L'Élégie d'Hallownest
Chapitre 5 : Un regard suffit pour changer un destin
3796 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour il y a 4 jours
Sly, les bras ballants, à nouveau à bout de souffle, vit le Hollow Knight se planter devant lui, la tête penchée, dans l’attente qu’il poursuive son cours. Non loin, le roi le toisait, et afficha un air satisfait.
« J… Je crois qu’il me manque les mots. Mais je me montrerai honnête. Tu es maintenant assez puissant pour que je t’apprenne un art de l’aiguillon. »
Une dizaine de jours s’étaient écoulées depuis le pari. Le Hollow Knight gagnait en force et en agilité, et Sly devait se maintenir à un très bon niveau pour tenir la cadence de son propre disciple. Il lui restait encore plus d’un tour dans sa poche. Mais pour combien de temps ?
« Crois-moi ça ne me fait pas plaisir d’admettre ma défaite. Cependant, en tant que professeur je te dois du respect. Puis, tu es là pour apprendre après tout. C’est pour cela que l’on me paye.
- Et au prix de tes tarifs, j’attends du professionnalisme de ta part. Ce dont je ne suis pas déçu. » le réconforta le Roi Pâle. Il se tourna alors vers son protégé et lui donna une tape derrière son dos.
Le vaisseau pur bouillonnait intérieurement. Il avait accompli son objectif haut la main. Ne lui restait qu’à en empocher la récompense : un savoir accru au profit de la couronne. Sly le fit s’approcher. Il rabattit son aiguillon vers l’arrière, en position offensive. D’instinct, le Hollow Knight se mit sur ses gardes.
« Ne t’inquiètes pas. Je ne vais pas t’attaquer. Seulement faire une démonstration de ma technique préféré : l’art de l’aiguillon de l’entaille éclair. »
Sly prit une longue inspiration. Ses pieds décalés, il se tenait fixe, légèrement accroupi. Un son sourd emplit l’air. La pièce entière fut comme attirée dans la direction de l’aiguillon dont la pointe se dressait, plus menaçante que jamais derrière le grand maître. Bientôt, une délicate lueur blanche l’enveloppa. Partant de la poignée, elle remonta le manche, puis la lame. Sly, les sourcils froncés, ses deux gros globes oculaires noirs à demi-fermés resta ainsi une éternité. La tension s’accumula. Le Hollow Knight lui-même se sentit happé par cette puissante aura.
Et tout cessa en un battement de cil. Sly bougea une jambe. L’instant d’après, il se tenait cinq mètres plus loin, l’aiguillon porté vers l’avant. Il trancha l’air lui-même, et la lumière se dissipa après un brusque woosh.
« C’est ce que tu dois accomplir.
- Comment suis-je supposé m’y prendre ? »
Sly posa son arme. Il effectua alors son travail de précepteur. Dans un premier temps, il montra le placement de jambe optimale. Il immobilisa le Hollow Knight, lui fit prendre la pose idéale, le corrigea, lui montra comment emmagasiner un maximum d’air dans ses poumons, recorrigea sa posture. Ainsi de suite, le vaisseau pur se retrouva dans la position exacte de son maître plus tôt.
« Nous arrivons au moment où ton job d’élève commence vraiment.
- Créer le halo blanc sur mon aiguillon ?
- Effectivement. Ce halo blanc comme tu l’appelles, ce n’est pas n’importe quoi. En réalité, les arts d’aiguillon mélangent des techniques de maîtrises de l’Âme. Mais à de si faibles quantités, et à un stade si primaire que ça n’est pas une technique enseigné à un jeteur de sort par exemple.
- Sauf que je ne sais pas l’utiliser. Vous êtes là pour l’escrime.
- Je te l’ai dit. C’est une technique qui mélange Âme et Aiguillon de manière subtile. Une très faible quantité suffit. Je ne te demande pas de dégager l’Âme de ton corps. Simplement de prendre conscience de son existence, et de venir envelopper ton arme avec en douceur. »
Perspicace malgré son inexpressivité, le Hollow Knight cessa de se concentrer que sur sa posture. Il détendit ses frêles jambes, ses maigres bras et ses épaules voutées. Puis il commença à prendre plus large connaissance de ses sensations. Sa conscience rencontra un gouffre abyssal, obscur. Son propre corps. Formé à partir de Néant. Un palpitement, dans son cœur.
