bien. Elle continue de me dire à combien de centimètres j’en suis et j’ai dépassé le stade où je peux savoir ce que ça veut dire, ou même de m’en préoccuper. Après qu’elle me l’a dit pour la troisième fois, je l’agresse, elle aussi.


-         « Sage, je m’en fous. Si je ne suis pas prête à faire sortir cette chose de moi, là, tout de suite, alors je m’en moque. Contentez-vous de me dire pour combien de temps je dois continuer et que j’en aurai fini avec ça. »



-         « J’allais vous demander comment elle allait, mais je pense avoir ma réponse. » disait-elle à Peeta.


-         « Devrait-elle faire mieux ou moins bien ? »



-         « Elle est à peu près dans les temps. Toutefois, elle travaille du dos, c’est légèrement pire que la normale. Continuez de faire ce que vous faites et ne parlez pas, sauf s’il le faut. Elle est relativement calme maintenant. Restez prudent, parce-que je pense qu’elle va le perdre quand la transition va commencer. »


-         « Qu’est-ce que ça veut dire ? » demande Peeta, inquiet



-         « Oh, vous verrez. »


Je leur hurlerais bien dessus en leur commandant de cesser de parler comme si je n’étais pas là, mais je n’en trouve pas la force. Le temps avance trop lentement. Je passe un moment à regarder au travers des fenêtres de la pièce. Aucune lumière ne perce à travers les rideaux désormais. J’ai passé ma journée ici. Je n’ai aucune idée de combien de temps je vais encore devoir rester. C’est épuisant, constant et incroyablement exténuant. Quand je suis fatiguée de me tenir debout, je me déplace jusqu’au lit. Il est légèrement plié, de cette façon, j’aurais m’asseoir droite si je m’étais couchée dessus normalement. Je suis plantée sur mes genoux, mes mains s’accrochant au sommet du lit, ma tête y étant également enfouie. Mes bras et mes jambes tremblement désormais. Je ne veux pas rester debout, je voudrais me coucher, mais la douleur me l’interdit. Je ne peux plus trouver de position confortable. Mon seul mince réconfort vient des mains de Peeta qui me frottent le dos, formant de grands cercles chaleureux dans mon dos, comme elles l’ont fait toute la journée, et une partie de la nuit. Le temps commence à me faire payer son tribut. La douleur n’a pas empiré lors de la dernière heure, mais je me suis battue toute la journée. Je commence à me sentir devenir folle.


-         « Je ne sais pas si je peux le faire. », gémis-je. Ça prend trop de temps.


-         « Tu peux le faire. »



-         « Non » lui dis-je en secouant ma tête


-         « Je sais que tu penses ne pas en être capable. Ça prend longtemps et tu te fatigues. Je sais que tu l’es. Tu t’en sors mieux que je ne l’aurais fait à ta place. Tu peux le faire, et tu vas le faire. » La voix de Peeta est calme, mesurée, et pleine de compréhension. Je me contente de hocher la tête, toujours enfouie dans le matelas.


Comme si l’univers savait que j’étains en train d’atteindre mon point de rupture et voulais me faire une plaisanterie cruelle, quelque-chose se produit. Je sens ma gorge se refermer. Je suis nauséeuse. Je tremble de tout mon être, presque au point de vibrer. Il n’y a plus de pauses entre les douleurs. Pas la moindre. Les vagues de douleurs se surpassent les unes les autres. Et c’est à ce moment là que je deviens vraiment folle.


-         « Oh. Oh mon Dieu. » Je commence à hurler. « Oh mon Dieu, Oh mon Dieu, Oh mon Dieu »


-         « Katniss ? »



-         « Oh mon Dieu. Qu’est-ce qu’il se passe bordel ? » Je pousse un cri perçant, incorporant des mots dans mon gémissement, désormais incessant. J’entre dans une fureur inexpliquée.


-         « Qu’est-ce qui ne va pas ? » demande Peeta, paniqué par mon explosion.



-         « J’ai l’impression que je vais mourir, voilà ce qu’il se passe ! « 


J’entends de rapides bruits de pas.


-         « Elle va bien ? » demande Peeta. Sage doit être là.


-         « Elle va bien, enfin, relativement bien. »



-         « Alors pourquoi je me sens comme ça ? Je ne me sens pas bien, merde ! »


-         « Voilà, c’est la transition » dit Sage à Peeta « la bonne nouvelle c’est qu’il n’y en a plus pour longtemps. La mauvaise, c’est qu’elle va rester comme ça pendant le restant du travail. »

 

-         « Arrêtez de parler comme si je n’étais pas là et dites-moi pendant combien de temps encore je vais avoir envie de mourir ! »

 

-         « Ça ne devrait pas durer plus de trente minutes. »

 

-         « Et ce n’est « pas longtemps », pour vous ? »


-         « Eh bien, vu que vous êtes ici depuis dix heures du matin et qu’il est presque minuit, oui. »


Quelque soit ma riposte, elle se dissout dans mes hurlements.


-         « Contentez-vous de respirer pendant le temps que ça durera. » me commande Sage. J’ai trop mal pour bien réagir à quelque sorte de direction que ce soit.