Qu’est-ce qui m’anime ?
Réponse évidente. Il visualisa l’atelier, et l’exposé du roi. C’était l’Âme. Comme les autres guerriers créés, il devait être une association de Néant et d’Âme.
Mais si je possède une Âme, suis-je vide ?
Maudit paradoxe. Il effleurait le mystère entier que posait sa venue au monde. Un frisson l’assaillit. Si imperceptible que Sly ne s’en formalisa pas.
Que suis-je ? Pourquoi j’existe ? Comment je peux être en vie ? Que veut-on me cacher ?
Stop. Sa mission. Il digressait. Sa mission, utiliser l’Âme. Envelopper son aiguillon avec. Il puisa dans son cœur. Il y sentit le vide, absolu. Mais, au milieu de ce vide profond, autre chose. Une énergie. Il la dirigea. Un travail laborieux, qui porta finalement ses fruits. Il ressentit un nouveau palpitement dans sa main cette fois-ci. L’Âme en jaillit. Ou plutôt, elle s’extirpa de son doigt en faible quantité, et elle remonta la paroi en acier. Son arme devint à son tour légère. Il lui semblait tenir une vulgaire brindille dans sa main.
La mise en place de l’entaille éclair lui prodiguait toujours plus de sensations, tel que des picotements. L’aiguillon était couvert d’Âme. La pression exercée par sa propre puissance était, étonnement, écrasante. Il lui semblait se distordre entre un sentiment de volupté, de pouvoir flotter comme une plume, et en même temps celle d’avoir à bout de bras une quantité d’énergie affligeante, un lourd fardeau qu’il ne pourrait retenir longtemps.
Le Hollow Knight sentit quelque chose se briser, et relâcha la pression. Il esquissa un pas. Il retrouva pieds à l’autre bout de la pièce, face à un grand pilier qu’il érafla.
« Félicitation ! »
Sly, effaré, se joignit aux applaudissements de son souverain.
« Je dois admettre que c’est bluffant. Fallait aussi que tu possèdes un don pour l’Âme, petit veinard !
- Il possède un don dans tout ce que je lui demande de faire. Il est l’être parfait, c’est ce que m’efforce de te faire comprendre.
- Il était compréhensible que j’émette des doutes votre majesté ! Même moi, j’ai mis des mois et des mois avant de réussir ce que lui a fait en deux séances d’entraînement. Je vous dois des excuses. J’ai sous-estimé votre don de clairvoyance, et me suis fié uniquement à mon orgueil.
- Elles sont acceptées. Car n’importe qui aurait réagi de cette manière. »
Le Hollow Knight, rester sur place, avait repris le contrôle de son esprit. Pas d’étranges bulles d’émotions qui venaient gonfler son poitrail de fierté, malgré le torrent d’éloge discontinu.
Je ne suis que l’arme du roi.
Il se répéta son nouveau credo en boucle. L’unique moyen qu’il avait trouvé pour se rassurer et ignorer le doute qui tiraillait une partie de lui.
« Pour la démonstration, déployer autant d’énergie m’a épuisé. Je vais suivre vos conseils de la veille, et prendre du repos.
- Faites donc. Les progrès du vaisseau me satisfont, reprenez demain. »
Ainsi, Sly repartit. Le Roi Pâle ordonna au Hollow Knight de laisser son arme, et ils quittèrent la salle à leur tour, ensemble. Ils arpentèrent les couloirs du palais, comme lors de leur première rencontre.
« Qu’allons-nous faire ?
- Patienter jusqu’à ce que Sly soit opérationnel je suppose. Je ne veux pas te laisser seul, mais d’un autre côté, je suis assez occupé en ce moment. On m’a donné rendez-vous. »
Ils se dirigèrent donc aux quartiers principaux, et atteignirent une salle de réception confortable. Des grandes fenêtres donnaient vue sur le morne extérieur du Bassin Ancestral, et des fauteuils positionnés en des coins stratégiques permettaient de passer du bon temps. Herrah la Bête s’y était installée, seule loin de chez elle. Le Hollow Knight ne se formalisa pas de cette présence étrangère, puisqu’il ne décela aucune anomalie dans le comportement du roi.
« Vous avez du retard.
- Je tenais à être avec mon protégé aujourd’hui.
- Vous faites un bon père, lui rétorqua-t-elle railleuse. Agacé, le Roi Pâle fit un ample mouvement de bras.
- Je t’ai donné ce que tu voulais. Quel intérêt as-tu à me faire perdre mon temps ?
- Je ne vous ai pas convoqué dans le but de me moquer. Juste vous annoncez mon départ, et vous remerciez pour avoir tenu votre parole. Je sens, au fond de mon être une nouvelle conscience gagner en force. (Elle mit ses mains à son ventre) L’enfant que j’ai toujours désiré. Dommage que je l’ai qu’à un moment aussi critique.
- Je suis satisfait de pouvoir te compter dans nos rangs, mais j’espère que la naissance de ton enfant ne t’attendrira pas. Pour ce que nous allons faire, il vaut mieux ne pas avoir d’attache avec quiconque.
- Oh, ça ne m’attendrit pas, ne vous faites aucun souci. Au contraire, sa venue ne renforce que plus ma détermination. Elle – car ça aussi je le ressent, - elle sera forte grâce à vos gènes, et pourra vivre dans un monde meilleur. »
Le Roi Pâle exprima son assentiment. La reine guerrière du Nid Profond salua le souverain. Les deux se montraient du respect, là où des décennies auparavant ils se disputaient la domination de terre. Après une dernière courbette de politesse, elle quitta finalement la pièce. Sa démarche, rendue maladroite par son état, la rendait moins farouche qu’elle ne l’était. Qui pourrait deviner en la voyant ainsi qu’elle était la souveraine la plus belliqueuse et sanglante du monde connu ? Cette fois-ci, une escorte était nécessaire pour la raccompagner, le roi y veillait. Il put enfin souffler de soulagement quand les bruits claudiquant de ses pas s’éloignèrent.
« J’ai fait ce qui s’avérait nécessaire. Même si pour cela, j’ai dû manquer à mes devoirs envers ma reine. Cela n’a pas d’importance, au moins Herrah est heureuse à l’idée de mettre au monde un bâtard. Elle fera ce que je lui demanderai.
- Y a-t-il un événement que j’ai raté ? »
Il invita le Hollow Knight à s’installer à son tour, qui hésita, puis se posa proche d’un guéridon.
« Herrah la Bête est l’une des trois personnes que j’ai sélectionnées pour devenir rêveur, avec Monomon l’Érudite et Lurien le Veilleur. Avant que tu ne me harcèles de questions, sache que les rêveurs sont des êtres exceptionnels que je scellerai avec toi. Tu accueilleras Radiance et l’Infection. Eux seront plongés dans un profond sommeil et maintiendront un sceau autour de ta personne. Tu seras donc doublement protégé.
- Mais ils ont bien des sentiments ? Ils ne sont pas comme moi.
- Ce sont effectivement des insectes très courageux. Ils ont accepté de se sacrifier, seulement pour la survie du royaume, et en entière connaissance de cause. Herrah m’a imposé une condition, celle de lui donner l’enfant qu’elle n’a jamais pu avoir. Je n’étais pas en mesure de refuser. Et j’ai du respect pour elle malgré ce que j’ai pu laisser sous-entendre.
- Je vois. »
Ils restèrent sans bouger un long instant. Les secondes s’égrenaient et se distordaient à volonté dans ce lieu coupé du palais. Le Hollow Knight sauvegardait son indifférence de surface, mais chaque discussion avec le roi engendrait toujours plus d’incompréhension. Cela l’insupportait.
Oserai-je seulement émettre mes doutes en sa présence ?
Le fauteuil lui semblait si dur. Ses membres le démangeaient. Des fourmillement le long de ses bras firent leur apparition Et le roi qui continuait de regarder par la baie vitrée sans bouger. Que pouvait-il apercevoir de si intéressant ?