-         « Je jure devant Dieu, Sage …»


-         « Jurez devant tout ce que vous voulez, mais ça va vous faire du bien, respirez. »



-         « Je suis sérieuse. Dites-moi encore une fois de respirer et ça – je montre du doigt une petite mais lourde horloge sur la tablette – « et tout ce que je peux trouver va aller droit sur vous. »


-         « Sage, elle est sérieuse. Elle va la lancer. Elle va la lancer sur vous. Elle vise bien… »



-         « Respirez »


-         « Respirez vous-même » hurle-je, lançant l’horloge derrière moi.



-         « Je vous l’avais dit. » marmonne Peeta. Je sais que l’horloge n’a pas touché Sage quand je l’entends percuter le mur, mais je sais que je n’étais probablement pas loin.


Sage parle, essayant visiblement de cacher son étonnement « Très bien, alors l’accompagnement ne fonctionnera pas avec elle. »


-         « J’aurais dû vous le dire avant » marmonne Peeta, ricanant un peu. « Pas de cette façon en tout cas. »


-         « N’ose même pas te moquer de moi Peeta. »


-         « Je ne me moque pas de toi, je me moque de Sage. Qu’est-ce qui te ferait te sentir mieux ? »


-         « Tuer quelque-chose »


-         « Eh bien, tu as presque tué Sage »


-         « Non, c’est faux. Oh mon Dieu, Oh mon Dieu, Oh mon Dieu, Oh mon Dieu » mes mots se dissolvent dans un hurlement amorphe « Je veux tirer sur quelque-chose ! »


-         « Je sais, je sais. Et je te laisserais faire, si tu n’étais pas, comment dire, dans un hôpital. »


-         « Je veux jeter des choses, Oh mon Dieu… »


-         « S’il te plaît non, tu as déjà cassé l’horloge. Ne te mets pas en colère après moi, mais tu devrais peut-être essayer de respirer. »


-         « Non »


-         « D’accord, d’accord, je suis désolé. Est-ce que c’est normal ? » demande Sage à Peeta.


-         « En grande partie, bien qu’elle soit la plus violente que j’ai jamais vu. Elle est mortelle. »


-         « Oh mon Dieu, je ne veux plus d’enfants. » Je mugis, frappant le matelas.


-         « Est-ce que ça te fait du bien, de frapper le matelas ? »


-         « Je ne sais pas, je ne sais pas, nom d’un chien, nom d’un chien, nom d’un chien » Je frappe le matelas à chaque phrase.


-         « C’est bien Katniss, frappe le matelas » dit patiemment Peeta. Si je n’étais pas dans une souffrance aveuglante, je pourrais rire. Je finis par réellement battre le matelas. Ça ne soulage pas la douleur, mais ça me donne au moins un exutoire. Cela continue ainsi pendant au moins quinze minutes. Je beugle et frappe constamment.  Pendant ce temps, Peeta essaie de m’encourager et de me calmer.


-         « Je veux que cette chose sorte de moi ! », hurle-je alors que la douleur devient particulièrement insoutenable.


-         « Je vais voir où elle en est », dit Sage, aussi surprise que Peeta de ma véhémence. Je serre mes poings alors qu’elle m’examine de nouveau, espérant que je n’ai plus à souffrir davantage. Peeta pose sa main sur la mienne qui s’agrippe au lit.


-         « Vous en avez presque fini », me rassure-t-il. Je ne peux dire grand-chose en retour, mais je desserre ma main et agrippe la sienne comme dans un étau. Il la serre en retour. Je me perds encore en hurlement, mais ne lâche pas sa main.


-         « Vous avez de la chance. Nous sommes prêts à avoir un bébé », conclut Sage. Les quelques instants qui suivent sont une avalanche d’activités différentes. Sage court chercher des choses, Peeta regarde frénétiquement autour de lui, je me fais bouger d’une façon puis de l’autre. La prochaine étape, je la connais, on me retourne, je me tiens assise, droite, recroquevillée, les jambes dans ce qui ressemble à des étriers. Je force, je pousse, je transpire, et je hurle si fort que je crains que mes poumons n’explosent. Je n’ai toujours pas lâché la main de Peeta. Il a placé un bras derrière mes épaules, tentant de me tenir aussi droite que possible. L’autre est placé au niveau de mon coude, tentant de soutenir la force que j’applique sur sa main. Sage me crie des instructions. Je ne peux pas les suivre. Je peux à peine l’entendre par-dessus les battements de mon cœur qui tambourinent dans mes oreilles, la douleur, l’effort et l’épuisement. Après un temps, Peeta commence à répéter calmement, avec mesure, ce qu’elle dit. Il ne hurle pas, il ne demande pas. Il parle. Je suis docilement ses consignes, pouvant penser plus clairement quand il me parle. Parfois, il compte avec Sage. Parfois, il me dit des choses pour me calmer. Parfois, il me dirige gentiment. D’autres, il m’encourage. Sa voix est la seule chose dont je sois consciente pendant un moment. Soudainement, la voix de Sage me ramène à la conscience.