Rien de grave ces fourmillements. Je peux les ignorer. Ce n’est probablement qu’une conséquence de mon rude entraînement.
Il n’était pas censé ressentir de fatigue. Mais qu’est-ce que ça pourrait être d’autre alors ? Et les secondes qui s’égrenaient et se distordaient encore. Était-il assis là depuis des heures ? Son corps entier lui hurlait de se lever, de bouger. S’exprimer. Se lever. Dire quelque chose. N’importe quoi.
« Je crois que j’ai encore des questions à vous poser. »
Son interlocuteur soupira.
« Y a-t-il une chose que je ne t’ai pas racontée ?
- Oui. Des tonnes. Mais surtout une, avant mon entraînement. Vous aviez esquivé une de mes questions, en disant que vous y répondrez plus tard. On est plus tard. »
Il soupira une fois encore. Le Hollow Knight commençait à craindre que son souverain ne se dégonfle, dans tous les sens du terme.
« Le pire, c’est que tu as raison. Je sais que tu te poses des questions. Et au vu de ce que tu dois faire pour mon royaume, la moindre des choses que je puisse t’accorder est de la sincérité. Mes sujets me disent clairvoyant, et ils ont parfaitement raison de penser ça. Seulement, parfois, la peur et le déni me dirigent. Je te demande de m’accorder ta confiance. Suis-moi, il me reste encore un endroit du palais à te montrer, et ensuite je t’expliquerai tout. »
Satisfait de toucher à son objectif, le Hollow Knight suivit son souverain sans émettre une remarque. Depuis qu’ils avaient quitté l’agréable salon, le roi s’était renfermé dans le silence. Il se dirigeait machinalement vers les quartiers Est depuis environ un quart d’heure.
« Il est encore un lieu très important que tu n’as pas vu. Ma salle favorite. »
Ils s’arrêtèrent à un cul-de-sac. De prime abord, le Hollow Knight ne remarqua rien qui soit digne d’intérêt. Cette impasse-ci ressemblait aux autres, jusque dans les moindres détails. Les piliers en métal n’avaient point changés, et paraissaient toujours trop frêles pour supporter le plafond. Les murs n’avaient point changés et affichaient la même teinte gris clair. Le sol n’avait point changé, et se constituait d’un carrelage aux motifs identiques à l’infini.
La salle mena vers un balcon devant lequel le Roi Pâle s’arrêta pour admirer l’horizon. Les lierres et les buissons formaient un magnifique cadre. Prit dans le moment présent, le Hollow Knight jeta un coup d’œil au-dehors. Il lui restait tant de mystères à tirer au clair sur Hallownest. La conversation qu’il désirait tenir n’en constituait qu’une infime partie.
« Je me sens apaisé ici. » murmura le roi.
Il inspira un grand coup, perdu dans sa contemplation. Puis il expira, serein.
« J’ai voulu d’une Hallownest éternelle, sans me soucier des conséquences. Je me suis attiré les foudres de plus fort que moi. J’ai trouvé un rival digne de mon rang en la personne de Radiance. Tu es mon plan pour nous sauver. Je te l’ai déjà dit. Tu es le vaisseau. Tu es le Hollow Knight.
- Je sais cela. Mais en essayant d’utiliser l’Âme tout à l’heure. J’ai d’une certaine manière, sondée mon propre cœur. J’y ai découvert le Néant. Et aussi de la vie. Je suis animé d’une conscience. Or, vous ne cessez de me répéter que je suis un être vide. Pour de bon, comment vous pouvez être sûr que je le sois réellement ?
Le roi grimaça. Enfin, le point sensible.
« Oh, si ce n’était pas possible, tu ne serais pas à mes côtés. Je t’aurais tué. »
La déclaration ne lui provoqua aucun choc. Pourtant, le roi parut si mal à l’aise, qu’il sembla au Hollow Knight que si ce dernier aurait eu le pouvoir de disparaître, il en aurait usé.
« Mon plan était simple : ensemencé des milliers d’œufs la reine et moi. Ces œufs, nous les avons placés dans les Abysses où le Néant – la même matière que celle de la fiole - est omniprésent. Ton organisme s’est développé au beau milieu de ce vide. Puis, vous avez éclos. Cependant, pour sceller Radiance et l’Infection, il faut sélectionner l’être le plus pur qui soit, le plus imbibé par le Néant, le plus insensible. Les autres ne sont pas nécessaires au plan. Je vous ai appelé, et j’ai attendu en haut des Abysses. Le premier arrivé serait logiquement le plus fort. Et ça été toi. Tes frères ont échoué. J’ai mis au monde des milliers d’enfants dans le but de les laisser pourrir dans les Abysses. Excepté un, le meilleur, qui devra se sacrifier pour me sauver. Comprends-tu ce que ça implique ?
- Vous m’avez créé. Je suis votre dévoué serviteur, votre arme.
- Je répète ma question. Comprends-tu réellement ce que ça implique ? »
Il se montra incisif, pressant. La grimace ne quittait pas son visage.
« J’ai laissé mourir mes propres enfants. J’ai assassiné tes frères. Cela devrait faire de moi un monstre. La reine elle-même fut si dégoûtée par cet acte qu’elle partit se reclure dans ses jardins de longues semaines avant ta naissance ! Je m’apprête à donner mon propre fils en sacrifice à ma Némésis ! »
Il n’osa pas regarder sa progéniture de face. Le Hollow Knight ne comprit pas la cause de l’abattement de son souverain.
« Je pensais que je n’étais rien de plus qu’un outil entre vos mains. Est-ce ainsi que vous me considérez ? »
Le Roi Pâle tourna la tête. Le Hollow Knight en fit tout autant. Son père prit son courage à deux mains. Ses yeux rencontrèrent ceux de son enfant.
Non…
Le Hollow Knight se sentit frappé par la foudre…
NON…
Le Hollow Knight se rendit compte pour la première fois qu’il était un individu.
Je me rendis compte que je possédais une personnalité.
Quand le Roi Pâle se tourna dans ma direction, j’en fis tout autant. Et ses yeux rencontrèrent les miens.
Un tourbillon incontrôlable d’émotion m’assaillit. J’étais le Hollow Knight, un vaisseau. Mon géniteur me préparait en sacrifice afin que je scelle un dieu ancien. Il portait le lourd fardeau de la responsabilité du massacre de mes semblables. Pourtant, en cet instant précis, j’étais absolument certains d’une chose. La manière dont il me regardait. Ce n’était pas celle qu’avait un guerrier devant son arme. C’était celle d’un père se confiant à son fils.
« Peut-être qu’une partie de mon cerveau ne peut s’empêcher de te voir comme mon enfant. Cependant, toi, tu es incapable d’éprouver la moindre affection. Tu es creux. »
Ou plutôt je suis censé l’être, pensais-je.
L’effroi me saisit. Je ressentais des émotions. Le roi m’avait dit qu’il voulait un vaisseau parfaitement pur. Et s’il s’était trompé en me choisissant ?
« Ai-je bien répondu à ton interrogatoire ? Es-tu satisfait ? »
Il retrouva enfin son calme habituel. Pour autant, sa confidence ne cessait de me tourmenter. Je fus pris d’une hésitation. S’il se rendait compte que je n’étais pas le vaisseau pur, qu’adviendrait-il de moi ? Je me sentis paralysé par l’indécision. Il me jeta un regard inquisiteur. Je réprimai un frissonnement.
Mes émotions me condamneront si je les écoute.
Je n’avais qu’à faire comme s’il elle n’existait pas. Après tout, il y a encore un instant, je n’avais pas de personnalité a proprement parlé. Je me repris en main, et rétorquai du ton le plus froid que je pus :
« Parfaitement. Quand poursuivrai-je l’entraînement ?
- N’importe quand. D’après mes prévisions, tu vas rester encore plusieurs jours au Palais Blanc avec Sly. Puis, nous partirons pour le Cœur du Royaume. Ton premier voyage, pour te perfectionner. »
Je lui emboîtai le pas. J’allais devoir apprendre à repousser mes propres sentiments pour le bien de tous. Je devais devenir le Hollow Knight. Une question de vie ou de mort pour moi, mon père, et ses sujets.