-         « La tête du bébé est là. Vous y êtes presque, encore une effort »


Peeta fait un bon alors qu’elle parle. « C’est un garçon ou une fille ?»


-         « Je ne peux pas le dire avec une tête. Un peu de patience, Peeta ? » exhorte Sage. Je pourrais presque rire, mais je ne peux pas pour l’instant. Je ne sens plus une once de force en moi, mais j’essaie de faire ce que jeux peux et dans un dernier cri, je sens le bébé se libérer. Je sens une masse chaude sur mon ventre et entant un minuscule petit cri. Sage frotte le bébé avec des serviettes alors qu’il repose sur moi, je ne peux donc pas vraiment le voir dans un premier temps.


-         « Tu as entendu, Katniss ? » Me demande-t-il d’une voix épaisse. Je me suis effondrée, alors que je suis adossée au lit, épuisée, maintenue assise sur le lit.


-         « Euh, Euh. Qu’est-ce qu’elle a dit ? »


-         « C’est une fille. »


Je baisse mon regard et je finis par voir Sage s’éloigner de l’enfant. Elle est là. Grisâtre, au teint rouge. Elle crie toujours tout ce qu’elle peut, crachant autant d’aire que ses minuscules poumons le lui permettent. Ses cris se calment jusqu’à ressembler au miaulement d’un chaton quand Sage a fini ce qu’elle avait à faire avec les serviettes. Elle regarde autour d’elle rapidement, brusquement, avec curiosité. Sage demande à Peeta de couper le cordon, tout tremblant qu’il est, avant d’emmener le bébé à la pesée et de s’assurer qu’elle va bien. Elle revient rapidement vers nous, cette fois, enroulée dans une petite couverture, bien serrée. Elle regarde toujours tout autour, comme si elle essayait de tout voir en une fois.


« Qu’est-ce que tu peux bien regarder comme ça ? » Je me moque gentiment d’elle. Son petit regard se dirige vers Peeta et moi, comme si elle venait tout juste de nous remarquer. Elle babille sans enthousiasme dans notre direction avant de se blottir contre moi. Elle nous regarde toujours, mais n’est plus interrogative.


-         « Ouais, tu sais qui nous sommes, pas vrai ? » Lui demande-je


-         « Elle a tes cheveux » dit Peeta en souriant. Il sanglote, les larmes coulent sur son visage, appuyé sur le côté du lit. C’est vrai, elle a mes cheveux. Elle a déjà une tête pleine de cheveux noirs, raides comme des bâtons, tout comme moi.


-         « Elle a ton nez »



-         « Oui, c’est vrai, n’est-ce pas ? Mais regarde ses yeux. »


Elle a les yeux les plus bleus que je n’ai jamais vus. Ils sont d’un bleu sombre et profond. Je vois tellement de personnes dans ces yeux. Un petit peu de ma mère. Un peu du père de Peeta, de ce que je peux m’en souvenir. Beaucoup, vraiment beaucoup de Peeta, de la manière dont ils sont brillants et doux tout à la fois. Un petit peu de gentillesse qui est à n’en pas douter une part de Prim. Il y a aussi une petite étincelle en elle que je n’ai jamais vu en personne d’autre.


Ce n’est pas avant que Peeta ne me tende un mouchoir que je m’aperçois que je pleure autant que lui. Il la regarde tout simplement comme si c’était la chose la plus précieuse de l’univers.


« Viens, prends-la », dis-je en souriant. Peeta attend ce moment depuis le début de sa vie. Je ne vais pas le retarder davantage. Il prend délicatement la petite fille au creux de ses coudes et n’en détourne pas le regard. Je suspecte qu’il ne le fera jamais. Elle le regarde et ferme immédiatement ses petits yeux bleus, se terrant dans ses bras, satisfaite. Il s’assied en la plaçant à côté du lit, aussi près de moi qu’il peut l’être.


-         « Alors, quel est son nom ? » Sage nous le demande, professionnelle comme toujours, son stylo prêt à en prendre note.


Peeta et moi regardons son petit visage.


-         « Devrions-nous la nommer en l’honneur de quelqu’un ? »


-         « Non, elle doit être sa personne à elle. » Répons-je, décidée. Il hoche de la tête en signe d’accord. Je continue de me demander ce que ses petits yeux me rappellent. Je pense au fait que le seul endroit où elle était vraiment calme, c’étaient les bois, en particulier près du lac où je lui ai donné son surnom. Je me rappelle un bleu vif ce matin-là, à proximité de ce même lac.


-         « Iris ». Elle ressemble trait pour trait à ce petit pétale qui sortait de ce plan d’iris ce matin. Peeta la regarde avec attention, avant d’acquiescer.


-         « Ça lui correspond. »


Je m’appuie contre son épaule, m’imprégnant des deux personnes avec moi, comme deux pièces de puzzle similaires.


-         « Oui, ça lui correspond. »


La dernière chose que je vois avant que l’épuisement n’ait raison de moi est Peeta, lui souriant et lui parlant sans fin, alors qu’Iris écoute avec une pleine attention. Je m’endors en rêvant de ces brillants yeux bleus. 

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